Ouganda

RÉPUBLIQUE DE L’OUGANDA
CAPITALE : Kampala
SUPERFICIE : 241 038 km_
POPULATION : 25,8 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Yoweri Kaguta Museveni
CHEF DU GOUVERNEMENT : Apollo Nsibambi
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

La Cour constitutionnelle a rendu des arrêts permettant aux organisations politiques de participer plus librement à la vie publique. Un nombre croissant d’actes de torture a été signalé dans le contexte des campagnes menées par le gouvernement contre la criminalité et le « terrorisme ». Le conflit qui oppose depuis dix-sept ans le gouvernement ougandais à la Lord’s Resistance Army (LRA, Armée de résistance du Seigneur) s’est durci, provoquant une hausse brutale du nombre de personnes déplacées, qui dépasse désormais 1 200 000. De nombreux cas de violences contre les femmes ont été recensés. La liberté d’expression a subi de nouvelles mesures de restriction. Des condamnations à mort ont continué d’être prononcées et au moins trois soldats ont été exécutés.

Contexte

Le 21 mars, la Cour constitutionnelle a déclaré nuls et non avenus, parce que contraires à la Constitution, les articles 18, 19 et 21 de la Loi de 2002 relative aux organisations et partis politiques. Cela a permis aux organisations politiques de participer plus librement à la vie publique, même si cette participation est restée interdite aux partis jusqu’à ce qu’ils se fassent inscrire auprès de la Direction générale de l’enregistrement.
En juin, l’Ouganda a signé avec les États-Unis un accord bilatéral prévoyant l’impunité pour les citoyens américains accusés de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre devant la Cour pénale internationale. Le président George W. Bush s’est rendu en Ouganda au mois de juillet. Les autorités soudanaises ont élargi le protocole militaire autorisant l’Ouganda à mener des opérations militaires contre la LRA dans le sud du Soudan. Le rapport d’un groupe d’experts de l’ONU et celui de la commission d’enquête officielle ougandaise, dirigée par le juge David Porter, ont imputé à des éléments de l’armée ougandaise, dont des officiers supérieurs, la responsabilité des pillages de ressources commis en République démocratique du Congo (RDC).
Au début du mois de mai, cédant à la pression de la communauté internationale, les Uganda People’s Defence Forces (UPDF, Forces de défense populaire de l’Ouganda) ont commencé à retirer leurs troupes des régions orientales de la RDC.
Le 7 novembre, la Cour internationale de justice a ajourné l’audience prévue dans une affaire mettant en cause l’Ouganda et relative à des opérations armées ayant entraîné des violations du droit international humanitaire et des atteintes massives aux droits humains en RDC.

Violence contre les femmes

Les relations entre hommes et femmes étaient toujours marquées par l’importance des violences faites à ces dernières. Peu d’affaires de violences sexuelles au foyer (viols conjugaux et viols sur mineures en particulier) ont donné lieu à des poursuites. De nombreux enfants, notamment des orphelines, ont été victimes d’agressions et de sévices sexuels de la part de proches (au sens du système de famille élargie du pays), d’enseignants, de personnes aidant aux tâches ménagères et autres. Selon des statistiques de la police diffusées en mai, il y a eu 4 686 viols d’enfants en 2002 ; rien n’indiquait que ce chiffre était en baisse à la fin de l’année 2003.
_Âgée de douze ans, Alice a été emmenée de son village natal à Kampala par une tante maternelle qui promettait de l’envoyer à l’école. Laissée seule avec le mari de la tante, elle aurait été violée à trois reprises la même nuit par celui-ci. Bien que l’homme l’ait menacée de mort si elle parlait, la fillette aurait rapporté les faits à la tante, qui l’a accusée d’avoir séduit son mari et frappée autour des organes génitaux. Le viol a été signalé à la police, mais l’affaire a fini par être classée.
Faute de loi criminalisant les violences familiales, les voies légales de recours contre ces actes étaient très limitées. Entre janvier et septembre, 2 518 cas de violences domestiques autres que le meurtre et le viol ont été signalés à l’unité de la police nationale chargée de la protection de l’enfance et de la famille. Mais de nombreux cas n’ont pas été déclarés et les personnes militant contre les violences familiales ont soutenu que l’absence de législation spécifique a constitué un obstacle majeur à leur action.
Au mois de décembre, un projet de loi relatif aux relations dans la famille a été inscrit à l’ordre du jour des débats du Parlement. Il traitait, entre autres, de la criminalisation du viol conjugal, du régime de la propriété entre époux, de la polygamie, du système des dots, de l’héritage des veuves et de l’âge minimum du mariage et de la cohabitation.
Des femmes et des jeunes filles vivant ou circulant dans les régions du nord de l’Ouganda, théâtres de soulèvements menés par la LRA, ont été victimes de viols et d’autres violences, notamment d’enlèvements et d’esclavage sexuel.
Le 24 juin, une centaine d’adolescentes ont été enlevées lors d’une incursion de la LRA au collège pour jeunes filles de Lwala, dans le district de Kaberamaido, dans le nord-est du pays. Amnesty International s’est inquiétée du fait qu’au moins 15 de ces jeunes filles aient pu être amenées au Soudan, où elles risquaient d’être victimes de violences sexuelles.

