Bahreïn

Les autorités ont continué de réprimer les protestations et la dissidence. Le gouvernement a introduit quelques réformes en se basant sur les recommandations d’une enquête de grande ampleur sur les atteintes aux droits humains commises en 2011, mais il n’a pas mis en œuvre certaines des recommandations clés relatives à l’obligation pour les responsables de tels agissements de rendre des comptes. De très nombreuses personnes qui avaient exprimé leur opposition au gouvernement étaient maintenues en détention ou ont été arrêtées au cours de l’année. Parmi elles figuraient des prisonniers d’opinion et des personnes condamnées à l’issue de procès inéquitables. Des défenseurs des droits humains et d’autres militants ont été harcelés et emprisonnés. Cette année encore, les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive contre des manifestants, dont certains ont trouvé la mort. Des détenus auraient été torturés ou maltraités. Seul un petit nombre de membres des forces de sécurité ont fait l’objet de poursuites pour les violations des droits humains commises en 2011, ce qui a perpétué le climat d’impunité. Une condamnation à mort a été prononcée. Aucune exécution n’a eu lieu.

ROYAUME DE BAHREÏN
Chef de l’État : Hamad bin Issa al Khalifa
Chef du gouvernement : Khalifa bin Salman al Khalifa

Contexte

De nouvelles manifestations antigouvernementales ont été menées. La plupart des protestataires appartenaient à la communauté chiite, majoritaire, qui se plaignait d’être tenue à l’écart sur le plan politique par la minorité sunnite au pouvoir. Selon certaines sources, des manifestants ont lancé des cocktails Molotov et bloqué des routes. Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour disperser des manifestations. Pour l’essentiel le dialogue politique entre le gouvernement et l’opposition est resté au point mort.
En novembre, le gouvernement a annoncé que deux hommes originaires d’Asie du Sud avaient été tués et un troisième blessé dans des attentats à l’explosif à Manama. Quelques jours plus tard, les autorités ont déchu 31 personnes de leur nationalité bahreïnite au motif qu’elles avaient porté atteinte à la sécurité de l’État.
Le gouvernement a mis en place plusieurs réformes préconisées par la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn en 2011, notamment la réintégration d’employés qui avaient été licenciés et la création de mécanismes de réforme de la police. Des articles du Code pénal ont été modifiés et une nouvelle définition de la torture a été introduite en octobre. Les autorités n’ont toutefois pas donné suite à d’autres recommandations clés de la Commission, créée en 2011 par le roi et chargée d’enquêter sur les violations des droits humains commises par les forces gouvernementales dans le cadre de la répression du mouvement de protestation au début de 2011. En particulier, tous les prisonniers politiques n’ont pas été libérés, aucune enquête indépendante n’a été menée sur les allégations de torture formulées par des détenus, et les responsables présumés de tels agissements n’ont pas été traduits en justice. Toutefois dans le cadre de l’Examen périodique universel de l’ONU, en mai, le gouvernement a accepté plus de 140 recommandations, dont des appels à mettre en œuvre les préconisations de la Commission. Des recommandations relatives à l’abolition de la peine de mort ont été rejetées. De nouvelles restrictions ont été imposées en mars à la délivrance de visas aux ONG étrangères. Tous les rassemblements et manifestations ont été interdits en octobre ; cette mesure a été levée en décembre.En novembre, passant outre les résultats des élections organisées pour désigner les membres du conseil de l’Ordre des avocats, le ministère du Développement social a reconduit dans leurs fonctions les élus sortants.

Impunité

Le climat d’impunité était persistant, comme en témoignait le faible nombre de poursuites engagées contre des policiers et des membres des forces de sécurité par rapport à l’ampleur et à la gravité des violations des droits humains perpétrées en 2011. Les autorités n’ont pas mené d’enquête indépendante sur toutes les allégations de torture. Seuls un très petit nombre de membres des forces de sécurité de rang subalterne et deux officiers de grade élevé ont été traduits en justice pour l’homicide de manifestants ou pour des actes de torture et d’autres sévices infligés à des détenus en 2011. Trois ont été déclarés coupables et condamnés à une peine de sept ans d’emprisonnement, mais un au moins a été maintenu en liberté dans l’attente d’une décision sur son appel. Trois autres ont été acquittés, ce qui a entraîné un appel du parquet.
 En septembre, un tribunal a acquitté deux membres des forces de sécurité accusés d’avoir tué deux manifestants le 17 février 2011 au rond-point de la Perle, à Manama. Les déclarations de ces deux hommes, absents du procès, étaient semble-t-il le seul élément de preuve soumis au tribunal. Le ministère public a interjeté appel en octobre.

