Sénégal

Les troubles qui ont éclaté en janvier et février, à l’approche des élections, ont donné lieu à de graves violations des droits humains, dont des cas de recours excessif à la force – qui se sont soldés par la mort de plusieurs manifestants –, des actes de torture et d’autres mauvais traitements et des atteintes à la liberté d’expression. En Casamance, dans le sud du pays, les affrontements qui opposaient les forces nationales à un groupe armé se sont intensifiés en début d’année et des civils ont été arrêtés ou pris pour cibles. Le Sénégal a signé un accord avec l’Union africaine en vue de créer une juridiction spéciale pour juger Hissène Habré.

République du Sénégal
Chef de l’État : Abdoulaye Wade, remplacé par Macky Sall le 2 avril
Chef du gouvernement : Souleymane Ndéné Ndiaye, remplacé par Abdoul Mbaye le 3 avril

Contexte

En janvier et février, les forces de sécurité ont violemment réprimé ceux qui s’opposaient à la candidature du président sortant Abdoulaye Wade, en lice pour un troisième mandat. Ce recours excessif à la force a fait plusieurs victimes parmi les opposants. Malgré ce contexte troublé, Macky Sall a été élu à la présidence et les résultats du scrutin n’ont fait l’objet d’aucune contestation.
En octobre, des représentants du gouvernement sénégalais et des membres du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) se sont réunis à Rome (Italie) sous la médiation du mouvement catholique Communauté de Sant’Egidio.

Utilisation excessive de la force

Au moins six personnes ont été tuées par les forces de sécurité lors des émeutes qui ont précédé les élections.
 En janvier, à Podor, des gendarmes ont tiré à balles réelles sur des manifestants qui défilaient pacifiquement. Deux personnes ont été tuées, Mamadou Sy et une femme d’une soixantaine d’années, Bana Ndiaye, qui ne faisait pas partie du cortège.
 Le même mois, Mamadou Diop a été tué, renversé par un véhicule de police lors d’une manifestation pacifique organisée place de l’Obélisque, à Dakar. Une enquête a été ouverte mais elle n’était pas encore terminée à la fin de l’année.

Torture et autres mauvais traitements

Plusieurs personnes placées en détention ont été torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements par des membres des forces de sécurité. Au moins deux d’entre elles en seraient mortes.
 En février, alors qu’il revenait d’une manifestation d’opposants à la candidature du président Wade, Ibrahima Fall a été interpellé à Tivavouane, puis torturé et molesté : des gendarmes l’ont frappé à coups de bâton, de tuyau d’arrosage et de câble électrique.
 En février, Ousseynou Seck est mort après avoir été torturé en garde à vue. Tous les policiers impliqués ont été arrêtés et étaient en attente de jugement à la fin de l’année.
 En août, Kécouta Sidibé, un homme sourd et muet arrêté pour consommation de chanvre indien, serait mort des suites des tortures subies pendant sa détention à Kédougou. En décembre, le commandant adjoint de la gendarmerie de Kédougou a été reconnu coupable de meurtre par la cour d’appel de Kaolack, et arrêté. Une enquête sur l’implication éventuelle de cinq autres gendarmes dans cette affaire était en cours à la fin de l’année.

Liberté d’expression

Des militants politiques et des défenseurs des droits humains ont été agressés et incarcérés pour avoir exprimé sans violence leur opposition à la candidature du président Wade.
 En janvier, des policiers s’en sont pris physiquement à trois journalistes. Il s’agissait de deux femmes travaillant pour le quotidien sénégalais Le Populaire et d’un correspondant de l’Agence France Presse.
 En février, les forces de sécurité ont empêché des membres du collectif Y’en a marre d’organiser un sit-in place de l’Obélisque, à Dakar, et ont procédé à plusieurs interpellations. Toutes les personnes arrêtées ont été relâchées peu après sans avoir été inculpées.

Violations des droits humains et exactions en Casamance

Plusieurs civils ont été arrêtés ou pris pour cibles quand les tensions se sont accentuées entre le MFDC et l’armée.
 En janvier, les forces de sécurité ont interpellé huit personnes à Affiniam, un village situé à 30 kilomètres au nord de Ziguinchor, la plus grande ville de la région. Il semble que ces arrestations aient été en partie motivées par la volonté de l’armée d’exercer des représailles, un gendarme ayant été tué et trois autres blessés quelques heures plus tôt dans cette zone, apparemment par des membres armés du MFDC. Les huit personnes, inculpées d’atteinte à la sûreté de l’État, ont été remises en liberté au mois de juin sans avoir été jugées.
 En février et en mars, des individus armés se revendiquant du MFDC ont agressé et dépouillé des civils pour les dissuader de se rendre aux urnes lors de l’élection présidentielle.
 Huit otages, dont des soldats sénégalais, qui étaient retenus captifs depuis plus d’un an par des branches armées du MFCD, ont été relâchés en Gambie au mois de décembre.

Justice internationale – Hissène Habré

En août, le Sénégal a signé un accord avec l’Union africaine en vue de la création d’un tribunal spécial chargé de juger l’ex-président tchadien Hissène Habré. Cet organe serait compétent pour juger les responsables présumés de crimes de droit international commis au Tchad entre 1982 et 1990.
Le 19 décembre, l’Assemblée nationale a adopté une loi portant création de chambres extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. Cependant, il manquait certaines conditions nécessaires à la bonne marche d’un procès équitable ; par exemple, aucun programme de protection des victimes et des témoins n’était en place et le Sénégal n’avait conclu aucun accord d’entraide judiciaire avec d’autres pays, tels la France et le Tchad, où pouvaient se trouver des victimes, des témoins, des preuves ou des avoirs en rapport avec le dossier.

Visites et documents d’Amnesty International
#Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Sénégal en février, mars et juin.
£Sénégal. La situation des droits humains - bref état des lieux à la veille de l’élection présidentielle (AFR 49/001/2012).
£Sénégal. Un agenda pour les droits humains. Une occasion à ne pas manquer pour les autorités issues de l’élection présidentielle de mars 2012 (AFR 49/004/2012).

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