Ethiopie

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DÉMOCRATIQUE D’ÉTHIOPIE
CAPITALE : Addis-Abeba
SUPERFICIE : 1 133 880 km_
POPULATION : 70,7 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Girma Wolde Giorgis
CHEF DU GOUVERNEMENT : Meles Zenawi
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

De nombreuses atteintes aux droits humains ont été signalées, notamment des actes de torture, des détentions arbitraires et des cas de recours excessif à la force imputables à des policiers. Les journalistes des médias privés risquaient toujours d’être arrêtés et de faire l’objet de poursuites judiciaires. Plusieurs milliers de personnes, incarcérées depuis longtemps en raison de leur soutien présumé à des groupes d’opposition armés, sont restées détenues sans inculpation ni jugement. Les conditions de détention sont demeurées éprouvantes et nombre de prisonniers ont été maintenus au secret ou ont peut-être « disparu » dans des prisons clandestines. Les procès intentés aux anciens membres du Dergue (qui a exercé le pouvoir jusqu’en 1987), pour certains accusés de génocide, se sont poursuivis. Quelques jugements ont été rendus, et les premières condamnations à mort prononcées. D’autres sentences capitales ont été infligées à l’issue de procès de droit commun. Aucune exécution n’a été signalée.

Contexte

En raison de la sécheresse, 13 millions d’Éthiopiens (sur une population totale de 70 millions) restaient tributaires d’une aide alimentaire.
La Commission nationale des droits humains et le Bureau du médiateur, créés par une loi adoptée en 2000, n’ont toujours pas été constitués.
En septembre, les autorités de Djibouti ont soudainement et brutalement renvoyé dans leur pays d’origine quelque 75 000 Éthiopiens considérés comme des « immigrés en situation irrégulière ». Redoutant d’être persécutés en raison de leurs opinions politiques ou de leur soutien présumé au Front de libération oromo (FLO), 3 000 autres personnes, dont des demandeurs d’asile, ont été dirigées vers un camp de réfugiés de fortune installé dans une zone rurale de Djibouti et autorisées à présenter une demande d’asile devant le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
L’Éthiopie était toujours aux prises avec l’opposition armée du FLO dans la région d’Oromia et, en territoire somali, avec celle du Front de libération nationale de l’Ogaden (FLNO), allié au FLO et à Al Ittihad Al Islamiya (Unité de l’islam). Le FLO a réfuté les accusations du gouvernement, qui lui imputait le bombardement, en septembre, de la ligne de chemin de fer vers Djibouti.
Dans plusieurs régions, des conflits intercommunautaires, parfois liés à des modifications du tracé des frontières administratives décidées au niveau fédéral, ont fait plusieurs morts.
Les préparatifs ont commencé pour les élections législatives de 2005. Une coalition regroupant 15 formations présentes dans le pays et à l’étranger, les Forces démocratiques éthiopiennes unies, s’est constituée aux États-Unis au mois d’août. Comme d’autres partis d’opposition, la coalition a réclamé des mesures garantissant la liberté et la régularité du scrutin.

Suites de la guerre de 1998-2000 contre l’Érythrée

La fin de l’année 2003 a vu surgir la menace d’un nouveau conflit avec l’Érythrée, qui provoquerait de nouveau de lourdes pertes militaires et des atteintes aux droits humains de grande ampleur, comme durant la guerre de 1998-2000. Bien que les deux pays aient proclamé leurs intentions pacifiques, et malgré les pressions du Conseil de sécurité des Nations unies, l’Éthiopie a rejeté la décision rendue en avril 2002 par la Commission du tracé de la frontière. Créée aux termes de l’accord de paix, celle-ci avait conclu que la petite ville frontalière de Badme, objet d’un différend entre les deux pays, était territoire érythréen. Le processus de délimitation de la frontière s’est ainsi trouvé reporté pour une durée indéterminée. Le Conseil de sécurité a prolongé une nouvelle fois le mandat de la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE), qui administrait une zone tampon entre les deux pays.
En mai 2003, la Commission des réclamations entre l’Érythrée et l’Éthiopie a estimé que chacune des deux parties était responsable de violations des Conventions de Genève pour avoir maltraité des prisonniers de guerre. Il a été établi que l’Éthiopie avait infligé des mauvais traitements à des prisonniers érythréens. La Commission a ensuite commencé à instruire des plaintes sur le sort réservé aux civils et des réclamations concernant les biens.
Alors que la paix avait beaucoup de mal à s’imposer, l’Éthiopie a apporté son appui à l’Alliance nationale érythréenne (ANE), tandis que l’Érythrée continuait d’accueillir sur son territoire des groupes armés d’opposition éthiopiens. Dans le cadre d’un autre conflit régional, l’Éthiopie a soutenu des composantes du Conseil somalien de réconciliation et de restauration (CSRR), opposé au gouvernement national de transition somalien, que soutient l’Érythrée.

