Grèce

Tout au long de l’année, des informations ont de nouveau fait état de violations des droits humains – torture et recours excessif à la force notamment – commises par des policiers. Les migrants et les personnes en quête d’asile se heurtaient à des obstacles pour déposer leur demande, et étaient souvent détenus dans des conditions déplorables. Les crimes de haine motivés par l’origine ethnique ont enregistré une forte hausse.

RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE
Chef de l’État : Carolos Papoulias
Chef du gouvernement : Lucas Papadémos, remplacé par Panagiótis Pikramménos le 16 mai, remplacé à son tour par Antónis Samarás le 20 juin

Contexte

L’économie grecque était en crise et le taux de chômage s’élevait à 26,8 % en octobre. Le Parlement a voté de nouvelles mesures d’austérité en février et en novembre, sur fond de manifestations à Athènes et dans d’autres villes. Le Comité européen des droits sociaux a estimé en mai que certaines réformes législatives concernant les fonctionnaires et adoptées dans le cadre de la politique d’austérité enfreignaient plusieurs dispositions de la Charte sociale européenne.
Le parti politique d’extrême droite Aube dorée, tenant d’un discours agressif et hostile à l’égard des migrants, a remporté 18 sièges au Parlement lors des élections de juin.

Utilisation excessive de la force

Cette année encore, des informations ont fait état du recours à une force excessive par la police durant les manifestations.
*En avril, plusieurs journalistes et photographes ont été agressés par la police antiémeutes lors de mouvements de contestation organisés à Athènes à la suite du suicide d’un pharmacien à la retraite âgé de 77 ans. Marios Lolos, photographe de presse, a subi un grave traumatisme crânien après qu’un policier antiémeutes lui eut asséné des coups de matraque à l’arrière de la tête. Personne n’a été arrêté ni inculpé à la suite de cette agression.
*Le 5 août, la police antiémeutes a fait un usage excessif de produits chimiques irritants et aurait tiré des balles en caoutchouc et d’autres projectiles sur des personnes qui manifestaient pacifiquement contre l’exploitation de mines aurifères dans la région de la Chalcidique.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, des membres de groupes vulnérables, comme les personnes enfermées dans des centres de détention pour migrants, auraient été maltraités, voire torturés. Des problèmes structurels favorisant l’impunité persistaient. Par exemple, les pouvoirs publics se montraient souvent incapables de mener rapidement des enquêtes exhaustives et impartiales et de garantir le droit à un recours utile. En janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le viol avec une matraque infligé par un garde-côte à un migrant irrégulier en mai 2001 constituait un acte de torture (Zontul c. Grèce). En août, le Comité des droits de l’homme [ONU] a conclu que la Grèce avait omis d’enquêter sur la plainte déposée en 1999 par un Rom grec pour mauvais traitements et discriminations de la part de la police (Katsaris c. Grèce).
 En mars, deux policiers condamnés en première instance ont été acquittés par une juridiction d’appel mixte avec jury siégeant à Athènes. Ils avaient été déclarés coupables, au titre de la disposition du Code pénal relative à la torture, de coups et blessures sur la personne de deux réfugiés. Les faits s’étaient déroulés au poste de police d’Aghios Panteleimon, dans la capitale, en décembre 2004.
 En octobre, de graves allégations ont fait état de tortures infligées le 30 septembre par des policiers à 15 manifestants antifascistes dans les locaux de la Direction générale de la police, à Athènes. Arrêtées le 1er octobre, des personnes qui soutenaient les manifestants auraient elles aussi été soumises à un traitement assimilable à de la torture dans ces mêmes locaux. Les autorités ont nié ces allégations, mais un juge d’instruction a demandé au ministère public d’engager des poursuites contre les policiers soupçonnés d’implication dans les violations des droits humains des manifestants.

Réfugiés, demandeurs d’asile et migrants

Des améliorations ont été signalées au niveau des recours dans la procédure d’asile, mais la Grèce a pris peu de mesures pour mettre en place un système juste et efficace. Le nouveau service chargé de traiter les demandes n’avait pas encore commencé à fonctionner à la fin de l’année, en raison d’importants problèmes de recrutement. Les personnes en quête d’asile rencontraient toujours des obstacles pour déposer leur demande. Par exemple, seule une vingtaine de demandes étaient enregistrées chaque semaine par le service des étrangers de la Direction générale de la police de l’Attique, à Athènes.
Des personnes qui tentaient de rejoindre la Grèce depuis la Turquie en franchissant le fleuve Évros ont indiqué que les autorités grecques les avaient refoulées vers la Turquie. Dans la région de l’Évros, la construction d’une clôture longeant la frontière avec la Turquie sur 10,5 kilomètres a pris fin en décembre. On continuait de craindre que cette clôture n’empêche les personnes en quête de protection internationale de se mettre en sécurité, et qu’elle ne les pousse à tenter de passer la frontière par des moyens dangereux.
Les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière, y compris des mineurs non accompagnés, étaient régulièrement maintenus en détention pendant de longues périodes. En avril a été adoptée une nouvelle disposition législative qui autorisait l’enfermement de demandeurs d’asile et de migrants irréguliers pour des motifs tels que la présomption de maladies infectieuses comme le sida. Face aux opérations de répression policière contre les migrants entamées en août, Amnesty International s’est inquiétée de la discrimination basée sur l’origine ethnique supposée des personnes, soulignant que cette discrimination allait nourrir la xénophobie.
En octobre, une modification législative concernant les procédures d’asile a donné à la police l’autorisation de prolonger de 12 mois la période maximale de détention d’un demandeur d’asile (qui était de trois ou six mois). Les conditions de vie dans plusieurs centres de détention pour migrants et postes de police où étaient enfermés des demandeurs d’asile et des migrants irréguliers demeuraient déplorables. Celles qui régnaient dans les structures de détention d’Elliniko, à Athènes, étaient inhumaines et dégradantes. Entre août et la fin de l’année, de nombreux demandeurs d’asile et migrants irréguliers, y compris un grand nombre de Syriens qui avaient fui le conflit dans leur pays, auraient été détenus dans de très mauvaises conditions dans des postes de police, ou se seraient retrouvés sans abri.

