État islamique d’Afghanistan
CAPITALE : Kaboul
SUPERFICIE : 653 225 km²
POPULATION : 24,9 millions
PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT DE TRANSITION : Hamid Karzaï
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé
Contexte
La Loya Jirga (Assemblée tribale suprême) a adopté une nouvelle Constitution en janvier. Le texte, qui contenait des principes pour la protection des droits humains, ne prévoyait toutefois pas de garanties spécifiques contre les atteintes à ces droits. Il n’accordait notamment pas les mêmes droits aux hommes et aux femmes dans le domaine du mariage.
Le gouvernement de transition a commencé à imposer progressivement son pouvoir en dehors de Kaboul. Le gouverneur autoproclamé de Hérat a été destitué. Les forces antigouvernementales sont réapparues dans le Sud et dans l’Est et la coalition dirigée par les États-Unis a intensifié ses opérations militaires. Dans les régions contrôlées par des groupes armés officiellement alliés au gouvernement, l’armée nationale et la police, dont les effectifs restaient limités, ont été déployées à plusieurs reprises pour mettre un terme aux affrontements entre mouvements rivaux. L’économie, dominée par le trafic d’opium, était contrôlée par les chefs de faction et les infrastructures n’ont pas connu d’amélioration significative. Le processus de désarmement de dizaines de milliers d’ex-combattants liés à des factions et à des groupes armés a progressé.
Hamid Karzaï, président sortant du gouvernement de transition, a remporté l’élection présidentielle qui s’est tenue, en octobre, dans un climat de violence et d’insécurité. Le scrutin aurait été entaché par des inscriptions frauduleuses sur les listes électorales. Des chefs de faction et des responsables locaux auraient en outre confisqué des cartes d’électeur.
En septembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a prolongé le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) jusqu’en octobre 2005. Placées sous le commandement de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) depuis 2003, les troupes de la FIAS ont vu leurs effectifs portés à 9 000 à la veille du scrutin présidentiel.
Exactions des groupes armés
Dans tout le pays, les groupes armés ont consolidé leur emprise sur la population locale et ont tué des civils, des employés d’organisations humanitaires, des agents électoraux et des électeurs potentiels. Au moins 21 employés d’organisations humanitaires, des Afghans pour la plupart, ont été tués au cours des neuf premiers mois de l’année.
En janvier, une bombe visant les troupes de la coalition dirigée par les États-Unis a tué 15 écoliers à Kandahar. À la suite du tollé suscité par cet attentat, les responsables des talibans, qui avaient dans un premier temps nié toute responsabilité, ont fini par présenter des excuses.
En juin, 16 passagers d’un autobus ont été tués délibérément par des hommes armés, apparemment parce qu’ils détenaient des cartes d’électeur.
Trois agents électoraux des Nations unies - deux femmes et un homme - ont été pris en otages à Kaboul, le 28 octobre, par des membres du groupe armé Jaish-e Muslimeen (Armée des musulmans). Ils ont été relâchés le 23 novembre.
Selon plusieurs sources, des membres de groupes armés ont enlevé et violé des jeunes filles, et ont contraint certaines de leurs victimes à les épouser. Les mariages précoces étaient de plus en plus fréquents, les familles tentant soit de réduire leur pauvreté en recevant la dot, soit de garantir la sécurité des jeunes filles.
En mai, une adolescente de dix-sept ans a été enlevée par trois hommes armés chez sa tante, dans la province de Kapisa. Elle avait auparavant refusé d’épouser l’un des agresseurs. Ceux-ci ont tiré sur son oncle, qui a été blessé. La jeune fille a été rendue à ses parents, à Kaboul, après qu’ils eurent porté plainte auprès des autorités et de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan.
Violences contre les femmes
Comme les années précédentes, les femmes ont été victimes d’actes de violence de grande ampleur et de discrimination, tant dans le domaine public que privé. Les risques d’enlèvement par les membres d’un groupe armé les contraignaient à limiter leurs déplacements. Les restrictions sévères imposées au comportement des femmes persistaient et les violences domestiques étaient très répandues. Des agents électoraux chargés de l’enregistrement des femmes ont été tués par des groupes armés.
Une femme a été arrêtée à Kandahar à la mi-2004 et détenue sans inculpation pendant plusieurs semaines. Le procureur a examiné les accusations portées contre elle : adultère et tentative de meurtre de son « mari », un membre d’un groupe armé qui l’avait enlevée alors qu’elle était âgée de sept ans. Il l’avait régulièrement battue et humiliée ; à l’âge de vingt ans, elle avait trois enfants. Il n’a pas été question d’entamer des poursuites contre l’homme.
