Sri Lanka

Les détentions illégales, la torture et les disparitions forcées demeuraient fréquentes et leurs auteurs jouissaient toujours d’une totale impunité. Un certain nombre de responsables et de partisans du gouvernement ont harcelé et menacé des défenseurs des droits humains, des journalistes et des membres de l’appareil judiciaire qui avaient dénoncé des abus de pouvoir ou recommandé que les auteurs d’atteintes aux droits humains soient contraints de rendre compte de leurs actes. Plus de trois ans après la fin du conflit armé entre le gouvernement et les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE), les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité présumés restaient impunis. Le gouvernement n’a pas mis en œuvre les recommandations formulées par la Commission enseignements et réconciliation (LLRC) et le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, qui visaient à garantir l’obligation de rendre des comptes. Les autorités ont continué d’invoquer la Loi relative à la prévention du terrorisme pour arrêter des suspects et les maintenir en détention prolongée, sans inculpation ni procès. Malgré les affirmations du gouvernement, nombre de personnes déplacées par le conflit armé n’avaient pas véritablement été réinstallées. C’était notamment le cas de certaines personnes dont les terres restaient occupées par l’armée sri-lankaise.

RÉPUBLIQUE SOCIALISTE DÉMOCRATIQUE DU SRI LANKA
Chef de l’État et du gouvernement : Mahinda Rajapakse

Disparitions forcées

Plus de 20 disparitions forcées présumées ont été signalées. Parmi les victimes figuraient des militants politiques, des hommes d’affaires et des suspects de droit commun. Plusieurs affaires qui avaient fait beaucoup de bruit les années précédentes n’avaient toujours pas été élucidées.
*Des hommes armés ont enlevé l’homme d’affaires tamoul Ramasamy Prabaharan le 11 février, deux jours avant la date à laquelle la Cour suprême était censée examiner le recours qu’il avait introduit pour arrestation arbitraire, détention et torture par la police, puis confiscation de son entreprise en mai 2009.
 Deux militants du Parti socialiste d’avant-garde, Premakumar Gunaratnam et Dimuthu Attigala, ont été enlevés en avril, peu avant le lancement de cette nouvelle formation. Ils ont tous deux été interrogés, puis finalement remis en liberté. Premakumar Gunaratnam, de nationalité australienne, affirme avoir été torturé par ses ravisseurs, selon lui liés aux autorités.
 L’enquête sur la disparition forcée présumée de deux militants politiques, Lalith Kumar Weeraraj et Kugan Muruganathan, apparemment emmenés par l’armée à Jaffna en décembre 2011, n’a pas avancé. Au moment des faits, ces deux hommes préparaient une manifestation pacifique qui devait être menée par des familles de personnes disparues. La cour d’appel a différé à plusieurs reprises l’examen du recours en habeas corpus introduit par les proches des deux hommes.
 Mohan Peiris, ancien procureur général, a été cité à comparaître à une audience de recours en habeas corpus concernant la disparition du dessinateur politique Prageeth Eknaligoda. Il avait en effet déclaré en 2011 au Comité contre la torture [ONU] que ce dernier vivait à l’étranger. Lors de l’audience, Mohan Peiris a reconnu qu’il ne savait pas ce qu’était devenu Prageeth Eknaligoda, ajoutant qu’il ne se rappelait pas qui lui avait dit que le dessinateur vivait en exil.

Arrestations et détentions arbitraires

Les autorités ont continué d’arrêter des personnes sans aucun mandat, pour les placer en détention prolongée sans inculpation ni procès. Elles ont reconnu qu’elles détenaient en octobre près de 500 anciens membres présumés des LTTE, qui ne faisaient l’objet d’aucune inculpation et étaient détenus à des fins de « réinsertion ». Des centaines d’autres Tamouls étaient toujours en détention administrative, très souvent depuis des années, dans l’attente des conclusions d’enquêtes sur leurs liens supposés avec les LTTE. Les personnes libérées après une période de « réinsertion » faisaient fréquemment l’objet de mesures de surveillance, ou étaient de nouveau arrêtées.

Utilisation excessive de la force

 En février, des membres de la Force d’intervention spéciale, une unité de choc de la police, ont tiré à balles réelles sur un groupe de pêcheurs qui manifestaient contre la hausse du prix du carburant, aux environs de Chilaw, sur la côte ouest. Antony Warnakulasuriya a été tué et trois autres personnes ont été blessées. La police aurait empêché les manifestants d’emmener les blessés à l’hôpital par la route, les contraignant à prendre un bateau.

Torture et autres mauvais traitements

La torture en garde à vue restait une pratique courante. Au moins cinq personnes sont mortes en détention des suites de mauvais traitements (passages à tabac, etc.) infligés par la police.
 Chandrasiri Dassanayake, témoin dans une affaire de violation des droits humains soumise à la Cour suprême et mettant en cause le responsable du poste de police de Wadduwa, est mort le 15 avril dans ce commissariat. Selon la version de la police, cet homme a été arrêté parce qu’il était en possession de cannabis, et il a été hospitalisé après être tombé malade dans sa cellule. Le fils de Chandrasiri Dassanayake a déclaré qu’il avait vu son père allongé sur le sol de sa cellule, perdant du sang, et que celui-ci lui avait dit que des policiers l’avaient passé à tabac. La mort de Chandrasiri Dassanayake a provoqué une vague de protestations au niveau local. Le responsable du poste, un sergent et deux autres policiers ont été mutés, mais l’affaire n’a pas eu d’autres suites.
 Trente détenus tamouls de la prison de Vavuniya auraient été roués de coups par des membres de la Force d’intervention spéciale en juin, en représailles après une mutinerie survenue un peu plus tôt. Deux sont morts des suites de leurs blessures.
 Le 9 novembre, 27 prisonniers sont morts dans des affrontements entre détenus et membres de la Force d’intervention spéciale, à la prison de Welikada. Une enquête a été menée sur des allégations selon lesquelles des prisonniers auraient été exécutés de façon extrajudiciaire, mais ses conclusions n’ont pas été rendues publiques.

