Côte d’Ivoire

République de Côte d’Ivoire
CAPITALE : Yamoussoukro
SUPERFICIE : 322 463 km²
POPULATION : 16,9 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Laurent Gbagbo
CHEF DU GOUVERNEMENT : Seydou Diarra
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Deux ans après la signature, en janvier 2003, des accords de Linas-Marcoussis, qui visaient à mettre un terme au conflit interne, aucune solution politique n’était réellement en vue. En novembre, les forces gouvernementales ont rompu le cessez-le-feu, en vigueur depuis dix-huit mois, lors d’une attaque qui a causé la mort de plusieurs dizaines de civils et de neuf soldats français ; cette opération a entraîné une réaction armée de la part des forces françaises de maintien de la paix. Selon des sources fiables, les troupes françaises auraient fait un usage excessif de la force contre des sympathisants du gouvernement. À la suite de violentes émeutes antifrançaises, notamment des pillages et, semble-t-il, des viols, plus de 8 000 étrangers ont quitté le pays. Les tensions entre Ivoiriens et étrangers ont été exacerbées par une campagne de xénophobie relayée par les médias audiovisuels et la presse écrite favorables au président Laurent Gbagbo. Dans le nord du pays, contrôlé par d’anciens groupes armés d’opposition rebaptisés Forces nouvelles, les atteintes aux droits humains se sont poursuivies, en particulier lors de combats entre factions rivales. Fin 2004, l’embargo sur les armes imposé par les Nations unies et la menace de sanctions contre certaines personnes, ainsi que la médiation de l’Union africaine, ont apporté un certain apaisement. La situation demeurait toutefois très tendue.

Contexte

En janvier, les Forces nouvelles ont rejoint le gouvernement de réconciliation nationale qu’elles avaient boycotté pendant trois mois ; des pourparlers ont été engagés en vue de préparer le désarmement des combattants. En février, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution mettant en place l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Avec un effectif de 6 000 personnes, cette force de maintien de la paix a pour mandat de superviser le processus de désarmement et de réconciliation, en collaboration avec l’armée française. La situation a cependant connu une grave détérioration en mars, après que les forces gouvernementales eurent violemment dispersé une manifestation interdite qui avait été organisée à l’appel de partis d’opposition. Par la suite, certains de ces partis se sont retirés du gouvernement et, en mai, le président Laurent Gbagbo a limogé trois ministres de l’opposition, dont Guillaume Soro, l’un des dirigeants des Forces nouvelles.
Sous une forte pression internationale - exercée notamment par les Nations unies, la France et quelques pays clés d’Afrique -, un nouvel accord a été conclu à Accra (Ghana) à la fin du mois de juillet. Aux termes de cet accord, les Forces nouvelles devaient enclencher le processus de désarmement le 15 octobre, après l’adoption de certaines réformes politiques qui avaient fait l’objet d’un arrangement précédent ; ces réformes comprenaient des lois sur la propriété foncière et sur les conditions d’éligibilité à la présidence de la République, ainsi qu’un nouveau code de la nationalité. Toutefois, ces conditions n’ont pas été remplies dans les délais impartis, ce qui a abouti à une impasse politique.
Début novembre, des avions de l’armée ivoirienne ont rompu une trêve de dix-huit mois en bombardant le fief des Forces nouvelles à Bouaké ; des dizaines de civils et neuf soldats français ont été tués. L’Union africaine et l’Organisation internationale de la francophonie ont fermement condamné ces attaques. Les forces françaises ont riposté en détruisant la plupart des appareils de l’aviation ivoirienne. Ces représailles ont à leur tour déclenché des émeutes antifrançaises à Abidjan, au cours desquelles des sociétés étrangères ont été pillées et des civils étrangers, français et autres, attaqués à leur domicile ; il y aurait également eu des viols. Recourant semble-t-il à la force de manière excessive, les troupes françaises ont ouvert le feu sur les manifestants, tuant au moins 20 personnes et en blessant plusieurs centaines d’autres. À la suite de ces violentes manifestations, plus de 8 000 étrangers, essentiellement des Français, ont quitté le pays. Le gouvernement ivoirien aurait envisagé de citer la France devant la Cour internationale de Justice, ce que le président Gbagbo a démenti. L’éruption de violence de novembre a suscité les pressions des Nations unies et la médiation de l’Union africaine. Par la suite, l’Assemblée nationale a adopté, en décembre, des lois de première importance sur la nationalité, la naturalisation et l’éligibilité à la présidence de la République. Des désaccords ont cependant persisté entre le président, certains partis d’opposition et les Forces nouvelles concernant les conditions d’éligibilité aux plus hautes fonctions de l’État.

Exécutions extrajudiciaires et « disparitions »

Le 25 mars, à Abidjan, les forces de l’ordre ont fait un usage excessif de la force pour disperser une manifestation interdite ; elles ont eu recours à des armes automatiques et à du matériel lourd, dont des véhicules équipés de canons. Un certain nombre d’exécutions extrajudiciaires et de « disparitions » ont eu lieu dans les nuits qui ont suivi le mouvement de protestation.
La nuit du 26 mars, les forces de sécurité ont effectué des descentes dans des maisons d’Abodo, un quartier situé à la périphérie d’Abidjan. Les agents ont ouvert le feu sur plusieurs personnes, dont une femme enceinte et un jeune Haoussa du Niger, Abdou Raouff ; les forces de sécurité ont tiré sur lui à bout portant et il est mort des suites de ses blessures. Plusieurs personnes ont « disparu » après avoir été interpellées à leur domicile. Parmi celles-ci figuraient Koné Abdoulaye, alias Diaby, et Soumahoro Mustafa, un chauffeur de taxi.

