ANGOLA

Les autorités ont restreint la liberté de réunion en faisant un usage excessif de la force, en procédant à des arrestations et des placements en détention arbitraires et en engageant des poursuites pénales. La police a eu recours à une force excessive, et plusieurs personnes ont été tuées. Des restrictions croissantes ont été imposées aux journalistes. Deux professionnels des médias ont été jugés et déclarés coupables de diffamation pour avoir écrit des articles critiques. De nouvelles expulsions forcées ont eu lieu. Le gouvernement s’est dérobé à son engagement de reloger 450 familles chassées de chez elles. Cette année encore des Congolais ont été victimes de violations des droits humains au moment de leur expulsion d’Angola.

RÉPUBLIQUE D’ANGOLA
Chef de l’État et du gouvernement : José Eduardo dos Santos
Peine de mort : abolie
Population : 19,6 millions
Espérance de vie : 51,1 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 160,5 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 70 %

Contexte

Critiqué par la société civile qui y voyait un danger pour la liberté d’expression et d’information, un projet de loi érigeant en infraction pénale la cybercriminalité a été retiré en mai. On craignait cependant qu’il ne soit de nouveau présenté ou que les dispositions de ce texte ne soient incorporées dans le Code pénal, en cours de réforme.
Des manifestations antigouvernementales ont été organisées tout au long de l’année pour réclamer la démission du président. En septembre, l’une d’entre elles a dégénéré en violences après que des membres présumés des Services de renseignement et de sûreté de l’État eurent infiltré les participants. Selon les informations reçues, ils ont saccagé des commerces et des habitations et ont frappé des personnes, y compris des journalistes. Plusieurs manifestants ont été arrêtés.
En septembre, les autorités de la province de Luanda ont défini par arrêté les zones où pouvaient se tenir les rassemblements et les manifestations. La place de l’Indépendance, où la plupart des manifestations antigouvernementales ont eu lieu au cours de l’année, n’y figurait pas.
En juin, le Parlement a adopté une loi contre la violence domestique.
En juillet, le président a inauguré la première phase du projet de la cité de Kilamba, comprenant 20 000 nouveaux appartements, 14 écoles, un hôpital et 12 centres de santé. D’autres projets de construction de logements sociaux dans diverses régions du pays ont été annoncés tout au long de l’année.
En août, les services de l’immigration de l’aéroport international de Luanda ont opposé un refus d’entrée à plusieurs délégués d’organisations de la société civile venus assister au Forum de la société civile de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), organisé en marge du sommet des chefs d’État de la SADC. Des visas devaient normalement leur être délivrés à leur arrivée à l’aéroport. Deux journalistes mozambicains qui devaient couvrir le sommet se sont également vu refuser l’accès au pays. Ils étaient pourtant en possession de visas en bonne et due forme.
En novembre, des députés de l’opposition se sont retirés d’un débat parlementaire sur le nouveau paquet législatif concernant les élections générales de 2012. Selon l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA), les projets de texte contenaient des dispositions anticonstitutionnelles. La Loi organique sur la Commission nationale électorale a été adoptée en décembre.

