Royaume-uni

L’ouverture d’une information judiciaire a été annoncée dans deux cas présumés de « restitution ». L’enquête relative aux personnes détenues à l’étranger dans le cadre des opérations antiterroristes (« Detainee inquiry ») a été clôturée prématurément à la suite de ces nouvelles enquêtes pénales. Un projet de loi qui autoriserait le gouvernement à utiliser des éléments tenus secrets dans les affaires ayant trait à la sécurité nationale qui sont examinées devant des juridictions civiles a été rendu public. Le moratoire sur le transfert de détenus aux autorités afghanes a été maintenu.

ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD
Chef de l’État : Elizabeth II
Chef du gouvernement : David Cameron

Torture et autres mauvais traitements

Le 12 janvier, la police métropolitaine de Londres et le substitut du procureur général ont annoncé que, à la suite d’une enquête, aucune inculpation ne serait prononcée contre les membres des services britanniques du renseignement qui avaient été mis en cause dans deux affaires de mauvais traitements infligés à des détenus à l’étranger. Le premier cas concernait la participation d’agents britanniques à des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements infligés à Binyam Mohamed ; le second avait trait au traitement subi par un individu non identifié détenu par les autorités américaines sur la base aérienne de Bagram, en Afghanistan, en janvier 2002. La police métropolitaine a toutefois déclaré qu’elle avait recueilli d’autres allégations et se réservait la possibilité de conduire de nouvelles investigations.
Les autorités ont en revanche annoncé l’ouverture d’une information judiciaire sur l’implication du Royaume-Uni dans la « restitution » de Sami al Saadi et Abdel Hakim Belhaj à la Libye, en 2004, et dans les actes de torture et les mauvais traitements qui leur auraient été infligés. Sami al Saadi et sa famille ont accepté, en décembre, un accord financier proposé par le gouvernement britannique. L’action civile en dommages et intérêts intentée par Abdel Hakim Belhaj contre le Royaume-Uni était en instance à la fin de l’année.
Le gouvernement a annoncé, le 18 janvier, que l’enquête relative aux détenus (« Detainee Inquiry ») serait clôturée avant son terme, en raison des nouvelles investigations menées sur les « restitutions » présumées en Libye. Cette procédure avait été instaurée en 2010 pour examiner les allégations selon lesquelles le Royaume-Uni aurait participé à des violations des droits fondamentaux de personnes détenues à l’étranger dans le cadre d’opérations antiterroristes. Le protocole de cette enquête ne respectait pas les normes internationales relatives aux droits humains garantissant des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales. Un rapport a été remis aux autorités le 27 juin pour rendre compte du travail effectué jusqu’à cette date dans le cadre de l’enquête. Il n’avait pas été rendu public à la fin de l’année.
En septembre, un rapport du Parlement européen a appelé un certain nombre de pays, dont le Royaume-Uni, à divulguer toutes les informations disponibles concernant tous les avions suspects liés au programme de « restitution » de la CIA et à leur territoire.
En octobre, la Haute Cour de justice a rejeté les actions que le gouvernement avait intentées pour écarter les plaintes déposées par trois Kényans torturés par les autorités coloniales britanniques au Kenya dans les années 1950. Elle a conclu que, malgré le temps écoulé, un procès équitable restait possible en raison de la présence de très nombreuses preuves.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Le gouvernement continuait de s’appuyer sur des « assurances diplomatiques » peu fiables et inapplicables lorsqu’il cherchait à renvoyer des personnes qui, selon lui, représentaient un danger pour la sécurité nationale vers des pays où elles risquaient d’être victimes de violations graves des droits humains, notamment de torture.
 En janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a statué sur le cas d’Omar Othman (également connu sous le nom d’Abu Qatada), un Jordanien que les autorités souhaitaient expulser pour des motifs de sécurité nationale. Elle a conclu que, bien que les « assurances diplomatiques » de la Jordanie suffisaient à réduire le risque de torture et d’autres mauvais traitements que cet homme pourrait subir à son retour dans son pays, il serait exposé à un risque réel de « déni de justice flagrant » en raison de l’utilisation de témoignages d’autres personnes obtenus sous la torture. La Commission spéciale des recours en matière d’immigration (SIAC) a conclu, en novembre, qu’Abu Qatada ne pouvait pas être expulsé car des éléments de preuve obtenus sous la torture risquaient toujours d’être utilisés lors de son procès, en dépit des efforts du gouvernement pour obtenir de nouvelles assurances. Les autorités britanniques avaient l’intention d’interjeter appel de cette décision.
 Dans un arrêt rendu en avril, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que cinq hommes en instance d’extradition vers les États-Unis pour des actes de terrorisme ne risquaient pas d’être torturés ou maltraités s’ils étaient condamnés et incarcérés dans la prison de très haute sécurité de Florence, au Colorado. Les cinq hommes ont été extradés vers les États-Unis le 5 octobre.
Le régime des « ordonnances de contrôle » a été remplacé en janvier par celui des « mesures d’investigation et de prévention du terrorisme » (TPIM). Bien que d’ampleur plus limitée que l’ancien système, les TPIM autorisaient la privation de liberté, la restriction du droit de circuler librement et la limitation des activités des personnes soupçonnées d’implication dans des actes de terrorisme, sur la base d’informations tenues secrètes. Dix mesures relevant des TPIM étaient en vigueur au 30 novembre.

