Afrique—Résumé de la situation des droits humains

L’aggravation de la crise malienne en 2012 a été le reflet de nombreux problèmes profondément enracinés dans la région. Sur tout le continent, les conflits, la pauvreté omniprésente et les exactions des forces de sécurité et des groupes armés pesaient lourdement sur le quotidien des populations et empêchaient les citoyens de jouir pleinement de leurs droits, mettant en évidence les lacunes intrinsèques des mécanismes régionaux et internationaux de protection des droits humains, de la paix et de la sécurité.

En janvier, des groupes armés touaregs et islamistes ont organisé un soulèvement dans le nord du Mali, où la pauvreté, la discrimination et l’insuffisance du développement nourrissaient depuis longtemps le mécontentement de la population. Ce soulèvement a déclenché en mars un coup d’État militaire dans la capitale, Bamako, entraînant le mois suivant une partition de fait du Mali. Le nord du pays est demeuré sous le contrôle de groupes armés jusqu’à la fin de l’année. Les groupes touaregs et islamistes se sont rendus coupables de nombreuses exactions graves : exécutions sommaires de soldats faits prisonniers, amputations, exécutions par lapidation, viols de filles et de femmes, notamment.

De leur côté, les forces de sécurité maliennes ont procédé à des exécutions extrajudiciaires et au bombardement aveugle de zones contrôlées par les Touaregs. Des groupes armés et des milices gouvernementales ont recruté des enfants soldats. Plus de 400 000 hommes, femmes et enfants ont fui de chez eux pour tenter de se mettre en sécurité.

« Le petit-fils de mon maître [coranique] nous a vendus aux islamistes.[…] Ils nous ont entraînés à tirer [et on nous donnait des poudres à manger et] des injections.[…] Je faisais n’importe quoi pour mes maîtres. Je considérais nos ennemis comme des chiens et je n’avais qu’une idée en tête : leur tirer dessus » Un jeune Malien de 16 ans, arrêté quand les soldats français et maliens ont reconquis Diabaly, a raconté à Amnesty International comment il a été forcé de rejoindre un groupe armé islamiste. Janvier 2013.

En République démocratique du Congo (RDC) aussi, les civils ont été les premières victimes des violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité et par des groupes armés de plus en plus nombreux. La situation en matière de sécurité, déjà précaire, s’est largement dégradée lorsque des groupes armés, dont le mouvement du 23 Mars, ont resserré leur emprise sur certaines zones de la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays.

Dans le même temps, les tensions entre le Soudan du Sud et le Soudan au sujet du pétrole, de la nationalité et du tracé de la frontière se sont accentuées. La situation des droits humains demeurait critique en raison des conflits persistants dans les États du Darfour, du Kordofan du Sud et du Nil bleu. L’intensification des combats à la fin de l’année a provoqué de lourdes pertes parmi la population civile, l’aggravation de la crise humanitaire et la fuite de plus de 200 000 personnes vers les États voisins. Des violences ont aussi été commises par les forces de sécurité lors des manifestations de grande ampleur organisées pour protester contre la politique d’austérité du gouvernement.

Des violences imputables à la police ou aux forces de sécurité ont été observées de façon récurrente dans plusieurs pays de la région. Au Nigeria, les attentats à l’explosif et les attaques perpétrés par le groupe islamiste armé Boko Haram ont fait plus d’un millier de victimes. En riposte à ces actions, les forces de sécurité nigérianes ont également commis de graves violations des droits humains : disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires, incendies de maisons, détentions illégales, etc.En août, la police sud-africaine a utilisé des fusils d’assaut et des balles réelles pour réprimer une grève dans une mine de platine de la société LONMIN, à Marikana (province du Nord-Ouest). Seize mineurs ont trouvé la mort sur le site et 14 autres à l’endroit où ils s’étaient réfugiés pour échapper aux tirs des policiers. Il semble que la majorité d’entre eux aient été abattus alors qu’ils tentaient de fuir ou de se rendre. Quatre autres ont succombé à leurs blessures quelques heures plus tard. Le litige qui opposait les grévistes à la direction de LONMIN portait sur les salaires. L’ampleur du massacre et le retentissement qu’il a connu, ainsi que les tensions croissantes dans tout le secteur minier, ont provoqué une crise nationale.Les défenseurs des droits humains, les journalistes et les opposants étaient en butte à une dure répression. Certains ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement, comme en Éthiopie, d’autres ont été arrêtés de manière arbitraire, harcelés ou encore menacés de mort, comme en Gambie. En Côte d’Ivoire, des attaques conduites par des combattants armés non identifiés ont déclenché une sévère répression fondée sur l’appartenance ethnique ou politique présumée.

Plusieurs pays ont prononcé des condamnations à mort, mais seuls quelques-uns ont procédé à des exécutions ; la Gambie a envoyé un signal inquiétant en exécutant ses premiers prisonniers depuis 30 ans.

Cette année encore, les femmes et les filles ont été particulièrement exposées à la discrimination et aux violences liées au genre. Les violences familiales sont restées monnaie courante, de même que les violences cautionnées par l’État et celles entraînées par les conflits. Des viols ont été commis par des soldats et des membres de groupes armés dans de nombreuses zones de conflit, notamment au Mali, au Tchad, au Soudan et en RDC. Au Soudan, certaines manifestantes auraient été soumises à des « tests de virginité ». Dans beaucoup de pays, les mutilations génitales et d’autres pratiques traditionnelles néfastes demeuraient en vigueur.

Alors que l’on s’apprêtait à célébrer, en 2013, le 50e anniversaire de l’Union africaine, la corruption généralisée et les conflits engendraient toujours de nombreux problèmes dans l’ensemble de l’Afrique. Mais des lueurs d’espoirs existaient un peu partout dans la région, où des hommes et des femmes continuaient d’agir de manière pacifique pour revendiquer leur droit à la dignité, à la justice sociale et au respect de leurs droits fondamentaux.

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