SRI LANKA

La situation en matière de droits humains à Sri Lanka s’est considérablement dégradée. Les exécutions arbitraires, le recrutement d’enfants soldats, les enlèvements, les disparitions forcées et, de manière générale, les atteintes aux droits humains et les crimes de guerre se sont multipliés. Piégée dans l’escalade des combats entre les forces gouvernementales et les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE, Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul), la population civile a été prise pour cible par les deux camps. À la fin de l’année, on dénombrait des centaines de civils tués ou blessés, et plus de 215 000 personnes déplacées. Des habitations, des écoles et des lieux de culte ont été détruits. Bien que les deux parties en présence affirmaient chacune de leur côté respecter le cessez-le-feu, celui-ci n’était pratiquement plus observé depuis le milieu de l’année 2006. Les restrictions liées à l’état d’urgence proclamé en août 2005 étaient toujours en vigueur à la fin de l’année. On notait une recrudescence des disparitions forcées dans le nord et l’est du pays. Des cas de torture en garde à vue ont été signalés. Les auteurs de tels actes jouissaient toujours d’une totale impunité.





Contexte
Le gouvernement et les LTTE se sont réunis au mois de février pour discuter de l’application de l’accord de cessez-le-feu. Ils devaient se revoir en avril mais cette rencontre n’a pas eu lieu. Les pourparlers ont repris au mois d’octobre mais, du fait que le gouvernement avait fermé le principal axe routier reliant la péninsule de Jaffna au reste du pays, les participants se sont séparés sur un constat de désaccord.
Au mois de mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, rendant compte d’une visite qu’il avait effectuée à Sri Lanka en 2005, a déclaré que les libertés d’expression, de déplacement, d’association et de participation à la vie publique étaient menacées, en particulier pour les civils tamouls et musulmans.
En mai, le président Mahinda Rajapakse a nommé unilatéralement les nouveaux membres de la Commission des droits humains, le mandat de leurs prédécesseurs étant parvenu à son terme. La Commission ne répondait manifestement plus aux critères constitutionnels et internationaux définissant les institutions nationales de protection des droits humains.
En mai 2006, Sri Lanka a été élu au Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour une période de deux ans. Pour renforcer sa candidature, le gouvernement sri-lankais s’était engagé à créer un ministère des Droits humains et à adopter une Charte des droits humains.
Toujours au mois de mai, l’Union européenne a inscrit les LTTE sur la liste des organisations considérées comme terroristes. Les avoirs de cette formation ont été gelés et ses responsables interdits de séjour ou de déplacement dans l’Union européenne. En représailles, la direction des LTTE a déclaré que tous les observateurs de la Sri Lankan Monitoring Mission (SLMM, Mission de surveillance à Sri Lanka) originaires de l’Union européenne devaient quitter le pays d’ici le mois de septembre.
La Cour suprême a estimé en septembre que le Comité des droits de l’homme [ONU] n’était pas juridiquement fondé à examiner des affaires concernant le pays. La Cour a considéré que l’adhésion de Sri Lanka au Premier protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques était inconstitutionnelle et illégale, dans la mesure où ce texte octroyait au Comité des pouvoirs judiciaires sans l’accord du Parlement.
Lors des réunions du Conseil des droits de l’homme [ONU], en septembre et en novembre, plusieurs organismes internationaux de défense des droits humains se sont inquiétés de l’augmentation des atteintes aux droits humains et au droit international humanitaire à Sri Lanka.

