CAMEROUN

Le gouvernement continuait de restreindre les activités des opposants et des journalistes. Des personnes soupçonnées de relations homosexuelles ont été placées en détention et certaines ont été condamnées à de longues peines d’emprisonnement. Le gouvernement a allégé certaines peines de prison et commué des condamnations à mort, mais il n’a pas divulgué le nombre de ces commutations.

RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN
Chef de l’État : Paul Biya
Chef du gouvernement : Philémon Yang
Peine de mort : abolie en pratique
Population : 20 millions
Espérance de vie : 51,6 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 154,3 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 70,7 %

Contexte

À l’issue du scrutin présidentiel du 9 octobre, le président sortant, Paul Biya, a été réélu avec 75 % des voix. Son plus proche rival, John Fru Ndi, du Front social démocratique (SDF), a obtenu à peine plus de 10 % des suffrages ; il faisait partie des 22 candidats de l’opposition. Les partis d’opposition ont qualifié l’élection d’inéquitable. D’après des observateurs de l’Union africaine, de l’Organisation internationale de la francophonie et du Commonwealth le scrutin avait été globalement équitable, tandis que selon l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun des observateurs du gouvernement américain avaient relevé des irrégularités généralisées à tous les niveaux.
Avant d’entamer son nouveau mandat en novembre, le président Paul Biya a signé un décret commuant des peines prononcées par les tribunaux. Aux termes de ce décret, les personnes purgeant des peines de prison d’un an ou moins devaient être libérées et les condamnés à la réclusion à perpétuité devaient voir leurs peines réduites à 20 années d’emprisonnement. Les peines de mort ont été commuées en peines de réclusion à perpétuité. Les détenus condamnés pour assassinat, vol aggravé et certaines infractions économiques ne bénéficiaient pas de cette grâce présidentielle.
Des groupes armés ont lancé plusieurs attaques sur la péninsule de Bakassi, restituée au Cameroun par le Nigeria à la suite d’une décision rendue en 2002 par la Cour internationale de justice. Au cours d’une attaque en février, deux soldats camerounais ont été tués et au moins 13 civils enlevés.

Accusations de corruption

Plusieurs dizaines d’anciens responsables gouvernementaux accusés de corruption se trouvaient toujours en détention. Nombre d’entre eux attendaient de passer en jugement ou purgeaient une peine de prison. Le procès de Titus Edzoa et Thierry Atangana, engagé à la suite de nouvelles accusations de corruption, était toujours en cours à la fin de l’année ; les deux accusés avaient quasiment fini de purger leur peine de 15 ans de réclusion prononcée en 1997 à l’issue d’un procès inique.

Impunité

Des membres des forces de sécurité ayant commis ou ordonné de graves violations des droits humains, dont des homicides illégaux, au cours de manifestations et d’émeutes survenues en février 2008, jouissaient toujours de l’impunité. L’appareil judiciaire n’a pas ouvert d’enquête sur ces violations ni traduit les responsables présumés en justice.

Liberté d’expression

Plusieurs journalistes et détracteurs du gouvernement ont été arrêtés et placés en détention ; certains ont été libérés au cours de l’année.
*Bertrand Zepherin Teyou, un écrivain arrêté en novembre 2010 au moment du lancement de son livre au sujet de l’épouse du président, a été remis en liberté le 29 avril. Il avait été déclaré coupable d’« outrage à personnalité » par le tribunal de première instance de Douala et condamné à une peine d’amende de 2 030 150 francs CFA (environ 4 425 dollars des États-Unis) ou de deux ans d’emprisonnement.
*Des défenseurs des droits humains et des avocats réclamaient toujours la remise en liberté de l’ancien maire Paul Eric Kingué, qui purgeait une peine de prison en rapport avec les émeutes de février 2008, expliquant qu’il avait été pris pour cible pour avoir dénoncé des violences commises par les forces gouvernementales. Paul Eric Kingué était par ailleurs en cours de jugement pour des accusations de corruption.
*Pierre Roger Lambo Sandjo, un musicien, a purgé sa peine de trois ans de prison et a recouvré la liberté en avril sans avoir eu à s’acquitter de l’amende de 330 millions de francs CFA à laquelle il avait été condamné en 2008. Des défenseurs des droits fondamentaux estimaient qu’il avait été placé en détention en raison d’une de ses chansons, qui critiquait la modification de la Constitution autorisant le président sortant à briguer un nouveau mandat.
*Reinnier Kazé, correspondant de l’Agence France Presse, a été arrêté le 23 février par des gendarmes alors qu’il couvrait une manifestation de l’opposition à Douala. Des fonctionnaires ont effacé des enregistrements sur son dictaphone avant de le relâcher le lendemain.
*En mai, la police a empêché la projection publique d’un documentaire consacré aux atteintes aux droits humains qui seraient perpétrées dans le cadre de la production commerciale de bananes. Le documentaire révélait, semble-t-il, que des petits producteurs de bananes avaient été déplacés de leurs terres sans indemnisation et que les employés des plantations étaient mal rémunérés.
*Gueimé Djimé, membre de l’association OS-Civil Droits de l’homme, basée à Kousséri, dans la province de l’Extrême-Nord, a été abattu dans son sommeil dans la nuit du 10 juin. Des membres de l’association auraient reçu des menaces de mort anonymes liées à l’opposition de celle-ci à la nomination de deux responsables locaux. Quatre hommes soupçonnés de l’assassinat de Gueimé Djimé ont été arrêtés mais à la fin de l’année aucun d’entre eux n’avait été traduit en justice.

