Amnesty International exhorte Bahreïn à libérer les prisonniers de conscience restants

Bahreïn doit relâcher immédiatement et sans condition l’ensemble des prisonniers d’opinion, a déclaré Amnesty International après qu’un tribunal de Manama ait accordé une libération sous caution à Nabeel Rajab, éminent défenseur des droits humains, lundi 28 mai.

Les autorités bahreïnites ont interdit à cet homme, qui est le président du Centre des droits humains de Bahreïn, de se rendre à l’étranger ; il doit en outre comparaître de nouveau en juin pour des faits en rapport avec son action militante, charges qui du point de vue d’Amnesty International devraient être abandonnées.

Le même jour, Abdulhadi Al Khawaja, militant en faveur des droits humains incarcéré, a mis fin à une grève de la faim durant depuis 110 jours. Cet homme et 12 autres dirigeants de l’opposition se trouvent en détention car ils sont accusés d’avoir joué un rôle dans les manifestations pacifiques pro-réforme de 2011. Amnesty International considère toutes ces personnes comme des prisonniers d’opinion.

« Le maintien en détention et les procès de ces prisonniers d’opinion montrent que sous le fin vernis de réforme à Bahreïn, très peu a changé dans les faits et que la crise des droits humains est loin d’être finie », a souligné Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Les autorités bahreïnites doivent libérer immédiatement et sans condition les prisonniers d’opinion restants, abandonner les charges retenues contre ceux qui sont en instance de procès pour avoir manifesté pacifiquement, et lever l’interdiction de voyager pesant sur Nabeel Rajab. »

Nabeel Rajab

Le 28 mai, une juridiction pénale inférieure de Manama a ordonné la libération de Nabeel Rajab moyennant une caution d’un montant de 300 dinars bahreïnites (environ 640 euros).

Il est censé retourner au tribunal le 17 juin pour deux affaires distinctes ; on lui reproche notamment d’avoir incité des gens à se joindre à lui lors de défilés illégaux, d’avoir participé à un « rassemblement illicite » et d’avoir causé des « troubles à l’ordre public ». Ses avocats n’ont eu connaissance de ces charges que récemment.

Il est accusé, dans le cadre d’une troisième affaire, d’« outrage à une institution nationale » sur Twitter, pour laquelle il doit comparaître de nouveau le 24 juin.

À sa libération, Nabeel Rajab a dit à Amnesty International :

« Je suis pris pour cible pour avoir exercé mon droit à la liberté d’expression et de réunion, et pour mon action en faveur des droits humains. Cela n’est pas nouveau. C’est le prix à payer pour défendre les droits humains. »

« Je tiens à dire à toutes les personnes ayant pris ma défense que j’apprécie infiniment. Chaque lettre a compté et sans le soutien des militants je n’aurais pas été relâché », a-t-il poursuivi.

Amnesty International demande aux autorités bahreïnites d’ouvrir une enquête sur les informations selon lesquelles il a été frappé par des policiers antiémeute alors qu’il participait à une manifestation en février 2012.

Abdulhadi Al Khawaja et autres prisonniers d’opinion

Lundi 28 mai dans la soirée, Abdulhadi Al Khawaja, autre éminent défenseur des droits humains, a mis un terme à une grève de la faim entamée 110 jours auparavant en prison.

Selon ses propres dires, le but initial de cette grève de la faim était « la liberté ou la mort », mais il a affirmé à sa famille que l’action avait réussi à braquer les projecteurs sur la situation actuelle des droits humains à Bahreïn.

Cet homme et 12 autres militants de l’opposition – dont beaucoup auraient été soumis à la torture, et notamment à des agressions sexuelles, en détention – comparaissaient de nouveau mardi 29 mai afin de former un recours contre leur incarcération sur la base de charges incluant la « formation de groupes terroristes dans le but de renverser le régime monarchique et de changer la Constitution ».

Les 13 hommes continuent à clamer leur innocence et nombre d’entre eux déclarent que leurs « aveux » leur ont été arrachés sous la torture. Ils font appel dans le but d’obtenir l’annulation de leur condamnation à des peines de prison – pour des durées allant de deux ans à la perpétuité. Plusieurs ont refusé d’assister aux futures audiences en relation avec leur cas, estimant que leurs condamnations étaient motivées par des considérations politiques.

Quelques-uns des accusés ont déjà dénoncé lors des audiences les actes de torture qu’ils ont subis en détention. Le reste des accusés doit témoigner le 5 juin.

Al Hur Yousef al Somaikh, qui était détenu en compagnie de ces 13 prisonniers d’opinion, a été remis en liberté le 30 avril après que sa peine de prison ait été ramenée de deux ans à six mois. Il ne fait plus l’objet de poursuites.

Le procès en appel de Mahdi Issa Mahdi Abu Dheeb et Jalila Salman, membres de l’Association des enseignants bahreïnites, condamnés à 10 et trois ans de prison par un tribunal militaire en septembre 2011, doit reprendre devant un tribunal civil mercredi 30 mai.

Mahdi Issa Mahdi Abu Dheeb, qui avait précédemment déclaré à un tribunal qu’il avait été torturé en détention, purge actuellement sa peine à la prison de Jaw, tandis que Jalila Salman a été libérée sous caution.

Amnesty International continue à demander la libération immédiate et sans condition de Mahdi Issa Mahdi Abu Dheeb et de 13 autres prisonniers d’opinion, et exhorte les autorités bahreïnites à mener une enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles ils ont été torturés en détention.

Libération sous caution pour des militantes

Les procès ont également repris mardi 29 mai pour Zainab Al Khawaja, fille d’Abdulhadi Al Khawaja, et une autre femme, Masuma Sayyid Sharaf, inculpées dans le cadre de plusieurs affaires pour leur participation à des manifestations pacifiques à Manama et aux alentours depuis décembre 2011.

Les deux femmes ont été relâchées sous caution et doivent comparaître de nouveau pour plusieurs affaires en juin, sur la base d’accusations de participation à des « rassemblements illégaux » et d’agressions présumées de policières.

Le 24 mai, une juridiction de première instance a condamné Zainab Al Khawaja à 30 jours de prison pour des infractions en relation avec ces faits, mais elle avait déjà passé plus de 30 jours en détention.

Les deux femmes nient les charges retenues contre elles, et ont entamé le 20 mai une grève de la faim de cinq jours afin de protester contre leur détention ; Zainab Al Khawaja a dû être hospitalisée au bout de trois jours.

« D’après les recherches effectuées sur les cas de Zainab Al Khawaja et Masuma Sayyid Sharaf, rien ne permet de penser qu’une ou l’autre ait employé ou prôné la violence », a ajouté Philip Luther.

« Nous pensons qu’elles sont uniquement jugées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion, et demandons l’abandon des charges retenues contre elles. »

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