Hausse du nombre des victimes civiles
Le secrétaire général et le coordonnateur des secours d’urgence des Nations unies se sont inquiétés du nombre croissant de victimes civiles dans le conflit. Les Nations unies estimaient qu’environ 3 000 civils avaient été tués dans les violences liées au conflit depuis l’aggravation des hostilités, en 2006. Les LTTE ont commis des attentats-suicides et ont fait usage de mines à fragmentation directionnelles de type Claymore ou de grenades, aussi bien contre des militaires que contre des civils.
Au mois d’avril, un attentat-suicide qui visait le commandant des forces armées, le général Sarath Fonseka, a coûté la vie à 10 personnes. Une vaste offensive aérienne et d’artillerie a été déclenchée en représailles contre les positions des LTTE dans le district oriental de Trincomalee, au cours de laquelle au moins 12 civils ont trouvé la mort. Après un attentat à la bombe qui a tué cinq personnes, dont un enfant, à Trincomalee, plus de 20 civils tamouls ou musulmans ont été massacrés et des milliers d’autres ont été contraints de partir de chez eux lors d’actions menées manifestement en représailles par des membres de la majorité cingalaise.
Les LTTE ont nié être à l’origine d’une attaque à la mine Claymore contre un autocar, en juin, à Kebitigollawe, dans le nord de l’île. L’explosion avait coûté la vie à 67 civils.
La SLMM a estimé que les forces gouvernementales étaient responsables du meurtre, au mois d’août, de 17 collaborateurs de l’organisation Action contre la faim, en poste à Muttur, dans le district de Trincomalee. Une enquête confiée à un magistrat était toujours en cours à la fin de l’année. Toujours au mois d’août, 51 jeunes gens auraient été tués et une centaine d’autres blessés lors du bombardement d’un ancien foyer d’accueil pour enfants situé à Mullaitivu, dans le nord du pays, par l’aviation sri-lankaise. Les forces armées ont affirmé que ce foyer avait été transformé en centre d’entraînement par les LTTE. Trois jeunes filles grièvement blessées ont été placées en détention aux termes de la législation d’urgence. L’une d’elles était toujours retenue par le Service d’enquête sur le terrorisme de Colombo à la fin de l’année.
Au mois d’octobre, un attentat-suicide contre un convoi de la marine, à 170 kilomètres au nord-est de Colombo, a fait une centaine de victimes parmi les militaires. Il s’agissait de la plus meurtrière des actions de ce type depuis des années.
L’armée a reconnu avoir bombardé en novembre Kathiraveli, une localité du district de Batticaloa, tout en accusant les LTTE de s’être servis des civils comme de boucliers humains. Une quarantaine de personnes ont été tuées et plus d’une centaine d’autres blessées par un obus ayant touché une école qui hébergeait des personnes déplacées.

Personnes déplacées
L’intensification des combats a contraint plus de 215 000 habitants du nord et de l’est du pays à quitter leur foyer. Dix mille autres personnes au moins se sont réfugiées en Inde. L’offensive majeure lancée en juillet par les forces armées pour prendre le contrôle du Mavil Aru, un cours d’eau du district de Trincomalee, a également entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes.
On estimait à environ 500 000 le nombre de personnes déplacées précédemment par le conflit et par le tsunami de 2004. Nombre d’entre elles étaient toujours très exposées aux actes de harcèlement et de violence des LTTE, d’autres groupes armés et de certains éléments des forces de sécurité sri-lankaises.
Les personnes déplacées avaient beaucoup de mal à trouver du travail et n’avaient qu’un accès limité aux services de santé et à l’enseignement. L’alcoolisme et la violence domestique faisaient des ravages parmi cette population. La plupart des camps d’accueil des victimes du tsunami bénéficiaient d’un financement suffisant et offraient des conditions de vie correctes, tandis que les centres de regroupement des personnes déplacées par le conflit étaient souvent dépourvus d’électricité, de moyens de transport et d’installations sanitaires adéquates. Cette différence de traitement des individus restait préoccupante.

Restrictions de l’aide humanitaire
Les organismes d’aide humanitaire étaient dans l’impossibilité de secourir nombre de personnes menacées se trouvant dans le nord et l’est de l’île. À partir du mois d’août, l’acheminement de l’aide vers le nord a été entravé par la fermeture de la route menant à la péninsule de Jaffna et par un blocus maritime des LTTE. Le personnel humanitaire et médical était menacé et harcelé, voire victime d’enlèvements et d’agressions. De nouvelles règles d’enregistrement auprès de l’administration ont rendu son action encore plus difficile.
L’ONU a appelé les deux parties au conflit à autoriser les organismes humanitaires à se rendre librement auprès des populations touchées et à mieux protéger leurs collaborateurs.