Liberté d’association et de réunion

Des groupes politiques ou de défense des droits humains se sont fréquemment vu refuser le droit d’organiser des activités ou manifestations pourtant pacifiques.
*Au moins huit militants politiques, dont d’anciens membres d’une association d’étudiants, ont été arrêtés en février par la Direction de la surveillance du territoire (DST), à Yaoundé. Ils s’étaient réunis pour préparer une manifestation à la mémoire des victimes des violations des droits humains perpétrées lors des manifestations de février 2008. Les militants ont été placés en détention et inculpés d’atteinte à la sûreté de l’État, sans avoir été autorisés à consulter un avocat. À la fin de l’année, ils avaient été remis en liberté provisoire mais n’avaient pas encore été jugés.
*En avril, la police de Douala a arrêté le militant politique Mboua Massock alors qu’il essayait d’organiser un rassemblement pour protester contre l’élection présidentielle d’octobre. Il a été conduit à 35 kilomètres de Douala et laissé sur place.
*En mai, à Yaoundé, la police antiémeutes a arrêté 37 paysans et en a dispersé plus de 100 autres parce qu’ils tentaient de manifester pour dénoncer la mauvaise qualité des routes et le manque de soutien du gouvernement à l’agriculture. Les personnes arrêtées ont été remises en liberté le 1er juin sans inculpation.
Les forces de sécurité ont cette année encore arrêté des membres du Conseil national du Cameroun méridional (SCNC) et interrompu des réunions du SCNC ou empêché leur tenue. Le SCNC milite en faveur de la sécession des provinces anglophones du Cameroun, pays majoritairement francophone.
*En février, des membres des forces de sécurité ont arrêté Ayamba Ette Otun, président du SCNC à l’échelle nationale, et plusieurs autres personnes qui se rendaient avec lui à Bamenda, la capitale de la province du Nord-Ouest. Ayamba Ette Otun rentrait semble-t-il de Buéa, dans la province du Sud-Ouest, où il avait remis une note du SCNC à une délégation de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Tous ont été libérés plusieurs jours plus tard sans avoir été inculpés.
*Le 1er octobre, les forces de sécurité ont interrompu une réunion du SCNC à Buéa et arrêté 50 personnes, affirmant que le SCNC n’avait pas obtenu au préalable l’autorisation de tenir cette réunion. Les personnes arrêtées ont été remises en liberté, sans inculpation, au terme de plusieurs jours.

Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres

Le gouvernement a proposé de modifier le Code pénal afin que les personnes déclarées coupables de relations homosexuelles puissent être condamnées à de fortes amendes et à des peines de réclusion pouvant atteindre 15 ans. Cette année encore, des hommes reconnus coupables de relations entre personnes du même sexe ont été condamnés à des peines dont certaines allaient jusqu’à cinq années d’emprisonnement.
*Jean-Claude Roger Mbede a été déclaré coupable de relations homosexuelles et condamné à trois ans de prison le 28 avril. En novembre, la cour d’appel de Yaoundé a reporté au mois de février 2012 l’examen de l’appel interjeté par Jean-Claude Roger Mbede.
*En novembre, Frankie Ndome Ndome, Jonas Nsinga Kimie et Hilaire Nguiffo ont été condamnés à cinq années d’emprisonnement pour relations homosexuelles.
*À la fin de l’année, Joseph Magloire Ombwa, Nicolas Ntamack, Sylvain Séraphin Ntsama et Emma Loutsi Tiomela attendaient toujours de comparaître devant les tribunaux ; ils avaient été arrêtés en août. Stéphane Nounga et un autre homme appelé Eric O., eux aussi interpellés en août, ont été libérés à titre provisoire.
*Au nombre des autres personnes arrêtées pour relations homosexuelles présumées puis remises en liberté figuraient Jean Jules Moussongo, Steve O., Depadou N. et Pierre Arno. Certains avaient été attirés dans un piège par des membres des forces de sécurité ou leurs intermédiaires se disant gays et à la recherche d’un partenaire.

Peine de mort

En mars, le gouvernement a informé Amnesty International que 17 personnes avaient été condamnées à mort en 2010. Les autorités ont indiqué que toutes avaient interjeté appel de leur condamnation, mais elles n’ont pas communiqué d’informations supplémentaires sur les peines capitales éventuellement prononcées en 2011.
Un décret présidentiel publié le 3 novembre a commué les peines de mort en peines de réclusion à perpétuité. Toutefois, le décret ne s’appliquait pas aux personnes reconnues coupables d’assassinat ou de vol aggravé et il ne précisait pas le nombre de condamnés ayant bénéficié d’une commutation de peine.

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