Kenya

RÉPUBLIQUE DU KENYA
CAPITALE : Nairobi
SUPERFICIE : 582 646 km_
POPULATION : 32 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Mwai Kibaki
PEINE DE MORT : abolie en pratique
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Le nouveau gouvernement a œuvré dans le sens d’une amélioration de la situation des droits humains. Des mesures visant à une réforme de l’appareil judiciaire ont été engagées et un projet de constitution comportant une déclaration des droits renforcée était en cours de rédaction au sein d’une Conférence constitutionnelle. Le président de la République a ordonné la remise en liberté de 28 détenus condamnés à la peine de mort et commué 195 autres sentences capitales en réclusion à perpétuité. Les violences contre les femmes, en particulier au sein du foyer, constituaient une pratiquerépandue. Des responsables de l’application des lois ont, cette année encore, eu recours à une force excessive lors de la dispersion de manifestants et de l’arrestation de personnes soupçonnées d’infractions de droit commun ou de « terrorisme ». L’usage de la torture lors de la garde à vue demeurait monnaie courante.

Contexte

À l’issue des élections législatives et présidentielle de décembre 2002, le président Kibaki a formé un gouvernement dont les membres appartenaient aux partis politiques constituant la National Rainbow Coalition (NARC, Coalition nationale Arc-en-ciel), qui avait remporté la majorité des sièges au Parlement. La mise en place de l’accord de partage du pouvoir, dont il avait été convenu au sein de la NARC avant les élections, a suscité des dissensions qui ont elles-mêmes entraîné des débats lors de la Conférence nationale constitutionnelle.
La loi portant création de la Commission nationale kenyane des droits humains a été adoptée au mois de mars. Cette Commission a été chargée de protéger et de promouvoir les droits fondamentaux, ainsi que de veiller à ce que le Kenya respecte les normes internationales en matière de droits humains. Dix commissaires ont été nommés en juillet.
Au mois d’avril, le ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles, à la tête d’un ministère nouvellement créé ayant un mandat en matière de droits humains clairement défini, a désigné une équipe spéciale chargée d’analyser la nécessité d’établir un mécanisme en vue d’une justice de transition. Au mois d’août, à la suite de consultations publiques, cette équipe a recommandé la mise en place par décret présidentiel d’une commission vérité, justice et réconciliation.
L’insécurité n’a cessé d’empirer. Dans les zones urbaines, des criminels armés se sont rendus coupables d’homicides et de dégradation de biens. Il y a eu des affrontements entre les forces de sécurité et le groupe Mungiki, formation interdite qui se pose en représentante des valeurs traditionnelles africaines. Plus de 20 personnes ont été grièvement blessées au mois d’octobre, après que les policiers eurent dispersé, avec du gaz lacrymogène, une manifestation de ce groupe qui se déroulait dans la capitale, Nairobi.

Enquête sur les autorités judiciaires

À la suite de la démission, en février, du président de la Haute Cour, le successeur de celui-ci a entamé une réforme de l’appareil judiciaire en nommant un comité chargé d’enquêter sur les affaires de corruption et dirigé par un juge de la Cour d’appel, Aaron Ringera. Publié en septembre, le rapport du comité comportait des preuves de corruption, de comportements peu scrupuleux et d’autres infractions dont se sont rendues coupables des personnes placées aux plus hauts niveaux de la hiérarchie. Il s’est avéré que cinq des neuf juges de la Cour d’appel, 18 des 36 juges de la Haute Cour, 82 des 254 magistrats siégeant dans les Magistrates’ Courts et 43 autres membres du personnel judiciaire étaient corrompus.

Révision de la Constitution

En mai, la Conférence nationale constitutionnelle, désignée et convoquée par la Commission de révision de la Constitution, a commencé ses travaux. Il s’est avéré difficile de convenir d’un projet de révision et le piétinement du processus a réduit à néant les espoirs que cette version révisée soit adoptée en 2003. Le 17 novembre, date à laquelle la Conférence devait à nouveau se réunir, la police antiémeutes a empêché le président de la Commission et 25 délégués d’accéder aux lieux. En l’absence de son président, la Commission a décidé, en accord avec la Parliamentary Select Commission on Constitutional Affairs (Commission parlementaire chargée des affaires constitutionnelles) et le House Business Committee (Comité des affaires internes), de reporter la Conférence du mois de janvier 2004. Cette décision a fait l’objet d’un recours juridique qui n’avait donné lieu à aucun jugement fin 2003.

Violence contre les femmes

Les violences contre les femmes commises par des représentants de l’État et par des particuliers, notamment les violences conjugales et les violences sexuelles, demeuraient monnaie courante. En raison de l’attitude peu bienveillante et du manque de tact des policiers et des tribunaux à l’égard des femmes se présentant devant eux pour porter plainte, de nombreuses affaires n’ont pas fait l’objet d’actions en justice. Le projet de loi de 2001 sur la violence domestique et la protection de la famille, dont l’objectif est de faire en sorte que les victimes puissent recourir plus facilement à la justice, n’avait toujours pas pris force de loi.
Des organes gouvernementaux et non gouvernementaux ont continué de prendre des mesures afin de faire cesser les mutilations génitales féminines, mais celles-ci constituaient toujours une pratique répandue.
À Kilgoris, un tribunal a condamné en novembre trois suspects à deux ans de mise à l’épreuve pour avoir forcé une jeune fille de quinze ans à se soumettre à ces pratiques. Ils ont été déclarés coupables d’infraction à la Loi relative aux enfants.
Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, chargé de contrôler que les États remplissent les obligations contractées aux termes de la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, a étudié au mois de janvier les troisième et quatrième rapports du Kenya sur l’observation de la Convention. Le Comité s’est dit préoccupé par le fait que les rapports n’apportaient aucune information sur les violences dont les femmes sont victimes. Des centaines de Kenyanes ont formulé des accusations de viol contre des soldats britanniques. Ces violences, qui s’étaleraient sur une période de près de trente années, auraient été commises par les militaires lorsque ceux-ci s’entraînaient au Kenya. À la suite de l’écho donné par les médias à ces plaintes, le Parlement a examiné les allégations en octobre. La Police militaire royale britannique a ouvert des informations judiciaires (voir Royaume-Uni).