Expulsions forcées

Des expulsions forcées ont eu lieu cette année encore, dans une moindre mesure toutefois que les années précédentes. Des milliers de personnes restaient sous la menace d’une telle opération. Des expulsions planifiées ont été suspendues. Plusieurs milliers de familles expulsées de force dans le passé n’avaient toujours pas été indemnisées.
En juin, le gouvernement a annoncé que plus de 450 familles de Luanda dont l’habitation avait été démolie entre 2004 et 2006 seraient relogées à partir de septembre. Le processus n’avait pas commencé à la fin de l’année.
Les démolitions planifiées dans le quartier d’Arco Íris, dans le centre de Lubango, ont été annulées en août par le gouverneur de la province de Huíla parce que le site où devaient être réinstallées quelque 750 familles n’offrait pas de conditions de vie satisfaisantes. Un délai d’un mois, prolongé par la suite d’un mois, avait été accordé aux habitants pour qu’ils quittent leur domicile. On leur avait proposé de s’installer dans une zone isolée située à 14 km de la ville.
*Selon les informations recueillies, des agents municipaux protégés par des membres armés de la police militaire et de la police nationale ont expulsé de force en août 40 familles de Quilómetro 30, situé dans le quartier de Viana à Luanda, après que les terrains eurent semble-t-il été cédés à une entreprise privée. D’après SOS Habitat, une organisation locale de défense du droit au logement, les agents ont démoli les habitations de toutes les personnes qui n’étaient pas chez elles, détruisant également leurs effets personnels. Firmino João Rosário aurait été abattu par la police alors qu’il tentait de s’interposer pour empêcher les démolitions. Un autre habitant, Santos António, aurait été touché à la main par une balle.
*En octobre, des membres des services communautaires de l’administration municipale de Lubango (province de Huíla), protégés par la police nationale, ont démoli 25 logements appartenant à des familles du quartier de Tchavola. Les policiers présents se sont livrés à des brutalités et ont procédé à des arrestations arbitraires. Toutes les personnes appréhendées ont été relâchées le jour même. Les habitations détruites appartenaient à des familles qui avaient été relogées dans le quartier après avoir été chassées de chez elles, en mars 2010 et après, pour permettre la réalisation de travaux de rénovation de la ligne ferroviaire passant à Lubango.

Police et forces de sécurité

Certains policiers ne conservaient pas une attitude de neutralité dans l’exercice de leurs fonctions. Cela a été le cas en particulier lors de plusieurs manifestations antigouvernementales. Ils ont recouru à une force excessive, utilisant notamment des chiens, des gaz irritants pour les yeux et des tirs à balles réelles pour disperser les participants ; ils ont également procédé à des arrestations et des placements en détention arbitraires.
*En septembre, des policiers ont tiré à balles réelles lors d’une manifestation organisée par des conducteurs de moto-taxi à Kuito, dans la province de Bié. Deux manifestants sont morts après avoir été touchés à la tête et dans le dos, et six autres ont été blessés. Les motocyclistes protestaient contre les abus de pouvoir commis par des policiers, accusés de confisquer les motos de chauffeurs exerçant légalement leur activité dans la province et d’avoir arrêté arbitrairement et maltraité plusieurs chauffeurs lors d’un contrôle. À la connaissance d’Amnesty International, aucun agent n’a été traduit en justice pour avoir usé d’une force excessive et perpétré ces homicides illégaux.
Plusieurs policiers ont été accusés d’avoir utilisé une arme à feu et tué des personnes alors qu’ils n’étaient pas en service. La plupart n’avaient pas eu à répondre de leurs actes devant la justice à la fin de l’année.
*Le 12 novembre, un policier qui n’était pas en service aurait abattu Francisco dos Santos au moyen d’une arme délivrée par la police. La victime était intervenue pour séparer deux enfants qui se battaient dans le quartier de Rangel, à Luanda. Des témoins ont expliqué que l’un des enfants avait appelé son père, un fonctionnaire de police, qui était arrivé sur les lieux et s’était mis à tirer avant de prendre la fuite. Touché par deux balles dans le dos, Francisco dos Santos est mort à l’hôpital un peu plus tard dans la journée. À la fin de l’année, le policier était toujours en fuite et aucune arrestation n’avait eu lieu dans le cadre de cette affaire.

Liberté d’expression – journalistes

Des restrictions croissantes ont été imposées aux journalistes. Plusieurs ont été détenus pendant de courtes périodes ou frappés par des policiers ou des membres présumés des Services de renseignement et de sûreté de l’État, et ont vu leur matériel confisqué ou détruit pendant qu’ils couvraient des manifestations antigouvernementales. Deux journalistes accusés de diffamation ont été condamnés à une peine d’emprisonnement.
*En mars, Armando Chicoca, contributeur pour la radio Voice of America, a été déclaré coupable de diffamation et condamné à un an d’emprisonnement pour avoir écrit deux articles au sujet d’allégations de harcèlement sexuel et de corruption concernant le président du tribunal de la province de Namibe. Armando Chicoca a été mis en liberté sous caution en avril, en attendant qu’il soit statué sur son appel.
*En octobre, William Tonet, directeur et propriétaire du journal Folha 8, a été déclaré coupable de diffamation envers trois généraux de l’armée en 2007. Il a été condamné à une peine d’un an d’emprisonnement assortie d’un sursis de deux ans et à une amende de 10 millions de kwanzas (plus de 100 000 dollars des États-Unis). Il s’est pourvu en appel, mais aucune décision n’avait été prise à la fin de l’année.

