Grèce

RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE
CAPITALE : Athènes
SUPERFICIE : 131 957 km_
POPULATION : 11 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Constantin Stéphanopoulos
CHEF DU GOUVERNEMENT : Costas Simitis
PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifié

Des inquiétudes ont été exprimées au sujet des mauvais traitements infligés par les policiers à des manifestants à l’occasion du sommet de l’Union européenne du mois de juin. Une personne a été victime d’un homicide manifestement illégal perpétré par des gardes affectés à la surveillance de la frontière gréco-albanaise. Un militant étranger des droits humains a été menacé d’expulsion. Les autorités ont, cette année encore, traité les Rom (Tsiganes) de façon discriminatoire ; les immigrés en situation irrégulière étaient retenus dans des conditions déplorables. Les objecteurs de conscience risquaient toujours d’être emprisonnés.

Contexte
La Grèce a assuré la présidence de l’Union européenne (UE) durant le premier semestre de l’année 2003. Des manifestations de lutte contre la mondialisation se sont déroulées au cours du sommet de l’UE qui a eu lieu en juin à Salonique, au moment de la passation des pouvoirs à l’Italie, et la police a interpellé un certain nombre de protestataires.
En juillet, le Parlement a adopté une loi relative à « la détention et l’utilisation des armes à feu par la police et la formation des policiers à l’usage de ces armes ». Les nouvelles dispositions ont restreint les circonstances dans lesquelles les responsables de l’application des lois peuvent avoir recours aux armes et prévoyaient de former les policiers à la manipulation des armes à feu.
En octobre, la Grèce a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et a déclaré que l’âge minimum auquel l’enrôlement volontaire dans les forces armées grecques est autorisé par la législation nationale est de dix-huit ans. En décembre s’est achevé le procès de 19 personnes inculpées, notamment, d’attentats à l’explosif et d’homicides. Quinze membres du mouvement « 17 novembre » (également appelé « 17 N ») ont été reconnus coupables et condamnés à des peines allant de huit ans d’emprisonnement à 21 fois la réclusion à perpétuité. Les quatre autres personnes mises en cause ont été acquittées. L’un des accusés a affirmé avoir subi des mauvais traitements au cours de sa détention provisoire.

Maintien de l’ordre aux frontières
On a recensé de nouvelles affaires dans lesquelles des policiers et des gardes-frontières se seraient rendus coupables de tirs illégaux et de mauvais traitements, en particulier dans le nord-ouest du pays, le long de la frontière avec l’Albanie, que de nombreux ressortissants de ce pays tentaient de franchir. Parmi les victimes figuraient aussi bien des immigrés clandestins que des étrangers en situation régulière. Les inquiétudes suscitées par un homicide survenu au mois de septembre n’ont pas trouvé d’écho auprès des autorités grecques. Le médiateur albanais a par la suite saisi le Comité des Nations unies contre la torture et le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe au sujet de ces affaires.
_En septembre, Vullnet Bytyci a été abattu alors qu’il tentait de pénétrer en Grèce avec cinq autres Albanais. L’un des trois gardes en faction à la frontière a ouvert le feu sur lui et sur une autre personne du groupe qui essayait de s’enfuir. La mort de Vullnet Bytyci a été constatée lors de son admission à l’hôpital de Kastoria. Le garde-frontière a été interpellé peu après les événements, mais a été remis en liberté en attendant les conclusions d’une enquête, ouverte pour « homicide par imprudence ».
Toujours en septembre, trois Albanais, les frères Gori et Mili Halili et Rahman Pashollari, auraient été appréhendés près de Krystallopigi par des gardes-frontières qui les auraient roués de coups et les auraient dépouillés de leurs biens. Les trois hommes ont été renvoyés de force en Albanie, où l’examen médical effectué à l’hôpital d’Elbasan a révélé que Gori Halili présentait des « contusions à l’abdomen, un éclatement de la rate et une hémorragie dans la région abdominale ». Il a fallu l’opérer pour procéder à l’ablation de la rate. Rahman Pashollari a eu, quant à lui, une côte cassée.
Au mois de novembre, un Albanais, Shpëtim Shabani, a affirmé que trois policiers grecs l’avaient frappé avec leurs fusils, lui avaient donné des coups de pied et de poing, le laissant couvert d’ecchymoses et blessé à l’épaule. Il a raconté que les policiers, revêtus de leur tenue de camouflage, étaient entrés dans le bar d’Agrinio où il buvait un café, lui avaient demandé ses papiers, puis l’avaient frappé au vu et au su de tous. Il aurait ensuite été conduit à un poste de police, où il aurait été maintenu en détention pendant deux jours, avant d’être renvoyé de force en Albanie.
Bien que la Grèce ait ratifié, en 2002, la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (Accord d’Ottawa), elle n’avait toutefois pas encore procédé à la destruction des mines dans les zones frontalières. En septembre, sept immigrés clandestins ont trouvé la mort en traversant un champ de mines dans le nord-est du pays.

Indépendance de la magistrature et impunité
Une affaire de viol présumé, largement médiatisée, laissait craindre que les policiers faisant l’objet de plaintes ne jouissent de l’impunité et que la magistrature n’examine pas en toute indépendance les plaintes déposées contre des agents de l’État.
Les autorités judiciaires ont omis de citer comme témoin à charge une Ukrainienne, Olga B., qui aurait été violée par un policier en février 1998 à Amaliada. Le procès du policier, du propriétaire du bar où travaillait la jeune femme et de trois coaccusés s’est ouvert le 23 mai devant un jury mixte du tribunal pénal de Patras. Le propriétaire du bar a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement pour traite et prostitution de femmes. Les trois coaccusés se sont vu infliger des peines de deux ans de prison pour proxénétisme ou complicité dans la traite de femmes. En l’absence de la victime au procès, le tribunal a conclu qu’Olga B. avait consenti à avoir des rapports sexuels avec le policier et a acquitté ce dernier du chef de viol. L’agent de la force publique a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement pour manquement aux obligations liées à ses fonctions. Les peines d’emprisonnement infligées aux accusés étaient toutes assorties d’un sursis.
Les huissiers du tribunal ont déclaré qu’ils avaient remis deux assignations à Olga B. afin qu’elle vienne déposer au procès. Celle-ci a affirmé n’avoir jamais habité à l’adresse où auraient été remis les actes d’assignation. De plus, les personnes habitant à l’adresse en question ont déclaré sous serment n’avoir jamais reçu la visite d’huissiers. Le 11 septembre, Olga B. a déposé une plainte auprès du parquet de Patras, alléguant que les deux huissiers avaient menti en affirmant lui avoir remis les citations à comparaître. Au mois d’octobre, le procureur de Patras n’avait toujours pas transmis cette plainte au procureur compétent, à savoir celui d’Amaliada. Par ailleurs, les personnes qui avaient témoigné à charge lors des audiences préliminaires n’ont pas non plus été convoquées. D’après les informations recueillies, Olga B. aurait reçu des menaces visant à la faire renoncer à sa déposition. Les autorités ne lui ont toutefois accordé aucune protection.
À la suite des protestations provoquées par l’absence d’Olga B. au procès, une instance en révision s’est tenue au mois d’octobre. Il semble néanmoins que le tribunal se soit, cette fois encore, gardé de convoquer Olga B.

Recours excessif à la force contre des manifestants
La police aurait eu recours à la force de manière excessive lors d’une manifestation qui s’est déroulée à l’occasion du sommet européen du 21 juin : les policiers auraient frappé les manifestants à coups de matraques, leur auraient donné des coups de pied et les auraient insultés. Sur les 100 manifestants interpellés entre le 21 et le 23 juin, 29 personnes, dont trois mineurs, ont été inculpées. Trois Grecs et quatre étrangers (originaires d’Espagne, du Royaume-Uni et de Syrie) ont été mis en cause pour détention d’armes (marteaux et explosifs) et maintenus en détention provisoire jusqu’au 26 novembre. Quatre d’entre eux auraient été maltraités au moment de leur arrestation, puis au cours de leur garde à vue, et il était à craindre que l’un d’eux au moins, le Britannique Simon Chapman, n’ait été inculpé sur la base de preuves forgées de toutes pièces. À la suite de protestations internationales, les sept détenus ont été remis en liberté sous caution.

Restriction de la liberté d’expression d’un militant des droits humains
_Gazmend Kapllani, journaliste et défenseur des droits humains de nationalité albanaise, a été menacé d’expulsion après que sa demande de renouvellement de permis de séjour eut été refusée, en mars, au motif qu’il représentait une « menace pour l’ordre public et la sécurité nationale ». Gazmend Kapllani vit en Grèce depuis 1991 et, en tant que président du Forum des migrants albanais, c’est un militant bien connu qui a fait du racisme et de l’immigration son cheval de bataille. Ayant obtenu une bourse de l’État, il était à l’époque inscrit en doctorat à l’université du Panthéon d’Athènes. À la suite des protestations formulées par les organisations de défense des droits humains, un permis de séjour lui a finalement été accordé.

