Royaume du Cambodge
CAPITALE : Phnom Penh
SUPERFICIE : 181 000 km²
POPULATION : 14,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Norodom Sihanouk, remplacé par Norodom Sihamoni le 15 octobre
CHEF DU GOUVERNEMENT : Hun Sen
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : signé
Contexte
En juillet, le Pracheachon (Parti du peuple cambodgien, PPC) et le Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif (FUNCINPEC) ont formé un gouvernement de coalition. Ils ont ainsi mis fin au climat d’incertitude qui régnait depuis les élections législatives de juillet 2003, qui n’avaient pas permis de dégager une majorité claire. Les allégations selon lesquelles le Parti de Sam Rainsy avait l’intention de renverser le gouvernement ont généralement été interprétées comme des manœuvres visant à discréditer l’opposition politique. Le roi Norodom Sihanouk, âgé de quatre-vingt-deux ans, a abdiqué au mois d’octobre, alors que rien ne le laissait prévoir. Son fils Norodom Sihamoni lui a succédé à la tête de l’État.
Le Cambodge a adhéré en juillet à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui a suscité une certaine inquiétude quant aux conséquences d’une telle adhésion pour les classes les plus défavorisées de la société. Le Cambodge faisait toujours partie des pays les plus pauvres de la planète : 36 p. cent de la population vivaient dans la pauvreté et le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans était élevé. Les conflits fonciers se sont multipliés, certains membres des classes aisées et de l’armée n’hésitant pas à s’approprier des terres et à se livrer à la spéculation. Le nombre de blessures provoquées par l’explosion de mines terrestres a considérablement augmenté, les pauvres étant contraints - pour des raisons financières - d’aller exploiter des parcelles situées dans des zones non déminées. L’expansion du VIH/sida restait un problème majeur. Selon certaines informations, le taux de séropositivité était le plus élevé d’Asie.
En septembre, le Cambodge a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a également signé la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que la Convention internationale pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.
Impunité
La faiblesse et la corruption du système judiciaire restaient préoccupantes. Plusieurs affaires très médiatisées ont été marquées par des ingérences du pouvoir politique. Plus généralement, les procédures définies par la législation nationale et par les normes internationales n’étaient pas respectées.
Quatre musulmans arrêtés en mai et juin 2003 étaient toujours détenus fin 2004 ; la période de détention provisoire autorisée par la législation cambodgienne était donc largement dépassée. Les quatre hommes étaient accusés d’appartenir à la Jemaah Islamiyah, groupe islamiste qui serait lié à l’organisation Al Qaïda. Dans un premier temps, ils avaient été inculpés d’« actes de terrorisme international » en vertu de l’article 2 de la Loi antiterroriste, un texte à la formulation vague. Ces charges ont été abandonnées en février 2004, mais le juge a ordonné le maintien de ces hommes en détention pour permettre au parquet de les inculper, aux termes de cette même loi, de tentative de meurtre. L’affaire a été marquée par l’ingérence du pouvoir politique dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire et par l’absence d’éléments de preuve.
De nombreux homicides à caractère politique commis les années précédentes n’avaient toujours pas été élucidés. Le nombre de voleurs présumés tués par des foules en colère a augmenté de manière alarmante, sans que nul ne se voie demander des comptes pour ces agissements. Cette année encore, plusieurs personnes ont été victimes de meurtres apparemment motivés par des considérations politiques.
Chea Vichea, dirigeant syndical de renommée internationale et militant du Parti de Sam Rainsy, a été abattu au mois de janvier. Il avait été menacé de mort à maintes reprises. L’enquête sur son assassinat a été entachée de nombreuses irrégularités. Deux hommes arrêtés cinq jours après les faits ont, dans un premier temps, reconnu en être les auteurs, mais ils ont ensuite affirmé, dans une séquence retransmise par la télévision nationale, qu’ils avaient été torturés lors de leur interrogatoire. Cette affaire a suscité de nombreuses critiques, tant au Cambodge que sur la scène internationale. À la fin de l’année, personne n’avait été traduit en justice pour répondre de cet assassinat.
Torture
Selon les informations recueillies, la torture en garde à vue était une pratique courante. Au mois de juin, le directeur général adjoint de la police nationale, Sau Phan, a déclaré publiquement qu’il était parfois nécessaire de recourir à la torture lors des interrogatoires pour faire parler des suspects. Il serait revenu sur ses propos par la suite, ceux-ci ayant été largement relayés par les médias et ayant suscité de nombreuses critiques, notamment sous la forme d’une intervention du représentant spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge. D’après plusieurs organisations non gouvernementales locales, la torture était toujours utilisée dans les prisons à titre punitif. Selon certaines sources, aucune condamnation pour faits de torture n’a été prononcée en 2004.
Réfugiés
Le nombre de demandeurs d’asile originaires du Viêt-Nam a augmenté, après la violente répression de manifestations organisées en avril dans les régions montagneuses du centre de ce pays (voir Viêt-Nam). Les forces de police cambodgiennes et vietnamiennes ont renforcé leur collaboration à la frontière, et un grand nombre de personnes en quête d’asile récemment arrivées au Cambodge ont été renvoyées de force au Viêt-Nam.
Sous la pression croissante d’une communauté internationale de plus en plus inquiète, le gouvernement cambodgien a autorisé le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à se rendre dans les zones frontalières à partir du mois de juillet, moyennant certaines restrictions. Plusieurs centaines de demandeurs d’asile ont également été conduits à Phnom Penh, où leurs requêtes ont été examinées. Les personnes reconnues comme réfugiés par le HCR ont pu quitter le Cambodge sous les auspices des Nations unies, pour rejoindre des pays tiers présentant des garanties de sécurité.
Tribunal chargé de juger les Khmers rouges
Le nouveau gouvernement a adopté des dispositions législatives prévoyant la mise en place d’un tribunal pénal chargé de traduire en justice les auteurs présumés des graves atteintes aux droits humains perpétrées sous le régime des Khmers rouges, entre 1975 et 1979. Il subsistait toutefois de sérieuses lacunes, qui menaçaient l’intégrité des procédures judiciaires, tout en créant un dangereux précédent pour les autres tribunaux internationaux ou « mixtes » susceptibles d’être mis en place à l’avenir. On pouvait notamment s’interroger sur la viabilité et la faiblesse intrinsèque de ce tribunal « mixte » (composé d’experts cambodgiens et internationaux), de même que sur l’insuffisance des mesures prévues pour la protection des victimes et des témoins. Fin 2004, seule une fraction des fonds nécessaires à la mise en place de cette juridiction avait été versée par la communauté internationale.
Liberté de réunion
Introduites à la suite des violentes émeutes anti-thaïlandaises survenues à Phnom Penh en janvier 2003, les restrictions draconiennes pesant sur les manifestations publiques étaient toujours en vigueur. La police a souvent fait un usage excessif de la force à l’égard des personnes participant à des manifestations organisées sans l’aval des autorités.
Défenseurs des droits humains
Les organisations locales de défense des droits humains ont joué un rôle de plus en plus essentiel dans la protection des demandeurs d’asile arrivant du Viêt-Nam. Plusieurs membres du personnel d’une organisation établie dans les provinces de Ratanakiri et de Mondulkiri ont été menacés, harcelés ou arrêtés par les autorités. La population des villages de ces provinces, qui appartient parfois aux mêmes groupes ethniques que les demandeurs d’asile venus du Viêt-Nam, a également pris des risques considérables pour héberger et nourrir les nouveaux arrivants et les aider à gagner Phnom Penh. Beaucoup de villageois ont été victimes, en représailles, d’arrestations, d’actes de harcèlement et de restrictions imposées à leurs déplacements. Les propos menaçants de hauts responsables politiques ont créé un climat de peur parmi les membres des associations locales et au sein du personnel cambodgien des agences des Nations unies travaillant dans le domaine des droits humains.
Violences contre les femmes et les enfants
Le projet de loi sur la violence domestique n’avait pas avancé. Des associations ont signalé que les cas de viols et de violences contre les femmes et les enfants s’étaient considérablement accrus. Elles ont également indiqué que le nombre de signalements de viols était en augmentation et que les recours devant les tribunaux n’étaient toujours pas satisfaisants. La traite des femmes restait un problème préoccupant, même si plusieurs pédophiles faisant du tourisme sexuel ont fait l’objet de procès très médiatisés, qui témoignaient d’une plus grande détermination des autorités et des organisations non gouvernementales à lutter contre ce fléau.
Visites d’Amnesty International
Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Cambodge au mois de février.
Autres documents d’Amnesty International
. Cambodge. Les quatre hommes soupçonnés d’être des membres de la Jemaah Islamiyah doivent être jugés maintenant (ASA 23/006/2004).
. Cambodia : The killing of trade unionist Chea Vichea (ASA 23/008/2004).