Obligation de rendre des comptes

Le Conseil des droits de l’homme [ONU] a adopté en mars la résolution 19/2, qui demandait au Sri Lanka de donner suite aux recommandations relatives aux droits humains formulées par la LLRC et de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’établissement des responsabilités dans les atteintes au droit international qui auraient été commises. Dévoilé en juillet, le plan d’action du gouvernement censé répondre à ces recommandations ne prévoyait pas d’enquêtes nouvelles ou indépendantes et laissait l’armée et la police – impliquées l’une comme l’autre dans de graves violations des droits humains et du droit humanitaire – régler elles-mêmes les problèmes en interne. Le bilan du Sri Lanka en matière de droits humains a été évalué en novembre dans le cadre de l’Examen périodique universel de l’ONU. Les autorités ont soutenu qu’il n’était pas nécessaire de mener des enquêtes indépendantes sur les atteintes aux droits humains et les violations du droit international commises par le passé, malgré les réserves formulées à cet égard par plusieurs pays membres de l’ONU.
Dans un rapport publié le 14 novembre, le Groupe d’examen interne de l’action des Nations unies au Sri Lanka établi par le secrétaire général a reconnu que l’ONU n’était pas parvenue à protéger la population civile pendant le conflit armé qui a déchiré ce pays.

Défenseurs des droits humains

Plusieurs membres du gouvernement et la presse d’État s’en sont violemment pris aux défenseurs des droits humains qui avaient assisté à la session de mars du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en les traitant de traîtres. La haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et la présidente du Conseil des droits de l’homme ont dénoncé ces menaces et demandé l’ouverture d’une enquête. Le 23 mars, le ministre sri-lankais des Relations publiques a menacé de violences physiques journalistes et défenseurs des droits humains, et a revendiqué la responsabilité d’une agression perpétrée en 2010 contre un journaliste qui s’était ensuite exilé. Le ministre de la Santé a pour sa part accusé l’organisation catholique Caritas de comploter contre le gouvernement.

Liberté d’expression – journalistes

Les journalistes faisaient toujours l’objet de pressions dans l’exercice de leur métier.
 Le 5 juillet, le secrétaire d’État à la Défense, Gotabaya Rajapakse, a proféré des menaces de mort à l’adresse de la journaliste du Sunday Leader Frederica Jansz, qui tentait de l’interviewer concernant une affaire d’abus de pouvoir présumé. La journaliste a été licenciée en septembre par le nouveau propriétaire du journal. Elle a quitté le pays.
 Shantha Wijesooriya, journaliste pour le site Internet d’informations Lanka X News, a déclaré à la police qu’il avait été victime le 5 juillet d’une tentative d’enlèvement, de la part d’individus appartenant, selon lui, aux forces de sécurité. La police avait fait une descente une semaine plus tôt dans les locaux où il travaillait.
 En septembre, la journaliste Nirmala Kannangara et un photographe ont été encerclés et menacés par des militaires alors qu’ils tentaient de faire un reportage sur la réinstallation de personnes déplacées du camp de Manik Farm.

Justice

Le 7 octobre, des hommes armés ont agressé Manjula Thilakaratne, un juge de haute cour et secrétaire de la Commission des services judiciaires (JSC) du Sri Lanka, et ont tenté de l’extraire de sa voiture. Le 18 septembre, il avait publié un communiqué au nom de la JSC, dénonçant les tentatives de remise en cause de l’indépendance du judiciaire et en particulier d’ingérence dans le fonctionnement de la JSC, sous la forme de menaces et de manœuvres d’intimidation.
Le Parlement a entamé en décembre une procédure de destitution à l’encontre de la présidente de la Cour suprême, Shirani Bandaranayake. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats a dénoncé cette initiative, à ses yeux « extrêmement politisée » et dépourvue des garanties les plus élémentaires en matière de régularité et d’équité de la procédure.

Personnes déplacées

Fin septembre, les pouvoirs publics ont fermé le vaste camp pour personnes déplacées de Manik Farm et annoncé que les derniers résidents de ce camp (qui en a compté plus de 200 000) étaient désormais rentrés chez eux. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), des dizaines de milliers de personnes déplacées n’avaient cependant toujours pas pu regagner leur domicile ou s’installer durablement ailleurs à la fin de l’année, et continuaient de dépendre de familles d’accueil pour l’hébergement et d’autres aides.
 Le 30 septembre, près de 350 personnes déplacées du camp de Manik Farm sont montées dans des cars militaires, pensant rentrer dans leur village de Keppapilavu. Or, elles ont été conduites en rase campagne, dans le district de Mullaitivu, parce que leurs terres étaient toujours occupées par l’armée. Ces personnes déplacées se sont plaintes de ne disposer dans ce nouveau camp d’aucune infrastructure et de ne pas avoir d’eau potable. D’autres personnes déplacées de leurs villages d’origine ont vécu des expériences similaires.

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