SINGAPOUR

La liberté d’expression et de réunion était soumise à des restrictions de plus en plus sévères. Des hommes arrêtés au cours des années précédentes étaient maintenus en détention sans inculpation ni jugement au titre de la Loi sur la sécurité intérieure et on craignait qu’ils ne soient exposés à des mauvais traitements. Plusieurs personnes ont été condamnées à mort ; au moins cinq exécutions ont eu lieu. Des délinquants ont été condamnés à la bastonnade.




Contexte
Le People’s Action Party (PAP, Parti d’action populaire), qui exerce son emprise sur la vie politique et sur la société en général depuis près d’un demi-siècle, a été réélu pour cinq ans au mois de mai. Bien qu’il se soit publiquement engagé à construire une société plus ouverte, aucune avancée n’a été constatée dans ce sens.

Restrictions de la liberté d’expression et de réunion
Des personnes ayant critiqué le gouvernement, des défenseurs des droits humains, des pratiquants du Fa Lun Gong et des médias étrangers ont fait l’objet de poursuites pénales et de procès en diffamation, ou en ont été menacés. Les autorités ont annoncé en août la mise en place de restrictions plus sévères contre plusieurs publications étrangères de premier plan, ce qui leur a donné la possibilité de sanctionner plus facilement ces dernières.
Chee Soon Juan, chef du Singapore Democratic Party (SDP, Parti démocrate de Singapour, opposition), a été déclaré en faillite personnelle au mois de février car il n’avait pas été en mesure de payer les 500 000 dollars de Singapour (environ 250 000 euros) de dommages et intérêts qu’il avait été condamné à verser à deux dirigeants du PAP au terme de procès en diffamation intentés en 2001. Cette situation le rendait inéligible. Chee Soon Juan a par ailleurs été incarcéré pendant huit jours en mars pour atteinte à l’autorité de la justice, après avoir publiquement déclaré que l’appareil judiciaire manquait d’indépendance. De plus, au mois de novembre, il a été condamné à cinq semaines d’emprisonnement pour avoir pris la parole en public sans autorisation et, à sa libération, il a eu à répondre d’autres accusations liées à des faits de même nature et à une tentative de sortie du pays sans permission. En août, des poursuites pour diffamation ont été engagées contre l’éditeur et le directeur de la rédaction de la Far Eastern Economic Review en raison de la publication d’un article favorable à Chee Soon Juan.
L’ancien dirigeant du Workers’ Party (WP, Parti des travailleurs, opposition), J. B. Jeyaretnam, qui demandait l’annulation d’une mesure de faillite le concernant, a été débouté. Il avait été déclaré en faillite personnelle en 2001 à l’issue d’une série de procès en diffamation motivés par des considérations politiques. J. B. Jeyaretnam restait donc privé du droit de se présenter à des élections.
Le journal Today, détenu par l’État, a suspendu l’écrivain Lee Kin Mun après la publication d’un article dénonçant le coût de la vie à Singapour.
Deux pratiquants du Fa Lun Gong ont été condamnés, en novembre, à dix et quinze jours d’emprisonnement pour avoir manifesté illégalement devant l’ambassade de Chine. Neuf autres ont été inculpés de rassemblement illégal en vue de distribuer des tracts. Jaya Gibson, journaliste britannique pratiquant également le Fa Lun Gong, s’est vu interdire l’entrée sur le territoire singapourien.
Le gouvernement a empêché des militants singapouriens et étrangers de participer à des activités liées à la réunion de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international organisée à Singapour en septembre. Cette attitude a été critiquée dans le monde entier, y compris par ces deux institutions.


Détention sans inculpation ni jugement

Au moins 34 hommes étaient toujours détenus sans inculpation ni jugement en vertu de la Loi sur la sécurité intérieure. Les autorités ont affirmé qu’ils entretenaient des liens avec des groupes islamistes et représentaient une menace pour la sécurité du pays. Sept de ces hommes auraient été libérés après avoir coopéré avec les autorités et s’être correctement « réadaptées ». En février, le vice-Premier ministre, Wong Kan Seng, aurait déclaré que le traitement réservé aux personnes incarcérées en vertu de cette loi n’avait rien d’une partie de plaisir, mais il a nié qu’elles aient été torturées.

Objecteurs de conscience
Au moins huit objecteurs de conscience au service militaire ont été incarcérés et 12 autres continuaient de purger une peine d’emprisonnement. Tous étaient membres des Témoins de Jéhovah, organisation interdite à Singapour. Aucune mesure n’a été prise en vue d’instaurer un service civil de remplacement.

Peine de mort et châtiments corporels
Cinq personnes au moins ont été exécutées : deux en juin pour trafic de drogue et trois en novembre pour meurtre. Cinq condamnations à mort, peut-être davantage, ont été prononcées au cours de l’année.
La présence de prisonniers étrangers parmi les condamnés à mort a attiré l’attention de l’opinion internationale sur le fort taux d’exécutions à Singapour. Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires s’est déclaré préoccupé à ce sujet et a appelé les autorités à ne plus recourir à la peine capitale pour les infractions à la législation sur les stupéfiants, soulignant que l’application obligatoire de ce châtiment était contraire aux normes juridiques internationales. En janvier, la Singapore Law Society (Association du barreau de Singapour) a fait part de son intention d’examiner dans un esprit d’ouverture les questions juridiques touchant à la peine capitale.
Des peines de bastonnade ont continué d’être prononcées tout au long de l’année. Un adolescent de seize ans jugé inapte pour être envoyé dans un centre de redressement a été condamné à la bastonnade pour vol.

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