Liberté de la presse

La vigueur et les critiques de la presse indépendante ont continué d’attirer les foudres répressives du régime. Des dizaines de journalistes arrêtés ces dernières années sont restés en liberté sous caution, mais aucun n’a été jugé en 2003.
Un projet de loi sur la presse faisait craindre une aggravation des restrictions imposées aux médias par la loi de 1993, en vertu de laquelle des centaines de journalistes ont été emprisonnés. Le texte a fait l’objet d’un débat public, et des ateliers ont rassemblé des représentants des organes contrôlés par l’État et des médias indépendants, ainsi que des consultants étrangers employés par le gouvernement ou par des groupes de presse internationaux.
Au mois de novembre, le ministère de la Justice a dissous l’Association des journalistes de la presse libre éthiopienne (AJPLE), au motif qu’elle avait négligé de demander le renouvellement de son autorisation et n’avait pas présenté des comptes vérifiés. Pour l’AJPLE, qui avait mené l’opposition au projet de loi sur la presse, cette mesure a été prise en représailles à son action.
En octobre, Araya Tesfamariam, journaliste au Reporter, a été roué de coups et laissé pour mort par des policiers en uniforme, peu de temps, semble-t-il, après avoir reçu des avertissements de la part des forces de sécurité et avoir été accusé d’écrire des articles critiques vis-à-vis du régime.

Justice et état de droit

Arrestations d’opposants, maintien en détention arbitraire pour une durée indéterminée sans inculpation ni jugement, coups de feu tirés en toute impunité par des policiers sur des suspects de droit commun, actes de torture et mauvais traitements infligés à des prisonniers, placements en détention de personnes soupçonnées de liens avec l’opposition armée et « disparitions » de détenus dont on craint qu’ils aient été torturés dans des centres secrets de détention figuraient parmi les violations des droits humains signalées cette année.
Avec l’aide de la communauté internationale, le gouvernement a entamé une série de réformes, notamment législatives, afin d’améliorer l’administration de la justice et de résoudre les problèmes de la lenteur des principales juridictions, de l’insuffisance des compétences et de la formation des magistrats, du peu d’indépendance du système judiciaire, de l’absence d’un ordre des avocats indépendant et efficace et de la difficulté, notamment pour les femmes, de saisir les tribunaux.
_Au début du mois de janvier, des dizaines de fidèles de l’Église orthodoxe d’Éthiopie, opposés à la nomination d’un nouveau responsable pour l’église de Lideta à Addis-Abeba, ont été libérés sous caution. Ils figuraient parmi les centaines de personnes arrêtées fin décembre 2002 et torturées dans le camp d’entraînement de la police de Kolfe. La plupart avaient été remises en liberté avec un avertissement. En février, une centaine d’autres dissidents religieux ont été amenés à Kolfe, puis roués de coups et contraints de ramper sur des pierres, d’effectuer divers exercices physiques éprouvants et de dormir en plein air. Deux jours après, ils ont été présentés au tribunal et libérés sous caution. Aucun n’a fait l’objet de poursuites ultérieures.
À la fin de l’année, rien n’avait été annoncé quant à l’issue des enquêtes ouvertes par les autorités sur les violences policières pendant les manifestations de 2002 dans tout le pays, qui avaient provoqué la mort de plus de 200 personnes. Selon certaines informations, des opposants étaient toujours détenus sans inculpation ni jugement à Teppi et Awassa, tandis que les responsables présumés d’homicides illégaux - des policiers, des soldats et des fonctionnaires locaux - continuaient apparemment de jouir de l’impunité.
_Le 12 décembre, des centaines de membres de l’ethnie anuak ont été tués lors de violences qui se sont déroulées dans le sud-ouest du pays, à Gambela et dans ses environs. En raison de leur appartenance ethnique, des fonctionnaires, des étudiants, des enfants et des fermiers ont été attaqués sans discrimination lors d’actes de vengeance menés à la suite du meurtre de huit hommes - trois fonctionnaires du gouvernement chargés de l’aide aux réfugiés, un policier et quatre civils - qui se déplaçaient dans la région à bord d’un véhicule des Nations unies. Selon certaines informations, ces hommes auraient été tués par un groupe d’Anuak armés en conflit avec les autorités. Les corps auraient été exposés à Gambela, provoquant la colère des Amhara, des Tigréens, des Oromo et des membres d’autres groupes ethniques, qui ont tué des centaines d’Anuak et incendié des maisons. Plus de 15 000 personnes ayant survécu à ces émeutes ont dû se réfugier au Soudan. La police et l’armée auraient tardé à intervenir et, selon certaines informations, des soldats et des policiers auraient participé au massacre. Le gouvernement, qui faisait état d’une soixantaine de victimes lorsque d’autres sources estimaient à au moins 300 le nombre de morts, n’avait lancé aucune enquête indépendante à la fin de l’année.
Dans les zones de conflit armé, ainsi que dans certaines zones urbaines, de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux de civils soupçonnés de liens avec des rebelles ont été signalées, mais restaient difficiles à vérifier. Dans la région d’Oromia, en proie au conflit, les membres de l’ethnie oromo risquaient d’être placés en détention secrète et torturés. Des sympathisants de l’opposition auraient été arrêtés et torturés dans la région des Peuples, nations et nationalités du Sud et dans la région d’Amhara. Les membres du Parti de l’unité de toute l’Éthiopie (l’ancienne Organisation populaire de tous les Amhara) et de la Coalition démocratique des peuples éthiopiens du Sud, en particulier, ont été pris pour cibles.
Bien que certaines libérations consécutives à un réexamen judiciaire aient été signalées, les prisonniers politiques se compteraient par milliers. Certains étaient détenus depuis des années sans inculpation ni jugement. Incarcérés dans de nombreux établissements pénitentiaires répartis dans des régions différentes, beaucoup de prisonniers ont reçu la visite du Comité international de la Croix-Rouge.
_On ignore toujours ce qu’est devenu Amanti Abdissa, un employé d’une organisation humanitaire arrêté à Addis-Abeba au mois d’août 2000 en raison de ses liens présumés avec le FLO ; il a « disparu » pendant sa détention.
Le procès de 19 Oromo arrêtés en 1997 pour leur participation présumée à un complot en vue d’organiser une rébellion armée avec le FLO s’est poursuivi. Appréhendée en juin 2002, Dinkenesh Kitila, cadre de la compagnie pétrolière Total, figurait également sur la liste des accusés.

