Allemagne

Les autorités n’ont pas créé d’organe indépendant chargé d’instruire les plaintes contre la police ni veillé à ce que tous les policiers en service portent un badge permettant leur identification. Les moyens mis à la disposition de l’Agence fédérale pour la prévention de la torture étaient toujours très insuffisants. Les autorités ont continué de renvoyer des demandeurs d’asile en Hongrie et des Roms, des Ashkalis et des « Égyptiens » au Kosovo, malgré les risques de violations des droits humains auxquels ils étaient exposés à leur retour. Les autorités refusaient d’exclure le recours aux « assurances diplomatiques » pour faciliter le renvoi de personnes vers des pays où elles risquaient d’être torturées ou soumises à d’autres mauvais traitements.

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE
Chef de l’État : Christian Wulff, remplacé par Joachim Gauck le 18 mars
Chef du gouvernement : Angela Merkel

Torture et autres mauvais traitements

L’année s’est écoulée sans que les autorités n’aient pris de mesures pour lever les obstacles empêchant d’instruire effectivement les plaintes pour mauvais traitements déposées contre la police. Aucun État (Land) ne s’est doté d’un organe indépendant chargé d’enquêter sur les atteintes graves aux droits humains mettant en cause des policiers. À part dans les Länder de Berlin et de Brandebourg, les fonctionnaires de police n’étaient toujours pas légalement tenus de porter un badge d’identification. Dans le Brandebourg, cette obligation devait entrer en vigueur en janvier 2013.
L’Agence fédérale pour la prévention de la torture – le mécanisme de prévention créé par l’Allemagne au titre du Protocole facultatif à la Convention contre la torture – était toujours dotée de moyens très insuffisants, ce qui l’empêchait de remplir ses missions et en particulier d’effectuer des visites régulières dans les lieux de détention. Deux de ses membres, dont le président, ont démissionné en août pour dénoncer le manque de moyens de l’Agence.
 L’enquête sur l’usage excessif de la force lors d’une manifestation qui s’était déroulée à Stuttgart en septembre 2010 s’est poursuivie. En octobre, un policier jugé par le tribunal cantonal de Stuttgart pour avoir frappé un manifestant avec sa matraque a été reconnu coupable d’agression physique et condamné à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis.
 Le 10 octobre, le tribunal régional supérieur de Francfort a confirmé en appel les dommages et intérêts (3 000 euros) accordés à Markus Gäfgen le 4 août 2011 au titre d’un préjudice moral subi. En 2002, deux policiers venus arrêter cet homme soupçonné d’avoir enlevé un garçon de 11 ans avaient menacé de lui infliger des souffrances intolérables. En première instance, un tribunal de Francfort avait qualifié ces menaces de « traitement inhumain » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme.
 Le 13 décembre, un policier a été déclaré coupable d’homicide par négligence par le tribunal régional de Magdebourg, à la suite du décès d’Oury Jalloh, mort par intoxication lors de l’incendie de sa cellule de garde à vue, en 2005, à Dessau. Malgré la longueur de cette procédure, on ignorait toujours les circonstances exactes de la mort et le degré réel d’implication de la police.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Dans le cadre d’un programme de réinstallation mis sur pied en décembre 2011, 195 réfugiés du camp de Shousha, en Tunisie, et 105 réfugiés irakiens venant de Turquie sont arrivés en Allemagne, respectivement en septembre et en octobre. Ils étaient accueillis à titre permanent en Allemagne, mais pas en tant que réfugiés au sens de la Convention relative au statut des réfugiés. De ce fait, ils demeuraient exclus d’un certain nombre de droits, en particulier le droit au regroupement familial.
Le 14 décembre, le ministère fédéral de l’Intérieur a reconduit jusqu’au 14 décembre 2014 la mesure suspendant les renvois de demandeurs d’asile vers la Grèce au titre du Règlement Dublin II (voir Grèce).
Des demandeurs d’asile ont été transférés en Hongrie malgré les risques qu’ils couraient dans ce pays (voir Hongrie). Faute d’un accès approprié à la procédure de demande de protection internationale, ils risquaient par exemple d’être renvoyés dans des pays tiers où leurs droits seraient menacés. Les demandeurs d’asile renvoyés par l’Allemagne en Hongrie et qui avaient transité par la Serbie sont demeurés sous la menace d’un renvoi vers ce pays jusqu’en novembre, lorsque la Hongrie a cessé de considérer la Serbie comme un « pays tiers sûr ». La Serbie n’avait plus accordé à quiconque le statut de réfugié depuis cinq ans.
Plusieurs Länder continuaient de renvoyer des Roms, des Ashkalis et des « Égyptiens » au Kosovo contre leur gré, en dépit des nombreuses formes de discrimination auxquels ils étaient exposés à leur retour. En avril, les autorités du Bade-Wurtemberg ont publié un décret imposant une évaluation individuelle des risques avant tout renvoi forcé de Roms, d’Ashkalis ou d’« Égyptiens » au Kosovo.
Le 18 juillet, la Cour constitutionnelle fédérale a jugé que les prestations ouvertes aux demandeurs d’asile ne leur permettaient pas de vivre dans la dignité et que cette situation violait leur droit à une existence digne, garanti par l’article premier de la Constitution allemande. La Cour a donc ordonné au législateur d’adopter sans délai de nouvelles dispositions dans le cadre de la Loi sur les prestations pour les demandeurs d’asile.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En septembre, le Parlement européen a invité divers États membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne, à divulguer toutes les informations nécessaires concernant les avions suspects liés aux programmes de « restitution » et de détention secrète conduits par la CIA sur leur territoire et à enquêter véritablement sur le rôle joué par l’État dans ces circonstances.
Le gouvernement fédéral s’est abstenu cette année encore d’indiquer s’il continuait de s’appuyer sur des « assurances diplomatiques » pour renvoyer des personnes soupçonnées de participation à des activités terroristes dans des pays où elles couraient le risque d’être torturées ou victimes d’autres mauvais traitements. Les dispositions réglementaires d’application de la Loi relative au séjour des étrangers prévoyaient toujours le recours aux « assurances diplomatiques ».

Justice internationale

Le premier procès tenu en Allemagne en vertu du Code des crimes contre le droit international, entré en vigueur en 2002, s’est poursuivi devant le tribunal régional supérieur de Stuttgart. Il visait Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni, deux citoyens rwandais. Ces hommes étaient accusés de 26 chefs de crimes contre l’humanité et 39 chefs de crimes de guerre pour des actes commis en République démocratique du Congo entre janvier 2008 et novembre 2009.
L’Allemagne ne considérait toujours pas la disparition forcée comme une infraction pénale, ce qu’exige pourtant la Convention contre les disparitions forcées.

Discrimination

Le 29 octobre, le tribunal administratif supérieur de Rhénanie du Nord-Palatinat a jugé que des agents de la police fédérale avaient bafoué le principe constitutionnel de non-discrimination en contrôlant l’identité d’une personne uniquement en raison de la couleur de sa peau.

Visites et documents d’Amnesty International

 Germany : Legal provisions and political practices put persons at risk of human rights violations (EUR 23/002/2012).
 Germany : Submission to the European Commission against Racism and Intolerance on Germany (EUR 23/003/2012).

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