Utilisation excessive de la force

Cette année encore, les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive et utilisé des fusils et des grenades lacrymogènes contre des manifestants, dans certains cas dans des espaces réduits. Quatre personnes, dont deux enfants, auraient trouvé la mort après avoir été atteintes par des tirs à balles réelles ou par l’impact de grenades lacrymogènes. Au moins 20 autres personnes seraient mortes après avoir inhalé du gaz lacrymogène. Les autorités ont affirmé en septembre que 1 500 membres des forces de sécurité avaient été blessés dans des manifestations depuis le début de l’année. Deux policiers ont été tués au cours du second semestre.
 Hussam al Haddad, 16 ans, est mort le 17 août après avoir été la cible de tirs de la police antiémeutes à Al Muharraq. L’Unité spéciale d’enquête a conclu que les tirs étaient justifiés, « pour parer à un danger imminent ».
 Ali Hussein Neama, 16 ans, est mort le 28 septembre, abattu d’une balle dans le dos par la police antiémeutes dans le village de Sadad. Les proches de cet adolescent ont affirmé que la police les avait menacés et empêchés de s’approcher de lui alors qu’il gisait au sol. L’affaire a été classée à la suite des investigations de l’Unité spéciale d’enquête, qui a conclu que le policier avait « agi en état de légitime défense ».

Torture et autres mauvais traitements

Le gouvernement a pris des mesures pour améliorer le comportement de la police : de nouveaux règlements, notamment un code de conduite, ont été adoptés, et une formation aux droits humains a été mise en place. Les policiers continuaient pourtant d’arrêter des personnes en l’absence de mandat, de les maintenir au secret pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, en les privant de contact avec un avocat, et, selon certains témoignages, de les soumettre à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements, entre autres des coups de poing et de pied, des insultes et des menaces de viol.
 Hussein Abdullah Ali Mahmood al Ali a été arrêté sans mandat le 26 juillet dans le village de Salmabad. Il aurait été battu et transféré dans un lieu tenu secret. Cet homme s’est plaint d’avoir été torturé pendant sa détention au secret et d’avoir été contraint de signer des « aveux ». Sa famille est restée sans nouvelles de lui durant trois semaines. De même que son avocat, elle a ignoré le lieu exact de sa détention pendant plusieurs mois après son arrestation. Hussein Abdullah Ali Mahmood al Ali a affirmé avoir reçu des décharges électriques et avoir été menacé de viol.
Des dizaines d’adolescents de 15 à 18 ans, dont certains avaient été interpellés au cours de manifestations, étaient détenus dans des prisons et des centres de détention pour adultes ; beaucoup étaient accusés de « rassemblement illégal » ou de participation à une émeute. Certains ont été battus au moment de leur arrestation ou par la suite. Ils n’ont pas été autorisés à entrer en contact avec leur famille ou un avocat durant les premières heures de leur détention, au cours desquelles ils auraient été contraints de signer des « aveux ». Certains ont été condamnés à des peines d’emprisonnement.
 Salman Amir Abdullah al Aradi, 16 ans, a été arrêté en février puis une deuxième fois en mai. On l’aurait alors conduit au poste de police d’Al Hidd, où il aurait été frappé et menacé de viol. En l’absence de ses proches ou d’un avocat, il a été contraint de signer des « aveux ». Il a alors été inculpé de « rassemblement illégal », entre autres infractions, puis condamné, en juillet, à une peine d’un an d’emprisonnement. La condamnation a été confirmée en appel.
 Mariam Hassan Abdali al Khazaz, 17 ans, a affirmé avoir été battue et frappée à coups de pied après son arrestation à Manama à la suite d’une manifestation le 21 septembre. Contrainte de signer des « aveux » en l’absence d’un avocat ou de ses proches, elle a été inculpée notamment de « rassemblement illégal » et de voies de fait sur un agent de police. Remise en liberté sous caution le 17 octobre, elle n’avait pas été jugée à la fin de l’année.

Défenseurs des droits humains et autres militants

Les défenseurs des droits humains et d’autres militants étaient dénigrés dans les médias gouvernementaux, harcelés, placés en détention et condamnés.
 Nabeel Rajab, président du Centre des droits humains de Bahreïn, a été particulièrement visé. Arrêté à plusieurs reprises, il a fait l’objet de poursuites. Il a été inculpé en mai d’« insulte envers une institution nationale » pour des commentaires sur le réseau social Twitter à propos du ministère de l’Intérieur. Condamné le 9 juillet à trois mois d’emprisonnement pour avoir critiqué le Premier ministre, il a par ailleurs été déclaré coupable, le 16 août, de participation à des « rassemblements illégaux » et de « trouble à l’ordre public », et s’est vu infliger une peine de trois ans d’emprisonnement – ramenés à deux ans en décembre. Amnesty International le considérait comme un prisonnier d’opinion.
 Zainab al Khawaja a été interpellée en avril et incarcérée pendant six semaines après s’être assise dans la rue pour protester contre la détention de son père et contre d’autres violations des droits humains. Arrêtée de nouveau en août, elle a été condamnée à deux mois d’emprisonnement pour avoir déchiré une photo du roi. Remise en liberté sous caution en octobre, elle a été appréhendée une nouvelle fois en décembre et condamnée à un mois d’emprisonnement. Elle devait encore être jugée pour d’autres infractions, mais a été libérée à la fin de l’année.
Dans une déclaration commune faite en août, plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies ont instamment prié le gouvernement bahreïnite de mettre un terme au harcèlement des défenseurs des droits humains.

