ROYAUME-UNI

L’ouverture d’une enquête sur des allégations d’implication du Royaume-Uni dans des actes de torture, entre autres violations des droits fondamentaux de personnes détenues à l’étranger, a été annoncée. Des pouvoirs cruciaux en matière de lutte antiterroriste étaient en cours de réexamen. Le gouvernement continuait de s’appuyer sur des « assurances diplomatiques » pour tenter de renvoyer des personnes vers des pays où la torture était pratiquée. Cette année encore, des cas d’atteintes aux droits humains imputables à des soldats britanniques en Irak ont été signalés. L’enquête sur le « Dimanche sanglant » a conclu que les tirs des soldats britanniques ayant fait des morts et des blessés étaient injustifiés. Cette année encore, des personnes ont été renvoyées contre leur gré à Bagdad.

ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD
CHEF DE L’ÉTAT : Elizabeth II
CHEF DU GOUVERNEMENT : Gordon Brown, remplacé par David Cameron le 11 mai
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 61,9 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 79,8 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 6 / 6 ‰

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Torture et autres mauvais traitements

En juillet, le Premier ministre a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’implication du Royaume-Uni dans les mauvais traitements qui auraient été infligés à des personnes détenues hors du territoire national par des services de renseignement étrangers dans le cadre d’opérations antiterroristes. Formée de trois personnes et présidée par le commissaire aux services du renseignement (dont la mission est de contrôler la régularité de l’action de ces services), la commission d’enquête devait débuter ses travaux en 2011. Des organisations de la société civile et de défense des droits humains ont exprimé leur crainte que cette instance ne dispose pas de pouvoirs suffisants et qu’elle ne manque d’indépendance.
Le gouvernement a diffusé le même jour des consignes pour la détention et les interrogatoires par les membres des services britanniques du renseignement de personnes retenues hors du Royaume-Uni, ainsi que pour la communication d’informations concernant ces détenus. Des organisations de défense des droits humains ont affirmé que ces directives étaient contraires aux normes internationales relatives aux droits humains.

En juillet, la Haute Cour a ordonné la divulgation de documents jusque-là secrets et concernant la détention de ressortissants et de résidents britanniques par des agences de renseignement des États-Unis et d’autres pays. Ces documents ont apporté de nouveaux éléments démontrant l’implication du Royaume-Uni dans des violations des droits humains et indiquant que les autorités, jusqu’au plus haut niveau de l’État, en avaient connaissance.

En novembre, le ministre de la Justice a annoncé le versement d’une indemnisation à 16 sujets britanniques et personnes résidant au Royaume-Uni en exécution d’un accord négocié suite à une procédure civile intentée par d’anciens détenus de Guantánamo Bay qui sollicitaient des dommages-intérêts. Les termes de l’accord n’ont pas été rendus publics.

  • Le 10 février, la Cour d’appel a ordonné la divulgation de sept paragraphes concernant le traitement subi par Binyam Mohamed durant sa détention par les États-Unis à Guantánamo Bay. Ces textes confirmaient que des agents des services britanniques du renseignement savaient que Binyam Mohamed était torturé et maltraité pendant sa détention par les États-Unis. Le 17 novembre, le ministère public a conclu à l’insuffisance de preuves pour engager des poursuites contre un agent des services de sécurité britanniques, pour d’éventuelles infractions pénales liées à un interrogatoire de Binyam Mohamed effectué le 17 mai 2002 alors que celui-ci était détenu au Pakistan.

Des investigations plus vastes sur des allégations d’infractions pénales commises par des membres des services de sécurité britanniques, notamment dans le cas de Shaker Aamer, ancien résident au Royaume-Uni, n’étaient pas terminées à la fin de l’année. Cet homme était toujours incarcéré sans inculpation à Guantánamo Bay, bien que les autorités britanniques aient confirmé publiquement qu’elles étaient prêtes à l’accueillir.

Évolutions législatives et politiques

Le 12 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que les pouvoirs qu’ont les policiers britanniques, en vertu de l’article 44 de la Loi de 2000 relative au terrorisme, d’interpeller et de fouiller des personnes en l’absence de tout motif raisonnable de soupçonner une infraction étaient illégaux, car ils constituaient une violation du droit au respect de la vie privée. Le gouvernement a annoncé par la suite que les personnes ne seraient plus fouillées en vertu de ces pouvoirs.