Une femme qui militait contre la violence à l’égard des femmes a été agressée, en septembre, à cause de son action en faveur des droits humains. Elle se trouvait devant son domicile de Kaboul quand trois hommes sont arrivés en voiture. L’un d’eux est descendu du véhicule et a projeté de l’acide sur elle, la blessant au cou.
La plupart des victimes de violences gardaient le silence par crainte de représailles ou d’un châtiment judiciaire sévère. Les actes de violence ne donnaient que très rarement lieu à des investigations ou des poursuites. Dans ces affaires, les juges rendaient leur décision en se fondant sur la tradition et les codes de comportement. De nombreuses femmes étaient emprisonnées parce qu’elles étaient accusées d’avoir commis un adultère, de s’être enfuies de chez elles ou d’avoir eu des relations sexuelles en dehors du mariage, faits regroupés sous le terme de zina. Dans certains cas, on les avait incarcérées en l’absence de preuves pour les protéger de leurs proches. En dehors de Kaboul, il n’existait pratiquement aucun refuge pour les femmes, ni de structure de soutien psychologique ni de centre de soins. Dans toutes les régions, et plus particulièrement à Hérat, des centaines de femmes se sont immolées par le feu pour échapper aux violences domestiques ou à un mariage forcé.
Inefficacité de la justice
La justice pénale est restée inefficace, corrompue et exposée à l’intimidation des groupes armés. Les tribunaux ne fonctionnaient pratiquement pas dans les régions rurales. Les juges et les avocats ignoraient souvent la loi et cautionnaient la discrimination envers les femmes. Dans la plupart des cas, le viol, le mariage forcé et l’échange de fillettes ou de jeunes filles pour régler des conflits n’étaient pas considérés comme des crimes. Les membres de l’appareil judiciaire, notamment les juges, ne connaissaient pas exactement la base juridique du « crime » consistant à « s’enfuir du domicile ». Cette infraction n’est pas prévue par le Code pénal afghan. Des prisonniers étaient maintenus en détention prolongée sans fondement légal et ils étaient privés du droit à un procès équitable.
Les violations des droits humains imputables à des policiers ne faisaient l’objet d’aucune enquête. L’efficacité de la police était réduite par l’absence de mécanismes de surveillance, l’affiliation à des groupes armés régionaux, le non-paiement des salaires et le manque de matériel. Peu de femmes ont été recrutées dans la police, malgré la mise en place de programmes de formation soutenus par la communauté internationale. En dehors de Kaboul, la mise en œuvre des réformes de la justice et de la police était particulièrement lente.
Le gouvernement afghan et les donateurs ne prêtaient pas une attention suffisante aux prisons. Les conditions de détention étaient inhumaines et des violations flagrantes des droits humains ont été signalées, notamment en dehors de la capitale, les prisons provinciales restant sous le contrôle des groupes armés.
Violations des droits humains imputables aux forces américaines
Des éléments recueillis indiquaient que des militaires américains avaient torturé et maltraité des détenus dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». Des anciens prisonniers ont affirmé qu’on les avait contraints à rester pendant de longues périodes à genoux, debout ou dans des positions douloureuses. Ils se sont plaints d’avoir eu la tête recouverte d’une cagoule et d’avoir été privés de sommeil, déshabillés et humiliés. Des suspects ont été incarcérés en dehors de tout cadre légal et maintenus au secret, sans aucun contact avec un avocat ni avec leur famille, et sans être présentés à une autorité judiciaire.
Le 13 décembre, des responsables américains ont reconnu que huit prisonniers étaient morts alors qu’ils étaient détenus par les forces américaines en Afghanistan. Un communiqué publié en mai par le ministère de la Défense des États-Unis avait fait état de seulement trois morts. Très peu de détails ont été fournis. Le plus ancien cas connu, qui concernait un prisonnier ayant succombé le 28 août 2002 alors qu’il était aux mains des militaires américains, faisait l’objet d’une enquête.
Le 14 octobre, le service des enquêtes criminelles de l’armée américaine a recommandé l’inculpation de 28 soldats accusés d’avoir battu à mort, en décembre 2002, deux prisonniers détenus dans la base de l’aviation américaine à Bagram. L’autopsie avait révélé des « lésions infligées par un élément contondant » sur les corps de Mollah Habibullah et de Dilawar. Fin 2004, un seul soldat faisait l’objet de poursuites - pour coups et blessures, mauvais traitements et négligence.
