Afghanistan

Cette année encore, des milliers de civils ont été victimes d’attaques ciblées ou menées sans discrimination par des groupes armés d’opposition. D’autres ont été tués ou blessés par les forces internationales et afghanes. La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a recensé plus de 2 700 civils tués et 4 805 autres blessés au cours de l’année, la très grande majorité d’entre eux – 81 % – par des groupes armés. Le recours à la torture, entre autres formes de mauvais traitements, restait très répandu dans les centres de détention de tout le pays, malgré les efforts déployés par le gouvernement pour réduire cette pratique. Les femmes et les filles continuaient d’être victimes d’une discrimination généralisée et de violences, tant au niveau institutionnel qu’au sein de la société en général. Le gouvernement a tenté de renforcer la surveillance de la presse, ce qui a provoqué un tollé des employés des médias. Ceux-ci ont, cette année encore, été en butte à des menaces et à des arrestations de la part des forces gouvernementales et des groupes armés. La persistance du conflit armé a contraint de nouvelles familles à quitter leur foyer ; le nombre total de personnes déplacées à cause du conflit atteignait 459 200 à la fin de l’année. Beaucoup vivaient dans des habitats précaires, sans accès à l’eau, à un abri suffisant, aux services de santé ni à l’éducation. On recensait à la fin de l’année quelque 2,7 millions d’Afghans réfugiés à l’étranger.

RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’AFGHANISTAN
Chef de l’État et du gouvernement : Hamid Karzaï

