BELARUS

Trois condamnations à mort ont été prononcées et deux exécutions ont eu lieu. Le droit à la liberté d’expression et de réunion a fait l’objet d’importantes restrictions. Des manifestants non violents ont été arrêtés et condamnés à des peines d’amende. Certaines allégations de torture ou d’autres mauvais traitements n’ont pas donné lieu à une enquête impartiale et menée dans les meilleurs délais. Des prisonniers d’opinion se sont vu refuser l’accès à des soins médicaux et à une assistance juridique.

RÉPUBLIQUE DU BÉLARUS
CHEF DE L’ÉTAT : Alexandre Loukachenko
CHEF DU GOUVERNEMENT : Sergueï Sidorski
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 9,6 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 69,6 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 14 / 9 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 99,7 %

Contexte

En décembre, le président Alexandre Loukachenko a été réélu pour un quatrième mandat consécutif avec 79,7 % des suffrages, lors d’un scrutin qui, selon les observateurs internationaux, n’a pas été conforme aux normes de l’OSCE. Des sympathisants de l’opposition qui manifestaient, pacifiquement pour la plupart, à la fermeture des bureaux de vote le 19 décembre ont été brutalement dispersés par la police antiémeutes. Une vague de répression s’est ensuite abattue sur les militants de l’opposition, les défenseurs des droits humains et les journalistes, contre qui les autorités ont multiplié arrestations arbitraires, perquisitions, menaces et autres formes de persécution.

Peine de mort

Plusieurs représentants des pouvoirs publics ont exprimé leur volonté d’examiner la question de la peine de mort avec la communauté internationale. Un groupe de travail sur la peine capitale a été mis en place en février par le Parlement. En septembre, le gouvernement a reconnu devant le Conseil des droits de l’homme [ONU] la nécessité d’abolir ce châtiment. Il s’est dit décidé à faire évoluer l’opinion publique en faveur d’une telle mesure et à poursuivre sa coopération en ce domaine avec la communauté internationale. Le Bélarus a néanmoins continué de prononcer des condamnations à mort et de procéder à des exécutions.

  • Condamnés à mort respectivement en juin et juillet 2009, Vassily Youzeptchouk et Andreï Jouk ont été exécutés au mois de mars. Comme c’est l’habitude au Bélarus, ni les condamnés ni leurs proches n’avaient été informés de la date prévue pour l’exécution. La mère d’Andreï Jouk n’a appris la mort de son fils que le 19 mars, alors qu’elle était venue lui apporter un colis de nourriture. Ces exécutions ont eu lieu alors que les deux hommes avaient saisi le Comité des droits de l’homme [ONU] et que ce dernier avait demandé au gouvernement de surseoir à leur mise à mort tant que leurs requêtes n’auraient pas été examinées.
  • Oleg Grichkovtsov et Andreï Bourdyka ont été condamnés à mort le 14 mai par le tribunal régional de Hrodna, pour meurtre avec préméditation, agression à main armée, incendie volontaire, enlèvement de mineur, vol simple et vol qualifié. Leurs appels ont été rejetés par la Cour suprême le 17 septembre 2010.
  • Ihar Myalik a été condamné à mort le 14 septembre par le tribunal régional de Mahilyow pour une série d’attaques à main armée et de meurtres commis en 2009 sur la route qui relie Mahilyow à Homel. Un deuxième homme a été condamné à l’emprisonnement à vie pour les mêmes faits ; un troisième est mort en détention avant la fin du procès.

Liberté d’expression

Dans un courrier adressé en mai aux autorités bélarussiennes, la représentante de l’OSCE pour la liberté des médias s’est dite préoccupée par les pressions exercées sur la presse indépendante locale, constatant que l’intimidation des journalistes avait un effet « refroidissant » sur le journalisme d’investigation, déjà affaibli, au Bélarus.

  • Le corps d’Aleh Byabenine, rédacteur et fondateur de Charte 97, site non officiel d’actualités en ligne, a été retrouvé le 3 septembre, une corde autour du cou, pendu à la rampe de l’escalier de sa maison de campagne. Le 4 septembre ont été annoncés les premiers résultats de l’examen médicolégal, qui concluaient que le suicide était la cause la plus probable de la mort d’Aleh Byabenine. Des collègues et des proches de la victime ont cependant mis en doute cette version, soulignant un certain nombre d’incohérences concernant la manière dont le corps a été retrouvé et rappelant qu’Aleh Byabenine avait été la cible des autorités par le passé. Ils notaient en outre que, peu avant sa mort, il avait rejoint l’équipe de campagne d’Andreï Sannikau, candidat d’opposition à l’élection présidentielle.
    Le Décret présidentiel n° 60 « sur les mesures destinées à améliorer l’usage du secteur national d’Internet » est entré en vigueur le 1er juillet. Ce décret exige entre autres des fournisseurs de services Internet qu’ils vérifient l’identité de leurs abonnés en personne et qu’ils permettent aux pouvoirs publics d’avoir accès aux données concernant ces derniers. Des mesures ont en outre été prises pour limiter l’accès aux informations pouvant être considérées comme extrémistes, pornographiques ou incitant à la violence ou à d’autres actes contraires à la loi. Selon une étude demandée par l’OSCE, ces mesures conduisent à des restrictions injustifiées du droit des citoyens à recevoir et à diffuser des informations et donnent aux autorités des pouvoirs extrêmement étendus, leur permettant de limiter l’accès à certaines sources d’information.