Le ministère de la Défense des États-Unis a annoncé l’ouverture d’une enquête sur des informations parvenues en septembre et selon lesquelles des membres des forces spéciales américaines avaient frappé et torturé huit soldats afghans pendant quinze jours, en mars 2003, dans une base située non loin de Gardez. L’un des détenus serait mort des suites de ces mauvais traitements.
De nouvelles informations ont fait état de la mort de civils au cours de bombardements effectués par les forces américaines. Selon certaines sources, 11 civils ont ainsi été tués, au mois de janvier, dans le village de Sawghataq (province de l’Uruzgan) ; des responsables de l’armée américaine ont affirmé que seuls cinq militants armés avaient péri lors de ces événements. Des représentants de l’État américain ont confirmé, après l’avoir démenti dans un premier temps, qu’au moins cinq civils avaient trouvé la mort à la suite de bombardements à Weradesh, dans l’est du pays, en août. Le jour du scrutin présidentiel, 14 civils au moins auraient été tués ou blessés dans l’Uruzgan au cours d’un bombardement américain visant des forces d’opposition.
Impunité
Des titulaires de postes gouvernementaux au niveau régional et des commandants impliqués dans des atteintes aux droits humains affichaient leur impunité ; certains d’entre eux étaient toujours liés à des groupes armés responsables d’exactions. Peu de progrès ont été accomplis pour traduire en justice les responsables de crimes de guerre, notamment de massacres et de viols, commis au cours des conflits armés depuis 1978.
En dépit d’appels répétés en faveur d’enquêtes indépendantes sur les morts en détention et d’actes de torture imputables aux forces américaines, les investigations étaient menées sous les auspices du ministère américain de la Défense. Les experts des Nations unies dans le domaine des droits humains, la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan et d’autres organisations non gouvernementales se voyaient toujours refuser l’autorisation de rencontrer les détenus.
Les forces gouvernementales afghanes n’ont pas eu à rendre compte des violations du droit international relatif au traitement des détenus. Aucune mesure ne semblait avoir été prise contre les soldats qui auraient décapité des prisonniers dans le sud du pays en juin.
Droit au retour dans la sécurité
Les Afghans réfugiés au Pakistan et en Iran étaient soumis à un harcèlement croissant et beaucoup sont rentrés dans leur pays. En octobre, l’Iran a fait part de son intention de rapatrier, dans un délai de seize mois, la plupart des Afghans présents sur son territoire. D’autres États ont renvoyé des demandeurs d’asile afghans déboutés sans s’assurer qu’ils pouvaient rentrer dans leur pays en toute sécurité et dans la dignité.
Le nombre de réfugiés rentrés d’Iran et du Pakistan depuis le début de 2002 a dépassé les trois millions en septembre. Plus de 32 p. cent se sont installés à Kaboul, en raison de l’insécurité et de la persistance des atteintes aux droits humains dans les provinces, ou du manque de travail et de logements dans leur région d’origine. D’autres n’ont pas réussi à récupérer leurs terres ou leurs biens.
Peine de mort
Au moins neuf hommes ont été condamnés à mort en 2004. Abdullah Shah, un chef militaire, a été exécuté en secret en avril à l’issue d’un procès devant un tribunal d’exception qui l’a privé des droits les plus élémentaires de la défense. Accusé de meurtres multiples, il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat et n’a pas été autorisé à procéder à un contre-interrogatoire des témoins. Le tribunal n’a ordonné aucune enquête sur les tortures qui auraient été infligées à cet homme ni sur les lésions qu’il présentait. Il aurait prononcé la peine de mort sous des pressions politiques. Le procès s’est déroulé à huis clos.
Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Afghanistan en février ainsi qu’en août et septembre. Ils ont rencontré des hauts responsables gouvernementaux, des représentants des Nations unies, des défenseurs des droits humains et des membres d’organisations non gouvernementales. Ils ont également visité des prisons pour femmes à Kaboul, Mazar-e-Charif et Kandahar.
Autres documents d’Amnesty International
. Afghanistan. Halte à la violence contre les femmes. L’enlèvement et le viol sous la menace des armes (ASA 11/013/2004).
. Afghanistan. Les progrès réalisés en Afghanistan n’ont pas concerné les femmes (ASA 11/015/2004).
. États-Unis. La dignité humaine bafouée. Torture et obligation de rendre des comptes dans la « guerre contre le terrorisme » (AMR 51/146/2004).