SWAZILAND

Une crise de l’état de droit et la révocation inique d’un juge ont porté atteinte à l’indépendance de la magistrature. Pour étouffer la contestation politique, les autorités ont recouru à des détentions arbitraires et secrètes, à des poursuites motivées par des considérations politiques ainsi qu’à une force excessive. Le rapport d’une commission parlementaire a mis en lumière les risques que faisait peser la législation contre le braconnage sur le droit à la vie. Il n’y a pas eu de réelles avancées dans l’abrogation de lois discriminatoires à l’égard des femmes. La dégradation de la situation financière du pays rendait de plus en plus difficile l’accès aux traitements contre le VIH/sida.

ROYAUME DU SWAZILAND
Chef de l’État : Mswati III
Chef du gouvernement : Barnabas Sibusiso Dlamini
Peine de mort : abolie en pratique
Population : 1,2 million
Espérance de vie : 48,7 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 73 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 86,9 %

Contexte

La situation des finances publiques s’est considérablement détériorée. Les tentatives du gouvernement pour obtenir des prêts auprès de différentes sources ont été infructueuses, notamment en raison de l’incapacité du Swaziland à mettre en œuvre des réformes fiscales et de son refus d’accepter les conditions fixées, par exemple d’adopter des réformes politiques, dans les délais convenus. Ce même gouvernement a laissé sans suite les nouveaux efforts des organisations de la société civile pour engager un dialogue sur les mesures nécessaires à l’instauration d’une démocratie pluraliste. Lors de l’examen du Swaziland dans le cadre de l’Examen périodique universel [ONU] en octobre, le gouvernement a rejeté les recommandations l’invitant à autoriser les partis politiques à présenter des candidats aux élections.

Justice

Le Swaziland s’enfonçait dans une crise de l’état de droit et l’accès, notamment pour les victimes de violations des droits humains, à des tribunaux équitables et impartiaux était de plus en plus limité. En raison de certaines restrictions, définies dans une « directive pratique » et appliquées par les instances supérieures placées sous l’autorité du président de la Cour suprême, il était difficile, voire impossible, pour les demandeurs en matière civile de saisir la justice dans les affaires où le roi était indirectement concerné en tant que défendeur. Aux termes d’une autre directive, la sélection des affaires jugées chaque jour, y compris les affaires urgentes, relevait exclusivement du président de la Cour suprême, lequel était nommé par le roi sur la base d’un contrat temporaire. Ces restrictions entravaient le bon fonctionnement de la justice, empêchant certains prévenus dans les affaires pénales d’accéder aux tribunaux ou de bénéficier d’un procès équitable. En août, le Conseil de l’ordre des avocats du Swaziland a organisé un boycott des tribunaux. Il entendait ainsi dénoncer la situation et l’incapacité des autorités à examiner en bonne et due forme ses plaintes sur l’administration des tribunaux et le comportement du président de la Cour suprême. Dans les semaines qui ont suivi, le Conseil de l’ordre a déposé une requête auprès du ministre de la Justice demandant que des mesures soient prises. Des manifestations organisées par des avocats à proximité des locaux de la Haute Cour ont été dispersées à plusieurs reprises par des policiers armés. Le Conseil de l’ordre a suspendu son boycott en novembre, à la suite de discussions avec la Commission des services judiciaires (JSC). La plupart des plaintes qu’il avait déposées demeuraient toutefois en suspens.
*En septembre, un juge de la Haute Cour, Thomas Masuku, a été sommairement limogé sur ordre du roi, à l’issue d’une « procédure de révocation » inique. Cette procédure a, semble-t-il, été déclenchée à la suite d’accusations formulées à son encontre par le président de la Cour suprême. Celui-ci a notamment affirmé que le juge Masuku avait critiqué le roi dans l’une de ses décisions. Aucun élément de preuve indépendant n’a été produit à l’appui des accusations lors de l’audience tenue à huis clos par la JSC et présidée par le président de la Cour suprême – le principal plaignant. La JSC n’a pas présenté ses conclusions au juge Masuku avant de les communiquer au roi qui, le 27 septembre, a ordonné par décret la destitution du magistrat. Le ministre de la Justice, David Matse, a lui aussi été révoqué : il avait refusé de signer un document autorisant le limogeage du juge Masuku.

Évolutions constitutionnelles ou institutionnelles`

La Commission sur les droits humains et l’administration publique a fêté son deuxième anniversaire sans que les décrets d’application aient été adoptés. Elle manquait encore de personnel et ne disposait toujours pas de locaux accessibles.

