Ouzbekistan

La liberté d’expression était battue en brèche, des défenseurs des droits humains et des journalistes ayant cette année encore été harcelés, agressés, traduits en justice ou placés en détention. Deux défenseurs des droits humains ont bénéficié d’une libération anticipée pour raisons humanitaires, mais 10 autres au moins étaient toujours emprisonnés à la fin de l’année, pour certains dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes. La torture et d’autres mauvais traitements continuaient d’être utilisés pour extorquer des « aveux », en particulier contre les personnes soupçonnées d’être liées à des groupes religieux interdits.

RÉPUBLIQUE D’OUZBÉKISTAN
Chef de l’État : Islam Karimov
Chef du gouvernement : Chavkat Mirziyoyev

Liberté d’expression

Les défenseurs des droits humains et les journalistes étaient toujours confrontés à des actes de harcèlement et à des pressions de la part des autorités. Ils faisaient l’objet d’une surveillance régulière de la part de membres des services de sécurité, en uniforme ou en civil. Il n’était pas rare que la police les convoque pour les interroger et certains ont été placés en résidence surveillée. Un certain nombre de personnes ont été empêchées de participer à des manifestations pacifiques ou de rencontrer des diplomates étrangers. Certaines se sont plaintes d’avoir été frappées par des agents de la force publique, ou agressées par des individus soupçonnés de travailler pour les services de sécurité, qui cherchaient ainsi à les dissuader de dénoncer les violations des droits humains ou de critiquer les pouvoirs publics.
 Les prisonniers d’opinion et défenseurs des droits humains Alicher Karamatov et Khabiboulla Akpoulatov ont été libérés, respectivement en avril et en juillet, après avoir purgé des peines d’emprisonnement de près de six et sept ans. Ils avaient été condamnés à l’issue de procès inéquitables, l’un en 2005, l’autre en 2006, pour « diffamation » et « extorsion de fonds ».
 En mai, Goulchan Karaïeva, la directrice de la section de Kachka-Daria de l’Association des droits humains d’Ouzbékistan (OPCHU), une organisation indépendante, a été agressée par deux femmes dans un magasin de la ville de Karchi. Des graffitis ont par ailleurs été dessinés sur les murs de sa maison. Elle avait peu auparavant déclaré publiquement avoir refusé de servir d’indicatrice au Service de la sécurité nationale (SSN). Le 27 septembre, elle a été placée en garde à vue au commissariat proche de son domicile. Elle a été informée qu’elle faisait l’objet d’accusations de « diffamation » et d’« injure » de la part des deux femmes qui l’avaient agressée en mai. Elle encourait jusqu’à quatre années d’emprisonnement. Elle a toutefois bénéficié d’une mesure d’amnistie présidentielle le 13 décembre et les poursuites engagées contre elle ont été abandonnées. Plusieurs proches et collègues de Goulchan Karaïeva ont également été victimes d’actes de harcèlement, d’insultes et de violences. Ainsi, au mois de juillet, son frère et sa belle-sœur, ainsi que leur fille âgée de neuf ans, ont été frappés par deux de leurs voisins, qui les accusaient d’appartenir à la famille d’ennemis du peuple (les voisins faisaient référence à Goulchan Karaïeva et à son frère aîné, Toulkin Karaïev, réfugié en Suède). Le mois suivant, le couple a été convoqué au poste de police local, où il a été menacé de poursuites en raison à propos de cette même agression.

