ERYTHREE

Des restrictions sévères pesaient sur la liberté d’expression et d’association. Les partis d’opposition étaient interdits, tout comme les médias indépendants, les organisations de la société civile et les groupes religieux non enregistrés. La conscription militaire était obligatoire et se prolongeait souvent pour une durée indéterminée. Plusieurs milliers de prisonniers d’opinion et de prisonniers politiques étaient toujours victimes de détention arbitraire. Le recours à la torture, entre autres formes de mauvais traitements, était fréquent. Les conditions de détention étaient déplorables. De nombreux Érythréens ont fui leur pays cette année encore.

ÉTAT D’ÉRYTHRÉE
Chef de l’État et du gouvernement : Issayas Afeworki
Peine de mort : abolie en pratique
Population : 5,4 millions
Espérance de vie : 61,6 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 55,2 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 66,6 %

Contexte

La région a été frappée par une grave sécheresse, qui a laissé plus de 10 millions de personnes dans le besoin d’une aide urgente. Le gouvernement érythréen refusait de reconnaître que son pays souffrait de la sécheresse et de pénurie alimentaire. Il a refusé l’accès au territoire à des organisations humanitaires et des agences de secours des Nations unies.
En novembre, les autorités ont informé la délégation de l’Union européenne (UE) présente dans la capitale, Asmara, qu’elles allaient mettre un terme à tous les programmes de développement de l’UE en cours dans le pays.
D’après un rapport du Groupe de contrôle de l’ONU sur la Somalie et l’Érythrée présenté en juillet, l’Érythrée a participé à la planification d’un attentat à la bombe qui devait être commis lors du sommet de l’Union africaine (UA) tenu en Éthiopie en janvier.
En décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a renforcé ses sanctions contre l’Érythrée parce que le pays avait continué de fournir un soutien – financier, en matière d’entraînement et autre – à des groupes d’opposition armés, notamment Al Shabab ; parce qu’il n’avait pas résolu le différend frontalier avec Djibouti ; et parce qu’il avait planifié un sabotage du sommet de l’UA. Le Conseil de sécurité a demandé à l’Érythrée de cesser de chercher à déstabiliser des États, d’en finir avec la « taxe de la diaspora » imposée aux Érythréens vivant à l’étranger pour financer la déstabilisation de la région, et de ne plus recourir à des menaces de violence et à d’autres moyens illicites pour percevoir cette taxe. Il a également exhorté à la transparence concernant l’utilisation des fonds provenant des activités minières et a demandé que tous les États fassent preuve de vigilance dans leurs relations commerciales avec l’Érythrée, de façon à ce que les recettes du pays ne soient pas utilisées pour violer des résolutions du Conseil de sécurité.
*Deux prisonniers de guerre djiboutiens se sont évadés et ont fui l’Érythrée. Le gouvernement d’Asmara niait toutefois détenir encore de tels prisonniers depuis les affrontements de 2008 entre les deux pays. En décembre, les Nations unies ont demandé à l’Érythrée de fournir des informations sur tout éventuel combattant djiboutien détenu en tant que prisonnier de guerre.

Prisonniers d’opinion et prisonniers politiques

Le pays comptait plusieurs milliers de prisonniers d’opinion, au nombre desquels figuraient des militants politiques, des journalistes, les pratiquants de certaines religions et des jeunes gens qui s’étaient dérobés à l’appel sous les drapeaux. Aucun d’eux n’avait été inculpé ni jugé pour une infraction quelconque. Les familles de la plupart des prisonniers ignoraient tout de leur sort et de l’endroit où ils se trouvaient.
*Le gouvernement a refusé de confirmer les informations selon lesquelles neuf des 11 personnalités politiques appartenant au « Groupe des 15 » et détenues arbitrairement depuis 2001 seraient mortes en détention au cours des dernières années.
*Selon des informations recueillies en octobre, Dawit Isaak, l’un des 10 journalistes indépendants détenus depuis 2001, pourrait être mort en détention. Il ne se trouvait plus en effet dans la prison où il était incarcéré. Les autorités n’ont pas confirmé ces éléments.
*Senay Kifleyesus, un homme d’affaires, a été arrêté en octobre. L’interpellation ferait suite à un télégramme rendu public par Wikileaks dans lequel il était cité comme l’auteur de critiques formulées à l’encontre du chef de l’État.

