LIBAN

Les réfugiés palestiniens continuaient d’être victimes de discriminations, qui se traduisaient par des restrictions dans le domaine de l’accès au travail, à la santé, à l’éducation et à un logement convenable. Au moins 23 Irakiens reconnus comme réfugiés auraient été expulsés, et de très nombreux autres réfugiés et demandeurs d’asile ont été incarcérés dans des conditions pouvant être assimilées à une détention arbitraire. Au moins 19 personnes ont été déclarées coupables à l’issue de procès inéquitables d’espionnage pour le compte d’Israël ou de collaboration avec ce pays ; 12 d’entre elles auraient été condamnées à mort. De nouvelles informations ont fait état d’actes de torture infligés à des détenus. Les employées de maison étrangères continuaient d’être très souvent victimes de discrimination et de mauvais traitements. Les autorités ont pris peu de mesures pour enquêter sur le sort des milliers de personnes ayant disparu pendant la guerre civile de 1975-1990.

République libanaise
CHEF DE L’ÉTAT : Michel Sleiman
CHEF DU GOUVERNEMENT : Saad Hariri
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 4,3 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,4 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 31 / 21 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 89,6 %

Contexte

Les tensions se sont exacerbées dans le pays et au sein du fragile gouvernement d’unité nationale alors que des informations faisaient état de la mise en accusation de membres du Hezbollah par le Tribunal spécial pour le Liban dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat en 2005 de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Le Hezbollah a appelé au boycottage de cette juridiction, qu’il accusait d’être politisée et de ne pas avoir enquêté sur des allégations qui avaient entraîné le maintien en détention – sans inculpation et pendant près de quatre ans – de quatre anciens dirigeants des services de sécurité et de renseignement libanais. En septembre, le Premier ministre Saad Hariri a dit avoir commis une erreur en accusant le gouvernement syrien d’être responsable de l’assassinat de son père.
Seize personnes, dont au moins sept civils, ont trouvé la mort à la suite de violences politiques ou ont été tuées par des membres des forces de sécurité. En novembre, dans un cas probable d’utilisation excessive de la force, deux civils ont été abattus par des agents de la police des frontières à proximité du village de Wadi Khaled, dans le nord du pays. Selon certaines sources, ils circulaient à moto et n’avaient pas obtempéré à l’ordre de s’arrêter. Deux autres civils ont ensuite été tués par balle par des agents de la police des frontières au cours d’un mouvement de protestation contre ces homicides.
La tension restait vive à la frontière avec Israël. Des avions de l’armée de l’air israélienne ont violé à maintes reprises l’espace aérien libanais et les forces israéliennes continuaient d’occuper une partie du village de Ghajar. En août, au moins deux soldats et un journaliste libanais ainsi qu’un soldat israélien ont été tués au cours d’un affrontement transfrontalier.
Au moins deux personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées par l’explosion de bombes à sous-munitions et de mines terrestres laissées dans le sud du pays par les forces israéliennes au cours des années précédentes.
Le Comité des droits humains du Parlement libanais poursuivait la rédaction d’un plan d’action national pour les droits humains.
La situation des droits humains au Liban a été examinée en novembre dans le cadre de l’examen périodique universel des Nations unies. Le gouvernement a accepté de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme au recours à la torture et aux traitements cruels, inhumains et dégradants.

Procès inéquitables

Au moins 20 personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité ont été déférées devant des tribunaux qui appliquaient une procédure non conforme aux normes d’équité internationalement reconnues.
Plus de 120 personnes détenues sans inculpation depuis 2007 en raison de leurs liens présumés avec le groupe armé Fateh el Islam, étaient toujours en attente de leur procès devant le Conseil de justice. La plupart d’entre elles auraient été torturées. Les décisions du Conseil de justice qui, de l’avis général, manque d’indépendance, ne sont pas susceptibles d’appel, même en cas de condamnation à mort. Les suspects doivent souvent attendre longtemps leur procès sans inculpation officielle.
De très nombreuses personnes soupçonnées d’espionnage pour le compte d’Israël ou de collaboration avec ce pays ont été placées en détention. Dix-neuf au moins ont été condamnées à des peines d’emprisonnement ou à la peine de mort par des tribunaux militaires. Les procès qui se déroulent devant ces juridictions sont inéquitables, la plupart des juges étant des officiers de l’armée en service actif. De plus, les civils ne devraient pas être déférés devant des tribunaux militaires.