Actes de torture et mort en garde à vue

Pendant toute l’année 2003, des personnes arrêtées sur présomption de délits politiques ou de droit commun auraient été torturées par des membres de la police, de l’armée ou de diverses agences de sécurité, en particulier la Violent Crime Crack Unit (VCCU, Unité de lutte contre la criminalité violente), l’Organisation de la sécurité intérieure, la Direction générale du renseignement militaire et la Brigade mixte d’intervention antiterroriste. Les suspects étaient détenus au secret dans des centres clandestins communément appelés safe houses (littéralement : « lieux sûrs »). Selon des rapports officiels, les forces de sécurité ont souvent eu recours à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants pour extorquer des « aveux ».
Le 14 juin, des agents de la VCCU ont arrêté Nsangi Murisidi, vingt-neuf ans, soupçonné de posséder une arme à feu et d’avoir aidé des amis à commettre un vol à main armée. Ses proches ont essayé en vain de le voir après son placement en détention. Le 18 juin, l’avocat de la famille a reçu confirmation de la mort de Nsangi Murisidi pendant sa garde à vue au quartier général de la VCCU à Kireka, un faubourg de Kampala. Le certificat de décès a établi que la mort avait été causée par une perte importante de sang et autres liquides vitaux, une grave hémorragie cérébrale, ainsi que par des brûlures étendues sur les fesses. Le corps présentait en outre 14 blessures profondes. Au mois d’octobre, le ministre ougandais de l’Intérieur a informé Amnesty International qu’une enquête avait été ordonnée, mais aucune avancée n’avait été signalée à la fin de l’année.

Nouvelles restrictions de la liberté d’expression

De nombreux avertissements et directives officiels sont venus s’ajouter à l’arsenal de restrictions législatives déjà en vigueur contre l’exercice de la liberté d’expression. Le 28 février, le ministre de la Défense et l’armée ont averti l’ensemble des médias et leur personnel que toute diffusion d’informations classées secrètes les rendrait passibles de poursuites devant un tribunal militaire. Le 22 août, l’Uganda Law Council (Organisation ougandaise de juristes) a publié une directive interdisant aux avocats d’écrire des articles, de s’exprimer ou d’apparaître d’une façon ou d’une autre dans les médias sans son autorisation expresse. Il s’agit d’une instance de régulation officielle auprès de laquelle tous les avocats sont tenus de s’inscrire et qui peut suspendre ou radier ses membres.
Le 22 juin, la police a fermé la station privée Kyoga Veritas, une radio FM de Soroti accusée d’avoir enfreint une directive ministérielle interdisant toute diffusion d’informations sur les opérations de la LRA dans la région.
_Le procès intenté au directeur de la publication, au rédacteur en chef et à un reporter du journal The Monitor s’est poursuivi. Tous trois avaient été inculpés en 2002 pour diffusion de fausses nouvelles et d’informations préjudiciables à la sûreté nationale. Les charges se rapportaient à un article affirmant que la LRA avait abattu un hélicoptère de l’armée dans le nord du pays.

Harcèlement de l’opposition

Le 23 mars, la police antiémeutes a fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour disperser un rassemblement pacifique organisé sur Constitutional Square, une place de Kampala, par des membres du Democratic Party (DP, Parti démocrate). Aucun blessé n’a été signalé. Le 1er mai, toujours sur Constitutional Square, les forces de l’ordre ont fait barrage à un rassemblement politique organisé par le Conservative Party (CP, Parti conservateur).

