Kenya

Les libertés de réunion et d’expression ont été mises à mal. L’impunité demeurait la règle pour les violations des droits humains commises récemment ou par le passé, y compris pour les homicides illégaux. Des réfugiés et des demandeurs d’asile somaliens ont été visés par des violences xénophobes et certains ont été arrêtés arbitrairement par la police. Des attaques à l’explosif, notamment à la grenade, ont été perpétrées dans des villes frontalières de la province du Nord-Est et à Nairobi.

RÉPUBLIQUE DU KENYA
Chef de l’État et du gouvernement : Mwai Kibaki

Contexte

Le processus de mise en œuvre des réformes constitutionnelles s’est poursuivi tout au long de l’année, le Parlement adoptant plus de 27 propositions de loi. Cependant, la Commission de mise en œuvre de la Constitution a critiqué certaines de ces propositions, estimant qu’elles n’étaient pas conformes à la Constitution. L’application de certaines lois votées par le Parlement, dont la Loi relative aux Services de police au niveau national, a été retardée.
La sécurité dans le pays a été mise à mal par plusieurs épisodes de violences, survenus notamment dans les provinces du Nord-Est et de la Côte et dans les villes de Kisumu et Nairobi.

Impunité – violences postélectorales

Aucune mesure n’a été prise pour traduire en justice les responsables présumés des crimes et des violations des droits humains (dont certaines pourraient constituer des crimes contre l’humanité) qui auraient été commis lors des violences postélectorales de 2007-2008, bien que le gouvernement ait affirmé, à plusieurs reprises, que les enquêtes se poursuivaient.
En février, le procureur général a créé une équipe spéciale chargée de traiter 5 000 affaires en instance. C’était la troisième fois qu’une équipe de ce type était mise en place pour examiner les affaires en cours. L’équipe spéciale a révélé en août que, dans la plupart des cas, les éléments de preuve recueillis n’étaient pas suffisamment solides pour que les affaires passent en jugement.
Après avoir examiné le bilan du Kenya quant à la mise en œuvre du PIDCP, le Comité des droits de l’homme [ONU] a rendu publiques ses observations finales en juillet. Il s’est déclaré préoccupé par l’absence d’enquêtes et de poursuites contre les auteurs présumés des violences.