Évolutions législatives et politiques

Le gouvernement a rendu public en mai un projet de loi sur la justice et la sécurité qui étendait aux procédures civiles considérées par le gouvernement comme relevant de la sécurité nationale le recours à des « procédures pour documents sensibles ». Ces procédures autorisent le gouvernement à utiliser des documents secrets qui ont été remis à un tribunal lors d’audiences à huis clos auxquelles ni les plaignants ni leurs avocats ni le public n’ont accès. Le projet de loi contenait également des dispositions visant à supprimer la possibilité pour les tribunaux d’ordonner la divulgation d’informations « sensibles » (y compris des informations concernant des allégations de violations des droits humains), qui seraient susceptibles d’aider des individus dans un procès contre un tiers. Des ONG, des avocats et des médias ont fait part de leur inquiétude quant au fait que le projet de loi était contraire aux principes d’équité et de transparence de la justice, et qu’il empêcherait les victimes de violations des droits humains d’obtenir la divulgation devant les tribunaux d’éléments relatifs à ces violations. Le texte contenait des dispositions limitées visant à améliorer le contrôle des services du renseignement.
Des représentants de la société civile et des ONG ont émis des réserves à propos de l’impact de la Loi relative à l’aide judiciaire, à la condamnation et aux peines applicables aux contrevenants, entrée en vigueur en mai. Ils craignaient que cette loi ne restreigne l’accès à la justice dans certains cas, et notamment pour les personnes victimes d’atteintes aux droits fondamentaux commises à l’étranger par des sociétés multinationales.
La commission chargée de déterminer si une Charte britannique des droits devait être rédigée pour remplacer la Loi relative aux droits humains a remis son rapport en décembre. Elle n’était pas parvenue à un consensus.

Forces armées

En juillet, 169 Irakiens ont été autorisés à solliciter un réexamen judiciaire pour faire valoir que l’Iraq Historic Allegations Team (IHAT), une commission chargée d’enquêter sur les allégations d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des citoyens irakiens par des soldats britanniques, n’était toujours pas assez indépendante, malgré les changements structurels introduits par le gouvernement. Les avocats des plaignants ont argué qu’une commission d’enquête devait être mise en place pour mener des investigations sérieuses sur les éventuelles violations des droits humains commises par l’armée britannique en Irak.
Le 29 novembre, le ministère de la Défense a annoncé qu’il allait maintenir, jusqu’à nouvel ordre, le moratoire sur le transfert de détenus aux autorités afghanes, eu égard à de nouvelles informations faisant état de « mauvais traitements graves » infligés aux détenus en Afghanistan. Cette décision a été annoncée lors d’une audience de la Haute Cour de justice dans l’affaire concernant Serdar Mohammed, un Afghan arrêté par les forces britanniques en 2010 et remis par la suite aux services du renseignement afghans. Cet homme s’était plaint d’avoir été torturé lorsqu’il était aux mains de ces services, puis soumis à un procès manifestement inique.
 La Cour suprême a confirmé en octobre l’ordonnance d’habeas corpus concernant Yunus Rahmatullah. Capturé en 2004 par les troupes britanniques en Irak, cet homme avait été remis à l’armée américaine, qui l’avait transféré en Afghanistan, où il était maintenu en détention sans inculpation. La Cour suprême a considéré que selon certains éléments la détention de Yunus Rahmatullah était illégale aux termes des Conventions de Genève et que le gouvernement britannique était tenu de solliciter son transfert au Royaume-Uni. Elle a toutefois conclu que le refus des États-Unis de remettre cet homme aux autorités britanniques suffisait à démontrer que le Royaume-Uni n’avait pas pu obtenir sa remise en liberté.

Police et forces de sécurité

En janvier, deux hommes ont été reconnus coupables du meurtre à caractère raciste de Stephen Lawrence, commis en 1993. Une enquête menée en 1999 avait conclu que les investigations policières sur cette affaire avaient été faussées « par l’effet conjugué de l’incompétence professionnelle, d’un racisme institutionnalisé et d’un défaut d’autorité de la part des officiers supérieurs ».
Un policier inculpé d’homicide involontaire dans l’affaire de la mort de Ian Tomlinson, survenue en avril 2009 durant les manifestations organisées à Londres en marge du G20, a été acquitté en juillet. En 2011, un jury avait rendu un verdict d’homicide illégal à l’issue de l’enquête visant à rechercher les causes de la mort, et conclu que Ian Tomlison était mort des suites d’une hémorragie interne après avoir été frappé à coups de matraque et précipité à terre par un policier. En septembre, une commission disciplinaire de la police métropolitaine de Londres a estimé que le comportement du policier constituait une faute professionnelle grave.

