Thaïlande

Le conflit armé s’est poursuivi dans le sud du pays ; les insurgés ont lancé de violentes attaques contre des civils et les forces de sécurité se sont livrées à des violations des droits humains en toute impunité. La Commission vérité pour la réconciliation a rendu public son rapport final, imputant la responsabilité des violences politiques de 2010 aux deux parties. Les mesures visant à amener les auteurs de ces violences à rendre des comptes se faisaient toutefois attendre. Cette année encore, le gouvernement a invoqué les dispositions sur les crimes de lèse-majesté et la Loi relative aux infractions dans le domaine de l’informatique pour restreindre la liberté d’expression. Des demandeurs d’asile et des réfugiés risquaient d’être expulsés vers leur pays d’origine.

ROYAUME DE THAÏLANDE
Chef de l’État : Bhumibol Adulyadej
Chef du gouvernement : Yingluck Shinawatra

Conflit armé interne

La population civile demeurait exposée à des attaques causant des morts et des blessés dans l’extrême sud du pays (provinces de Narathiwat, de Pattani, de Yala et certains secteurs de la province de Songkhla). Les écoles publiques et leurs enseignants, perçus comme des symboles de l’État, ont été pris pour cible, ce qui a entraîné la fermeture d’établissements scolaires pendant le second semestre de 2012. Des chefs insurgés ont accusé les forces de sécurité de s’être livrées à des exécutions extrajudiciaires dans la province de Yala. L’impunité était toujours la règle pour la plupart des violations perpétrées par les forces de sécurité dans le sud du pays.
 Le 29 janvier, des rangers, paramilitaires soutenus par le gouvernement, ont tiré sur un groupe de neuf civils, des musulmans d’origine malaise, qui se trouvaient à bord d’un camion dans le district de Nong Chik (province de Pattani). Quatre passagers ont été tués et quatre autres blessés par les tirs. Les rangers ont affirmé qu’ils pensaient que ces civils étaient liés à un groupe d’insurgés et impliqués dans une attaque menée contre leur avant-poste. Une commission vérité mise en place pour enquêter sur les faits a établi qu’ils n’avaient pas de liens avec des groupes d’insurgés.
 Le 21 septembre, des insurgés ont tué six personnes, dont un bénévole de la protection civile locale, et en ont blessé une cinquantaine d’autres après avoir ouvert le feu sur une boutique de vente et d’achat d’or, puis fait exploser une voiture piégée dans un marché du district de Sai Buri (province de Pattani).
 Le 30 octobre, Mahama Ma-ae, un professeur de religion islamique que la police soupçonnait d’être lié à un groupe d’insurgés, a été abattu dans la province de Yala. Le 14 novembre, Abdullateh Todir, un imam de la province, a lui aussi été abattu. Il avait déjà été visé par un attentat en 2011, au cours duquel sa fille était morte. Les chefs des insurgés ont imputé la responsabilité de ces homicides aux forces de sécurité gouvernementales.
 Les 3 et 4 décembre, des insurgés ont tué une enseignante et blessé un enseignant lors de deux épisodes distincts dans la province de Narathiwat. La directrice d’une école et un enseignant ont eux aussi perdu la vie lors d’un attentat perpétré contre un établissement scolaire de la province de Pattani, le 11 décembre. À la suite de ces attaques, les écoles des provinces de Narathiwat, de Pattani et de Yala ont été fermées pendant plusieurs jours.
Le décret de 2005 relatif à l’administration publique sous l’état d’urgence est resté en vigueur pendant toute l’année, le gouvernement le prorogeant tous les trois mois. Ce texte conférait l’immunité judiciaire aux représentants de l’État susceptibles d’avoir commis des violations des droits humains, y compris des actes de torture.