La « guerre contre le terrorisme »

En mars, les autorités ont déclaré que Suleiman Abdallah, un homme détenu au Kenya après avoir été arrêté en Somalie, était soupçonné d’appartenir à Al Qaïda et d’être mêlé aux attentats à la bombe perpétrés en 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, et en novembre 2002 contre un hôtel de Mombasa appartenant à un Israélien. Suleiman Abdallah aurait été remis aux autorités américaines. Les normes du droit international relatives à l’extradition de suspects n’ont pas été respectées.
Au mois de mai, le gouvernement a publié un projet de loi relatif à la répression du terrorisme qui, s’il était adopté, autoriserait les policiers à arrêter des suspects et à effectuer des perquisitions sans autorisation des tribunaux. Ces dispositions prévoyaient le placement en détention au secret de « terroristes » présumés durant des délais pouvant atteindre trente-six heures, ainsi que l’extradition de suspects sans que soient respectées les garanties prévues par les accords internationaux. Ce projet de loi exemptait également de poursuites les membres des forces de sécurité en cas de recours à une « force raisonnable » dans le cadre de leurs missions de lutte contre le « terrorisme ».
À la suite d’informations faisant état de menaces sur la sécurité et de la suspension de certains vols internationaux en provenance ou à destination du Kenya aux mois de mai et de juin, la police a procédé à des interpellations massives à Mombasa et à Nairobi, dans le cadre d’une opération « anti-terrorisme ». En plusieurs occasions, des dizaines de personnes ont été arrêtées, soumises à des interrogatoires puis remises en liberté sans avoir été inculpées.
Le 28 juin, des membres des forces de sécurité ont fait irruption dans l’enceinte d’un foyer de jeunes musulmans à Garissa et arrêté un homme de vingt-quatre ans, Naveed Anwar Mohamed, qui vivait là depuis son retour du Pakistan, en 2002. Naveed Anwar Mohamed a été transféré à Nairobi, où il a été placé en détention au secret, soumis à un interrogatoire approfondi durant trois jours et remis en liberté sans inculpation au bout de neuf jours.
En novembre s’est ouvert le procès de six hommes inculpés du meurtre de 15 personnes (12 Kenyans et trois Israéliens) tuées dans l’attentat contre l’hôtel de Mombasa. Les audiences se poursuivaient fin 2003.

Torture et mort en détention

La Loi portant modification du Code pénal, adoptée au mois de juillet, a modifié le Code pénal, le Code de procédure pénale et la Loi relative à la preuve afin d’interdire, lors de poursuites pénales, l’utilisation d’« aveux » ou de reconnaissances de culpabilité comme éléments de preuve s’ils ont été recueillis sous la contrainte. Ces nouvelles dispositions ont également aboli les châtiments corporels.
De nombreux cas de torture et d’autres formes de mauvais traitements infligés à des suspects et à des détenus ont, cette année encore, été signalés, essentiellement dans les prisons et les postes de police.
Samuel Sirare Wanyonyi a été arrêté le 6 janvier ; il est mort deux jours plus tard, des suites d’actes de torture, semble-t-il, alors qu’il se trouvait en garde à vue au poste de police de Malakisi, dans l’ouest du Kenya. Aucune mesure n’avait été prise à la fin de l’année pour traduire les responsables en justice.
En octobre, trois détenus soupçonnés d’avoir tué en septembre le Dr Crispin Mbai, président du comité de la Conférence constitutionnelle chargé du transfert de pouvoirs, ont déclaré qu’ils avaient été torturés par des policiers qui voulaient leur arracher des « aveux ». Le procureur général a annoncé que 22 agents de police devaient être inculpés. Il n’avait toutefois prononcé aucune inculpation fin 2003.

Peine de mort

Il y avait au moins 3 200 prisonniers condamnés à mort. Aucune exécution n’a eu lieu. Le Kenya n’a procédé à aucune exécution depuis le milieu des années 80. Le 25 février, le président Kibaki a ordonné la remise en liberté de 28 condamnés à mort et a commué 195 sentences capitales en réclusion à perpétuité.
Le 10 février, le ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles a déclaré que la peine de mort serait abolie afin que le droit fondamental à la vie soit respecté. Au cours de l’année, d’autres membres du gouvernement se sont également prononcés en faveur de l’abolition.

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Kenya aux mois de juillet, d’octobre et de novembre afin d’y effectuer des recherches.

Autres documents d’Amnesty International

Kenya. Mémorandum pour les droits humains adressé au nouveau Gouvernement (AFR 32/002/2003).
Kenya : Open letter - the International Criminal Court campaign (AFR 32/009/2003).

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