Répression de la dissidence

Le gouvernement a interdit les manifestations prévues du 12 au 14 avril par des syndicats et d’autres organisations. Il a recouru à des détentions arbitraires et secrètes, à des placements illégaux en résidence surveillée et à d’autres mesures du type de celles mises en place sous un état d’urgence pour réprimer durant plusieurs jours la contestation antigouvernementale. Des représentants de l’Association nationale des étudiants du Swaziland et d’organisations interdites figuraient parmi les personnes interpellées.
La police a employé une force excessive pour disperser des manifestants.
*Le 12 avril, Ntombi Nkosi, une militante du Congrès national de libération du Ngwane (NNLC) âgée de 66 ans, regagnait son domicile après s’être fait soigner parce qu’elle avait été touchée par des gaz lacrymogènes lorsqu’elle s’est retrouvée face à trois policiers armés. Ils l’ont interrogée sur les inscriptions relatives au NNLC figurant sur son tee-shirt et son foulard, puis se seraient emparés d’elle, lui auraient ôté son tee-shirt et son foulard et l’auraient brutalisée. Selon les informations reçues, ils l’ont étranglée, lui ont frappé la tête contre un mur, lui ont infligé des sévices sexuels, lui ont tordu les bras derrière le dos, l’ont frappée à coups de pied, puis l’ont jetée contre un fourgon de police. Un chauffeur de taxi qui passait par là a aidé Ntombi Nkosi à s’enfuir. Les blessures dont elle a souffert dans ces circonstances ont nécessité des soins à l’hôpital.
*La police a fait usage d’une force excessive pour disperser un rassemblement organisé en septembre dans la ville de Siteki, dans l’est du pays. Des agents s’en sont notamment pris à Spasha Dlamini, membre de la direction de l’Association nationale des enseignants du Swaziland. Alors qu’elle tentait de les empêcher de faire descendre un porte-parole syndical sud-africain de la scène, des policiers l’ont jetée à terre, lui ont donné des coups de pied à la tête et l’ont tirée par les bras sur une centaine de mètres. Blessée, elle a dû être hospitalisée.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

*Maxwell Dlamini, président de l’Association nationale des étudiants du Swaziland, a été détenu entre le 10 et le 12 avril. Il a été maintenu au secret, sans pouvoir consulter un avocat ni entrer en contact avec ses proches. Le lendemain de sa libération, il a de nouveau été arrêté, avec Musa Ngubeni, un ancien leader étudiant engagé politiquement. Les deux hommes n’ont ni eu droit à une assistance juridique pendant leur garde à vue, ni été représentés lorsqu’ils ont comparu devant le juge. Ils ont été inculpés d’infractions au titre de la Loi relative aux explosifs. Ils se sont vu refuser une mise en liberté sous caution au motif que leur libération constituait une menace pour la paix et la sécurité publiques. Le 20 décembre, la Haute Cour a annulé cette décision et ordonné leur libération contre le versement d’une caution de 50 000 emalangeni (6 135 dollars des États-Unis) pour chacun d’entre eux. Ils se trouvaient toujours en détention à la fin de l’année.
*La Haute Cour a rejeté en décembre la demande de mise en liberté de Zonke Dlamini et de Bhekumusa Dlamini, qui avaient tous les deux été inculpés au titre de la Loi de 2010 relative à la répression du terrorisme et qui, par la suite, s’étaient vu refuser une libération sous caution. La demande de mise en liberté avait été déposée au motif que l’État n’avait pas fait juger les deux hommes dans les délais requis par la loi.

Homicides illégaux

Une commission parlementaire, nommée pour enquêter sur des brutalités qui auraient été commises par des gardes-chasse contre des braconniers présumés, a remis ses conclusions et recommandations au Parlement en août. Les investigations de la commission ont porté sur des épisodes violents au cours desquels des braconniers présumés et des gardes-chasse ont été blessés et tués. D’après le rapport, les premiers ont été visés dans 33 cas et les seconds dans neuf cas. La plupart de ces affaires faisaient toujours l’objet d’une enquête policière, en étaient au stade des poursuites engagées par le ministère public ou étaient en instance devant les tribunaux. Certains braconniers présumés qui avaient été blessés par des gardes-chasse ont été poursuivis au titre du Code de la chasse (modifié). En revanche, aucun garde-chasse n’a fait l’objet de poursuites pour des tirs – meurtriers ou non. La commission a recommandé l’adoption, de toute urgence, d’une réforme des dispositions du Code de la chasse (modifié) susceptibles d’être interprétées comme « tolérant les brutalités envers les personnes soupçonnées de braconnage ».

