Tchad

Des syndicalistes, des journalistes et des défenseurs des droits humains ont fait l’objet de manœuvres d’intimidation. Les autorités n’ont pas hésité à engager des poursuites au pénal pour faire taire leurs opposants. Les arrestations arbitraires restaient fréquentes, de même que les placements en détention provisoire prolongée. De nombreux enfants soldats ont été recrutés dans diverses forces armées. Les conditions carcérales étaient toujours extrêmement dures. Les auteurs d’atteintes aux droits humains continuaient de jouir de l’impunité.

RÉPUBLIQUE DU TCHAD
Chef de l’État : Idriss Déby Itno
Chef du gouvernement : Emmanuel Djelassem Nadingar

Contexte

Le Tchad comptait toujours un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées. Selon les Nations unies, il y avait au 31 décembre 281 000 réfugiés soudanais répartis dans 12 camps de l’est du pays, 79 000 réfugiés originaires de République centrafricaine installés dans le sud, et 120 000 personnes déplacées, regroupées sur plusieurs sites le long de la frontière avec le Darfour (Soudan).
Le chef rebelle Abdel Kader Baba Laddé, leader du Front populaire pour le redressement (FPR), qui avait établi sa base dans le nord de la République centrafricaine, est rentré au Tchad en septembre à l’issue de négociations entre son mouvement et les gouvernements tchadien et centrafricain. Plusieurs organisations de défense des droits humains l’accusaient de recruter des enfants soldats.

Châtiments cruels, inhumains ou dégradants

Les forces de sécurité et le personnel pénitentiaire continuaient de soumettre les personnes dont ils avaient la charge, dans une impunité presque totale, à des châtiments cruels, inhumains ou dégradants, et notamment à des passages à tabac.

Détention sans jugement

La plupart des personnes incarcérées étaient détenues durant de longues périodes avant d’être jugées. Plusieurs sont même restées des années en détention sans que les autorités ne soient conscientes de leur présence. On a ainsi appris en mars qu’un jeune garçon de 17 ans avait passé plus de 18 mois dans la prison de Doba, sans que le parquet local n’en ait eu connaissance.

Arrestations et détentions arbitraires

Les autorités ont, cette année encore, placé des hommes et des femmes en détention sans inculpation, généralement dans les locaux de la police, voire dans des centres de détention secrets.

Conditions carcérales

Les conditions de détention demeuraient tellement dures qu’elles constituaient de fait une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Les cellules étaient bondées. La nourriture et l’eau étaient insuffisantes. Les prisonniers ne bénéficiaient d’aucun suivi médical, même pour des maladies contagieuses graves comme la tuberculose. Dans la majorité des établissements, hommes, femmes et enfants étaient détenus tous ensemble. Il n’existait aucun mécanisme permettant à un prisonnier de se plaindre de la façon dont il était traité.
 Dans les prisons d’Abéché, de Sarh et de Doba, les détenus étaient souvent enchaînés. En mars, à la prison d’Abéché, une quinzaine de prisonniers étaient maintenus enchaînés par les jambes jour et nuit.

Disparitions forcées

Rien n’a vraiment été fait pour traduire en justice les personnes soupçonnées d’être responsables de la disparition du leader d’opposition Ibni Oumar Mahamat Saleh. Plus de quatre ans après l’arrestation de ce dernier, en février 2008, on ne savait toujours pas ce qu’il était devenu. Or le rapport publié en 2009 par une commission nationale d’enquête avait établi qu’il avait bien été arrêté à son domicile par huit membres des forces de sécurité.

Harcèlement des opposants politiques

Comme les années précédentes, les pouvoirs publics tchadiens n’ont pas hésité à engager des poursuites pénales contre des opposants politiques et à exercer des pressions sur l’appareil judiciaire.
 Le député d’opposition Gali Ngothé Gatta, de l’Union des forces démocratiques, a été arrêté en mars et condamné à un an d’emprisonnement pour tentative de corruption et braconnage par le tribunal de première instance de Sahr, dans le sud du Tchad. Cet homme a été jugé et condamné trois jours seulement après son arrestation, sans que son immunité parlementaire ait été levée. Incarcéré dans un premier temps à la prison de Sahr, il a été transféré à celle de Moundou après avoir fait appel. Le 24 avril, la cour d’appel de Moundou a annulé la procédure, entachée selon elle de vices graves, et a ordonné la libération de Gali Ngothé Gatta. La décision de la cour d’appel a été confirmée par la Cour suprême.
 Emmanuel Dekeumbé, un juge à la cour d’appel de Moundou qui avait refusé de condamner Gali Ngothé Gatta et avait dénoncé les irrégularités de procédure commises, a été démis de ses fonctions par le Conseil supérieur de la magistrature. Cette décision a été confirmée en juillet par décret présidentiel.

Liberté d’expression

Responsables religieux
 Michele Russo, évêque catholique de Doba, a été expulsé du pays le 14 octobre à la suite de propos qu’il a tenus durant la messe du 30 septembre et qui ont été retransmis sur une radio locale. Il y dénonçait l’incurie des pouvoirs publics et la distribution inégale des richesses provenant de l’exploitation du pétrole dans la région.