Exécutions arbitraires et impunité
Le nombre des homicides illégaux a très fortement augmenté. Plusieurs centaines d’exécutions extrajudiciaires ont été signalées. Ces actes étaient imputables aussi bien aux forces gouvernementales qu’à la faction Karuna (un groupe dissident des LTTE accusé de collaborer avec l’armée sri-lankaise), aux LTTE ou à d’autres groupes d’opposition armés.
Au mois de janvier, à Trincomalee, cinq étudiants ont été abattus presque à bout portant, apparemment par des membres d’un commando spécial des forces régulières. Le seul témoin qui ait accepté de parler (le père d’une des victimes) a reçu des menaces de mort.
Au mois d’avril, Vanniasingham Vigneswaran, membre de la Tamil National Alliance (TNA, Alliance nationale tamoule), a été abattu à Trincomalee par des hommes armés non identifiés mais soupçonnés d’être liés aux forces gouvernementales. En novembre, un autre membre de ce parti, Nadarajah Raviraj, a été tué par balle à Colombo.
Au mois d’avril, huit agriculteurs cingalais ont été tués à la machette à Kalyanapura par des hommes soupçonnés d’appartenir aux LTTE.
La marine a nié toute implication dans une série d’événements sanglants survenus au mois de mai. Les circonstances précises de ces événements, qui se sont déroulés sur l’île de Kayts, au large de la péninsule de Jaffna, n’ont pas pu être établies, mais on sait qu’ils ont fait des morts et des blessés. Treize civils tamouls, dont un bébé de quatre mois et un garçon de quatre ans, auraient notamment été tués dans cette zone contrôlée par la marine sri-lankaise.
Au mois d’août, des hommes armés non identifiés ont tué Kethesh Loganathan, directeur adjoint du Secrétariat chargé de la coordination du processus de paix. La victime dénonçait de longue date l’action des LTTE qui, de l’avis de nombre d’observateurs, étaient vraisemblablement responsables de cet homicide.

Enfants soldats
Chaque mois, au moins 50 enfants étaient recrutés au sein des forces combattantes du nord et de l’est du pays. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), 1 545 mineurs combattaient toujours dans les rangs des LTTE en milieu d’année.
Au mois de juin, la faction Karuna aurait recruté une centaine d’enfants dans les zones contrôlées par le gouvernement.
Un conseiller spécial de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour les enfants et les conflits armés a indiqué en novembre que les forces gouvernementales avaient activement participé au recrutement forcé d’enfants par ce groupe.

Disparitions forcées
Les directives présidentielles obligeant les forces de sécurité à rédiger un procès-verbal pour toute personne arrêtée et à informer la Commission des droits humains de toute interpellation dans les quarante-huit heures ont été réaffirmées au mois de juillet. La Commission a recensé 419 disparitions forcées à Jaffna pour la première moitié de l’année 2006. Une organisation non gouvernementale locale a signalé 277 enlèvements pour la période avril-septembre. Les disparitions et les enlèvements signalés ont notamment été attribués aux forces de sécurité, aux LTTE et à la faction Karuna.
Au mois de janvier, sept collaborateurs de l’Organisation tamoule de réinsertion, une association caritative, ont été enlevés par des hommes armés non identifiés.
Huit jeunes Tamouls ont disparu en mai alors qu’ils se trouvaient dans un temple hindou de Manthuvil East, dans le district de Jaffna. Ils pourraient avoir été emmenés à bord de véhicules de l’armée aperçus non loin de là.
Thiruchchelvan Nihal Jim Brown, un prêtre catholique originaire d’Allaipiddy, et Wenceslaus Vinces Vimalathas ont disparu après avoir passé un poste de contrôle établi par la marine sri-lankaise, sur l’île de Kayts. On craignait qu’ils n’aient été tous les deux placés en détention par des militaires.
Le président de la République, Mahinda Rajapakse, a déclaré le 4 septembre qu’une commission internationale allait être chargée d’enquêter sur les enlèvements, les disparitions et les exécutions extrajudiciaires. Le 6 novembre, toutefois, le gouvernement annonçait la création d’une commission nationale appuyée par un groupe d’observateurs internationaux.

Torture
De nombreux cas de torture en garde à vue ont été signalés. Selon la Commission asiatique des droits humains, une organisation non gouvernementale, deux personnes sont mortes en détention en 2006.

Peine de mort
Un certain nombre de meurtres ayant défrayé la chronique, des voix se sont de nouveau élevées pour demander la fin du moratoire sur les exécutions. La direction générale des prisons a fait savoir qu’au moins 12 condamnations à mort avaient été prononcées. Selon les informations recueillies, 167 prisonniers se trouvaient toujours dans le quartier des condamnés à mort. Aucune exécution n’a été signalée.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en septembre à Sri Lanka, où ils ont pu rencontrer plusieurs hauts responsables du gouvernement.

Autres documents d’Amnesty International

 Sri Lanka : A climate of fear in the East (ASA 37/001/2006).

 Sri Lanka : Waiting to go home – the plight of the internally displaced (ASA 37/004/2006).

 Sri Lanka : Observations on a proposed commission of inquiry and international independent group of eminent persons (ASA 37/030/2006).

 Sri Lanka : Establishing a commission of enquiry into serious violations of human rights law and international humanitarian law in Sri Lanka : Amnesty International’s recommendations (ASA 37/031/2006).

 UN Human Rights Council, Third regular session : Compilation of statements by Amnesty International (including joint statements) (IOR 41/034/2006).

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