Le ministère de l’Intérieur a annoncé en juillet un « réexamen rapide » de six pouvoirs cruciaux en matière de lutte antiterroriste, à savoir les ordonnances de contrôle, les pouvoirs d’interpellation et de fouille en vertu de l’article 44 de la Loi de 2000 relative au terrorisme, l’accès aux données relatives aux communications au titre de la Loi de 2000 sur la régulation des pouvoirs d’enquête, le recours aux assurances diplomatiques pour expulser des personnes, les mesures à prendre concernant les organisations faisant l’apologie de la haine ou de la violence, et la détention sans inculpation des personnes soupçonnées d’activités terroristes.

  • Huit ans après que les tribunaux eurent conclu qu’il n’existait « absolument aucune preuve » étayant les accusations dont il avait fait l’objet, le gouvernement a annoncé, en avril, que Lotfi Raissi, accusé à tort d’avoir participé aux attentats perpétrés le 11 septembre 2001 aux États-Unis, avait droit à une indemnisation.

« Ordonnances de contrôle »

À la date du 10 décembre, huit ressortissants britanniques faisaient l’objet d’« ordonnances de contrôle ». Ces mesures, prises en vertu des dispositions de la Loi de 2005 relative à la prévention du terrorisme, permettent à un ministre, sous réserve d’un réexamen judiciaire limité, d’imposer des restrictions sévères à toute personne soupçonnée d’implication dans des actes de terrorisme. Le système des « ordonnances de contrôle » a été prorogé en mars par le Parlement pour une durée d’un an.

  • Statuant dans l’affaire d’un homme désigné par les lettres « AP », la Cour suprême a estimé, en juin, que les conditions de son ordonnance de contrôle, qui l’obligeaient à vivre dans une ville située à environ 200 kilomètres du lieu de résidence de sa famille et lui imposaient un couvre-feu d’une durée de 16 heures, créaient un isolement social constituant une privation de son droit à la liberté.

La Haute Cour a confirmé en septembre l’importance des droits familiaux en statuant que le transfert forcé de la résidence d’un homme identifié par les lettres « CA » était injustifié car il affectait de manière disproportionnée son droit à la vie familiale.

  • Dans l’affaire d’un homme désigné par les lettres « AY », la Haute Cour a estimé, le 26 juillet, que pour imposer une ordonnance de contrôle le gouvernement pouvait s’appuyer sur les mêmes éléments que ceux utilisés auparavant dans une procédure qui n’avait pas abouti.

Expulsions

Cette année encore, le gouvernement a cherché à expulser des personnes dont il affirmait qu’elles représentaient un danger pour la « sécurité nationale » vers des pays où elles couraient le risque d’être torturées ou maltraitées. En mai, l’équipe nouvellement nommée a annoncé qu’elle maintiendrait et étendrait l’utilisation des « assurances diplomatiques », affirmant qu’elles suffisaient à réduire le risque de torture.

Les procédures de contestation de ces mesures d’éloignement devant la Commission spéciale des recours en matière d’immigration (SIAC) restaient inéquitables. Elles s’appuyaient notamment sur des éléments tenus secrets et auxquels ni les personnes concernées ni l’avocat de leur choix n’avaient accès.

  • Bien que la SIAC ait statué en 2007 que l’Algérien Mouloud Sihali ne représentait pas un danger pour la sécurité nationale, le gouvernement voulait toujours l’expulser vers son pays d’origine. En mars, la SIAC a débouté cet homme de son appel contre la décision d’expulsion en concluant que les « assurances diplomatiques » négociées entre le Royaume-Uni et l’Algérie suffisaient à réduire le risque qu’il était susceptible d’encourir à son retour dans son pays. L’affaire était en instance devant la Cour d’appel à la fin de l’année.
  • En mai, la SIAC a conclu que le Royaume-Uni ne pouvait pas expulser deux Pakistanais vers leur pays d’origine, où ils encouraient un risque de torture ou de mauvais traitements. Elle a en outre considéré que des assurances confidentielles ne constituaient pas une garantie suffisante permettant d’atténuer ce risque.
  • La première requête contre une décision s’appuyant sur le protocole d’accord négocié entre le Royaume-Uni et l’Éthiopie a échoué. S’adossant à des assurances de traitement humain fournies par le gouvernement éthiopien, la SIAC a conclu, en septembre, qu’un ressortissant éthiopien identifié par les lettres « XX », qui affirmait encourir un risque d’être torturé à son retour, pouvait être renvoyé dans son pays. Cette décision devait être frappée d’appel.