Prisonniers d’opinion

Des prisonniers d’opinion, dont des personnes condamnées dans le cadre des manifestations populaires de grande ampleur de 2011, étaient maintenus en détention. Ce sont de toute évidence leurs opinions antigouvernementales qui leur avaient valu d’être inquiétés.
 Ebrahim Sharif, Abdulhadi al Khawaja et 11 autres éminents détracteurs du gouvernement purgeaient des peines allant de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité. Leurs condamnations ont été confirmées en septembre. Ils avaient été reconnus coupables de mise en place de groupes terroristes en vue de renverser la monarchie et modifier la Constitution ainsi que d’autres infractions qu’ils avaient niées. Il n’existait aucun élément indiquant qu’ils aient eu recours à la violence ou en aient préconisé l’usage.
 En octobre, la Haute Cour criminelle d’appel a confirmé le verdict de culpabilité de Mahdi Issa Mahdi Abu Dheeb, ancien président de l’Association des enseignants de Bahreïn, tout en ramenant sa peine de 10 à cinq ans d’emprisonnement. Cet homme avait été déclaré coupable, en septembre 2011, par une juridiction militaire inéquitable, d’avoir appelé à une grève des enseignants, incité à la haine et tenté de renverser le gouvernement par la force. Il n’existait aucun élément de preuve à charge. Il s’est plaint d’avoir été torturé après son arrestation, en 2011, alors qu’il était détenu au secret dans l’attente de son procès.
 Six professionnels de la santé, parmi lesquels Ali Esa Mansoor al Ekri et Ghassan Ahmed Ali Dhaif, ont été arrêtés en octobre au lendemain de l’arrêt de la Cour de cassation confirmant les déclarations de culpabilité et les peines d’emprisonnement (entre un mois et cinq ans) prononcées contre eux par une juridiction d’appel en juin 2012. Ces six personnes avaient été condamnées en première instance à des peines comprises entre cinq et 15 ans d’emprisonnement, à l’issue d’un procès inéquitable achevé en septembre 2011. La cour d’appel avait annulé les condamnations de plusieurs autres professionnels de la santé jugés dans la même affaire. Deux des six condamnés ont été libérés à l’expiration de leur peine ; les quatre autres étaient maintenus en détention dans la prison de Jaw à la fin de l’année.

Liberté de réunion

Le 30 octobre, le ministre de l’Intérieur a interdit tous les rassemblements et manifestations en invoquant le fait qu’ils s’accompagnaient d’émeutes, de violences et de destruction de biens, et que les personnes y participant exprimaient leur opposition au gouvernement. Il a précisé que l’interdiction serait maintenue jusqu’à ce que « la sécurité soit rétablie », et que tout contrevenant serait poursuivi. L’interdiction a été levée en décembre et le ministre de l’Intérieur a annoncé un projet de modification du code régissant les réunions publiques, les cortèges et les rassemblements, qui imposait des restrictions au droit à la liberté de réunion.
 Le défenseur des droits humains Sayed Yousif Almuhafdah a été arrêté le 2 novembre pour avoir participé à un rassemblement interdit dans le but d’observer le comportement de la police envers les manifestants. Il a été remis en liberté deux semaines plus tard et les charges de « participation à un rassemblement illégal » retenues contre lui ont été abandonnées. Toutefois, il a de nouveau été appréhendé en décembre, et inculpé de « diffusion de fausses nouvelles ».

Peine de mort

Selon les informations recueillies, une condamnation à mort a été prononcée en mars et confirmée en appel en novembre. Aucune exécution n’a été signalée. Deux sentences capitales prononcées en 2011 par une juridiction militaire ont été annulées par la Cour de cassation. Les deux accusés ont été rejugés par un tribunal civil.

Visites et documents d’Amnesty International

 Amnesty International a annulé une visite à Bahreïn prévue en mars, en raison de l’imposition de nouvelles restrictions à la délivrance de visas aux ONG internationales. Des représentants de l’organisation se sont rendus dans le pays en août et en septembre pour observer des procès.
 Bahrain : Flawed reforms : Bahrain fails to achieve justice for protesters (MDE 11/014/2012).
 Bahrain : Reform shelved, repression unleashed (MDE 11/062/2012).

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