Violations des droits humains commises par la police

Cette année encore, Amnesty International a reçu des informations faisant état de multiples violations des droits humains imputables à la police. Celle-ci aurait notamment fait un usage excessif de la force, procédé à des arrestations arbitraires et maltraité des personnes en garde à vue. D’après de nombreux témoignages, elle s’en serait également prise dans tout le pays à des membres de communautés spécifiques, en particulier à des personnes d’origine somalienne.
L’impunité pour les atteintes aux droits fondamentaux perpétrées par la police persistait. La mise en œuvre de lois essentielles devant encadrer la réforme de la police a subi des retards importants. L’Autorité indépendante de surveillance du maintien de l’ordre (IPOA) a débuté ses travaux en juin. Elle était chargée d’enquêter sur les plaintes déposées contre des membres des Services de police au niveau national et sur les infractions pénales ou les fautes disciplinaires qu’ils auraient commis. On craignait cependant que le budget alloué à l’IPOA ne lui permette pas de mener à bien sa mission.
 En octobre, la police a arrêté le dirigeant du Conseil républicain de Mombasa (MRC), Omar Mwamnuadzi, et 40 autres personnes supposées être des membres du MRC. Lors de l’opération, deux personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées par des policiers. Omar Mwamnuadzi a notamment été frappé. Les personnes arrêtées ont été inculpées, entre autres, d’appartenance à un groupe illégal, de provocation et de détention d’armes à feu. Leurs dossiers étaient en instance à la fin de l’année.
 En octobre également, la police a tiré des balles en caoutchouc sur des manifestants qui s’étaient rassemblés devant un poste de police pour protester contre l’insécurité à Mathare, un secteur d’habitat précaire de Nairobi. Trois protestataires ont été arrêtés et inculpés d’incitation à la violence. Sept militants, dont deux bénévoles et un membre du personnel d’Amnesty International, qui avaient tenté de rencontrer la police pour évoquer cette manifestation, ont été arrêtés arbitrairement et détenus au secret pendant toute une nuit au poste de police de Pangani, où ils ont également été frappés. Ils ont été inculpés d’incitation à la violence, de troubles à l’ordre public et d’avoir empêché un agent de l’État d’exercer ses fonctions. L’affaire se poursuivait à la fin de l’année.
En novembre et en décembre, à la suite d’attaques à la grenade ou avec d’autres explosifs, plusieurs centaines de Somaliens ont été détenus de façon arbitraire ou discriminatoire par la police et d’autres forces de sécurité, en particulier dans le secteur d’Eastleigh, à Nairobi. Ces attaques ont été attribuées à Al Shabab, groupe armé islamiste qui opère en Somalie mais qui aurait mené quelques opérations au Kenya. Cependant, il existait aussi au Kenya une forte discrimination à l’égard des Somaliens, ceux-ci étant perçus comme un poids pour le pays, qui hébergeait déjà un grand nombre de réfugiés de cette nationalité (voir Réfugiés et demandeurs d’asile). En décembre, sur une période de trois jours, jusqu’à 300 personnes auraient été interpellées, dont des réfugiés et des demandeurs d’asile somaliens ainsi que des Kényans d’origine somalienne. La plupart ont par la suite été remises en liberté sans avoir été inculpées. Elles ont été nombreuses cependant à affirmer que les forces de sécurité les avaient maltraitées lors de l’arrestation ou en détention, et leur avaient extorqué de l’argent ou avaient tenté de le faire. Cette vague d’arrestations et l’absence de toute inculpation faisaient craindre que la réaction des autorités n’ait été motivée par des considérations discriminatoires à l’égard des Somaliens.
 En octobre, Shem Kwega, représentant politique du Mouvement démocratique orange (ODM), a été tué par des inconnus à Kisumu. Sa mort a déclenché une manifestation qui a pris une tournure violente. Des pierres ont été lancées sur des policiers, qui ont riposté en tirant à balles réelles ; quatre personnes auraient été abattues. Plusieurs personnes sont également mortes dans l’incendie qui a ravagé le local où elles avaient trouvé refuge. D’après des témoins, le feu s’est déclaré lorsque des policiers ont tiré des gaz lacrymogènes dans le local.

Violences intercommunautaires

Le conflit opposant les ethnies pokomo et orma sur des questions d’eau et de pâturages s’est aggravé dans le comté de Tana River. À la fin de l’année, on estimait que les affrontements survenus dans le cadre de ce conflit avaient fait quelque 200 morts et entraîné le déplacement de 30 000 personnes environ.
Malgré le déploiement de plus de 2 000 policiers dans le delta du Tana en septembre, de nouveaux affrontements ont eu lieu, ce qui a suscité de sérieuses craintes quant à la réaction des forces de sécurité et à leur capacité à défendre les droits humains de la population de cette région. Des habitants ont soutenu qu’ils avaient tenté à plusieurs reprises, avant le mois d’août, de faire part à la police et aux forces de sécurité de leurs inquiétudes au sujet de la dégradation de la situation, mais leurs craintes n’avaient pas été prises au sérieux.
Les autorités kényanes ont créé une commission chargée d’enquêter sur ces homicides et sur la réaction inappropriée dont était accusée la police, mais celle-ci n’avait pas encore communiqué d’informations à la fin de l’année.

Justice internationale

En janvier, la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé de renvoyer en jugement William Ruto, Joshua arap Sang, Uhuru Kenyatta et Francis Muthaura, accusés de crimes contre l’humanité qui auraient été commis pendant les violences postélectorales de 2007-2008 au Kenya. Uhuru Kenyatta, vice-Premier ministre, et William Ruto, ancien ministre, avaient déclaré qu’ils se présenteraient aux élections de 2013. Le gouvernement kényan a, selon toute apparence, tenté de mettre en cause la compétence de la CPI sur ces quatre affaires. L’Assemblée législative de l’Afrique de l’Est a adopté en avril une résolution engageant le Conseil des ministres de la Communauté d’Afrique de l’Est à demander le transfert de ces affaires à la Cour de justice de l’Afrique de l’Est. Cette dernière n’est toutefois pas compétente pour connaître des crimes de droit international. La CPI a annoncé en juillet que les procès s’ouvriraient en avril 2013.