Justice

Cette année encore, le gouvernement a tenté de renforcer le secret des procédures judiciaires. La Cour d’appel a statué le 4 mai que, dans la procédure civile introduite par six anciens détenus de Guantánamo Bay contre les autorités pour complicité de torture, le gouvernement ne pouvait se fonder sur l’examen d’éléments de preuve effectué au cours d’audiences secrètes. La Cour a fait valoir que le fait d’autoriser une telle procédure, qui permettrait au gouvernement britannique de présenter des documents secrets au cours d’audiences à huis clos, en l’absence d’autorité légale à cette fin, porterait atteinte au principe fondamental d’équité des procès.

L’affaire était en instance devant la Cour suprême à la fin de l’année.
En juillet, le gouvernement a annoncé son intention de rendre publiques des propositions relatives à la manière de traiter les éléments fournis par les services du renseignement dans le cadre des procédures judiciaires.

  • L’enquête sur la mort d’Azelle Rodney, abattu le 30 avril 2005 par des agents de la police métropolitaine, a débuté le 6 octobre. Les tentatives du gouvernement de garder secrets des éléments essentiels concernant la mort de cet homme avaient donné lieu à des projets en vue d’instaurer une « enquête secrète » du coroner (laquelle est menée en cas de mort violente, subite ou suspecte), qui avaient été rejetés à deux reprises par le Parlement. La possibilité que cette enquête soit effectuée en secret restait source de préoccupation.
  • Le 3 novembre, la coroner chargée de l’enquête sur les décès liés aux attentats perpétrés à Londres le 7 juillet 2005 a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de tenir des audiences à huis clos qui permettraient au gouvernement de soumettre des éléments secrets en l’absence des familles des victimes. Le gouvernement a été débouté le 22 novembre de l’appel qu’il avait interjeté de cette décision.

Forces armées britanniques en Irak

En mars, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que le Royaume-Uni avait violé l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme dans l’affaire Al Saadoon et Mufdhi. Ces deux Irakiens avaient été remis aux autorités irakiennes alors qu’il existait des motifs sérieux de croire qu’ils risquaient d’être condamnés à mort et exécutés.

En mars, le ministère de la Défense a annoncé la création de l’Iraq Historic Allegations Team (IHAT), une commission chargée d’enquêter sur les allégations d’infractions pénales liées aux mauvais traitements infligés à des citoyens irakiens par des soldats britanniques. Les investigations, qui ont débuté en novembre, devraient durer deux ans.

La Cour suprême a conclu en juin que les membres des forces armées qui servent en dehors du territoire britannique ne pouvaient pas bénéficier des droits garantis par la Loi de 1998 relative aux droits humains.

  • Les auditions dans l’enquête sur les circonstances de la mort de Baha Mousa se sont terminées en octobre. Cet homme est mort en septembre 2003 dans un centre de détention géré par le Royaume-Uni en Irak, après avoir été torturé pendant 36 heures par des soldats britanniques. Le rapport définitif était attendu pour avril 2011.

En décembre, la Haute Cour a rejeté une requête introduite par 142 Irakiens qui sollicitaient une seule enquête publique sur des cas de torture et de mauvais traitements qui auraient été infligés dans des centres de détention et d’interrogatoire gérés par l’armée britannique dans le sud de l’Irak entre mars 2003 et décembre 2008. La Cour n’a pas exclu la possibilité qu’une telle enquête soit diligentée à l’avenir. Cette décision devait être frappée d’appel.

Justice internationale

En novembre, la ministre de l’Intérieur a soumis au Parlement un projet de loi contenant des mesures qui, si elles étaient adoptées, rendraient plus difficile la délivrance par les magistrats de mandats d’arrêt à l’encontre d’auteurs présumés de crimes de guerre et de tortionnaires présents sur le territoire britannique.

Police et forces de sécurité

En juillet, le parquet a annoncé qu’aucune inculpation ne serait prononcée dans l’affaire Ian Tomlinson. Cet homme est mort en avril 2009 durant les manifestations organisées à Londres à l’occasion du G-20, après avoir été frappé à coups de matraque sur le mollet par un policier, qui l’a ensuite fait tomber. Les procureurs ont conclu qu’il n’était pas réaliste de penser que le policier mis en cause serait déclaré coupable, en raison de désaccords entre les médecins experts sur la cause du décès de Ian Tomlinson.

  • En août, le parquet a annoncé que quatre membres du Groupe territorial de soutien de la police métropolitaine allaient être inculpés de coups et blessures sur la personne de Babar Ahmad au moment de son arrestation, le 2 décembre 2003.

