Libye

JAMAHIRIYA ARABE LIBYENNE POPULAIRE ET SOCIALISTE
CAPITALE : Tripoli
SUPERFICIE : 1 759 540 km_
POPULATION : 5,6 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Mouammar Kadhafi
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ambarak Abdallah al Chamek, remplacé par Choukri Mohamed Ghanem le 13 juin
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Cette année encore, de nombreux cas de violations des droits humains ont été signalés. Les dispositions législatives faisant des activités politiques non violentes une infraction pénale étaient toujours en vigueur. Les forces de sécurité continuaient d’arrêter de manière arbitraire des opposants, réels ou supposés, qui étaient maintenus en détention au secret, sans être inculpés, pendant de longues périodes. De nouvelles informations ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements. Comme les années précédentes, des opposants politiques ont été emprisonnés à l’issue de procès inéquitables devant des tribunaux populaires. Les autorités n’ont fourni aucun éclaircissement sur les violations des droits humains commises dans le passé, notamment sur les cas de mort en détention et de « disparition ». Des prisonniers politiques incarcérés les années précédentes ont été maintenus en détention.

Contexte
L’élection, au mois de janvier, de la Libye à la présidence de la Commission des droits de l’homme des Nations unies a pris un caractère politique. Alors que les autorités libyennes considéraient apparemment cette élection comme la preuve de l’amélioration de la situation des droits humains dans le pays, certains États, dont les États-Unis, ont manifesté leur opposition.
Amnesty International a invité tous les membres du bureau de la Commission, et notamment la Libye, à prendre des initiatives concrètes afin de manifester leur engagement en faveur des droits humains. Elle les a par exemple priés d’adresser une invitation permanente aux experts indépendants des Nations unies dans le domaine des droits humains. À la fin de l’année 2003, la Libye n’avait pas suivi cette recommandation.
La Fondation Kadhafi pour les organisations caritatives, dirigée par Saif al Islam Kadhafi, l’un des fils du chef de l’État, a lancé une campagne intitulée Non à la torture.
En décembre, les médias ont rendu compte d’un discours prononcé devant des fonctionnaires du Comité populaire général de la Justice et de la Sécurité publique par le colonel Kadhafi, qui a réaffirmé l’absence de prisonniers d’opinion en Libye ; il a précisé que son pays ne connaissait que deux catégories de prisonniers : les « détenus de droit commun » et les « hérétiques ».
De nouvelles étapes ont été franchies en vue de la réintégration de la Libye au sein de la communauté internationale. Le 12 septembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a levé les sanctions imposées au pays à la suite de l’attentat à l’explosif qui, en 1988, avait détruit un avion de la compagnie Pan Am au-dessus de la ville écossaise de Lockerbie (Royaume-Uni), provoquant la mort de 270 personnes. La Libye a accepté d’assumer la « responsabilité civile » de l’attentat et a conclu un accord d’indemnisation avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Les proches des victimes des raids aériens américains effectués sur la Libye en 1986, qui avaient entraîné la mort de 37 personnes, ont demandé à leur gouvernement de ne verser aucune indemnité aux victimes de l’attentat de Lockerbie tant qu’ils n’auraient pas reçu de réparations équivalentes des États-Unis.
En décembre, le colonel Kadhafi a déclaré que la Libye renonçait à se doter d’armes chimiques, biologiques et nucléaires. Le pays a également annoncé son intention de coopérer avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Face au grand nombre de personnes originaires de l’Afrique subsaharienne séjournant en Libye dans l’espoir d’émigrer vers l’Europe, certains pays européens, en particulier l’Italie, ont décidé de mettre en place une coopération avec la Libye pour tenter de résoudre la question de l’immigration illégale des pays d’Afrique vers l’Europe.

Morts en détention
À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête indépendante n’a été effectuée après que les autorités eurent informé les familles de nombreux prisonniers politiques, en 2002, que leurs proches étaient morts en détention, dans certains cas plusieurs années auparavant. En septembre, le secrétariat du Comité populaire général de la Justice et de la Sécurité publique aurait affirmé que les cas de « mort d’individus qui avaient été arrêtés et étaient détenus dans des postes de police » étaient « peu nombreux et bien connus », et qu’ils « faisaient l’objet d’une enquête confiée au parquet général ». Cette déclaration ne semblait toutefois pas s’appliquer aux personnes mortes en détention au cours des années précédentes.

Arrestations arbitraires et détention au secret
Dans une lettre adressée à Amnesty International en janvier, le secrétariat du Comité populaire général de Liaison extérieure et de Coopération internationale a affirmé que les allégations faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires étaient partiales et infondées. Toutefois, des informations persistantes indiquaient que les forces de sécurité, et plus particulièrement la Sûreté intérieure, continuaient d’arrêter arbitrairement des personnes. Celles-ci étaient maintenues en détention au secret, sans inculpation, dans certains cas plusieurs mois durant, en violation des dispositions de la législation libyenne et des normes internationales.
Au moins trois Libyens auraient été placés en détention sans inculpation après avoir été expulsés du Soudan en octobre 2002. Abd al Munim Abd al Rahman, Mohamed Rashid al Jazawi et Ismail al Lawati avaient été renvoyés en Libye avec femme et enfants. Interpellés à leur arrivée à l’aéroport de Tripoli, les trois hommes auraient été transférés à la prison d’Abou Salim. Ils auraient été détenus au secret et sans inculpation pendant plusieurs mois. À la fin de l’année, ils étaient apparemment maintenus en détention, sans avoir été inculpés ni jugés.