Responsabilité pour les violences politiques

La Commission vérité pour la réconciliation a publié en septembre son rapport final sur les violences commises dans le contexte des manifestations antigouvernementales d’avril et mai 2010 à Bangkok. Ces violences avaient fait 92 morts. La responsabilité en était imputée aux forces de sécurité gouvernementales, l’armée y compris, et aux « chemises noires », groupe armé mêlé aux manifestants et lié au Front uni pour la démocratie et contre la dictature (UDD), mouvement hostile au gouvernement dont les membres sont surnommés les « chemises rouges ». Le rapport établissait que les forces gouvernementales avaient eu recours à des armes de guerre et à des balles réelles contre les manifestants. Il était assorti d’une longue liste de recommandations, et demandait en particulier aux pouvoirs publics de faire face, au moyen d’un système de justice équitable et impartial, aux violences commises par toutes les parties et d’octroyer des réparations et des mesures de rétablissement aux victimes.
Les pouvoirs publics ont accepté en janvier d’indemniser financièrement les victimes des violences de 2010. En mai, une proposition de loi relative à la réconciliation nationale, qui prévoyait une mesure d’amnistie pour les personnes ayant pris part à ces violences, a déclenché un nouveau mouvement de protestation. Le texte a été suspendu en juillet. Après que des membres des forces de sécurité eurent été déclarés responsables de la mort en mai 2010 d’un manifestant membre de l’UDD, Phan Khamkong, l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva et l’ancien vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban ont été inculpés de meurtre en décembre. Il s’agissait des deux premiers représentants de l’État à être poursuivis en justice pour les violences politiques de 2010. Les procès de 24 organisateurs des manifestations membres de l’UDD se sont ouverts en décembre. Ils étaient inculpés de terrorisme.

Liberté d’expression

La liberté d’expression a cette année encore été réprimée, essentiellement par le recours aux dispositions sur le crime de lèse-majesté (article 112 du Code pénal) et à la Loi de 2007 relative aux infractions dans le domaine de l’informatique. Au titre de ces textes, les faits perçus comme une offense à la monarchie étaient sanctionnés par de lourdes peines d’emprisonnement. Les initiatives entreprises en 2012 pour remettre en cause ou modifier les dispositions relatives au crime de lèse-majesté ont échoué. La Cour constitutionnelle a estimé en octobre que l’article 112 était conforme à la Constitution, tandis que le Parlement a écarté en novembre un projet de loi visant à en modifier le contenu.
 En mai, le prisonnier d’opinion Amphon Tangnoppakul, âgé d’une soixantaine d’années et surnommé « oncle SMS », est mort d’un cancer alors qu’il purgeait une peine de 20 ans d’emprisonnement pour crime de lèse-majesté. Arrêté en août 2010, il avait été déclaré coupable en novembre 2011 d’avoir envoyé quatre SMS considérés comme insultants vis-à-vis de la monarchie. La justice avait rejeté ses huit demandes de libération sous caution malgré son état de santé inquiétant.
 Toujours en mai, Chiranuch Premchaiporn, responsable du site d’information en ligne Prachatai, a été déclarée coupable de ne pas avoir retiré rapidement 10 commentaires publiés sur son site par des internautes entre avril et novembre 2008 et jugés offensants à l’égard de la monarchie. Elle a été condamnée à un an d’emprisonnement et à une amende de 30 000 bahts (979 dollars des États-Unis) au titre de la Loi relative aux infractions dans le domaine de l’informatique. Ces peines ont ensuite été ramenées à huit mois avec sursis et à une amende de 20 000 bahts (653 dollars des États-Unis).
 Somyot Prueksakasemsuk, rédacteur en chef de Voice of Taksin, a été maintenu en détention pendant toute l’année. Il encourait jusqu’à 30 ans d’emprisonnement après avoir été inculpé en avril 2011 au titre des dispositions sur le crime de lèse-majesté, en raison de deux articles publiés dans son magazine. Le tribunal a rejeté toutes ses demandes de remise en liberté sous caution.

Réfugiés et migrants

Les demandeurs d’asile vivaient toujours sous la menace d’une arrestation, d’un maintien prolongé en détention et d’un renvoi forcé vers des pays où ils risquaient d’être victimes de persécutions. À l’issue de discussions avec le gouvernement du Myanmar, le Conseil national de sécurité thaïlandais a déclaré que les 146 900 réfugiés du Myanmar qui vivaient en Thaïlande pourraient retourner dans leur pays dans un délai d’un an, malgré l’instabilité qui continuait d’affecter les régions du Myanmar peuplées par des minorités ethniques et malgré l’absence de protections garantissant un retour volontaire, digne et sûr pour les réfugiés.
Des travailleurs migrants, certains munis de papiers, d’autres non, ont été menacés d’expulsion à la mi-décembre car ils ne s’étaient pas soumis à une procédure de vérification nationale.

Peine de mort

Aucune exécution n’a été signalée. Les tribunaux ont continué de prononcer des condamnations à la peine capitale tout au long de l’année. En août, l’État a commué les sentences d’au moins 58 condamnés à mort en peines de réclusion à perpétuité.

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