Violences commises par les Forces nouvelles

Des éléments armés appartenant aux Forces nouvelles ont été à l’origine d’atteintes aux droits humains, dont des homicides délibérés et arbitraires et l’enlèvement d’un journaliste.
 ?En juin, à la suite de fusillades entre deux factions rivales des Forces nouvelles, au moins 100 personnes ont été tuées arbitrairement à Korhogo, dans le nord du pays. Leurs corps, dont certains étaient criblés de balles, ont été découverts en juillet dans trois charniers par une équipe des Nations unies chargée de surveiller la situation des droits humains. Les victimes auraient été arrêtées par des partisans armés de Guillaume Soro, puis placées dans des conteneurs, où certaines sont mortes par asphyxie. D’autres auraient été décapitées ou tuées les mains attachées dans le dos.
Au mois d’août, Amadou Dagnogo, correspondant à Bouaké du quotidien d’Abidjan L’Inter, a été détenu à Bouaké ; il aurait été frappé et torturé par des partisans de Guillaume Soro. Il est parvenu à s’échapper au bout de six jours de détention et a pu regagner Abidjan par avion.

Allégations d’usage excessif de la force par l’armée française

Les 6 et 7 novembre, à Abidjan, des soldats français auraient fait un usage excessif de la force contre des civils. Les faits se sont déroulés dans un contexte d’émeutes antifrançaises consécutives à la destruction de l’aviation ivoirienne. De hauts responsables des forces de sécurité de Côte d’Ivoire ont accusé l’armée française d’avoir tiré directement et sans sommation sur une foule non armée. Ils ont affirmé que 57 civils avaient été tués et plus de 2 200 autres blessés. Les autorités françaises ont reconnu que leurs soldats étaient peut-être responsables d’au moins 20 morts, mais qu’ils avaient agi entièrement en légitime défense et qu’ils avaient tiré des coups de feu d’avertissement. Des sources indépendantes ont cependant indiqué que, dans la nuit du 6 novembre, l’armée française avait tiré depuis des hélicoptères pour tenter de dissuader les protestataires de franchir un pont à Abidjan. D’autres sources ont fait état de blessés qui avaient eu les pieds et les mains arrachés, vraisemblablement par l’explosion de grenades.

Journalistes pris pour cibles

Des journalistes et des médias ivoiriens et étrangers ont été harcelés et molestés par les forces de sécurité et les milices progouvernementales.
En mars, au moins 10 journalistes qui couvraient la manifestation interdite ont été agressés physiquement par les forces de l’ordre et par des sympathisants du président Gbagbo.
En novembre, le jour même de la rupture de la trêve par les forces gouvernementales, des partisans du chef de l’État ivoirien ont incendié les locaux de trois journaux d’opposition, dont Le Patriote, quotidien proche de l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara. Des stations de radio internationales ont vu leurs émissions interrompues et n’ont pu les reprendre que trois semaines plus tard environ.

Situation humanitaire des réfugiés

Les deux ans de conflit en Côte d’Ivoire ont continué de déstabiliser la situation humanitaire dans le pays et la région.
Après avoir rompu le cessez-le-feu en novembre, le gouvernement a coupé l’eau et l’électricité dans le nord du pays, aux mains de l’opposition. Des organisations non gouvernementales humanitaires et des organes des Nations unies ont exprimé leurs craintes de voir apparaître des maladies à transmission hydrique, telles que le choléra et autres pathologies diarrhéiques. L’alimentation en eau et en électricité a été rétablie au bout d’une semaine.
À la suite de la flambée de violence de novembre, on estime que quelque 19 000 personnes, essentiellement des femmes et des enfants, ont fui vers le Libéria. Elles ont commencé à revenir à partir de la fin du mois de novembre.

Réaction des Nations unies

Tout au long de l’année, les Nations unies ont condamné les atteintes aux droits humains commises en Côte d’Ivoire et dénoncé les propos xénophobes diffusés par certains médias. Les Nations unies ont mis en place deux missions d’enquête. En avril, la première de ces missions a estimé que les forces de sécurité et les milices progouvernementales étaient à l’origine de la mort d’au moins 120 personnes, tuées lors de la manifestation interdite de mars. La seconde mission a enquêté pendant trois mois sur les violations des droits fondamentaux commises par toutes les parties au conflit depuis le soulèvement armé de septembre 2002. Son rapport a été remis en octobre au secrétaire général des Nations unies et à la haut-commissaire aux droits de l’homme, mais les Nations unies ne l’avaient pas rendu public à la fin de 2004.
Après la rupture du cessez-le-feu, en novembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité une résolution imposant un embargo à effet immédiat sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire, pour une durée de treize mois ; elle demandait également le gel des avoirs financiers de certains particuliers et leur interdiction de voyager. Une liste des personnes devant faire l’objet de ces sanctions aurait été préparée, mais elle n’avait pas été rendue publique à la fin de l’année. Un expert des Nations unies chargé de la prévention du génocide a également demandé aux autorités de condamner l’incitation à la haine et de mettre un terme à la diffusion de messages xénophobes à la télévision et à la radio nationales.

Visites d’Amnesty International

Une délégation d’Amnesty International qui s’est rendue au Burkina Faso en juillet a recueilli des informations sur des planteurs expulsés de Côte d’Ivoire ou ayant dû fuir ce pays.

Autres documents d’Amnesty International

  Côte d’Ivoire. Répression aveugle et disproportionnée d’une manifestation interdite (AFR 31/004/2004).

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