  • Le procès de Maher Sukkar, réfugié palestinien, et de 10 autres individus accusés d’infractions liées à la sécurité, notamment de « constitution d’une bande armée en vue de commettre des crimes contre les personnes et les biens », s’est ouvert devant un tribunal militaire. Aucune enquête n’a été menée sur les allégations de cet homme qui affirmait avoir fait des « aveux » sous la torture pendant sa détention au secret en avril.
  • Le procès de Kamal al Naasan, de Mustafa Sayw et d’autres hommes soupçonnés de participation aux attentats à l’explosif qui ont été perpétrés en 2007 contre des minibus à Aïn Alaq et qui ont coûté la vie à trois personnes s’est poursuivi devant le Conseil de justice. Kamal al Naasan et Mustafa Sayw ont été arrêtés début 2007 et maintenus respectivement neuf et 26 mois à l’isolement dans les locaux de la Section de l’information des Forces de sécurité intérieure (FSI), à Beyrouth, où ils auraient été torturés et autrement maltraités. Kamal al Naasan est revenu devant la cour sur une partie de ses déclarations en affirmant qu’il les avait faites sous la contrainte. Aucune enquête ne semble avoir été ordonnée sur les allégations de torture formulées par cet homme. Le Conseil de justice est généralement considéré comme étant influencé par des considérations politiques. Ses décisions, y compris les condamnations à la peine de mort, ne sont pas susceptibles d’appel, et ses audiences font souvent l’objet d’ajournements prolongés.

Torture et autres mauvais traitements

De nouvelles informations ont fait état de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des détenus ; peu de mesures ont été prises pour améliorer la situation. Les autorités ont toutefois autorisé en mai le Sous-comité pour la prévention de la torture [ONU] à effectuer une visite dans le pays, et elles ont annoncé en novembre qu’elles allaient ériger en infraction toutes les formes de torture et de mauvais traitements. Cette année encore, des détenus étaient maintenus au secret, les allégations de torture ne faisaient pas l’objet d’enquêtes et des « aveux » qui auraient été obtenus sous la contrainte étaient retenus à titre de preuve par les tribunaux. Le gouvernement n’avait toujours pas soumis son premier rapport aux termes de la Convention contre la torture [ONU], ratifiée en 2000 par le Liban. En outre, il n’avait pas mis en place l’organe indépendant chargé d’inspecter les centres de détention prévu par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, auquel le Liban est pourtant devenu partie en 2008.

  • Mohammad Osman Zayat aurait été roué de coups au moment de son arrestation, le 24 juin, par des agents en civil des FSI. Pendant sa détention dans les locaux du Service d’information des FSI à Beyrouth, il aurait à plusieurs reprises été frappé et forcé de rester debout dans des positions douloureuses. On lui aurait aussi plusieurs fois administré des décharges électriques sur les parties sensibles du corps. À la suite de ces sévices, il a signé des « aveux » qui allaient probablement être retenus à titre de preuve à charge durant son procès.

Discrimination – les réfugiés palestiniens

Deux amendements au Code du travail et au Code de la sécurité sociale ont été approuvés en août. Ils n’ont cependant guère eu d’effet sur les lois et règlements discriminatoires qui privent les quelque 300 000 réfugiés palestiniens de certains de leurs droits fondamentaux ; ces personnes n’ont notamment par le droit d’hériter de biens et d’exercer une vingtaine de professions. L’un de ces deux amendements a annulé la taxe que les réfugiés palestiniens devaient acquitter pour obtenir un permis de travail. Il était cependant toujours difficile d’obtenir ces permis du fait d’obstacles administratifs, entre autres, et aucun ou quasiment aucun nouveau permis n’a été délivré. L’autre amendement permettait aux Palestiniens de percevoir une pension de retraite, mais uniquement par l’intermédiaire d’un fonds patronal qui n’avait pas encore été créé. Les Palestiniens n’avaient toujours pas accès aux indemnités de maladie, entre autres prestations sociales.