Réfugiés et demandeurs d’asile

À la fin de l’année, le Kenya comptait plus de 600 000 réfugiés et demandeurs d’asile, qui venaient de Somalie dans leur immense majorité. Ils vivaient pour la plupart dans les camps de Dadaab. L’enregistrement des nouveaux arrivants à Dadaab demeurait suspendu, tout comme le transport des demandeurs d’asile entre la frontière et Dadaab, ce qui signifiait que ceux-ci devaient parcourir une centaine de kilomètres à pied pour demander l’asile. Cette année encore, la police s’est rendue coupable de violations des droits humains de réfugiés vivant dans les camps de Dadaab. En mai, elle a arrêté arbitrairement, détenu et frappé plusieurs d’entre eux après qu’un véhicule de police eut été attaqué dans les camps. Elle était, disait-on, à la recherche d’explosifs.
À plusieurs reprises en 2012, de hauts représentants de l’État ont menacé de fermer les camps de Dadaab et de renvoyer de force tous leurs occupants dans le sud de la Somalie. Ils ont décrit Dadaab comme une « menace pour la sécurité » et soutenu que certaines régions du sud de la Somalie étaient sûres. Amnesty International et d’autres groupes de défense des droits humains ont contesté cette position (voir Somalie).
Aux personnes vivant dans des camps venaient s’ajouter quelque 55 000 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Nairobi et dans d’autres agglomérations.
En décembre, le gouvernement kényan a annoncé que tous les réfugiés et demandeurs d’asile des zones urbaines devaient être déplacés dans les camps de réfugiés. Le HCR s’est dit profondément inquiet de cette annonce et a demandé au gouvernement de ne pas mettre son projet à exécution.

Personnes déplacées

Le Parlement a voté en octobre la Loi relative aux personnes déplacées. Aux termes de ce texte, le gouvernement et d’autres institutions étaient tenus de protéger la population contre des facteurs susceptibles d’entraîner leur déplacement, et le gouvernement de mettre en place des structures d’aide destinées aux personnes ayant été déplacées.

Droits en matière de logement – expulsions forcées

 Le 28 janvier, la police a expulsé de force de très nombreux habitants de Mukuru Kwa N’jenga, dans l’est de Nairobi. Trois personnes sont mortes pendant l’opération : une femme a été électrocutée lors de la chute d’un câble électrique sous tension, une autre a été touchée par une balle perdue, et un enfant est mort lors de la débandade de manifestants qui entendaient protester contre l’expulsion et qui fuyaient pour échapper à la police.
 En août, les occupants de 70 habitations ont été expulsés de force de Kiamaiko, un secteur d’habitat précaire de Nairobi. Une affaire était pourtant en cours devant la justice pour déterminer la propriété du terrain.
 Les habitants de Deep Sea, à Nairobi, étaient toujours menacés d’expulsion forcée par un projet de route conçu par l’Autorité de la voirie urbaine du Kenya (KURA). La KURA élaborait certes un plan de relogement des personnes touchées mais, selon certains des habitants, ces derniers n’avaient pas été correctement consultés au sujet du plan et celui-ci ne tenait pas compte du nombre réel de personnes concernées par l’expulsion.
Une proposition de loi établissant des directives en matière d’expulsion et prohibant les expulsions forcées a été déposée au Parlement en octobre. Elle n’avait pas encore été débattue à la fin de l’année. En octobre, le ministère des Questions foncières a nommé une nouvelle équipe chargée d’examiner une proposition similaire que le ministère avait préparée en 2011 mais qui n’avait pas été présentée devant le Parlement.

Peine de mort

Aucune exécution n’a eu lieu, mais au moins 21 condamnations à mort ont été prononcées en 2012. La Loi relative aux forces de défense du Kenya, adoptée en 2012, prévoyait la peine de mort pour les membres de ces forces déclarés coupables de toute une série d’infractions, dont la trahison, l’espionnage, la collusion avec l’ennemi, la communication de renseignements à l’ennemi et l’appel illégal à un changement de gouvernement.

Visites et documents d’Amnesty International

 Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Kenya en janvier, octobre et décembre.
 Kenya ; Submission to the Human Rights Committee, July 2012 (AFR 32/002/2012).

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