Conflit dans le nord de l’Ouganda

Le conflit qui déchire le nord du pays depuis dix-sept ans ne semblait pas en voie de résolution, malgré les tentatives de pourparlers de paix entre la Presidential Peace Team (PPT, Équipe présidentielle pour le processus de paix) et la LRA, avec la participation de dirigeants religieux. Le 1er mars, le dirigeant de la LRA, Joseph Kony, a proclamé un cessez-le-feu unilatéral immédiat, que le président Museveni a d’abord rejeté, au motif que la LRA aurait poursuivi ses exactions (enlèvements, embuscades, pillages et meurtres notamment) au mépris de son propre cessez-le-feu. Peu après, le chef de l’État appelait pourtant de son côté à un cessez-le-feu partiel dans les zones où les éléments de la LRA pouvaient se rassembler pour participer à des négociations de paix. Le 18 avril cependant, la PPT est revenue sur la décision présidentielle et les pourparlers ont échoué avant même l’ouverture de négociations formelles. Un nouveau cycle de violence s’est alors enclenché, pour s’intensifier par la suite.
À la mi-juin, la LRA a élargi ses opérations aux districts de Katakwi, Soroti et Kaberamaido. La crise humanitaire s’est étendue à ces régions en plus de Gulu, Kitgum, Lira et Pader, ce qui a fait passer le nombre de personnes déplacées à plus de 1 200 000 dès le mois d’octobre. En réaction à la progression de la LRA, des jeunes gens se sont organisés et armés en milices locales privées soutenues par les UPDF - les Arrow Boys (Archers) à Teso et les Rhino Boys (Rhinocéros) à Lira - pour traquer les combattants de la LRA. La montée de l’insécurité à Pader, Gulu et Kitgum a donné naissance aux « navettes de nuit » - les parents envoyant leurs enfants dormir dehors dans les zones urbaines pour éviter les enlèvements, ce qui les obligeait à faire jusqu’à cinq kilomètres à pied dans chaque sens, matin et soir.
Les tirs à partir d’hélicoptères et les bombardements aériens visant à débusquer les unités de la LRA se sont poursuivis toute l’année. Des civils ont trouvé la mort au cours de ces attaques.

Peine de mort

On recensait au moins 432 condamnés à mort fin 2003. Aucun civil n’a été exécuté. Les autorités gouvernementales et militaires ont de nouveau fait part de leur détermination à utiliser la peine capitale comme mesure disciplinaire pour sauvegarder la sûreté de l’État ; au moins trois soldats ont été exécutés.
En juillet, 398 condamnés à mort, dont 16 femmes, se sont pourvus devant la Cour constitutionnelle au motif que leurs sentences étaient inconstitutionnelles, inhumaines et dégradantes. Leur requête s’appuyait sur les articles 24 et 44 de la Constitution, qui prohibent toute forme de torture ou autre châtiment ou traitement cruel, inhumain et dégradant. Le procureur général a rejeté cette requête.
Le 3 mars, trois soldats des UPDF ont été fusillés dans des conditions - procès expéditifs, sans possibilité de faire appel - constituant un déni du droit à un procès équitable. Le soldat Richard Wigiri a été exécuté dans la communauté urbaine de Kitgum Matidi, près de Kitgum, après avoir été traduit devant un tribunal militaire et déclaré coupable du meurtre d’une femme civile, au mois de décembre 2002. Les soldats Kambacho Ssenyonjo et Alfred Okech ont été passés par les armes après avoir été traduits devant un tribunal militaire près de Kitgum et déclarés coupables du meurtre de trois personnes le 4 janvier 2003.

Visites d’Amnesty International

Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Ouganda en mars. Au mois d’octobre, la secrétaire générale de l’organisation est allée en Ouganda, en République démocratique du Congo et au Rwanda pour rencontrer de hauts représentants gouvernementaux, des fonctionnaires des Nations unies, des victimes d’atteintes aux droits humains, des personnes militant pour les droits humains et des membres d’agences humanitaires internationales.

Autres documents d’Amnesty International

Ouganda. Des soldats exécutés après un procès inéquitable (AFR 59/004/2003).
Ouganda. Un mort en garde à vue : l’Ouganda doit mettre fin à la torture de toute urgence (AFR 59/009/2003).
Uganda : Open letter to all members of parliament in Uganda urging rejection of the impunity agreement with USA concerning the ICC (AFR 59/008/2003).

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit