RWANDA

Les autorités engageaient de plus en plus souvent des poursuites contre des détracteurs des politiques gouvernementales. Le nombre de détentions illégales a augmenté. Bien que des projets de réforme législative aient été évoqués, la liberté d’expression restait soumise à des restrictions. Des membres de l’opposition politique et des journalistes arrêtés dans le contexte des élections de 2010 ont été injustement condamnés pour des motifs à caractère politique.

RÉPUBLIQUE RWANDAISE
Chef de l’État : Paul Kagame
Chef du gouvernement : Bernard Makuza, remplacé par Pierre Damien Habumuremyi le 7 octobre
Peine de mort : abolie
Population : 10,9 millions
Espérance de vie : 55,4 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 110,8 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 70,7 %

Contexte

En janvier, le bilan du Rwanda en matière de droits humains a été examiné dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations unies. Le gouvernement a accepté la majorité des recommandations formulées, y compris celles demandant une modification des lois existantes dans le but de protéger la liberté d’expression. Il a en revanche rejeté les recommandations concernant l’ouverture d’enquêtes sur les cas d’arrestation et de détention arbitraire, y compris les possibles disparitions forcées, alléguant que les arrestations illégales avaient été exceptionnelles et que les fonctionnaires responsables avaient été amenés à rendre compte de leurs actes.
Les problèmes de sécurité se sont aggravés en 2011, à la suite notamment d’attaques à la grenade survenues en 2010, de divisions au sein du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir) et du mécontentement des sympathisants de Laurent Nkunda, ancien dirigeant du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).
Le gouvernement a coorganisé à Kigali, la capitale, une réunion visant à inciter d’autres pays d’Afrique à suivre l’exemple du Rwanda et à abolir la peine de mort.
Les donateurs continuaient de soutenir le gouvernement rwandais, au nom de son développement économique. En privé, certains se disaient toutefois inquiets des violations des droits humains perpétrées dans le pays.

Liberté d’expression

Des modifications de la législation étaient en suspens, mais des restrictions sévères pesaient toujours sur la liberté d’expression. Un nombre croissant de personnes ont été condamnées pour des actes considérés comme des menaces à la sûreté nationale, tels que la critique à l’égard des politiques gouvernementales.
Lois réprimant l’« idéologie du génocide » et le « sectarisme »
Bien qu’il ait promis de réviser la loi sur l’« idéologie du génocide », le gouvernement a continué de recourir à des dispositions législatives générales et rédigées en termes vagues qui réprimaient l’« idéologie du génocide » et le « sectarisme » (plus connu sous le terme de « divisionnisme »). Ces textes interdisent les discours de haine mais érigent aussi en infraction pénale toute critique du gouvernement. L’année s’est achevée sans que les autorités aient examiné un quelconque projet de modification de la loi réprimant l’« idéologie du génocide ». Le gouvernement s’était pourtant engagé, pour la première fois en avril 2010, à procéder à la révision des dispositions existantes.
*Bernard Ntaganda, président du Parti social idéal (PS-Imberakuri), a été condamné à quatre ans d’emprisonnement en février. Il a été reconnu coupable de « divisionnisme » – pour des discours publics prononcés à l’approche des élections de 2010, dans lesquels il dénonçait les politiques gouvernementales –, d’atteinte à la sûreté de l’État et de tentative d’organisation d’une « manifestation non autorisée ». Les poursuites engagées contre Bernard Ntaganda pour atteinte à la sûreté de l’État et « divisionnisme » s’appuyaient uniquement sur ses discours critiquant certaines actions du gouvernement.
*Le procès de Victoire Ingabire, présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi), s’est ouvert en septembre. Elle était inculpée d’actes de terrorisme, de formation d’un groupe armé, d’« idéologie du génocide », de « sectarisme » et de propagation délibérée de rumeurs dans le but de monter l’opinion publique contre le pouvoir en place. Les accusations relatives à l’« idéologie du génocide » se fondaient notamment sur le fait qu’elle avait publiquement demandé l’ouverture de poursuites pénales pour les crimes de guerre commis par le FPR (voir Justice). Les violations des normes en matière d’équité des procès – notamment le fait que l’accusation ait été autorisée à présenter des éléments de preuve antérieurs aux lois au titre desquelles Victoire Ingabire était inculpée – soulevaient des inquiétudes.