Discrimination

Crimes de haine
Les agressions à caractère raciste ont fortement augmenté durant l’année. En octobre, le Réseau d’observation de la violence raciste a indiqué que plus de la moitié des 87 faits enregistrés impliquaient des groupes d’extrême droite ayant agi de manière organisée et planifiée. Un décret présidentiel portant création à Athènes et à Thessalonique d’unités de police spécialisées chargées d’enquêter sur les crimes racistes a été signé en décembre. Ce texte ne protégeait toutefois pas les victimes sans papiers, qui pouvaient être arrêtées et expulsées du pays pendant la procédure pénale.
Une série de violentes attaques ont été signalées en août contre des migrants, notamment des demandeurs d’asile, et des lieux de culte officieux d’Athènes et d’autres villes. Un Irakien est mort poignardé le 13 août. L’ouverture d’une enquête pénale a été ordonnée, mais l’auteur des faits n’a pas été identifié.
 Le 24 septembre, un tribunal athénien a reporté pour la septième fois le procès de trois Grecs, dont une candidate d’Aube dorée aux élections législatives. Ils étaient accusés d’avoir frappé trois demandeurs d’asile afghans et poignardé l’un d’entre eux en 2011. Cette affaire était l’un des rares cas de violences à caractère raciste à passer en jugement.
 En octobre, le Parlement a levé l’immunité de deux députés d’Aube dorée impliqués dans des attaques contre des étals de marché appartenant à des migrants, dans les villes de Rafina et de Missolonghi, le 9 septembre. Des poursuites ont été engagées en novembre contre le député impliqué dans l’attaque survenue à Missolonghi.
 Des demandeurs d’asile et d’autres migrants ont été agressés le 3 novembre dans le quartier d’Aghios Panteleimon à Athènes, et leurs boutiques et logements ont été attaqués. Des extrémistes de droite seraient responsables de ces actes.

Les personnes séropositives au VIH
En mai, les autorités ont arrêté plus de 100 travailleurs et travailleuses du sexe présumés, et les auraient soumis contre leur gré à un test de dépistage du VIH. De vives préoccupations ont été exprimées après la désignation publique de 29 de ces personnes, inculpées pour lésions corporelles graves infligées intentionnellement : des informations personnelles à leur sujet – dont leur photographie et leur statut sérologique – ont été rendues publiques par la police. À la fin de l’année, 12 d’entre elles étaient toujours en détention dans l’attente de leur procès.
Les Roms
D’après l’ONG Greek Helsinki Monitor, les enfants roms demeuraient victimes de ségrégation voire d’exclusion dans le domaine de l’éducation, et des familles roms étaient expulsées de leur logement ou menacées d’expulsion sans qu’aucune solution de relogement acceptable ne leur soit proposée.
 En décembre, la Cour européenne des droits de l’homme a statué que le refus des autorités grecques d’intégrer les enfants roms d’Aspropyrgos dans le système scolaire ordinaire constituait une discrimination (Sampani et autres c. Grèce). La Cour avait déjà estimé dans une affaire précédente que la Grèce était responsable de la ségrégation d’enfants roms dans le système scolaire primaire d’Aspropyrgos, en violation de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTI)

En novembre, des militants LGBTI ont indiqué que les violences homophobes s’étaient intensifiées à Athènes. Selon les victimes, les agresseurs appartenaient à des groupes d’extrême droite, y compris le parti Aube dorée.

Objecteurs de conscience

Les objecteurs de conscience ont cette année encore fait l’objet de nombreuses poursuites.
 En février, le tribunal militaire d’Athènes a condamné Avraam Pouliasis (49 ans), l’un des premiers objecteurs de conscience en Grèce, à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans. Cet homme n’était plus soumis à l’obligation légale d’effectuer son service militaire car il avait plus de 45 ans.

Conditions carcérales

En 2012, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que la Grèce avait violé la Convention européenne des droits de l’homme dans trois affaires sur la question des conditions carcérales : il s’agissait des prisons d’Ioannina et de Korydallos et du centre de détention du siège de la police de Thessalonique.

Liberté d’expression

La liberté d’expression a été menacée à plusieurs reprises.
 En novembre, Kostas Vaxevanis, journaliste et rédacteur d’un magazine, a été jugé à Athènes pour infraction au respect de la vie privée. Il avait publié les noms d’environ 2 000 Grecs qui détiendraient des comptes bancaires privés en Suisse et avait réclamé des enquêtes sur de possibles faits d’évasion fiscale. Il a été relaxé à l’issue d’une journée d’audience. Le Bureau du procureur des juridictions de première instance d’Athènes s’est pourvu en appel, et Kostas Vaxevanis a été déféré au tribunal correctionnel d’Athènes.
 En octobre, des membres de groupes chrétiens très conservateurs et d’Aube dorée, dont certains députés de ce parti d’extrême droite, ont tenté d’empêcher la première représentation de la pièce Corpus Christi en insultant et menaçant les acteurs et des spectateurs. Les organisateurs de la représentation ont été inculpés de blasphème en novembre.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Grèce en janvier, juillet et octobre.
 Police violence in Greece : Not just ‘isolated incidents’ (EUR 25/005/2012).
 Greece : The end of the road for refugees, asylum-seekers and migrants (EUR 25/011/2012).

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