Liberté de réunion

La liberté d’expression et de rassemblement restait soumise aux dispositions restrictives de la Loi sur les actions de masse. Aux termes de ce texte, les organisateurs d’une manifestation doivent solliciter la permission des autorités locales. Aucune manifestation n’est autorisée à moins de 200 mètres d’une station de métro ou d’un passage pour piétons. Les organisateurs ont également la responsabilité d’assurer la sécurité publique, ainsi qu’un service médical pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après – autant de mesures qu’ils doivent financer. De nombreuses demandes d’autorisation ont été refusées au motif que ces conditions n’étaient pas remplies.

  • Le 8 mai, la municipalité de Minsk a refusé d’autoriser le défilé de la Slavic Pride (« Gay Pride slave ») prévu le 15 du même mois, parce que l’itinéraire envisagé passait à moins de 200 mètres de stations de métro et de passages pour piétons. Bravant cette interdiction, un certain nombre de personnes ont néanmoins manifesté le 15 mai. Huit d’entre elles ont été interpellées au cours du week-end. Cinq ont été inculpées de participation à une manifestation non autorisée et sanctionnées d’une amende.
  • La police antiémeutes a brutalement dispersé une manifestation essentiellement pacifique organisée à l’issue du scrutin présidentiel du 19 décembre. Plus de 700 personnes ont été inculpées d’infractions administratives et détenues pendant des périodes allant de 10 à 15 jours. Ces hommes et ces femmes qui n’avaient fait qu’exercer sans violence leur droit à la liberté d’expression ont été arrêtés arbitrairement. Un grand nombre de manifestants ont été brutalisés par les agents de la force publique.

Torture et autres mauvais traitements

Le Bélarus a soumis en août son quatrième rapport périodique au Comité contre la torture [ONU]. Le document rejette la recommandation formulée en 2000 par ce même Comité, qui demandait que soit inscrite dans le Code pénal une définition de la torture conforme à celle figurant dans la Convention internationale contre la torture [ONU]. Il affirme en outre que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements sont examinées par le parquet. Un autre rapport, soumis celui-là en décembre par des ONG, déplore cependant que les plaintes déposées auprès du parquet ne débouchent que rarement sur des enquêtes pénales concernant les faits de torture dénoncés et ne donnent généralement lieu qu’à des investigations sommaires, se limitant à une audition des policiers incriminés.

  • Le 18 janvier, le procureur du quartier du Soviet, à Minsk, a rejeté une demande d’ouverture d’information sur des allégations de torture formulées par Pavel Levchine. Soupçonné de vol, ce dernier avait été arrêté le 9 décembre 2009 par des policiers du commissariat du quartier du Soviet et placé en garde à vue. Pavel Levchine affirme avoir été torturé et, plus généralement, maltraité par des policiers le 10 décembre, de 17 à 20 heures. Dans sa plainte, il expliquait que ces policiers l’avaient menotté et mis à plat ventre, avant de lui coincer les pieds derrière les mains, dans une position connue sous le nom de « l’hirondelle ». Ils l’auraient ensuite frappé à coups de matraque en caoutchouc et de bouteilles en plastique remplies d’eau. Ils lui auraient également passé un sac en plastique sur la tête à cinq reprises, l’amenant au bord de l’asphyxie. Bien qu’un examen médicolégal ait confirmé qu’il présentait des lésions conformes à ses allégations, le procureur, citant le rapport de police, a déclaré qu’aucune preuve de torture n’avait été trouvée.

Prisonniers d’opinion

À la fin de l’année, 29 personnes, dont six candidats de l’opposition à l’élection présidentielle, des membres de leur équipe de campagne et des journalistes, étaient inculpées d’« organisation de troubles à l’ordre public de grande ampleur », pour leur participation aux manifestations du 19 décembre. Elles étaient passibles de 15 ans d’emprisonnement. Un grand nombre d’entre elles avaient été inculpées pour avoir simplement exprimé leurs opinions, sans recourir à la violence ni prôner son usage. Seize au moins étaient des prisonniers d’opinion.

  • Andreï Sannikau, candidat de l’opposition à l’élection présidentielle, a été arrêté lors de la manifestation du 19 décembre. Frappé par des policiers antiémeutes, il a été blessé aux jambes. Alors qu’on l’emmenait à l’hôpital avec sa femme, la journaliste Irina Khalip, des policiers ont fait arrêter la voiture dans laquelle il se trouvait et il a été interpellé. Le 27 décembre, des employés des services d’aide sociale à l’enfance se sont rendus auprès de leur fils Danil, âgé de trois ans. Ils ont informé sa grand-mère qu’elle devait effectuer des démarches afin d’obtenir la garde de l’enfant, faute de quoi il serait placé. Le 29 décembre, Andreï Sannikau a été inculpé du délit d’« organisation de troubles à l’ordre public de grande ampleur ». Irina Khalip a elle aussi été arrêtée et inculpée. L’avocat d’Andreï Sannikau n’a pu s’entretenir avec son client que de manière irrégulière. Il a fait part de ses préoccupations quant au fait qu’Andreï Sannikau ne recevait peut-être pas les soins médicaux nécessaires pour traiter ses blessures aux jambes. Il a ensuite été menacé de radiation du barreau parce qu’il avait évoqué publiquement ses inquiétudes concernant la santé de son client.
    Le service militaire était toujours obligatoire, mais des discussions étaient en cours concernant l’élaboration d’un projet de loi instaurant un service de remplacement. Deux objecteurs de conscience ont été acquittés au cours de l’année.

Visites d’Amnesty International

  • Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues au Bélarus en septembre.
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