Yémen

RÉPUBLIQUE DU YÉMEN
CAPITALE : Sanaa
SUPERFICIE : 527 968 km_
POPULATION : 20 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Ali Abdullah Saleh
CHEF DU GOUVERNEMENT : Abdel Kader Bajammal
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Quelque 200 personnes arrêtées dans les mois qui ont suivi les attentats perpétrés le 11 septembre 2001 aux États-Unis étaient maintenues en détention sans inculpation ni jugement, en dehors de toute procédure judiciaire. Elles n’ont pas été autorisées à consulter un avocat. Comme les années précédentes, des étrangers ont été expulsés pour des « raisons de sécurité » vers des pays où ils risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux. Quatre personnes auraient trouvé la mort au cours d’une manifestation contre la guerre en Irak. Des cas de torture ont été signalés ; ils ne semblaient pas avoir fait l’objet d’enquêtes indépendantes. Trente personnes au moins ont été exécutées et de très nombreuses autres, peut-être des centaines, étaient sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année. Parmi ces dernières, une femme risquait la mort par lapidation.

Contexte
Le Congrès populaire général a conservé le pouvoir à l’issue des élections qui ont débuté le 27 avril. Le scrutin a été entaché de violences qui ont entraîné la mort de cinq personnes. Des irrégularités ont également été signalées. Les femmes demeuraient sous-représentées : seules 13 ont fait acte de candidature et aucune n’a été élue.
La fonction de secrétaire d’État chargé des droits humains a été élevée au rang ministériel.
Le 22 mai, le président a proclamé une amnistie en faveur de 16 dirigeants politiques qui avaient fui le Yémen en 1994 après la guerre civile ayant opposé le nord et le sud du pays. Certains d’entre eux avaient été condamnés à mort par contumace. Plusieurs de ces 16 personnalités étaient, semble-t-il, rentrées au Yémen à la fin de l’année.
Des affrontements tribaux ou opposant des tribus aux forces gouvernementales se sont poursuivis dans différentes régions du pays et auraient fait de très nombreuses victimes.

Détention illimitée sans inculpation ni jugement
Quelque 200 personnes arrêtées à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis étaient maintenues en détention sans inculpation ni jugement, en dehors de toute procédure judiciaire. Les autorités, qui n’envisageaient apparemment pas de les traduire en justice, affirmaient que ces prisonniers étaient incarcérés en raison de leurs convictions religieuses « extrémistes » et qu’ils ne seraient libérés qu’après avoir renoncé à ces dernières.
Plus d’une dizaine de personnes arrêtées à la suite de l’attentat à l’explosif perpétré au mois d’octobre 2000 contre le destroyer américain USS Cole étaient maintenues en détention depuis plus de trois ans sans avoir été inculpées ni autorisées à consulter un avocat.

Arrestations politiques
Des centaines d’arrestations politiques ont été signalées au cours de l’année. La plupart des personnes interpellées ont été détenues pendant plusieurs mois sans inculpation ni jugement et privées de contacts avec des avocats. Ces personnes ont été arrêtées sans mandat des autorités judiciaires. Les membres présumés d’organisations islamistes et les personnes soupçonnées d’activités « terroristes ». étaient plus particulièrement visées.
_Plusieurs membres présumés d’Al Qaïda auraient été arrêtés au mois de mars. Parmi eux figuraient Kamal Saleh Ba Jabia, Sheikh Salah Salem al Shibani et Sheikh Ammar bin Nasher, ressortissants yéménites soupçonnés d’avoir participé à l’attentat contre l’USS Cole en octobre 2000. À la connaissance d’Amnesty International, ils étaient maintenus en détention à la fin de l’année.
_À la suite de l’évasion de 10 Yéménites interpellés après l’attentat contre l’USS Cole, plusieurs dizaines de personnes, dont des proches et des amis des évadés, auraient été arrêtées en avril. Amnesty International ne disposait d’aucune information indiquant si ces personnes étaient toujours en détention à la fin de l’année.
_Plusieurs membres présumés d’Al Qaïda auraient été interpellés à Sanaa en octobre ; parmi eux figuraient apparemment des étrangers. Ils étaient, semble-t-il, toujours incarcérés à la fin de l’année.
Le 20 octobre, Ghanim al Malaki, un ressortissant saoudien, et deux Yéménites auraient été arrêtés à la frontière saoudienne en raison de leurs liens présumés avec Al Qaïda. Selon les informations recueillies, les autorités ont affirmé que ces personnes seraient présentées à un juge. Toutefois, à la connaissance de l’organisation, elles n’avaient pas été inculpées fin 2003.
_Le 20 octobre, le chef de l’État, Ali Abdullah Saleh, a annoncé que les personnes détenues en raison de leurs liens avec Al Qaïda et qui « n’avaient pas de sang sur les mains » seraient libérées pendant le mois de ramadan. En novembre, au moins 34 membres présumés d’Al Qaïda ont été libérés après avoir « exprimé du regret pour leur passé radical ».

