États-Unis

Quarante-trois hommes ont été exécutés en 2012 et la cruauté des conditions de détention demeurait préoccupante. De très nombreux détenus étaient toujours incarcérés, pour une durée indéterminée, à la base militaire américaine de Guantánamo. Les procédures préliminaires se sont poursuivies contre six de ces prisonniers, qui devaient être jugés par une commission militaire et à l’encontre desquels les autorités avaient l’intention de requérir la peine de mort. L’utilisation de la force meurtrière dans le cadre de la lutte contre le terrorisme restait source de profonde préoccupation, tout comme les informations persistantes faisant état d’un recours à une force excessive lors d’opérations de maintien de l’ordre.

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
Chef de l’État et du gouvernement : Barack H. Obama

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Détention à Guantánamo
À la fin de l’année, près de trois ans après l’expiration du délai fixé par le président Barack Obama pour la fermeture du centre de détention de Guantánamo, 166 hommes y étaient toujours détenus, sans inculpation ni procès pour la très grande majorité d’entre eux.

Quatre prisonniers, dont deux avaient été condamnés par une commission militaire, ont été transférés de la base au cours de l’année. Deux Ouïghours détenus sans inculpation ni procès depuis 2002 ont été transférés en avril au Salvador, où ils devaient se réinstaller.

Adnan Farhan Abdul Latif, un Yéménite qui avait exprimé à maintes reprises sa détresse devant sa détention à durée illimitée, sans inculpation ni procès, est mort au cours de l’année. Son décès portait à neuf le nombre de prisonniers morts à Guantánamo depuis janvier 2002, selon les informations dont on disposait.

La Cour suprême fédérale a refusé au cours de l’année d’examiner un certain nombre de recours introduits par des prisonniers de Guantánamo dont la légalité de la détention avait été confirmée par la Cour d’appel. Les requérants demandaient, entre autres, à la Cour suprême de déterminer si l’arrêt Boumediene c. Bush rendu en 2008 – dans lequel elle avait conclu que les détenus de Guantánamo avaient le droit de contester la légalité de leur détention devant une juridiction fédérale – était appliqué d’une manière privant les prisonniers du réexamen « sérieux » qui avait été promis.

Procès des détenus de Guantánamo
En mai, cinq hommes incarcérés à Guantánamo et accusés d’avoir joué un rôle prépondérant dans les attentats du 11 septembre 2001 – Khalid Sheikh Mohammed, Walid bin Attash, Ramzi bin al Shibh, Ali Abd al Aziz et Mustafa al Hawsawi – se sont vu notifier leur mise en accusation et ont été renvoyés devant une commission militaire en vue de leur procès. Ils encouraient la peine de mort. Les procès de ces cinq hommes ainsi que celui d’Abd al Rahim al Nashiri, mis en accusation en 2011 et passible lui aussi de la peine de mort, n’avaient pas débuté à la fin de l’année. Avant d’être transférés à Guantánamo en 2006, les six hommes avaient été détenus au secret par les autorités américaines, pendant quatre ans pour certains, dans des lieux inconnus. Deux au moins avaient été torturés.

Ahmed Mohammed al Darbi a été inculpé en août. Ce Saoudien arrêté par les autorités civiles en Azerbaïdjan en juin 2002 avait été livré aux États-Unis en août 2002 puis transféré à Guantánamo en mars 2003. À la fin de l’année 2012, il n’avait pas été renvoyé devant une commission militaire pour être jugé.

En février, le ressortissant pakistanais Majid Khan a plaidé coupable devant un juge militaire de Guantánamo des charges retenues à son encontre au titre de la Loi de 2009 relative aux commissions militaires. Aux termes d’un accord conclu avant le procès, sa sentence devrait être prononcée au plus tard en février 2016. Dans l’intervalle, il aura coopéré avec les autorités américaines. Avant son transfert à Guantánamo en 2006, cet homme avait été détenu au secret par les autorités américaines ; il aurait été torturé et soumis à d’autres mauvais traitements.

Le cas de Majid Khan a porté à sept le nombre de prisonniers condamnés par une commission militaire de Guantánamo. Cinq avaient plaidé coupable en échange d’une éventuelle remise en liberté anticipée. Sur ces cinq hommes, deux ont été renvoyés dans leur pays au cours de l’année : Ibrahim al Qosi au Soudan en juillet et Omar Khadr, détenu par les autorités américaines depuis l’âge de 15 ans, au Canada en septembre.

