Mali

Le conflit armé dans le nord du pays et le coup d’État militaire qui a suivi ont donné lieu à de très graves violations des droits humains, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et torture notamment, commises par les forces de sécurité. Dans le nord, des groupes armés se sont livrés à des exactions, dont des violences sexuelles, des homicides délibérés et arbitraires et des châtiments corporels. Les deux camps ont recruté des enfants soldats.

RÉPUBLIQUE DU MALI
Chef de l’État : Amadou Toumani Touré, remplacé provisoirement par Diouncounda Traoré le 12 avril
Chef du gouvernement : Mariam Kaïdama Cissé Sidibé, remplacée provisoirement par Cheick Modibo Diarra le 17 avril, à son tour remplacé par Diango Cissoko le 11 décembre

Contexte

En janvier, des groupes armés touaregs et islamistes ont déclenché un soulèvement qui a provoqué, en mars, un coup d’État militaire à Bamako et le renversement du président démocratiquement élu Amadou Toumani Touré. Ces événements ont débouché sur une partition de facto du pays en avril. Un chef d’État et un Premier ministre ont été désignés en avril à titre provisoire, mais les chefs de la junte dirigée par le capitaine Amadou Haya Sanogo restaient influents politiquement.

Le conflit dans le nord a entraîné des pertes civiles et militaires ainsi que le déplacement de plus de 400 000 personnes, qui ont trouvé refuge dans le sud du Mali et dans les pays voisins – Algérie, Burkina Faso, Mauritanie et Niger.

À partir du mois d’avril, la totalité du nord du pays était aux mains de plusieurs groupes armés, à savoir le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et trois groupes islamistes : Ansar Eddin, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

En juillet, le gouvernement a saisi la Cour pénale internationale (CPI) de la situation de crise au Mali, au motif que les autorités nationales étaient dans l’impossibilité d’enquêter sur les crimes commis et d’engager des poursuites contre leurs auteurs présumés. En juillet et en août, la CPI a envoyé une délégation qui a procédé à un examen préliminaire pour déterminer si une enquête devait être ouverte. Les résultats de cet examen n’avaient pas été rendus publics à la fin de l’année.
En octobre, des dirigeants africains de la CEDEAO ont décidé de définir un plan d’intervention militaire en vue de la reconquête du nord du Mali avec le soutien des Nations unies et de plusieurs autres gouvernements, dont la France et les États-Unis.

En décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a autorisé une force sous conduite africaine à prendre « toute mesure utile » pour reprendre les zones du nord contrôlées par des groupes armés.

Violations des droits humains imputables aux forces gouvernementales

Dans son combat contre le MNLA, l’armée a lancé plusieurs attaques sans discernement contre des cibles civiles dans la région de Kidal.
 En février, un hélicoptère de l’armée a visé le camp de Kel Essouck, près de Kidal. Au moins 12 personnes ont été blessées ; Fata Walette Ahmedu, une fillette de quatre ans atteinte par un obus, a succombé à ses blessures.

Torture et autres mauvais traitements ; exécutions extrajudiciaires

Des personnes soupçonnées de sympathie à l’égard de groupes armés, ou prises pour cible parce qu’elles étaient touaregs, ont été victimes de torture et d’autres mauvais traitements, voire d’exécutions extrajudiciaires, imputables aux forces de sécurité.
 En janvier, des soldats ont arrêté deux Touaregs accusés de fournir de l’essence à des groupes armés à Ménaka et les ont frappés à coups de crosse de fusil.
 En avril, des soldats ont arrêté trois hommes non armés – dont deux Touaregs – accusés d’espionnage pour le compte du MNLA à Sévaré. Ils les ont frappés à coups de crosse de fusil avant de les exécuter sommairement.
 En septembre, 16 Maliens et Mauritaniens ont été arrêtés par des militaires à Diabaly et exécutés de manière extrajudiciaire car on les soupçonnait de soutenir des groupes armés islamistes. Ces 16 hommes, qui appartenaient à un groupe de prédicateurs musulmans, la Dawa, étaient venus de Mauritanie pour participer au rassemblement annuel de leur mouvement à Bamako. Une enquête a été ouverte, mais ses conclusions n’avaient pas été rendues publiques à la fin de l’année.

Arrestations et détentions arbitraires

Des sympathisants présumés du MNLA ont été arrêtés et incarcérés sans inculpation.
 En février, quatre personnes, dont la présidente et la vice-présidente de l’Association des femmes de l’Azawad, ont été arrêtées dans la région de Kidal et transférées à Bamako. Elles ont été libérées en avril en échange de 13 personnes détenues par le MNLA.

Atteintes aux droits humains perpétrées par la junte

Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et torture
En mai, après une tentative de contre-coup d’État, des militaires et des policiers fidèles à l’ancien président Touré ont été torturés et exécutés de manière extrajudiciaire ; d’autres ont été victimes de disparition forcée. Deux militaires ont été poignardés à mort dans le camp militaire de Kati, non loin de Bamako, par des soldats fidèles à la junte. Plus de 20 autres ont été victimes de disparition forcée après avoir été enlevés de leur cellule et, à la fin de l’année, on était toujours sans nouvelles d’eux. Certains des militaires et des policiers ont été détenus dans des conditions éprouvantes durant leur interrogatoire et ont été soumis à des sévices sexuels.

Détention arbitraire
La junte militaire a arrêté et placé en détention de manière arbitraire des opposants qui avaient protesté contre le coup d’État.
 En mars, la junte a arrêté plusieurs personnalités politiques, dont le ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga, et le ministre de l’Administration territoriale, Kafougouna Koné. Ces personnes ont été détenues sans inculpation, dans certains cas durant 20 jours, dans le camp militaire de Kati.
 En avril, plusieurs opposants à la junte, dont l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé et l’ancien ministre des Finances Soumaïla Cissé, ont été arrêtés et emmenés au camp de Kati. Ils ont été libérés deux jours plus tard sans avoir été inculpés.