Réfugiés et expulsion d’étrangers
Des dizaines de Somaliens et d’Éthiopiens, demandeurs d’asile potentiels, se seraient noyés dans le golfe d’Aden dans trois épisodes distincts. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) certains se sont noyés après que des membres de l’équipage les eurent forcés à se jeter à l’eau sous la menace d’une arme. D’autres seraient morts à la suite d’altercations entre les passagers et des membres d’équipage.
Plus de 1 000 étrangers auraient été expulsés pour des raisons de sécurité, souvent vers des pays où ils risquaient des atteintes à leurs droits fondamentaux. La plupart d’entre eux ont été appréhendés du fait de leur nationalité et détenus au secret pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant d’être expulsés. Parmi eux figuraient des Éthiopiens, des Indiens, des Libyens, des Somaliens, des Soudanais et des Syriens, ainsi que des Saoudiens qui ont été échangés contre des Yéménites détenus en Arabie saoudite.
_En septembre, le Yémen a remis aux autorités saoudiennes huit de leurs ressortissants, dont Bandar al Ghamdi, qui aurait été arrêté avec son épouse et leur fille à la suite des attentats à l’explosif perpétrés à Riyadh au mois de mai. Ces personnes auraient été renvoyées contre leur gré dans leur pays d’origine après la visite au Yémen de membres des services de sécurité saoudiens.

Manifestations pendant la guerre en Irak
Le 21 mars, des milliers de personnes ont manifesté à Sanaa contre la guerre en Irak. Selon les informations disponibles, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles et lancé des grenades lacrymogènes pour disperser le cortège, faisant de nombreux blessés. Quatre Yéménites, dont un garçon de onze ans, auraient été tués. Des dizaines de manifestants ont été interpellés et relâchés par la suite, dont quatre dirigeants de partis d’opposition. Le gouvernement a annoncé l’ouverture d’une enquête. Aucune autre information n’était disponible à la fin de l’année.

Harcèlement de journalistes
Les restrictions à la liberté de presse et le harcèlement des journalistes ont continué.
En mars, trois journalistes - Ali al Saqaf, Ahmad Said Nasser et Abdel Aziz Ismail - ont été condamnés chacun à une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir « causé du tort aux relations entre le Yémen et l’Arabie saoudite ». L’accusation reposait sur des articles, publiés dans le journal Al Wahdawi, qui auraient été injurieux envers la famille royale saoudienne. Toutefois, le 27 janvier, la Cour d’appel a levé l’interdiction professionnelle à vie prononcée à l’encontre de Jamal Amer, journaliste travaillant pour Al Wahdawi. Cet homme avait été déclaré coupable, en 2000, d’avoir rédigé un article considéré comme injurieux envers l’Arabie saoudite.