Défenseurs des droits humains

Le procès de Mesfin Woldemariam, président du Conseil éthiopien des droits humains, et de Berhanu Nega, directeur de l’Association économique éthiopienne, a été une nouvelle fois reporté. Les deux hommes, accusés à tort d’avoir provoqué des violences lors des manifestations à l’université d’Addis-Abeba d’avril 2001, étaient en liberté sous caution.

Procès des membres du Dergue

Le procès d’une quarantaine de hauts responsables du régime de Mengistu Hailé-Mariam (le Dergue) s’est poursuivi. Les accusés devaient répondre des chefs de génocide, meurtre, actes de torture et autres crimes. Le gouvernement du Zimbabwe a persisté dans son refus d’extrader l’ancien chef de l’État pour qu’il comparaisse en justice. Les procès intentés à quelque 1 000 responsables de l’ancien régime, accusés des meurtres de membres du régime de l’empereur Hailé Sélassié mais aussi de milliers de « contre-révolutionnaires » pendant la campagne dite de la « Terreur rouge » menée par le gouvernement en 1977 et 1978, se sont également poursuivis. Selon des chiffres officiels communiqués mi-2003, depuis le début des procès en 1994, 1 017 personnes ont été jugées - parmi lesquelles 552 ont été condamnées - et 3 426 autres attendaient toujours d’être traduites en justice. Au cours de l’année 2003, six accusés ont été condamnés à mort et d’autres sesont vu infliger des peines d’emprisonnement.

Violence contre les femmes

Malgré les programmes d’éducation menés par le gouvernement et les organisations non gouvernementales, les mutilations génitales féminines sontrestées une pratique courante dans de nombreuses régions. Les organisations de femmes ont œuvré afin de faciliter la saisine de la justice par les femmes et fait campagne contre les violences familiales, le viol et le mariage forcé des jeunes filles lorsque la loi permet aux violeurs d’échapper à leur châtiment en épousant leurs victimes.

Peine de mort

Six accusés ont été condamnés à mort au cours de différents procès mettant en cause le Dergue. Ils avaient été reconnus coupables d’homicides commis sous le régime du président Mengistu, notamment celui du patriarche de l’Église orthodoxe d’Éthiopie, Abune Tewoflos, « disparu » en 1978. Aucun appel n’avait été examiné à la fin de l’année 2003. Les seules sentences capitales prononcées jusqu’ici au cours de ces procès, dans lesquels presque tous les accusés sont passibles de la peine de mort, l’avaient été par contumace. Plusieurs condamnations à mort ont aussi été prononcées lors de procès de droit commun. Aucune exécution n’a été signalée.
Le Conseil éthiopien des droits humains a lancé une campagne contre la peine de mort.

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