Procès inéquitables devant les tribunaux populaires
Les autorités continuaient de nier l’existence de prisonniers politiques ou de prisonniers d’opinion. Toutefois, de nouvelles informations ont fait état de procès inéquitables devant des tribunaux populaires, qui auraient débouché sur l’incarcération de personnes pour des motifs politiques. Les prévenus étaient toujours privés de leurs droits fondamentaux, notamment du droit de se faire assister par l’avocat de leur choix et de comparaître en audience publique.
Le procès en appel de 151 étudiants et membres de professions libérales arrêtés en 1998, qui s’était ouvert à la mi-2002 devant un tribunal populaire de Tripoli, a été renvoyé à maintes reprises. Ces personnes étaient soupçonnées d’être des adhérents ou des sympathisants d’un mouvement interdit, Al Jamaa al Islamiya al Libiya (Groupe islamique libyen), également connu sous le nom de Frères musulmans. En février 2002, à l’issue d’un premier procès inique devant un tribunal populaire de Tripoli, deux hommes susceptibles d’être considérés comme des prisonniers d’opinion, Abdullah Ahmed Izzedin et Salem Abu Hanak, avaient été condamnés à mort ; de très nombreux autres accusés s’étaient vu infliger des peines allant de dix ans d’emprisonnement à la détention à perpétuité. Dans un communiqué publié en septembre, la Société des droits humains de la Fondation Kadhafi pour les organisations caritatives a déclaré qu’elle avait appelé les autorités « à œuvrer pour la libération du groupe connu sous le nom de Frères musulmans, et ce afin de les réintégrer dans la société [...], étant donné qu’ils n’ont pas recouru à la violence ni prôné son usage ».

Nouveaux éléments dans le « procès du sida »
Le procès de six Bulgares et d’un Palestinien arrêtés en 1999 s’est poursuivi devant une juridiction pénale. Ils étaient accusés d’avoir volontairement contaminé près de 400 enfants avec le virus du sida, à l’hôpital Al Fateh de Benghazi. Dans un rapport communiqué au tribunal, deux experts étrangers ont affirmé que l’infection résultait probablement d’un manque d’hygiène plutôt que d’un acte délibéré des sept membres du personnel médical. Les médias ont rapporté qu’à la fin du mois de décembre, cinq experts médicaux libyens avaient remis un rapport au tribunal pénal de Benghazi dans lequel ils affirmaient que l’infection était vraisemblablement le résultat d’actions délibérées.

Détention illégale d’immigrés menacés d’éloignement
Parmi les milliers d’immigrés vivant en Libye ou transitant par ce pays figuraient de très nombreuses personnes qui avaient, semble-t-il, fui leur pays d’origine pour échapper à des persécutions. Des demandeurs d’asile potentiels, détenus en dehors du cadre légal, risquaient d’être renvoyés. La Libye n’avait toujours pas ratifié la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés ni son Protocole de 1967.
Sept Érythréens qui, selon les informations recueillies, avaient déserté leur armée à des moments différents en 2002 et avaient fui leur pays pour se réfugier au Soudan, puis en Libye, risquaient d’être expulsés. Ils avaient été arrêtés par les autorités libyennes le 11 août 2002, alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée. Reconnus coupables d’être entrés clandestinement dans le pays et condamnés à trois mois d’emprisonnement, ils n’avaient pas été remis en liberté à l’expiration de leur peine. Ces Érythréens ont demandé à entrer en contact avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), mais on ignorait si les autorités libyennes avaient accédé à leur demande. Ils étaient apparemment maintenus en détention à la fin de l’année.
_Un autre Érythréen, Binyam Abraha, âgé d’une vingtaine d’années et incarcéré dans le même centre de détention, situé à proximité de Janzour, à une trentaine de kilomètres de la capitale, Tripoli, est mort dans la nuit du 16 au 17 septembre. Selon les informations recueillies, il était détenu en Libye depuis plus d’un an et demi, sans inculpation ni jugement. Il n’aurait pas reçu de soins médicaux, alors qu’il était gravement malade et détenu dans des conditions éprouvantes.

« Disparitions »
L’année a marqué le 25e anniversaire de la « disparition » de l’imam Moussa al Sadr, éminent dignitaire chiite d’origine iranienne qui vivait au Liban. Il a « disparu » en 1978 lors d’une visite en Libye. Mansour Kikhiya, ancien ministre des Affaires étrangères et militant éminent des droits humains, avait quant à lui « disparu » depuis dix ans. Il a été vu pour la dernière fois au Caire en décembre 1993. Les autorités n’ont donné aucune information sur ces deux cas de « disparition ». Elles n’ont pas non plus fourni d’éclaircissements sur le sort de Jaballah Matar et d’Izzat Youssef al Maqrif, deux personnalités de l’opposition libyenne qui ont « disparu », également au Caire, en mars 1990.

Visites d’Amnesty International
En mars, des délégués de l’organisation ont rencontré à Genève l’ambassadrice libyenne auprès des Nations unies, en sa qualité de présidente de la Commission des droits de l’homme. Ils ont évoqué avec elle la réforme de la Commission et de la situation des droits humains en Libye ; ils ont notamment soulevé la question de la visite d’une délégation d’Amnesty International dans le pays pour effectuer des recherches et rencontrer des responsables gouvernementaux.

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