Torture et mauvais traitements
En septembre, le gouvernement a soumis un rapport au Comité des Nations unies contre la torture. Tout en saluant la réforme du système juridique yéménite, le Comité a exprimé sa préoccupation quant à l’absence de définition de la torture dans la législation et à la pratique de la détention au secret par la Sécurité politique. Il a également déploré que les détenus ne soient pas autorisés à consulter un avocat et que le gouvernement n’ordonne pas l’ouverture d’enquêtes sur les allégations de torture. Le Comité a exhorté le Yémen à veiller, entre autres, à ce que les mesures de « lutte contre le terrorisme » soient conformes aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Cette année encore, des informations ont fait état de cas de torture et de mauvais traitements. Le Yémen a soumis au Comité des exemples d’affaires pour lesquelles des enquêtes avaient été ouvertes à la suite de plaintes pour torture. Toutefois, aucune enquête indépendante ne semblait avoir été effectuée sur les cas de torture recensés par Amnesty International.
Sami Yassin al Sharjabi, soupçonné de meurtre, aurait été torturé pendant sa détention au secret par la police entre le 26 décembre 2002 et le 14 janvier 2003. Une plainte a été déposée et, en janvier, le procureur général a demandé l’ouverture d’une enquête sur les allégations de torture formulées par cet homme. Aucune investigation ne semblait toutefois avoir commencé avant la fin de l’année.
_Mohammad Said al Zaidi aurait subi des sévices psychologiques après avoir été interpellé, le 5 août, par des membres des services de sécurité devant son domicile de Sanaa. Cet adolescent de quatorze ans a été incarcéré avec des détenus adultes dans une cellule située en sous-sol, jusqu’à sa remise en liberté le 2 septembre. Les autorités l’avaient apparemment fait arrêter pour contraindre son frère, Hassan al Zaidi, à se livrer aux autorités. Celui-ci, journaliste à l’hebdomadaire The Yemen Times, avait critiqué le gouvernement dans ses articles.

Peine de mort
Des condamnations à mort ont été prononcées et 30 personnes au moins ont été exécutées. Plusieurs centaines de prisonniers se trouvaient sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année.
_Le 26 mai, la cour d’appel de Taizz a commué la sentence capitale prononcée contre Hammoud Murshed Hassan Ahmad, prisonnier d’opinion présumé, en une peine de douze ans d’emprisonnement assortie du paiement d’une somme d’environ 12 000 euros au titre de la diya (prix du sang). Ce capitaine de l’armée de l’ex-République démocratique du Yémen avait été reconnu coupable d’un meurtre commis en 1982. Il a poursuivi la procédure d’appel contre la condamnation.
Au début de décembre 2002, le procureur aurait informé verbalement Fuad Ali Muhsin al Ashahari que 24 pages manquaient dans son dossier d’appel. L’affaire a été renvoyée devant la Cour suprême.
Ali Jarallah a été condamné à mort le 14 septembre. Il avait été reconnu coupable du meurtre de Jarallah Omar, secrétaire général adjoint du Parti socialiste yéménite, commis en décembre 2002.
Nabil al Mankali, un homme de nationalité espagnole, risquait d’être exécuté car le président Ali Abdullah Saleh aurait ratifié en septembre la condamnation à mort prononcée à son encontre. Il semblerait que le chef de l’État ait ensuite décidé à la dernière minute de surseoir à l’exécution. La situation de Nabil al Mankali n’avait pas été clarifiée à la fin de l’année. Des hauts fonctionnaires de l’Union européenne et plusieurs dirigeants espagnols ont appelé les autorités yéménites à faire preuve de clémence.
Mohammed Qasim Ragih a été exécuté le 7 mai. Il avait été reconnu coupable du meurtre de son épouse, enceinte, et de leurs deux enfants.
_Parmi les condamnés à mort, on comptait au moins une femme - Layla Radman Aesh, âgée de vingt ans, déclarée coupable d’adultère en 2000. À la fin de l’année 2003, elle était en instance d’appel.

Violence contre les femmes
Le mouvement de défense des droits des femmes, très actif au Yémen, a poursuivi ses activités militantes, ainsi que sa campagne de lutte contre la violence envers les femmes.
En mai, l’Association des femmes a organisé à Aden, en collaboration avec Oxfam et la Banque mondiale, un atelier de formation visant à mettre fin aux violences au sein de la famille. La formation portait sur la définition de la violence contre les femmes, sur les différentes formes de violence domestique et sur les causes sous-jacentes de ce problème. Un autre atelier, qui s’est tenu en juin, était consacré au rôle des femmes au sein de l’appareil judiciaire.
En septembre, une fondation de soutien aux initiatives démocratiques du citoyen a organisé un séminaire auquel ont assisté des membres de la société civile. Les participants ont préconisé de remédier au caractère discriminatoire de la législation par l’adoption de nouvelles lois et d’élaborer des projets et des programmes destinés à réduire les violences exercées contre les femmes.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Yémen en septembre pour explorer les possibilités de coopération avec les organisations non gouvernementales dans le cadre de la campagne visant à mettre fin à la violence contre les femmes.

Autres documents d’Amnesty International

Yémen. L’autorité de la loi est reléguée au second plan au nom de la sécurité (MDE 31/006/2003).

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