Contexte
Le président élu Evo Morales Ayma, dirigeant du parti Movimiento al Socialismo (MAS, Mouvement pour le socialisme), est entré en fonction en janvier. Un plan de développement national a été annoncé. Il visait à améliorer l’accès aux droits fondamentaux tels que la santé, l’éducation et la justice, et à mettre fin aux discriminations. Aucune information n’a cependant été communiquée concernant sa mise en œuvre.
Un programme de réformes a été engagé et une Assemblée constituante a notamment été instituée. Celle-ci a commencé ses travaux en août avec pour mandat de réécrire la Constitution. En mai, un décret a été promulgué en vue de la nationalisation des hydrocarbures et de la renégociation des contrats avec les compagnies et les investisseurs étrangers. Ce décret imposait une augmentation des taxes et fixait les modalités d’acquisition des actions par l’État. En juin a été lancé un programme de réforme agraire qui prévoyait notamment la distribution aux petits cultivateurs et aux indigènes de terres appartenant à l’État.
Au mois de novembre, à la suite de manifestations organisées par des groupes d’autochtones exigeant de nouvelles réformes, une loi de réforme agraire a été adoptée par le Congrès et promulguée par le président. En vertu de cette nouvelle loi, le gouvernement pouvait réquisitionner des terres improductives appartenant à des propriétaires privés afin de les redistribuer aux paysans. Les propriétaires terriens se sont opposés à cette réforme, notamment à Santa Cruz et dans les départements du Beni et du Pando. Ces départements, de même que celui de Tarija, ont cherché à obtenir leur autonomie tout au long de l’année.
En décembre, des affrontements ont eu lieu dans le département de Santa Cruz entre des groupes de civils, des membres d’organisations non gouvernementales indigènes, des groupes politiques, des journalistes et des dirigeants communautaires lors d’une consultation locale sur l’autonomie des régions. Des locaux du MAS ont été incendiés, de même que des bureaux appartenant à des centres socioculturels indigènes. Des indigènes ont vu leurs habitations saccagées. Des journalistes ont été agressés dans les rues de Santa Cruz et des stations de radio ont dû interrompre leurs émissions en raison d’actes de harcèlement.
La Bolivie a ratifié, en mai, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [ONU] ; en juillet, le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels, aussi appelé Protocole de San Salvador ; enfin, en novembre, la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture.
Enfants
Selon un rapport publié en juillet par le Programme des Nations unies pour le développement et l’UNICEF, plus de 230 nourrissons mouraient chaque jour en Bolivie faute de soins appropriés ; les besoins essentiels de six jeunes sur dix n’étaient pas couverts, et cinq sur dix vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Le rapport exhortait les autorités à reconnaître le rôle joué par les enfants dans le développement du pays et à mettre en œuvre des programmes, notamment en matière de santé et d’éducation, pour assurer la protection de l’enfance et la défense de ses droits.
Éradication des cultures de coca
En septembre, deux paysans ont été tués et un autre a été blessé au cours d’une opération de destruction de cultures de coca menée dans un secteur du parc national de Carrasco (Yungas de Vandiola, département de Cochabamba) par une force composée de policiers et de militaires.
Affrontements entre mineurs
En octobre, les affrontements opposant des mineurs employés par l’État et des membres d’une coopérative indépendante de la ville minière de Huanuni (département de La Paz) ont fait au moins neuf morts et des dizaines de blessés. Ces affrontements, pendant lesquels de la dynamite et des armes à feu auraient été utilisées, ont été déclenchés par un conflit concernant les droits d’accès aux zones d’extraction de l’étain. Une enquête a été ouverte.
Conditions carcérales
D’après les informations parvenues à Amnesty International, les conditions de détention étaient déplorables. En avril, cinq détenus ont été tués dans la prison Palmasola, à Santa Cruz, semble-t-il à la suite d’une bagarre entre des gangs rivaux qui tentaient d’imposer leur loi à l’intérieur de l’établissement.
En novembre, des détenus de 19 prisons du pays ont entamé une grève de la faim pour exiger un procès rapide et une amélioration de leurs conditions de vie.
Impunité
En décembre, le ministère public a inculpé Gonzalo Sánchez de Lozada et deux anciens ministres d’au moins 60 homicides, commis lors des manifestations d’octobre 2003. Les autorités cherchaient à obtenir des États-Unis l’extradition de l’ancien chef de l’État, afin de le juger pour cette affaire.
Organisations intergouvernementales
La Commission interaméricaine des droits de l’homme s’est rendue en Bolivie en novembre. Elle a souligné les difficultés d’accès à la justice, notamment dans les régions rurales, ainsi que le manque de coopération des forces de sécurité et des forces armées, qui omettaient de fournir toutes les informations utiles aux autorités judiciaires. La Commission s’est inquiétée des mauvaises conditions de détention, de la forte surpopulation dans les prisons et du fait que plus de 70 p. cent des personnes détenues n’avaient pas été condamnées. Elle a aussi relevé que des mineurs étaient détenus avec des adultes.
Autres documents d’Amnesty International
. Bolivia : Open letter to the President of the Republic of Bolivia, Evo Morales Ayma (AMR 18/001/2006).