Contexte

En janvier, les talibans ont accepté l’ouverture d’un bureau politique au Qatar, ce qui devait permettre des pourparlers de paix directs ; cette initiative a achoppé en mars sur les demandes d’échanges de prisonniers. Au début de novembre, plusieurs dirigeants talibans incarcérés au Pakistan ont été libérés dans le cadre des négociations entre ce pays et le Haut Conseil pour la paix. Le président de cette instance, Salahuddin Rabbani, a déclaré le 17 novembre que les responsables talibans qui participeraient au processus de paix bénéficieraient de l’immunité contre les poursuites, alors même que certains des talibans détenus étaient soupçonnés de crimes de guerre. Les femmes membres du Haut Conseil pour la paix étaient toujours tenues à l’écart des principales consultations de paix.
Les États qui ont participé au sommet bisannuel de l’OTAN, en mai, ont souligné l’importance de la participation des femmes à la vie politique et aux processus de reconstruction, de paix et de réconciliation en Afghanistan, ainsi que la nécessité de respecter les dispositions institutionnelles protégeant leurs droits. Dans le même temps, des groupes de femmes ont exprimé leur préoccupation à propos de leur exclusion de fait des consultations nationales sur le transfert de la responsabilité de la sécurité aux forces afghanes. Des militantes ont condamné le « code de conduite » proposé le 2 mars par le président Karzaï, qui prévoyait que les femmes ne doivent pas voyager sans tuteur masculin ni se mélanger aux hommes dans le domaine de l’éducation ou du travail.
Les donateurs internationaux réunis en juillet à Tokyo (Japon) se sont engagés à verser 16 milliards de dollars des États-Unis d’ici à 2015 au titre de l’aide civile à l’Afghanistan, et à poursuivre leur soutien au pays jusqu’en 2017. Les Nations unies ont toutefois signalé en décembre que l’aide humanitaire octroyée à l’Afghanistan avait diminué de près de 50 % par rapport à 2011, n’atteignant que 484 millions de dollars en 2012. Selon le Bureau de la sécurité des ONG en Afghanistan (ANSO), les menaces visant les ONG et les employés d’organisations humanitaires sont restées à un niveau similaire à celui de 2011. Cet organisme a recensé 111 attaques menées par des groupes armés et des forces de sécurité progouvernementales, et notamment des cas d’homicide, de blessures et d’enlèvement.
En septembre, le Parlement a confirmé sans débat la désignation d’Assadullah Khalid à la tête de la Direction nationale de la sécurité (DNS, les services du renseignement), en dépit d’informations indiquant qu’il pourrait avoir été impliqué dans des actes de torture lorsqu’il occupait les fonctions de gouverneur des provinces de Ghazni et de Kandahar.
La Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan (AIHRC) manquait toujours de moyens pour mener ses activités depuis le renvoi controversé par le président Karzaï, en décembre 2011, de trois de ses membres. Un autre poste était vacant depuis janvier 2011, à la suite de la mort de l’une des membres de cette instance, tuée dans un attentat à l’explosif en compagnie de ses proches.
De violentes protestations ont éclaté en février après que des exemplaires calcinés du Coran eurent été retrouvés sur une base militaire non loin de Kaboul ; 30 personnes ont été tuées.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Bien qu’un code de conduite (layeha) des talibans rendu public en 2010 ait ordonné aux combattants de ne pas prendre des civils pour cible, les talibans et d’autres groupes armés continuaient de violer les lois de la guerre en perpétrant des attentats-suicides sans discrimination qui tuaient et blessaient des civils. Les engins explosifs improvisés étaient la cause principale des pertes civiles. Des groupes armés ont pris pour cible des lieux publics et des civils, notamment des agents de l’État, considérés comme des soutiens du gouvernement, ainsi que des employés d’organisations internationales.
 Le 6 avril, le responsable du Conseil pour la paix de la province de la Kunar, Maulavi Mohammad Hashim Munib, et son fils ont été tués dans un attentat-suicide alors qu’ils rentraient chez eux après la prière du vendredi.
 Le 6 juin, au moins 22 civils ont été tués et 24 autres ont été blessés dans un attentat à l’explosif perpétré par deux hommes dans un marché très fréquenté de la province de Kandahar. Cette attaque a été revendiquée par les talibans.
 Le 21 juin, les talibans ont attaqué l’hôtel Spozhmay, un lieu de villégiature très fréquenté par les Afghans. Douze civils ont été tués et neuf autres ont été blessés au cours du siège de l’établissement, qui a duré 12 heures.
 Un jeune garçon aurait été enlevé et décapité par les talibans en août dans le district de Zherai parce que son frère servait au sein de la Police locale afghane (ALP). Les talibans ont nié toute responsabilité.
 Le 19 octobre, 18 femmes auraient trouvé la mort dans la province de Balkh quand un minibus a heurté une bombe artisanale placée en bord de route.
Cette année encore, des enfants ont été recrutés par des groupes armés.
 Le 26 octobre, un adolescent âgé de 15 ans, selon les informations recueillies, a commis un attentat-suicide dans une mosquée pendant la prière de l’Aïd (fête du sacrifice) à Maimana (province de Faryab). Quarante civils, dont six enfants, ont été tués.