Journalistes
Les autorités ont continué de menacer la presse et de harceler les journalistes.
 Le 18 septembre, Jean-Claude Nekim, rédacteur en chef de la publication N’Djamena Bi-Hebdo, a été condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et à une amende d’un million de francs CFA (environ 2 000 dollars des États-Unis) parce que son journal avait publié des extraits d’une pétition lancée par l’Union des syndicats du Tchad (UST). Il était poursuivi pour incitation à la haine raciale et diffamation. N’Djamena Bi-Hebdo a en outre été interdit de publication pendant trois mois. Jean-Claude Nekim s’est pourvu en appel, mais aucune décision n’avait été rendue à la fin de l’année.

Défenseurs des droits humains

Des défenseurs des droits humains, dont des leaders syndicaux, ont été agressés. D’autres ont, cette année encore, fait l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement de la part de représentants du gouvernement. Le pouvoir judiciaire a été utilisé à plusieurs reprises pour faire taire des militants.
 Le 18 septembre, Michel Barka, Younous Mahadjir et François Djondang, tous trois cadres de l’UST, ont chacun été condamnés à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à un million de francs CFA d’amende. Le tribunal de première instance de N’Djamena a déclaré les trois hommes coupables d’incitation à la haine raciale et de diffamation, pour une pétition lancée début septembre par leur organisation. Leur jugement en appel était en attente à la fin de l’année.
 L’avocate Jacqueline Moudeina, présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH), a été agressée le 19 octobre par des inconnus armés, devant son domicile à N’Djamena. Elle s’en est sortie saine et sauve, mais ses agresseurs lui ont volé son véhicule, qui a été retrouvé le 22 octobre à Malo-Tama, un village situé à 35 kilomètres de là. Ces faits se sont produits quelques jours après que Jacqueline Moudeina eut reçu le prix Right Livelihood 2011, en reconnaissance de son action en faveur des droits humains. Plusieurs personnes ont été arrêtées, mais on ignorait à la fin de l’année si quelqu’un avait été inculpé dans cette affaire.
 Le 20 octobre, six hommes en uniforme de la gendarmerie ont pénétré dans la propriété du militant des droits humains Dobian Assingar, président d’honneur de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH). Ils ont perquisitionné son domicile sans mandat, affirmant être à la recherche d’une voiture volée. Dobian Assingar a porté plainte, mais il n’avait reçu aucune réponse à la fin de l’année.

Enfants soldats

Selon des informations insistantes ayant circulé en cours d’année, des enfants auraient été incorporés dans l’armée nationale tchadienne, notamment en février et en mars où ils étaient particulièrement nombreux. En outre, le recrutement et l’utilisation d’enfants par des groupes armés tchadiens et soudanais constituaient toujours un motif de préoccupation. Selon des informations recueillies auprès de diverses sources entre février et avril, de nombreux enfant des départements d’Assoungha et de Kimiti, dans l’est du Tchad, dont certains avaient déjà été démobilisés une première fois et rendus à leurs familles, passaient régulièrement au Soudan voisin pour y servir au sein de groupes armés.
 Au moins 24 adolescents âgés de 14 à 17 ans ont été découverts en juin par des travailleurs sociaux au centre d’entraînement militaire de Mongo.

Droits en matière de logement – expulsions forcées

Les expulsions forcées ont continué de se succéder tout au long de l’année, même dans les cas où un tribunal avait ordonné la suspension de l’opération. Les personnes frappées ne se voyaient pas proposer de solution de relogement ni d’indemnité de compensation, y compris lorsqu’elles avaient obtenu une décision de justice en ce sens.
 En janvier, plus de 600 personnes ont été expulsées de force du quartier de Sabangali, à N’Djamena, et leurs maisons ont été démolies pour faire place à la construction d’un hôtel. Au mois d’avril, certaines des personnes expulsées se sont vu attribuer des parcelles, mais la moitié seulement des habitants chassés de chez eux ont effectivement perçu l’indemnisation promise par une commission interministérielle.

Justice internationale – Hissène Habré

Un accord a été signé le 22 août entre le Sénégal et l’Union africaine, en vue de la création d’un tribunal spécial chargé de juger l’ancien président tchadien Hissène Habré. Les autorités tchadiennes ont annoncé en septembre qu’elles avaient confirmé leur participation financière à l’organisation du procès, à hauteur de deux milliards de francs CFA (environ quatre millions de dollars des États-Unis). L’Assemblée nationale du Sénégal a adopté en décembre une loi portant création d’un tribunal spécial chargé de juger Hissène Habré.

Violences faites aux femmes et aux filles

Les autorités n’ont rien fait pour régler le problème des violences sexuelles perpétrées aussi bien par des agents de l’État que par des acteurs non étatiques, ni même pour prévenir de tels actes.
 Dans la nuit du 8 janvier, 13 détenues ont été agressées sexuellement par des surveillants de la prison de Moussoro. Toutes les femmes incarcérées dans cette prison ont par la suite été transférées à celle d’Amsinéné, à N’Djamena, sur décision du ministre de la Justice. Aucune enquête indépendante n’avait été ouverte à la fin de l’année.

Visites et documents d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Tchad en mars et en septembre.
 Tchad : « Nous sommes tous en train de mourir ici ». Les violations des droits humains dans les prisons (AFR 20/007/2012).
 Tchad. Le harcèlement judiciaire visant les opposants politiques et les journalistes doit cesser (PRE01/455/2012).

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