Morts en détention

Nondumiso Simelane, la coroner désignée pour enquêter sur la mort en détention, en mai 2010, du militant politique Sipho Jele, a remis ses conclusions au Premier ministre en mars. Le rapport n’avait pas été rendu public à la fin de l’année.
*Le 5 décembre, Phumelela Mhkweli (26 ans) est mort peu après que des policiers l’eurent extrait de force d’un taxi à Siteki, exigeant qu’il règle une amende pour une infraction à la circulation et insistant pour qu’il soit « sanctionné », d’après des témoins. Les éléments médicaux ont révélé que Phumelela Mhkweli présentait des lésions à la tête et au visage, et que son décès était lié au comportement agressif de la police, qui avait déclenché des pathologies latentes.

Droits des femmes

Le projet de loi relatif aux crimes sexuels et aux violences domestiques était en cours d’examen par le Parlement, mais n’avait toujours pas été adopté à la fin de l’année.
En juin, le gouvernement a présenté au Parlement un texte portant modification de la Loi sur le registre des actes notariés, à la suite d’une décision rendue en mai 2010 par la Cour suprême. Jugeant anticonstitutionnelle une disposition de la loi qui empêchait la plupart des femmes mariées civilement d’enregistrer à leur nom des habitations ou d’autres biens immobiliers, la Cour suprême avait demandé sa modification. Le projet de loi, qui ne comportait pas de garanties suffisantes, n’avait pas été adopté à la fin de l’année.
Le projet de loi sur la nationalité présenté au Parlement contenait des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, les privant du droit de transmettre la nationalité swazie à leurs enfants ou à leur conjoint étranger.

Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres

Lors de l’examen du Swaziland dans le cadre de l’Examen périodique universel [ONU], en octobre, le gouvernement a rejeté les recommandations l’engageant à dépénaliser les relations homosexuelles et à prévenir la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Droit à la santé – épidémie de VIH

L’ONUSIDA a indiqué que le taux de séropositivité au VIH/sida demeurait « excessivement élevé » mais semblait « se stabiliser ». Selon le rapport national soumis en juillet dans le cadre de l’Examen périodique universel [ONU], 85 % des structures dispensant des soins prénatals proposaient également des traitements destinés à éviter la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé qu’il avait adopté les recommandations de l’OMS, qui préconisait une mise sous traitement antirétroviral des personnes infectées à un stade plus précoce de la maladie. Quelque 65 000 personnes bénéficiaient de ce traitement en novembre.
Cependant, il restait difficile pour certains patients d’avoir accès aux antirétroviraux et de respecter le traitement, en raison de la pauvreté, du manque de transports dans les zones rurales, de l’insécurité alimentaire, des défaillances du système d’approvisionnement en médicaments et de l’insuffisance des fonds due à la mauvaise gestion financière du pays.

Peine de mort

La Constitution de 2006 autorisait le recours à la peine capitale, mais le Swaziland n’avait procédé à aucune exécution depuis 1983.
*En avril, dix ans après son arrestation, David Simelane a été condamné à mort par la Haute Cour après avoir été reconnu coupable du meurtre de 34 femmes. Il s’est pourvu en appel.
Deux autres personnes demeuraient sous le coup d’une sentence capitale. Lors de l’examen du Swaziland dans le cadre de l’Examen périodique universel [ONU], en octobre, le gouvernement a présenté le pays comme « abolitionniste en pratique » mais a indiqué que la question de l’abolition en droit nécessitait un « débat national ».

Visites et documents d’Amnesty International

  • Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues au Swaziland en juin et en novembre.
  • Swaziland : Blatant unfairness of removal proceedings against leading High Court judge threatens judicial independence (AFR 55/004/2011).
  • Swaziland. Liberté et égalité pour les femmes swazies ! (AFR 55/005/2011).
  • Key human rights concerns highlighted by Amnesty International in advance of Swaziland’s Universal Periodic Review hearing in October 2011 (AFR 55/006/2011).
  • Swaziland. Des militants arrêtés à la veille de manifestations interdites (PRE01/203/2011).
  • Les autorités du Swaziland doivent mettre fin à leurs opérations de répression violentes (PRE01/213/2011).
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