Irlande du Nord

On a appris en février le désarmement de trois groupes paramilitaires, dont l’Armée nationale de libération irlandaise (INLA). Les violences exercées par des groupes paramilitaires n’ont toutefois pas cessé : des groupes républicains dissidents ont mené des attaques graves contre des membres des forces de sécurité, entre autres cibles ; un homicide commis à Belfast en mai a par ailleurs été attribué à un groupe loyaliste.

Les résultats de l’enquête sur le « Dimanche sanglant » – le 30 janvier 1972, 13 personnes qui manifestaient en faveur des droits civiques avaient été abattues et de nombreuses autres blessées par des soldats britanniques en Irlande du Nord – ont été rendues publiques le 15 juin. L’enquête a conclu qu’aucune des personnes tuées ou blessées ce jour-là ne portait la responsabilité des tirs et qu’aucune d’entre elles ne représentait une menace de mort ou de blessure grave. Le rapport a confirmé que plusieurs des victimes avaient été atteintes d’une balle dans le dos alors qu’elles s’enfuyaient. Il a également constaté que de nombreux soldats avaient manifestement et sciemment fait de fausses déclarations. Par conséquent, les tirs des soldats britanniques ayant fait des morts et des blessés étaient non justifiés. Réagissant à ces conclusions, le Premier ministre a présenté des excuses publiques.

En décembre, le gouvernement d’Irlande du Nord a fait part de son intention d’ordonner une enquête sur les mauvais traitements infligés par le passé aux enfants placés dans des institutions.

  • Rendu public en septembre, le rapport définitif de l’enquête sur la mort de Billy Wright, en 1997, n’a mis au jour aucun élément démontrant la complicité de l’État. Il a toutefois recommandé une réforme d’ensemble du système pénitentiaire. Les rapports définitifs sur les meurtres de Robert Hamill et de Rosemary Nelson, une avocate militante des droits humains, n’avaient pas été déposés à la fin de l’année.
  • Le gouvernement n’avait toujours pas tenu son engagement de mettre en place une commission d’enquête indépendante sur les allégations de complicité de l’État dans le meurtre, commis en 1989, de Patrick Finucane, un éminent avocat et défenseur des droits humains.

Réfugiés, demandeurs d’asile et migrants

En juillet, la Cour suprême a estimé que des personnes ne devaient pas être forcées de dissimuler leur orientation sexuelle pour éviter les persécutions dans leur pays d’origine. Une décision de justice antérieure avait considéré qu’il était possible de renvoyer des demandeurs d’asile dans un tel cas, sous réserve que leur situation puisse être considérée comme « raisonnablement supportable ».
En août, la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles a saisi la Cour de justice de l’Union européenne au sujet de la compatibilité avec le droit relatif aux réfugiés et aux droits humains du renvoi de demandeurs d’asile en Grèce au titre du Règlement Dublin II. Le Royaume-Uni a confirmé en septembre la suspension des transferts vers la Grèce, en attendant que la Cour de justice ait statué.

  • Des personnes ont été renvoyées contre leur gré à Bagdad (Irak), contrairement à l’avis du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
  • Le 12 octobre, Jimmy Mubenga est mort au cours d’une tentative pour le renvoyer de force en Angola. Selon des témoins, il a perdu connaissance après que des gardes de sécurité privés eurent fait usage d’une force excessive pour le maîtriser.

En décembre, le vice-Premier ministre a réaffirmé l’engagement du gouvernement de coalition de mettre un terme à la pratique consistant à placer des enfants en détention administrative en vertu de la Loi sur l’immigration. Il a fixé l’échéance de mai 2011 pour l’arrêt de cette pratique.

Violences faites aux femmes

La non-application de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains [Conseil de l’Europe] était source de préoccupation. Le gouvernement n’avait pas mis en place les garanties suffisantes pour les enfants victimes de la traite ni pour identifier correctement les victimes, ce qui entraînait des violations de leurs droits fondamentaux et réduisait l’efficacité des poursuites.

En juillet, la ministre de l’Intérieur a accepté de prolonger jusqu’en mars 2011 un projet pilote d’aide aux victimes de violences domestiques dont le statut du point de vue de l’immigration est précaire et qui, de ce fait, n’ont pas accès aux fonds publics, tout en cherchant une solution permanente pour garantir leur protection.

Le gouvernement a rendu public le 25 novembre son nouveau Plan national d’action destiné à la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité, en vue d’inclure une perspective de genre dans les processus post-conflictuels.

Visites d’Amnesty International

Tout au long de l’année, des délégués d’Amnesty International ont assisté à des procès en Angleterre.

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