Liberté de religion et de conviction

Seuls les fidèles des confessions autorisées par les autorités, à savoir l’Église orthodoxe érythréenne, l’Église catholique, l’Église luthérienne et l’islam, étaient autorisés à pratiquer leur foi. Des membres de groupes religieux interdits ont, cette année encore, été arrêtés, détenus arbitrairement et maltraités.
On estimait que plus de 3 000 chrétiens pratiquant un culte non approuvé par l’État – dont 51 témoins de Jéhovah – étaient détenus arbitrairement.
*Parce qu’ils avaient refusé l’appel sous les drapeaux pour des raisons de conscience, les témoins de Jéhovah Paulos Eyassu, Isaac Mogos et Negede Teklemariam étaient détenus sans inculpation depuis 1994 dans le camp militaire de Sawa.
*En mai, 64 chrétiens auraient été arrêtés dans un village près d’Asmara. Six ont été libérés mais les 58 autres étaient toujours détenus de façon arbitraire. D’après des informations reçues en juin, plus de 26 étudiants soupçonnés de pratiquer un culte non autorisé ont été arrêtés et placés en détention dans un lieu secret. On croyait savoir que la plupart avaient été conduits dans la prison de Me’eter, où étaient régulièrement détenus des membres de groupes religieux interdits.
*En novembre, l’évangéliste Mussie Eyob a été renvoyé en Érythrée après avoir été arrêté pour prosélytisme en Arabie saoudite. On croyait savoir qu’il était détenu au secret.
*Misghina Gebretinsae, un témoin de Jéhovah, est mort en juillet dans la prison de Me’eter, où il était détenu sans inculpation depuis juillet 2008.
*Des informations recueillies en octobre ont fait état de la mort en détention de trois chrétiens. Deux femmes, Terhase Gebremichel Andu et Ferewine Genzabu Kifly, seraient mortes au camp militaire d’Adersete, dans l’ouest de l’Érythrée, en raison de la dureté des conditions de détention et des mauvais traitements subis. Elles étaient détenues depuis 2009 après avoir été arrêtées au cours d’un rassemblement de prière organisé chez un particulier. Angesom Teklom Habtemichel serait mort des suites de paludisme au camp militaire d’Adi Nefase, à Assab, où il était détenu arbitrairement depuis deux ans. On lui aurait refusé les soins médicaux que nécessitait son état.

Conscription militaire

Le service national était obligatoire pour tous les hommes et les femmes à partir de l’âge de 18 ans. Tous les lycéens devaient effectuer leur dernière année d’études secondaires au camp d’entraînement militaire de Sawa ; des enfants âgés de 15 ans seulement auraient été pris dans des rafles et conduits à Sawa.
La période initiale du service militaire (18 mois) se prolongeait souvent pour une durée indéterminée. Les conscrits ne percevaient que de faibles soldes, qui ne leur permettaient pas de répondre aux besoins élémentaires de leur famille. Ceux qui se dérobaient à l’appel ou désertaient risquaient la torture et la détention sans jugement.
Le service obligatoire s’accompagnait souvent de travaux forcés pour des chantiers publics – construction de routes, notamment – ou de tâches pour des entreprises appartenant à l’armée ou aux élites du parti au pouvoir et dirigées par celles-ci. Les sociétés internationales d’extraction minière qui sous-traitaient certaines activités à ces entreprises étaient ainsi susceptibles de recourir à de la main-d’œuvre contrainte.

Torture et autres mauvais traitements

Les conditions de détention étaient déplorables et, dans de nombreux cas, s’apparentaient à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Un grand nombre de prisonniers étaient enfermés dans des cellules souterraines ou des conteneurs métalliques, souvent installés en plein désert, où régnaient des températures extrêmes. Les détenus ne recevaient pas d’alimentation ni d’eau potable en quantité suffisante. De nombreux prisonniers étaient détenus dans des installations totalement surpeuplées et insalubres.
Les détenus étaient souvent soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements. Ils étaient contraints d’effectuer des activités douloureuses et dégradantes, et étaient attachés avec des cordes dans des positions pénibles durant des périodes prolongées.

Réfugiés

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estimait que 3 000 Érythréens fuyaient le pays chaque mois, pour la plupart à destination de l’Éthiopie ou du Soudan, malgré la stratégie des autorités érythréennes consistant à « tirer pour tuer » sur toute personne surprise en train d’essayer de franchir la frontière. Il s’agissait pour beaucoup de jeunes gens cherchant à échapper à la conscription obligatoire qui se prolongeait pour une durée indéterminée. Les familles de ceux qui quittaient le pays étaient en butte à des représailles – manœuvres de harcèlement, amendes et emprisonnement, notamment.
Les demandeurs d’asile érythréens renvoyés de force dans leur pays risquaient fortement d’être torturés et placés arbitrairement en détention. Un grand nombre de demandeurs d’asile ont malgré tout été renvoyés de force, par un certain nombre de pays.
*En juillet, une Érythréenne est morte et une autre a été grièvement blessée lorsque toutes deux ont sauté d’un camion qui les ramenait de force en Érythrée sur ordre des autorités soudanaises. En octobre, les autorités soudanaises ont renvoyé contre leur gré plus de 300 réfugiés et demandeurs d’asile érythréens. Ces expulsions ont coïncidé avec la visite au Soudan du chef de l’État érythréen. Cinq Érythréens détenus au Soudan auraient été emmenés par des soldats érythréens ; on ignorait ce qu’ils étaient devenus.
*En octobre, au moins 83 Érythréens ont été expulsés d’Égypte sans avoir été autorisés à contacter le HCR. Fin octobre, 118 autres Érythréens détenus en Égypte risquaient semble-t-il eux aussi d’être expulsés de façon imminente. Des représentants diplomatiques érythréens ont été admis auprès des détenus ; on a demandé à ces derniers de remplir des formulaires pour organiser leur retour. Un grand nombre d’entre eux auraient été frappés par les forces de sécurité parce qu’ils refusaient de compléter ces documents.

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