Journalistes

Plusieurs lois visant à accroître la liberté des médias étaient en instance devant le Parlement à la fin de l’année. Les organisations de défense des droits humains espéraient que les projets de modification de la loi relative aux médias et de la loi sur le Haut Conseil des médias, ainsi que le projet de loi sur l’accès à l’information, permettraient de diminuer l’emprise de l’État sur les médias. La diffamation devait toutefois demeurer une infraction pénale. Au cours des années précédentes, les autorités avaient recouru à la loi contre la diffamation pour réduire au silence des journalistes et fermer des médias.
Des organes de presse privés qui avaient été fermés en 2010 n’avaient toujours pas repris leurs activités ; leurs rédacteurs en chef, de même que d’autres journalistes indépendants, vivaient toujours en exil.
*Agnès Nkusi Uwimana, rédactrice en chef du journal populaire indépendant de langue kinyarwanda Umurabyo, et sa rédactrice en chef adjointe, Saidati Mukakibibi, ont été condamnées le 5 février respectivement à 17 et sept ans d’emprisonnement pour des articles d’opinion publiés en 2010 durant la période préélectorale. Agnès Nkusi Uwimana a été déclarée coupable de menace à la sûreté de l’État, d’« idéologie du génocide », de « divisionnisme » et de diffamation, et Saidati Mukakibibi de menace à la sûreté de l’État. L’examen de leur appel a été reporté à 2012.
*Malgré les lacunes de l’enquête initiale, le ministère public n’a pas rouvert d’information sur l’assassinat, en juin 2010, du journaliste Jean-Léonard Rugambage. En septembre, l’un des deux individus reconnus coupables du meurtre a été acquitté en appel et l’autre a vu sa peine de réclusion à perpétuité commuée en 10 années d’emprisonnement.

Défenseurs des droits humains

Comme les années précédentes, des défenseurs des droits humains ont été victimes de manœuvres d’intimidation et de harcèlement – arrestations, menaces, tracasseries administratives et accusations d’abus d’ordre financier.
*Joseph Sanane et Epimack Kwokwo, président et secrétaire exécutif par intérim de la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs (LDGL), ont été arrêtés le 19 août. Ils étaient accusés d’avoir aidé le secrétaire exécutif de l’organisation, Pascal Nyilibakwe, à quitter le Rwanda en 2010. Ce dernier avait reçu des menaces à maintes reprises. Epimack Kwokwo a été libéré après plusieurs heures de détention et Joseph Sanane le lendemain de son arrestation.

Liberté d’association

Des responsables de l’opposition politique ont été condamnés pour tentative d’organisation de manifestations « non autorisées » ou de participation à celles-ci. De simples membres de partis d’opposition ont également été interpellés. Les autorités rwandaises ont menacé et intimidé des responsables politiques de l’opposition présents dans des pays voisins, en Afrique du Sud et dans des États européens.
*La police britannique a informé en mai deux militants rwandais de l’opposition de menaces imminentes pesant sur leur vie et émanant du gouvernement rwandais.

Prisonniers d’opinion

L’ancien ministre Charles Ntakirutinka demeurait incarcéré à la prison centrale de Kigali, où il purgeait une peine de dix années d’emprisonnement. À l’issue d’un procès inique, il avait été reconnu coupable d’incitation à la désobéissance civile et d’association de malfaiteurs.

Justice

Poursuivant ses efforts pour obtenir le transfert ou l’extradition des personnes soupçonnées de génocide, le gouvernement a modifié la législation de façon à ce que les individus déclarés coupables ne soient pas condamnés à la peine de réclusion criminelle à perpétuité. Introduite récemment dans la législation, cette peine assortie de modalités spéciales peut constituer pour les détenus un maintien prolongé à l’isolement quand leurs proches ne peuvent ou ne souhaitent pas leur rendre visite. Les prisonniers concernés n’ont le droit de communiquer avec un avocat qu’en présence d’un gardien, ce qui constitue une atteinte aux droits de la défense durant la procédure d’appel. Cette nouvelle peine n’était pas mise en application en raison de l’absence de cellules individuelles.
Aucune ONG indépendante n’a été autorisée à accéder aux établissements pénitentiaires pour surveiller les conditions carcérales ou interroger des détenus en privé, malgré les demandes formulées en ce sens.
Après plusieurs reports, les procès pour génocide devant les tribunaux gacaca – qui ne respectaient pas les normes internationales en matière d’équité des procès – devaient s’achever à la fin de 2011. Quelques demandes de révision étaient encore en attente à la fin de l’année. Aucun projet de loi établissant les procédures d’enquête et de poursuite devant les juridictions ordinaires pour les futures accusations de participation au génocide de 1994 n’avait encore été présenté au Parlement.