Violations des droits humains imputables aux forces internationales et afghanes

Cette année encore, des civils ont été tués ou blessés par les forces progouvernementales, essentiellement dans des frappes aériennes. Selon la MANUA, 8 % des victimes civiles ont été tuées à la suite des opérations des forces internationales et afghanes.
 Le 8 février, des frappes aériennes de l’OTAN dans la province de Kapisa ont tué huit garçons ; le président Karzaï a dénoncé ce bombardement. L’OTAN a exprimé ses regrets, mais aurait aussi fait valoir que les enfants avaient été perçus comme une menace.
 Le 11 mars dans la nuit, un soldat américain isolé a ouvert le feu contre des habitants de deux villages du district de Panjwai (province de Kandahar), tuant des civils, dont neuf enfants, et blessant plusieurs autres personnes. À la fin de l’année ce militaire faisait l’objet d’une procédure devant une cour martiale pour 16 chefs d’accusation de meurtre et six de tentative de meurtre.
 Le 6 juin, 18 civils, dont des enfants, auraient trouvé la mort dans la province du Logar à la suite d’une frappe aérienne de l’OTAN visant des combattants talibans qui s’étaient réfugiés dans une maison où un mariage était célébré.
En septembre, les autorités afghanes ont pris le contrôle symbolique du centre de détention de la base américaine de Bagram, au nord de Kaboul. On ignorait toutefois dans quelle mesure les États-Unis gardaient une marge de contrôle sur les cas individuels de prisonniers de Bagram. Selon les informations diffusées, les autorités afghanes ont pris la responsabilité de quelque 3 100 détenus afghans qui s’y trouvaient le 9 mars, date de l’accord sur le transfert de responsabilité. Plus de 600 détenus qui seraient arrivés sur la base depuis le mois de mars restaient semble-t-il sous la responsabilité de l’armée américaine, de même que la cinquantaine (voire plus) de prisonniers non afghans présents à Bagram à la fin de l’année, dont beaucoup avaient été transférés par des pays tiers vers l’Afghanistan et étaient détenus par les États-Unis depuis une dizaine d’années. Un nombre inconnu d’Afghans capturés avant l’accord n’avaient pas été transférés aux autorités afghanes.
Selon la MANUA, le nombre de cas de torture et d’autres mauvais traitements imputés aux agents de la DNS a légèrement diminué à partir d’octobre, mais l’on a constaté dans le même temps une augmentation du recours à ces pratiques par la police nationale et la police des frontières.
Les allégations d’atteintes aux droits humains commises par des membres de l’ALP étaient très nombreuses. Des organisations de défense des droits humains se sont inquiétées de l’absence de contrôle de sécurité lors du recrutement de cette force. Selon certaines sources, plus de 100 membres de l’ALP ont été incarcérés pour meurtre, viol, attentat à l’explosif, coups et vol à main armée.
 En novembre, quatre membres d’une unité de l’ALP de Kunduz ont été condamnés à une peine de 16 ans d’emprisonnement pour avoir enlevé, violé et battu pendant cinq jours en mai Lal Bibi, une jeune fille de 18 ans.

Liberté d’expression

Un projet de loi sur les médias prévoyait un contrôle renforcé des autorités. Ce texte envisageait la création d’un Haut Conseil des médias formé de 15 membres (dont des représentants de l’État) et présidé par le ministre de l’Information et de la Culture, qui serait chargé de surveiller et de contrôler la presse écrite et audiovisuelle.
Des journalistes ont été menacés, arrêtés de manière arbitraire, battus ou tués au cours de l’année. Un organisme afghan de surveillance des médias, Nai, a recensé 69 attaques contre des journalistes imputables aux forces de sécurité, à des groupes armés et à des individus isolés, soit une diminution de 14 % par rapport à 2011. À l’initiative du Conseil des oulémas (dignitaires religieux) le procureur général a menacé d’engager des poursuites pénales contre des médias qui avaient abordé, par écrit ou oralement, des questions jugées immorales ou opposées à l’islam.
 Nasto Naderi, un journaliste travaillant pour une chaîne de télévision, a été arrêté le 21 avril et détenu pendant plusieurs jours sans être inculpé ; il n’a pas été autorisé à consulter un avocat.