Liberté de réunion

La liberté de réunion a été restreinte partout dans le pays. Utilisant dans certains cas des chiens et des armes à feu, la police a parfois recouru à une force excessive pour réprimer des manifestations ; elle a arrêté arbitrairement des manifestants et des journalistes. Certains ont été relâchés au bout de quelques heures ou de quelques jours sans avoir été inculpés ; des dizaines d’autres ont été jugés pour désobéissance et résistance à l’autorité.
*Lors d’une manifestation en mars, arguant qu’elle agissait à titre préventif pour « empêcher des conséquences incalculables », la police a interpellé trois journalistes et 20 manifestants. Ils ont été libérés quelques heures plus tard, sans avoir été inculpés. Des arrestations ont eu lieu lors d’autres manifestations, en mai, septembre et octobre. Le 9 septembre, la police a utilisé des chiens pour disperser plusieurs centaines de personnes qui s’étaient rassemblées devant un tribunal où 21 prévenus étaient jugés à la suite d’une manifestation tenue six jours plus tôt. Vingt-sept personnes ont alors été arrêtées et inculpées d’agression contre les forces de sécurité. Le 19 septembre, un tribunal a classé l’affaire faute de preuves. Cependant, le 12 septembre, 18 des 21 prévenus ont été reconnus coupables de désobéissance, de résistance et de coups et blessures. Ce jugement a été infirmé par la Cour suprême le 14 octobre et ils ont tous été remis en liberté.

Prisonniers d’opinion et prisonniers d’opinion présumés

Bien que la loi aux termes de laquelle ils avaient été inculpés ait été abrogée en décembre 2010, 33 membres de la Commission sur le manifeste juridique et sociologique du protectorat des Lundas-Tchokwés sont restés en détention provisoire jusqu’en mars. La Cour suprême a alors ordonné leur remise en liberté. Ils n’ont pas été indemnisés pour leur détention illégale.
Arrêtés et placés en détention en octobre 2010, deux autres membres de la Commission, Mário Muamuene et Domingos Capenda, ont été condamnés en mars à un an d’emprisonnement pour rébellion. Ils n’ont pas été libérés à l’expiration de leur peine, en octobre. Avec cinq autres prisonniers (Sérgio Augusto, Sebastião Lumani, José Muteba, António Malendeca et Domingos Henrique Samujaia), ils ont observé une grève de la faim en mai, puis une autre en octobre, pour protester contre leur maintien en détention et leurs conditions d’incarcération difficiles.

Droits des migrants

Le Comité international pour le développement des peuples a recensé au moins 55 000 expulsions de ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC) cette année. Au moins 6 000 d’entre eux ont déclaré avoir subi des violences sexuelles. Personne n’a été amené à rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains commises les années précédentes lors des expulsions de migrants congolais d’Angola. À la suite d’une visite dans le pays en mars, la représentante spéciale chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés a fait part de ses préoccupations quant aux allégations persistantes de violences sexuelles perpétrées par les forces armées contre des migrants congolais lors des expulsions. Le ministre angolais des Affaires étrangères a nié ces allégations. En novembre, la représentante spéciale a demandé aux gouvernements d’Angola et de RDC d’enquêter à ce sujet et de traduire en justice les responsables présumés de ces agissements. En décembre, le ministre des Affaires étrangères a déclaré que le gouvernement allait se concerter avec les Nations unies sur le dossier des expulsions d’étrangers.

Visites et documents d’Amnesty International

  • Bien que les autorités continuent d’affirmer qu’aucun visa pour l’Angola n’a jamais été refusé à Amnesty International, ceux sollicités en octobre 2008, octobre 2009 et novembre 2010 n’avaient toujours pas été accordés.
  • L’Angola s’apprête à expulser de force des centaines de familles (PRE01/414/2011).
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