En octobre, un tribunal fédéral a annulé la condamnation pour « soutien matériel au terrorisme » prononcée en 2008 contre Salim Hamdan. La Cour d’appel fédérale a conclu que ce chef d’inculpation ne constituait pas un crime de guerre en droit américain avant la promulgation de la Loi relative aux commissions militaires.

Personnes détenues par les forces américaines en Afghanistan
En juin, un juge d’un tribunal fédéral de district a rejeté la requête en habeas corpus introduite au nom de Zia ur Rehman, un Afghan arrêté par les forces américaines en Afghanistan en décembre 2008 et maintenu en détention sans inculpation ni jugement depuis cette date. Le juge a fait droit à une requête des autorités américaines laissant entendre que le tribunal n’avait pas la compétence d’attribution pour statuer sur cette affaire.

Le 9 septembre, en vertu d’un accord signé six mois plus tôt, les autorités afghanes ont assumé le contrôle des opérations concernant les détenus de la base américaine de Bagram. Bien qu’elles aient semble-t-il pris la responsabilité des quelque 3 000 détenus afghans qui s’y trouvaient le 9 mars, plus de 600 prisonniers qui seraient arrivés à Bagram après cette date dépendaient apparemment de l’armée américaine, de même qu’une cinquantaine de détenus non afghans (voir Afghanistan).

En octobre, un juge d’un tribunal fédéral de district a rejeté les requêtes en habeas corpus introduites par trois hommes non afghans détenus par les autorités américaines à Bagram. Selon les requêtes, Amin al Bakri et Redha al Najar avaient été arrêtés en 2002, respectivement en Thaïlande et au Pakistan. Quant à Fadi al Maqaleh, sa requête indiquait qu’il avait également été arrêté en dehors de l’Afghanistan en 2003, mais les autorités américaines affirmaient qu’il se trouvait en Afghanistan à cette date. En mai 2010, la Cour d’appel fédérale avait annulé la décision rendue en 2009 par le tribunal de district qui avait autorisé ces trois détenus à contester la légalité de leur détention devant une juridiction américaine. Leurs avocats avaient introduit par la suite devant le tribunal de district des requêtes modifiées contenant des éléments nouveaux qui, selon eux, remettaient en cause la décision de la Cour d’appel. Le tribunal de district les a toutefois déboutés.

En novembre, un juge d’un tribunal fédéral de district a rejeté la requête en habeas corpus introduite par Amanatullah, un Pakistanais détenu à Bagram par les autorités américaines depuis plusieurs années. Il était l’un des deux hommes qui avaient été arrêtés en février 2004 par les forces des États-Unis en Irak, remis aux autorités américaines puis transférés en Afghanistan. À la fin de l’année, les deux hommes étaient toujours détenus par ces mêmes autorités à Bagram, sans inculpation ni procès.

Impunité

Les responsables de crimes internationaux commis sous le gouvernement du président George W. Bush dans le cadre du programme de détentions secrètes de la CIA n’avaient toujours pas été amenés à rendre compte de leurs actes, et cette situation a été verrouillée davantage encore.

Le 30 août, le ministre de la Justice a annoncé le classement sans suite de l’information judiciaire sur la mort de deux personnes détenues par les États-Unis en dehors du territoire américain. Il a déclaré qu’aucune poursuite pénale ne serait engagée sur ces morts en détention qui sont survenues, pense-t-on, en Afghanistan en 2002 et en Irak en 2003. Cette déclaration faisait suite à l’annonce, en juin 2011, que « l’examen préliminaire » des interrogatoires conduits dans le cadre du programme de la CIA était terminé et que, hormis dans ces deux cas, de nouvelles investigations ne se justifiaient pas.

Utilisation de la force meurtrière

Les « meurtres ciblés » de terroristes présumés, notamment au Pakistan, en Somalie et au Yémen, et en particulier par des tirs de drones, se sont poursuivis tout au long de l’année. Selon les informations disponibles, limitées en raison de leur caractère secret, la politique américaine autorisait les exécutions extrajudiciaires en violation du droit international relatif aux droits humains, en vertu de sa théorie d’un « conflit armé global » contre Al Qaïda et les groupes qui lui sont liés.

Utilisation excessive de la force

Au moins 42 personnes sont mortes, dans 20 États différents, après avoir reçu des décharges de Taser administrées par des policiers, ce qui portait à 540 le nombre total de décès survenus dans de telles circonstances depuis 2001. Les pistolets Taser ont été considérés comme une cause directe ou indirecte de la mort dans plus de 60 cas. La plupart de ces personnes n’étaient pas armées et ne semblaient pas constituer une menace grave au moment où elles ont reçu les décharges.