Violences faites aux femmes et aux filles

Malgré l’adoption en 2009 de la Loi relative à l’élimination de la violence contre les femmes, les responsables de l’application des lois et les membres de l’appareil judiciaire ne conduisaient pas d’enquêtes sérieuses sur les violences faites aux femmes et aux filles ; les auteurs de tels agissements n’étaient pas traduits en justice.
Cette année encore, des femmes et des filles ont été battues, violées et tuées. Elles ont été la cible d’attaques menées par des groupes armés, ont été victimes de discrimination exercée par les autorités et ont été menacées par leur communauté et leur famille. La Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan a recensé plus de 4 000 cas de violence contre les femmes entre le 21 mars et le 21 octobre, soit une augmentation de 28 % par rapport à la même période de l’année précédente, due semble-t-il à une sensibilisation accrue du public à cette question. Le nombre réel de cas était probablement plus élevé, étant donné la honte persistante et le risque de représailles associés à la dénonciation de ce type de violences.
 En mai, une cour d’appel de Kaboul a confirmé les peines de 10 ans d’emprisonnement prononcées contre les beaux-parents d’une jeune fille. Ils lui avaient infligé des mauvais traitements graves après qu’elle eut été mariée de force à l’âge de 13 ans.
 En juillet, une femme de 22 ans désignée sous le prénom de Najiba dans les comptes rendus des médias a été tuée par balle après avoir été « inculpée » d’adultère, apparemment par un membre des talibans.
 Le 16 septembre, une jeune fille de 16 ans a été flagellée en public dans la province de Ghazni (sud du pays) pour avoir eu une « relation illicite » avec un jeune homme. Elle avait été condamnée à recevoir 100 coups de fouet par un jugement prononcé par trois mollahs dans le district de Jaghori.
 Le 10 décembre, Nadia Sidiqi, qui occupait les fonctions de directrice du Département de la condition féminine de la province du Laghman, a été abattue par des hommes armés non identifiés alors qu’elle se rendait à son bureau. La femme qui l’avait précédée à ce poste, Hanifa Safi, avait été tuée le 13 juillet par un engin explosif déclenché à distance. Des membres de sa famille avaient été blessés lors de l’explosion. Aucun de ces deux attentats n’a été revendiqué.

Réfugiés et personnes déplacées

À la fin d’octobre, le nombre de personnes déplacées à cause du conflit et des catastrophes naturelles atteignait un demi-million environ. Beaucoup continuaient de chercher refuge dans des bidonvilles, entre autres quartiers d’habitat précaire des villes, où elles vivaient dans des abris de fortune faits de bâches en plastique et sous la menace constante d’une expulsion forcée, voire violente. De très nombreuses personnes sont mortes de maladie et/ou de froid, l’insuffisance des installations sanitaires et l’accès déficient à l’éducation et aux services de santé venant d’ajouter aux conditions climatiques extrêmes de l’hiver 2011-2012. Plus de 100 personnes, des enfants pour la plupart, seraient mortes durant cette période, sur fond de critique du manque d’aide humanitaire en temps voulu. Le gouvernement a répondu en mars en annonçant l’élaboration d’un programme national global pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays.
En septembre, le gouvernement pakistanais a accepté que les réfugiés afghans soient autorisés à rester trois ans de plus au Pakistan, annulant un ordre des autorités de la province de Khyber-Pakhtunkhwa qui demandait à tous les Afghans séjournant illégalement au Pakistan de quitter le pays avant le 25 mars, sous peine d’être emprisonnés et expulsés.

Peine de mort

Les autorités ont procédé à l’exécution de 14 condamnés à mort les 20 et 21 novembre, alors que l’absence de garanties en termes d’équité des procès restait source de profonde préoccupation dans le pays. Il s’agissait des premières exécutions en Afghanistan depuis juin 2011. Trente prisonniers ont vu leur sentence capitale confirmée par la Cour suprême ; 10 autres ont bénéficié d’une commutation de leur condamnation à mort en peine d’emprisonnement de longue durée. Plus de 250 personnes étaient sous le coup d’une condamnation à mort à la fin de novembre.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Afghanistan en février, mars, mai, juin, octobre et décembre.
 Fleeing war, finding misery : The plight of the internally displaced in Afghanistan (ASA 11/001/2012).
 Strengthening the rule of law and protection of human rights, including women’s rights, is key to any development plan for Afghanistan (ASA 11/012/2012).
 Open letter to the Government of Afghanistan, the United Nations, other humanitarian organizations and international donors (ASA 11/019/2012).

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