Rom et réfugiés
Des organisations grecques et européennes de défense des droits humains ont déposé une série de plaintes auprès de la police, de la justice et du gouvernement, mais aussi des organes internationaux chargés de la défense des droits humains, au sujet d’atteintes aux libertés fondamentales dont des Rom ont été victimes en Grèce.
_En septembre, la police d’Argostoli a été accusée par des organisations grecques de défense des droits humains d’avoir commis de nombreuses violations des droits des Rom au cours des quatre dernières années. Parmi ces atteintes figuraient des arrestations arbitraires et discriminatoires, des mauvais traitements infligés en garde à vue, l’extorsion de déclarations sous la contrainte, ainsi que la falsification et l’altération de preuves.
_Également au mois de septembre, des plaintes ont été déposées contre l’État, qui n’aurait pas assuré un approvisionnement suffisant en eau et en électricité à une aire d’accueil de Rom à Spata, où une vingtaine de familles avaient dû s’établir contre leur gré trois ans plus tôt. En outre, les autorités locales n’avaient pas appliqué un accord prévoyant de mettre un autocar à la disposition de ces familles pour le transport des enfants à l’école.
En mai, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a exprimé son inquiétude quant à la mise en place par les autorités d’une nouvelle législation en matière d’asile et d’immigration. Il a en particulier relevé des difficultés pour déposer une demande d’asile ou de reconnaissance de la qualité de réfugié, l’insuffisance des structures d’accueil des demandeurs d’asile, le faible taux de reconnaissance du statut de réfugié et l’incapacité des services sociaux à assister les réfugiés dans leur intégration sociale et à répondre à leurs besoins. Le HCR a également fait part de sa préoccupation quant au protocole d’accord signé en 2002 entre la Grèce et la Turquie, qui prévoit la réadmission réciproque des immigrés en provenance de pays tiers.
La surpopulation a été constatée dans plusieurs structures d’accueil pour demandeurs d’asile, parmi lesquelles se trouvaient notamment d’anciens établissements pénitentiaires.
Au mois de juillet, 24 demandeurs d’asile, dont une fillette âgée de sept mois, ont été placés durant cinq jours dans une zone de rétention située en plein air au bord de la mer, dans le port de l’île de Mytilini. Ils avaient été transférés d’un centre de rétention pour immigrés (une ancienne prison reconvertie), à la suite de plaintes formulées par la population locale. Pendant les premiers jours de leur détention, les autorités n’ont pas fourni à ces personnes d’approvisionnement en eau ni de soins médicaux suffisants. Les organisations locales de défense des droits humains n’ont pas été autorisées à se rendre auprès d’elles.

Objecteurs de conscience
Vingt-six jeunes gens ont été privés de leur droit à l’objection de conscience au service militaire. Au moins 10 d’entre eux se sont vu refuser ou retirer le droit d’effectuer un service civil de remplacement. La requête déposée par quatre témoins de Jéhovah pour obtenir le statut d’objecteur de conscience a été rejetée parce qu’ils n’avaient pas été en mesure de remettre les pièces requises dans les délais impartis, en raison du manque de coopération des autorités ou à la suite d’erreurs de procédure. Trois témoins de Jéhovah dont le statut d’objecteur de conscience avait dans un premier temps été reconnu ont vu ce statut retiré pour insubordination ou manquement à la discipline. Les demandes présentées par deux autres témoins de Jéhovah ont été refusées au motif qu’ils avaient effectué un service militaire dans un autre pays avant leur conversion religieuse et leur installation en Grèce. Il a été répondu à un évangéliste que sa religion n’était pas incompatible avec l’appel sous les drapeaux grecs et sa demande a elle aussi été rejetée.
En septembre, les poursuites engagées contre un témoin de Jéhovah, Alexandros Evtousenko, inculpé d’« insoumission », ont été abandonnées, un tribunal de Salonique ayant estimé qu’il ne pouvait être jugé deux fois pour la même infraction. Dans une autre affaire, Lazaros Petromelidis a été reconnu coupable d’« insoumission » et condamné à une peine de vingt mois d’emprisonnement par un tribunal d’Athènes.
Le service civil de remplacement proposé en Grèce aux objecteurs de conscience était de nature punitive. Les autorités prévoyaient de le rendre deux fois plus long que le service militaire, ce qui en maintiendrait le caractère punitif. Toutefois, aucun projet de loi à ce sujet n’avait encore été présenté à la fin de l’année 2003.

Autres documents d’Amnesty International

Greece : To be in the army or choosing not to be - The continuous harassment of conscientious objectors (EUR 25/003/2003).

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