En mai, l’American Heart Association (AHC) a publié un rapport qui présentait les premiers éléments scientifiques, évalués par des pairs, concluant que le pistolet Taser peut provoquer un arrêt cardiaque puis la mort. L’étude analysait des informations, notamment des rapports d’autopsie, des certificats médicaux et des données des services de police, concernant huit personnes qui avaient perdu connaissance après avoir reçu des décharges de Taser X26.
 Le 20 juin, Macadam Mason, 39 ans, est mort devant chez lui, à Thetford (Vermont), après avoir été touché par des décharges de Taser tirées par un membre de la police de l’État. Le Bureau du médecin légiste du New Hampshire a conclu, en septembre, que Macadam Mason avait succombé à « un arrêt cardiaque subit provoqué par une décharge d’arme à impulsion électrique ».

En octobre, l’inspecteur général du Département de la sécurité du territoire a indiqué qu’il avait entrepris un réexamen de la politique de la Police des frontières relative à l’utilisation de la force meurtrière. Cette initiative, toujours en cours à la fin de l’année, faisait suite à une série de tirs meurtriers imputables à des agents patrouillant le long de la frontière mexicaine.
 En octobre, José Antonio Elena Rodríguez, 16 ans, est mort des suites de blessures par balle. Selon les autorités américaines, un garde-frontière de Nogales, dans l’État de l’Arizona, aurait ouvert le feu lorsque deux trafiquants de drogue présumés ont fui de l’autre côté de la frontière et ont commencé à jeter des pierres. L’enquête ouverte par le Bureau fédéral d’enquêtes (FBI) et des responsables mexicains n’était pas terminée à la fin de l’année.
 En avril, le ministère de la Justice a annoncé l’abandon de toute poursuite fédérale, tant pour crime que pour violation des droits civils, dans l’affaire de la mort de Sergio Hernández Guereca, un adolescent de 15 ans abattu d’une balle dans la tête en 2010 par un garde-frontière.

Conditions carcérales

Le nombre de prisonniers demeurait à un niveau record.

Dans tout le pays des milliers de prisonniers étaient maintenus à l’isolement dans des prisons de très haute sécurité. Enfermés au-delà de 22 heures par jour dans des cellules avec très peu de lumière naturelle, ils étaient pratiquement privés de tout exercice et de possibilités de bénéficier de programmes de réinsertion. Les conditions de vie dans ces établissements bafouaient les normes internationales et constituaient, dans certains cas, un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

En octobre, cinq hommes ont été extradés depuis le Royaume-Uni vers les États-Unis afin de répondre de chefs d’inculpation liés au terrorisme. La Cour européenne des droits de l’homme avait rejeté leur assertion selon laquelle ils risquaient réellement d’être torturés ou soumis à d’autres formes de traitement cruel, inhumain ou dégradant s’ils étaient incarcérés dans la prison fédérale ADX de Florence (Colorado), un établissement de très haute sécurité. La demande d’Amnesty International de se rendre dans cette prison a été rejetée par les autorités américaines.

Droits des enfants

Par son arrêt Miller c. Alabama, rendu en juin, la Cour suprême fédérale a frappé d’illégalité le dispositif qui rend obligatoire la peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, pour les auteurs d’infractions âgés de moins de 18 ans au moment des faits. Cette décision intervenait deux ans après que la Cour suprême avait prohibé l’emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle, de mineurs auteurs d’infractions autres que des homicides.

En juillet, Terry Branstad, gouverneur de l’Iowa, a réagi à l’arrêt Miller c. Alabama en commuant en réclusion à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 60 ans les peines de réclusion à vie sans aucune possibilité de libération conditionnelle auxquelles 38 prisonniers avaient été condamnés pour des assassinats commis lorsqu’ils avaient moins de 18 ans. Les éventuelles circonstances atténuantes qui n’avaient déjà pas été examinées au moment du procès en raison de l’obligation de prononcer une peine de réclusion à perpétuité sans libération conditionnelle ont de nouveau été négligées dans la commutation générale accordée par le gouverneur.

Droits des migrants

En juin, la Cour suprême fédérale a invalidé des parties essentielles d’une loi de l’Arizona sur l’immigration, dont une disposition qui interdisait aux migrants en situation irrégulière de travailler ou de chercher un emploi sous peine de poursuites pénales. La Cour a toutefois maintenu un article obligeant les membres des forces de l’ordre de l’État à contrôler la situation au regard du séjour de toute personne qu’ils soupçonnent d’être en situation irrégulière, bien que des groupes de défense des droits humains se soient dits inquiets que cette disposition n’incite au « profilage racial », c’est-à-dire au contrôle d’individus du seul fait de leur apparence physique, de leur origine ethnique ou de la couleur de leur peau. À la suite de cette décision, des juridictions fédérales ont confirmé la validité de lois similaires adoptées par l’Alabama et la Géorgie.