Violences et discrimination à l’égard des femmes

En mai, le jugement d’un tribunal de première instance qui avait reconnu aux femmes libanaises le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants a été annulé en appel. Le ministère de la Justice avait en effet interjeté appel de cette décision rendue en juin 2009 en faveur de Samira Soueidan. La législation libanaise prévoit que seul le père peut transmettre sa nationalité à ses enfants.
Comme les années précédentes, les employées de maison étrangères risquaient d’être exploitées par leur employeur et d’être victimes de sévices psychologiques et physiques, notamment sexuels. On a appris en juin, alors que les poursuites pour de tels faits sont rares, qu’une Libanaise avait été condamnée à un mois d’emprisonnement assorti d’une amende pour avoir battu et maltraité son employée de maison sri-lankaise.

Réfugiés et demandeurs d’asile

De très nombreux réfugiés et demandeurs d’asile, irakiens et soudanais pour la plupart, étaient maintenus en détention après l’expiration de leur peine infligée pour entrée irrégulière sur le territoire libanais ou encore, dans certains cas, après avoir été innocentés des faits qui leur étaient reprochés. Beaucoup étaient incarcérés dans un local souterrain situé dans le quartier d’Adliyeh, à Beyrouth, et ils étaient contraints de choisir entre le maintien en détention pour une durée indéterminée ou le retour « volontaire » dans leur pays d’origine. Au moins 23 Irakiens reconnus comme réfugiés auraient été expulsés du pays en violation flagrante du droit international.

  • Le 10 novembre, Alaa al Sayad, réfugié irakien, a été extrait du centre de détention d’Adliyeh et on l’aurait roué de coups pour l’obliger à monter à bord d’un avion qui l’a ramené de force en Irak.
    Quelque 20 000 réfugiés palestiniens qui avaient été contraints de fuir le secteur du camp de réfugiés de Nahr el Bared, en 2007, durant les affrontements ayant opposé pendant 15 semaines l’armée libanaise et le Fateh el Islam, étaient toujours déplacés en raison de l’ampleur des dommages et du retard pris dans la reconstruction. Environ 11 000 personnes avaient pu retourner vivre dans les proches environs du camp.

Disparitions forcées et enlèvements

Le gouvernement a pris peu de mesures pour enquêter sur le sort des milliers de personnes disparues pendant la guerre civile de 1975-1990, bien que leurs proches aient continué de faire campagne pour connaître la vérité. De hauts responsables gouvernementaux ont toutefois boycotté le sommet arabe qui s’est tenu en mars en Libye afin de protester contre l’implication présumée du dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, dans l’enlèvement et la disparition forcée en 1978 de Musa al Sadr, un haut dignitaire chiite, et de deux personnes de son entourage.
Le Conseil des ministres a remis un document succinct relatif à des fosses communes à un tribunal qui instruisait une procédure engagée par deux ONG. Celles-ci intervenaient en faveur de proches de personnes disparues ou enlevées qui espéraient protéger et identifier les corps enterrés dans trois fosses communes mentionnées dans un rapport officiel publié en 2000.

Peine de mort

Au moins 12 personnes auraient été condamnées à mort, dont cinq par contumace, après avoir été déclarées coupables d’espionnage pour le compte d’Israël ou de collaboration avec ce pays. En juin, le président Michel Sleiman a déclaré qu’il était disposé à signer les ordres d’exécution des personnes condamnées à mort pour avoir agi comme agents d’Israël. Plusieurs dizaines d’autres prisonniers étaient sous le coup d’une sentence capitale. Aucune exécution n’a eu lieu ; le moratoire de facto en vigueur depuis 2004 dans le pays était maintenu.

  • Le 18 février, Mahmoud Rafeh a été condamné à mort par un tribunal militaire pour « collaboration et espionnage pour le compte de l’ennemi ». Cet homme a affirmé qu’on l’avait torturé pour le contraindre à « avouer » mais le tribunal n’a ordonné aucune enquête sur ses allégations.

Visites d’Amnesty International

  • Un délégué d’Amnesty International s’est rendu au Liban en octobre pour y effectuer des recherches sur la situation des droits humains.
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