Irlande du Nord

De nouveaux cas de violences imputables à des groupes paramilitaires ont été signalés. David Black, un gardien de prison, a été abattu le 1er novembre. Des républicains dissidents ont revendiqué son assassinat. Un certain nombre d’élus et de journalistes ont été agressés ou menacés par des membres de groupes paramilitaires loyalistes ou par des inconnus. Plusieurs personnes, dont des policiers, ont été blessées lors de troubles de l’ordre public au cours de l’année.

La commission d’enquête mise en place par le gouvernement d’Irlande du Nord sur les mauvais traitements infligés entre 1922 et 1995 à des enfants placés en institution a débuté ses travaux en octobre.
L’Inspection royale de la police a entamé en novembre son enquête sur le travail de l’Historical Enquiries Team (HET), un organisme chargé de reprendre tous les cas de décès attribués au conflit en Irlande du Nord. Cette enquête portera sur la question de savoir si les investigations menées par le HET dans des affaires mettant en cause l’armée sont conformes aux normes en matière de droits humains et d’action policière.
 La police d’Irlande du Nord a confirmé en décembre qu’une information judiciaire allait être ouverte en 2013 sur les événements du 30 janvier 1972, lorsque 13 personnes qui manifestaient en faveur des droits civiques ont été tuées par des soldats britanniques. Ce jour a été appelé par la suite « Bloody Sunday » (Dimanche sanglant).
 En décembre, la Haute Cour d’Irlande du Nord a annulé un rapport rédigé en 2011 par le médiateur de la police d’Irlande du Nord sur le meurtre de six hommes lors d’une attaque perpétrée par des paramilitaires dans un bar de Loughinisland, dans le comté de Down, en juin 1994. Entré en fonction en juillet, le nouveau médiateur de la police a entrepris des réformes en vue de garantir la qualité, l’exhaustivité et l’indépendance des enquêtes historiques sur les fautes commises par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions.
 En décembre, un réexamen du meurtre de Patrick Finucane, un avocat tué en 1989, a mis au jour de nombreux éléments graves démontrant la complicité de l’État dans cet assassinat, tout en concluant à l’absence de « complot général au niveau de l’État ». Le Premier ministre a présenté des excuses à la famille de Patrick Finucane. Cette initiative ne constituait toutefois pas l’enquête sérieuse, indépendante et approfondie qui était nécessaire et qui avait été promise à la famille.

Violences faites aux femmes et aux filles

Le gouvernement a annoncé, en mai, une nouvelle initiative visant à prévenir les violences sexuelles dans les conflits et les situations d’après-conflit, soulignant que ce thème serait une priorité de la présidence britannique du G8 en 2013.
Le Royaume-Uni a signé en juin la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [Conseil de l’Europe].
De nouvelles dispositions introduites en novembre en Angleterre et au Pays de Galles ont érigé le harcèlement en infraction pénale.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Le parquet a annoncé en juillet qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve pour prononcer des inculpations dans l’affaire de la mort de Jimmy Mubenga, en 2010. Des témoignages indiquaient toutefois que cet homme avait été soumis à une technique dangereuse de contrainte, et certains éléments donnaient à penser que la formation des agents de sécurité présentait des lacunes. Jimmy Mubenga, de nationalité angolaise, avait perdu connaissance et était mort après que des agents d’une société de sécurité privée l’avaient immobilisé lors d’une tentative d’expulsion vers son pays.
Les autorités ont tenté, en octobre, de renvoyer de force un Syrien dans son pays, en dépit de l’avis contraire émis par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Le renvoi forcé de cet homme a été bloqué au dernier moment par une décision de la Haute Cour de justice. En décembre, le Tribunal d’appel des affaires d’immigration et d’asile a rendu une décision d’orientation qui concluait que, dans le contexte actuel, aucun demandeur d’asile ne devait être renvoyé de force en Syrie étant donné les risques auxquels il serait exposé à son retour.
Des Sri-Lankais ont été renvoyés de force dans leur pays malgré des éléments crédibles démontrant qu’ils encouraient un risque réel de torture, entre autres atteintes graves à leurs droits fondamentaux, à leur retour.

Visites et documents d’Amnesty International

 Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Irlande du Nord en mars, septembre et décembre. Des représentants de l’organisation ont assisté à des procès en Angleterre tout au long de l’année.
 UK : Detainee Inquiry closure presents an opportunity for real accountability (EUR 45/005/2012).
 United Kingdom : Submission to the Joint Committee on Human Rights – The Justice and Security Green Paper (EUR 45/006/2012).
 Royaume-Uni. Abu Qatada risque toujours la torture et un procès inique (EUR 45/010/2012).
 Left in the dark : the use of secret evidence in the United Kingdom (EUR 45/014/2012).
 Les États-Unis doivent respecter les droits des personnes extradées depuis le Royaume-Uni (AMR 51/086/2012).
 Afghanistan. Le Royaume-Uni est tenu de maintenir le moratoire sur les transferts de détenus vers l’Afghanistan (ASA 11/020/2012).
 Une affaire de « restitution » d’un Libyen montre qu’il est temps pour le Royaume-Uni de dire la vérité (PRE01/206/2012).

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