La prolifération de lois adoptées par les États et visant les migrants exposait ceux-ci à un risque accru de discrimination, et les empêchait d’accéder à l’éducation et aux services de santé de base.

Cette année encore, le renforcement de la surveillance sur certaines portions de la frontière avec le Mexique a incité les migrants clandestins à utiliser des itinéraires particulièrement dangereux à travers le désert ; plusieurs centaines d’entre eux ont trouvé la mort. La collaboration accrue entre les responsables locaux de l’application des lois et les services d’immigration faisait courir aux populations vivant le long de la frontière un risque accru de profilage racial par la police locale et celle des États. Les migrants irréguliers qui étaient victimes de crimes, notamment de traite d’êtres humains et de violences domestiques, étaient confrontés à toute une série d’obstacles pour accéder à la justice.

Droit à la santé

En juin, la Cour suprême fédérale a validé la Loi sur les soins de santé abordables adoptée en 2010, qui prévoyait de garantir avant la fin de 2014 une assurance santé à plus de 30 millions d’Américains qui en étaient dépourvus. Bien qu’un certain nombre de dispositions de cette loi visent à faciliter l’accès à des soins de santé maternels de qualité, par exemple en empêchant les compagnies d’assurances d’imposer des cotisations de protection médicale plus élevées aux femmes, des lacunes et des obstacles subsistaient.

La Loi sur la responsabilité en matière de santé maternelle était toujours en instance devant le Congrès à la fin de l’année.

Droits des femmes

La Californie a adopté, en octobre, une loi interdisant d’enchaîner les détenues enceintes, quel que soit leur stade de grossesse. Il s’agissait de la première loi de cette nature aux États-Unis.

En juin, l’État de Virginie a promulgué une loi rendant une échographie obligatoire avant tout avortement.

La Congrès n’a pas reconduit la Loi relative à la violence contre les femmes, dont certaines dispositions visent à combattre le fort taux de violences infligées à des femmes autochtones ou fournissent une protection et des services aux victimes de violences domestiques.

La prorogation de la Loi relative à la protection des victimes de traite d’êtres humains, qui accorderait une protection aux milliers de personnes victimes de traite qui entrent chaque année aux États-Unis, restait bloquée au niveau du Congrès à la fin de l’année.

Peine de mort

Quarante-trois prisonniers, tous des hommes, ont été exécutés au cours de l’année, tous par injection létale. Quinze de ces exécutions ont eu lieu au Texas. À la fin de 2012, cet État avait procédé à 492 des 1 320 exécutions recensées aux États-Unis depuis 1976, année de l’approbation par la Cour suprême fédérale de nouvelles lois sur la peine capitale.

En avril, le Connecticut est devenu le 17e État abolitionniste.

En novembre, les électeurs californiens ont rejeté par environ 53 % des voix contre 47 % la « proposition 34 », qui prévoyait l’abolition de la peine de mort dans l’État et la commutation de plus de 700 sentences capitales en peines de réclusion à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International ont assisté au cours de l’année à certaines des audiences qui se sont tenues devant des commissions militaires à Guantánamo.
 USA : “Congress has made no such decision” : Three branches of government, zero remedy for counter-terrorism abuses (AMR 51/008/2012).
 In hostile terrain : Human rights violations in immigration enforcement in the US southwest (AMR 51/018/2012).
 USA : Cruel isolation – Amnesty International’s concerns about conditions in Arizona maximum security prisons (AMR 51/023/2012).
 USA : Another brick from the wall (AMR 51/028/2012).
 USA : Wrong court, wrong place, wrong punishment (AMR 51/032/2012).
 USA : Human rights betrayed : 20 years after US ratification of ICCPR, human rights principles sidelined by “global war” theory (AMR 51/041/2012).
 USA : “Targeted killing” policies violate the right to life (AMR 51/047/2012).
 USA : Deadly formula – An international perspective on the 40th anniversary of Furman v. Georgia (AMR 51/050/2012).
 USA : The edge of endurance – Prison conditions in California’s Security Housing Units (AMR 51/060/2012).
 USA : One-way accountability – Guantánamo detainee pleads guilty ; details of government crimes against him remain classified top secret (AMR 51/063/2012).
 USA : Texas – Still doing its worst : 250th execution under current Governor imminent (AMR 51/092/2012).
 USA : Truth, justice and the American way ? Details of crimes under international law still classified Top Secret (AMR 51/099/2012).

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