Liberté de la presse
À partir du mois de mars, la junte s’en est prise aux journalistes pour les empêcher de diffuser des informations.
 En mars, cinq journalistes ont été arrêtés à Bamako par des militaires et emmenés au camp de Kati. Ils ont été relâchés quelques jours plus tard. Omar Ouahmane, un journaliste français travaillant pour la station de radio France Culture, a été arrêté, maltraité et menacé de mort par des soldats fidèles à la junte.
 En juin, la chaîne de télévision privée Africable TV a été censurée alors qu’elle était sur le point de diffuser une interview d’un responsable du MNLA.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Homicides arbitraires et torture
Des groupes armés ont commis des atteintes graves au droit international humanitaire en torturant et en exécutant des militaires maliens qu’ils avaient capturés.
 En janvier, des soldats maliens faits prisonniers lors d’une embuscade à Tilemsi ont été ligotés et frappés à coups de crosse de fusil.
 En janvier, plusieurs dizaines de militaires maliens faits prisonniers à Aguelhoc ont été abattus ou égorgés par des membres d’Ansar Eddin.
Violences faites aux femmes et aux filles
Lors de la prise de contrôle du nord par des groupes armés, et après, des femmes et des jeunes filles ont été soumises à des viols, dans certains cas commis en réunion, par des membres de ces groupes. La plupart étaient enlevées à leur domicile ou dans la rue et emmenées dans un camp militaire.
 À la fin de mars et au début d’avril, plusieurs femmes ont été agressées et violées à Gao alors qu’elles venaient chercher des vivres dans les locaux de l’Office des produits agricoles du Mali (OPAM).
 En avril, à Ménaka, des femmes d’ethnie bambara auraient été agressées et violées par des membres du MNLA.
 Vers la fin juillet et le début d’août, six femmes ont été attaquées à Gossi par plusieurs membres d’un groupe armé qui circulaient en moto et qui les ont dépouillées ; trois d’entre elles ont été enlevées et violées.

Châtiments corporels
Des groupes islamistes armés ont puni de châtiments corporels ou ont tué de manière délibérée et arbitraire des personnes qui refusaient de respecter les nouvelles règles et les comportements qu’ils imposaient conformément à leur interprétation du droit musulman.
 En juin, à Bourem, des membres du MUJAO ont flagellé des personnes qui fumaient.
 En juillet, à Tombouctou, des membres d’Ansar Eddin ont administré 40 coups de canne à un homme accusé de boire de l’alcool.
 Également en juillet, à Aguelhoc, des membres d’Ansar Eddin ont lapidé un couple non marié qui avait eu un enfant.
Un certain nombre de personnes accusées de vol ou de vol qualifié ont été amputées à l’issue de parodies de procès.
 En août, un éleveur touareg accusé de vol de bétail a été amputé de la main droite.
 En septembre, cinq personnes accusées de vol qualifié ont subi l’amputation du pied droit et de la main gauche.

Enfants soldats

Les deux parties au conflit recrutaient des enfants soldats.

Dans la partie du pays contrôlée par le gouvernement, des milices d’autodéfense recrutaient et entraînaient des enfants, avec le soutien des autorités, dans la perspective d’une offensive visant à la reprise du contrôle du nord du pays.

Les groupes armés qui contrôlaient le nord recrutaient également des enfants, souvent affectés aux postes de contrôle pour effectuer les fouilles.

Droit à l’éducation et à la culture

Dans le nord du pays, le droit à l’éducation était mis en péril par AQMI, qui interdisait l’enseignement du français et la mixité dans les écoles.
 En mars, toutes les écoles et bibliothèques de Kidal ont été incendiées et pillées, hormis deux madrassas (écoles coraniques).
Le droit à la culture était menacé par les groupes islamistes armés, qui détruisaient des mausolées de valeur historique. Ils affirmaient vouloir mettre fin au culte des saints.
 En mai, des membres d’AQMI soutenus par Ansar Eddin ont entamé une série de destructions, en profanant le mausolée du saint musulman Sidi (Mahmoud ben) Amar à Tombouctou.

Actes de terrorisme et enlèvements

À la fin de l’année, 14 personnes étaient retenues en otage par des groupes armés, dont AQMI, dans le nord du pays.
 Sept Algériens, parmi lesquels figurait le consul d’Algérie à Gao, ont été enlevés en avril par des membres du MUJAO. Trois d’entre eux ont été libérés en juillet.
 Trois personnes – deux Espagnols et une Italienne – enlevées par des membres du MUJAO en Algérie en octobre 2011 ont été libérées en juillet non loin de Gao, apparemment en échange de la libération de trois militants islamistes dans des pays voisins.
 Le 20 novembre, dans l’ouest du Mali, un ressortissant français, Gilberto Rodriguez Leal, a été victime d’un enlèvement qui a été revendiqué par le MUJAO.

Peine de mort

La Cour d’assises siégeant à Bamako a condamné 10 personnes à mort en 2012. Quatre d’entre elles avaient été reconnues coupables d’association de malfaiteurs, de vol qualifié, d’entente et de détention illégale d’armes à feu, et deux autres de complicité de meurtre.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Mali en avril, juillet et août-septembre.
 Mali : retour sur cinq mois de crise. Rébellion armée et putsch militaire (AFR 37/001/2012).
 Mali. « Nous n’avons plus revu nos compagnons de cellule ». Disparitions forcées et tortures de militaires et de policiers opposés à la junte (AFR 37/004/2012).
 Mali. Les civils paient un lourd tribut au conflit (AFR 37/007/2012).

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