Torture et autres mauvais traitements

La torture et le mauvais traitement des personnes en garde à vue ou incarcérées constituaient toujours une pratique habituelle de la part des agents des forces de sécurité et du personnel pénitentiaire. De nombreux cas de torture ou d’autres mauvais traitements ont été dénoncés pendant l’année. Beaucoup concernaient des hommes et des femmes soupçonnés ou déclarés coupables d’appartenance à des mouvements islamiques ou à des groupes ou partis islamistes, voire à d’autres organisations religieuses, frappés d’interdiction en Ouzbékistan. Comme les années précédentes, les autorités n’ont pas mené rapidement d’enquêtes approfondies et impartiales sur les informations qui faisaient état de tels actes, ni sur les plaintes déposées auprès des services du procureur général.
 En février, 12 hommes d’affaires turcs ont été libérés de prison, aux termes d’une amnistie présidentielle décrétée en décembre 2011, et ont été expulsés vers la Turquie. Ils avaient été condamnés en 2011, en compagnie de 42 autres hommes d’affaires de nationalité turque, à des peines allant de deux à trois ans d’emprisonnement pour diverses infractions économiques, et notamment pour évasion fiscale. Un documentaire diffusé à la télévision d’État montrait plusieurs des condamnés en train d’« avouer » les crimes économiques qui leur étaient reprochés. Ces hommes étaient également accusés d’être liés au mouvement islamique interdit « Nurchilar ». L’un d’eux, Vahit Güne ?, ancien directeur général du centre commercial Turkuaz de Tachkent, a entamé une procédure judiciaire contre les autorités ouzbèkes à son retour en Turquie. Il accusait le SSN de l’avoir torturé en garde à vue, ainsi que plusieurs autres personnes, afin de les contraindre à signer de faux aveux. Il affirmait par ailleurs que ni lui ni ses compagnons n’avaient pu être assistés par les avocats de leur choix. Selon lui, d’autres personnes arrêtées auraient été torturées pendant leur détention provisoire et certaines en seraient mortes. Vahit Güne ? a dû recevoir des soins médicaux à son retour en Turquie. Toujours selon son témoignage, un autre homme d’affaires, Hairetdin Öner, se trouvait toujours à l’hôpital deux mois après sa libération. Il y était soigné pour le traumatisme physique et psychologique dont il avait été victime.
 En août, Goultchehra Abdoullaïeva, qui fait partie des témoins de Jéhovah, a déclaré avoir été torturée dans les locaux du poste de police de Khazarasp par des policiers qui cherchaient à lui faire « avouer » qu’elle avait introduit illégalement des textes religieux interdits en Ouzbékistan, accusation qu’elle rejetait. La police l’avait arrêtée arbitrairement au mois de juillet, alors qu’elle rentrait du Kazakhstan. Selon son témoignage, les policiers l’auraient contrainte de rester debout pendant des heures, sans boire et sans manger, puis lui auraient mis un masque à gaz dont ils avaient coupé l’arrivée d’air afin de l’empêcher de respirer. Ils l’auraient obligée à signer une déclaration dans laquelle elle reconnaissait avoir pris part à des activités religieuses interdites, puis l’auraient relâchée. Elle a été déclarée coupable le 28 juillet par le tribunal régional de Khazarasp d’« enseignement privé de croyances religieuses ». Goultchehra Abdoullaïeva a fait appel et a officiellement protesté auprès des autorités, mais celles-ci ont refusé de prendre sa plainte en considération.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Les autorités se sont cette année encore efforcées d’obtenir, au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme, l’extradition de personnes soupçonnées d’appartenir à des mouvements islamiques ou à des groupes ou partis islamistes interdits en Ouzbékistan. Elles ont également demandé l’extradition d’opposants politiques, de personnes critiques à l’égard du gouvernement et de riches particuliers tombés en disgrâce auprès du régime. Nombre de ces demandes d’extradition étaient basées sur des éléments peu fiables, voire forgés de toutes pièces. Afin d’obtenir gain de cause, le gouvernement ouzbek a donné aux États sollicités des « assurances diplomatiques », promettant d’ouvrir sans restriction les lieux de détention aux observateurs indépendants et aux diplomates. Dans la pratique, ces promesses n’étaient pas tenues. Les personnes renvoyées de force dans le pays étaient généralement placées en détention au secret, torturées ou maltraitées. Elles étaient ensuite jugées dans le cadre d’une procédure inéquitable et condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement, qu’elles devaient purger dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes. Les autorités ont également été accusées de plusieurs tentatives d’assassinat contre des opposants vivant en exil.
 Le 22 février, un tireur non identifié a tiré sur Obidkhon Nazarov devant son domicile, en Suède, où il était réfugié depuis 2006. Blessé à la tête, Obidkhon Nazarov était toujours dans le coma à la fin de l’année. Imam dissident bien connu, il avait souvent dénoncé publiquement la répression menée par les autorités ouzbèkes contre les groupes musulmans indépendants. Il avait fui l’Ouzbékistan en 2000 mais, en 2005, il avait été accusé d’avoir été l’un des organisateurs des manifestations d’Andijan et des violences qui avaient suivi. Les autorités demandaient son extradition depuis, au motif qu’il constituait selon elles une menace pour la sécurité de l’Ouzbékistan. Lors du procès qui a suivi la tentative d’assassinat, le président du tribunal a estimé qu’il avait très probablement été visé en raison de ses convictions politiques par un groupe situé hors des frontières de la Suède. Le procureur a accusé les autorités de l’Ouzbékistan d’avoir organisé la tentative d’assassinat. L’avocat représentant la famille d’Obidkhon Nazarov, ainsi que nombre des partisans et sympathisants de celui-ci, accusaient les services de sécurité ouzbeks.
 Rouslan Souleïmanov a été extradé en Ouzbékistan le 20 septembre depuis l’Ukraine, pays où il était venu s’installer en novembre 2010 de crainte d’être victime d’un procès non équitable, voire d’être soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements. En Ouzbékistan, Rouslan Souleïmanov était l’un des gérants d’une entreprise privée du bâtiment, que des concurrents avaient proposé de racheter en 2008. L’entreprise ayant rejeté cette proposition, les services de sécurité avaient fait une descente dans ses locaux et une information avait été ouverte contre ses dirigeants, dont Rouslan Souleïmanov, pour diverses infractions économiques. Ce dernier avait été placé en détention en Ukraine en février 2011, les autorités ouzbèkes ayant demandé son extradition. Alors que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) l’avait placé sous son mandat en mai 2012 et lui cherchait un pays de réinstallation, Rouslan Souleïmanov a été extradé d’Ukraine le 20 septembre. Selon des informations recueillies auprès de sa famille en novembre, il se trouvait en détention provisoire à Tachkent.

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