Détentions illégales et disparitions forcées

De très nombreux jeunes gens arrêtés en 2010 et 2011 ont été détenus dans des centres militaires, notamment au camp Kami, ainsi que dans des centres illégaux, dont ceux de « Chez Gacinya » et de Gikondo, souvent durant plusieurs mois. Ils ont été privés de soins médicaux, n’ont pas été autorisés à contacter un avocat et n’ont pas pu contester devant les tribunaux les décisions les concernant. La police n’a pas donné d’informations aux proches de certains d’entre eux qui s’étaient officiellement enquis de leur sort. Certains détenus ont été transférés vers des prisons ordinaires après avoir été inculpés de menace à la sûreté de l’État. D’autres ont été remis en liberté à la condition qu’ils gardent le silence.
Les autorités n’ont pas fourni d’informations sur la disparition forcée de Robert Ndengeye Urayeneza. On pense que cet homme, vu pour la dernière fois en mars 2010, est détenu par l’armée rwandaise.

Justice internationale

Tribunal pénal international pour le Rwanda
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a rendu de nombreux jugements au cours de l’année. Neuf accusés demeuraient toutefois en fuite. Le mandat du TPIR devait s’achever en 2012.
En décembre, la Chambre d’appel du TPIR a confirmé le renvoi au Rwanda de l’affaire Jean Uwinkindi. Dans sa décision, elle mentionnait l’intention exprimée par le Rwanda d’adopter une loi autorisant des juges étrangers à siéger dans les affaires transférées. Il s’agirait du premier accusé dans une affaire de génocide à être renvoyé ou extradé vers le Rwanda pour y être jugé.

Compétence universelle

Des personnes soupçonnées de participation au génocide ont été poursuivies en justice en Allemagne, en Espagne et en Finlande. L’Afrique du Sud ne s’était pas encore prononcée sur la demande d’extradition déposée par la France et l’Espagne à l’encontre de Kayumba Nyamwasa, un Rwandais soupçonné de crimes contre l’humanité au Rwanda qui a obtenu l’asile en Afrique du Sud en 2010. La demande d’extradition présentée par le Rwanda a été rejetée par les autorités sud-africaines.
*Dans un arrêt rendu en octobre, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que Sylvère Ahorugeze pouvait être extradé par la Suède vers le Rwanda. Cet homme avait été remis en liberté par les autorités de Stockholm en raison de la durée de sa détention provisoire. L’incapacité à mettre en place de véritables garanties pour que Sylvère Ahorugeze soit effectivement jugé constituait un déni de justice pour les victimes du génocide rwandais.
*La Norvège s’est prononcée en faveur de l’extradition de Charles Bandora. Un appel était en cours.
Impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité
Aucune investigation et aucune poursuite n’ont été engagées concernant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui auraient été commis par l’Armée patriotique rwandaise en 1994 au Rwanda, ni concernant les violations flagrantes des droits humains perpétrées par les forces armées rwandaises en République démocratique du Congo qui ont été recensées dans le rapport du projet Mapping établi par les Nations unies.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a recommandé l’invocation au 31 décembre 2011 de la clause de cessation pour les réfugiés rwandais, ce qui signifie que ces derniers pourraient perdre leur statut. Dans un certain nombre de pays, les réfugiés rwandais n’avaient pas pu à la fin de l’année être entendus individuellement afin de faire valoir d’éventuels motifs personnels expliquant qu’ils continuent à craindre d’être persécutés. La clause devait être effective au 1er juillet 2012.

Visites et documents d’Amnesty International

  • Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Rwanda en février, juillet, octobre et novembre. Un observateur d’Amnesty International a assisté au procès de Victoire Ingabire en septembre, octobre et novembre.
  • Rwanda : il faut que les autorités révèlent où se trouve un homme d’affaires qui a disparu (AFR 47/001/2011).
  • Rwanda. Quand s’exprimer n’est pas sans danger. Les limites de la liberté d’expression au Rwanda (AFR 47/002/2011).
  • Rwanda. Respecter la liberté d’expression et mettre un terme aux détentions arbitraires et aux disparitions forcées (AFR 47/005/2011).
  • Un politicien d’opposition emprisonné au Rwanda pour avoir exercé ses droits (PRE01/059/2011).
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