Bangladesh

Dans le cadre de l’état d’urgence décrété à la suite d’une période de violences politiques généralisées, les droits humains ont fait l’objet de restrictions sévères. Des centaines de milliers de personnes soupçonnées d’avoir commis des activités délictueuses ou enfreint les dispositions de l’état d’urgence auraient été arrêtées. Le recours à la torture demeurait systématique. Plus d’une centaine de cas de mort en détention ont été imputés aux forces de sécurité, mais personne n’a eu à rendre compte de ces actes. Six hommes au moins ont été exécutés.

Contexte
Après plusieurs semaines d’affrontements violents entre les sympathisants des principaux partis politiques, l’état d’urgence a été proclamé le 11 janvier. Les élections qui devaient avoir lieu le 22 janvier ont été reportées jusqu’en 2008. Le président Iajuddin Ahmed a nommé un nouveau gouvernement intérimaire, dirigé par Fakhruddin Ahmed et soutenu par l’armée. La police et l’armée ont été déployées pour assurer le maintien de l’ordre.
Le nouveau gouvernement a lancé un programme de lutte contre la corruption et pris des mesures en vue d’une réforme judiciaire et électorale, mais la mise en œuvre de ces réformes a été excessivement lente. Le rôle de l’armée dans la vie politique, ainsi que des problèmes économiques tels que l’augmentation considérable du prix des denrées alimentaires – entre autres produits de base –, étaient des sources de profonde préoccupation.
Le gouvernement a annoncé la création d’une commission nationale des droits humains. Amnesty International a prié les autorités de veiller à ce que le mandat, l’indépendance et les moyens de cette commission lui permettent d’être un mécanisme efficace de protection des droits humains.
À Dacca, à Chittagong et à Khulna, plus de 60 000 habitants de bidonvilles ont été expulsés de chez eux après que les autorités eurent démoli leurs habitations. Ils n’ont été ni relogés ni indemnisés.
Le cyclone Sidr, qui s’est abattu à la mi-novembre sur certaines régions du sud-ouest du pays, a détruit le logement et les moyens de subsistance de plus d’un million de personnes, et fait plus de 3 000 morts.

Restrictions imposées en vertu de l’état d’urgence
Les dispositions de l’état d’urgence ont restreint la liberté d’association et de réunion, supprimé des garanties constitutionnelles contre l’arrestation arbitraire, et conféré aux forces de l’ordre des pouvoirs étendus en matière d’arrestation. L’interdiction des rassemblements politiques a été partiellement levée au mois de septembre afin de permettre aux partis politiques de préparer le dialogue avec la Commission électorale au sujet des réformes des scrutins. Les membres des partis soutenus par le gouvernement ont été autorisés à se réunir sans restriction tout au long de l’année.
Les garanties d’équité ont été mises à mal par le recours à des tribunaux d’exception qui ont imposé des restrictions sévères aux contacts des avocats avec leurs clients, et privé les personnes inculpées en vertu des dispositions de l’état d’urgence de la possibilité d’être remises en liberté sous caution.


Police et forces de sécurité – torture et morts en détention

Les forces de sécurité, notamment l’armée et les unités paramilitaires déployées en vertu de l’état d’urgence aux côtés de la police, ont commis des violations des droits humains en toute impunité. Elles se sont notamment rendues coupables de torture et d’autres formes de mauvais traitements et, probablement, d’exécutions extrajudiciaires. La police souffrait d’un manque de formation et de matériel ainsi que de l’absence de mécanismes efficaces de contrôle et de responsabilisation. Les membres de l’armée accusés de violations des droits humains n’étaient pratiquement jamais tenus de rendre compte de leurs actes devant les mécanismes judiciaires civils.
 ?Rang Lai Mro, personnalité influente des Chittagong Hill Tracts, a été arrêté le 23 février. Il aurait été torturé par des militaires et a dû recevoir des soins à l’hôpital. Inculpé de détention d’armes, il aurait été condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement. Au mois d’octobre, cet homme aurait une nouvelle fois été interpellé par la police, battu et hospitalisé. Aucune enquête ne semble avoir été ordonnée sur les sévices qui auraient été infligés à Rang Lai Mro.
 ?Sahebullah aurait été arrêté le 16 mai par des membres du Bataillon d’action rapide (RAB) et torturé dans le bureau du directeur de l’hôpital universitaire de Rajshahi. Cet homme aurait eu les jambes brisées. Il avait été interpellé après avoir réclamé qu’un médecin s’occupe de sa femme, laissée sans soins pendant douze heures. Cette dernière est morte le lendemain.
Plus d’une centaine de morts en détention ont été imputées aux forces de sécurité. Aucune mesure ne semble avoir été prise pour traduire en justice les responsables.
 ?Khabirul Islam Dulal, originaire du village de Char Fashion, dans le district de Bohla, a été arrêté le 20 février par des membres de la marine. Il aurait été battu, puis immergé dans un étang, les mains attachées avec une corde, avant d’être de nouveau frappé. Il est mort le soir même.
 ?Cholesh Richil, chef de la communauté indigène garo, est mort le 18 mai alors qu’il était détenu par des membres des Forces conjointes (armée et police). Des éléments solides laissent penser qu’il est mort sous la torture. Trois autres membres de la communauté garo – Tohin Hadima, Piren Simsung et Protap Jambila – arrêtés en même temps que lui auraient également été torturés. Le gouvernement a ordonné l’ouverture d’une information judiciaire sur la mort de Cholesh Richil, mais on ne disposait d’aucune information à la fin de l’année.

Détention arbitraire
Selon certains médias, les autorités ont déclaré que plus de 440 000 personnes ont été arrêtées pour des motifs divers au cours de l’année.
Nombre d’entre elles ont été emprisonnées de manière arbitraire, dans un premier temps en vertu des dispositions de l’état d’urgence. Elles ont ensuite fait l’objet d’ordonnances de mise en détention aux termes de la Loi de 1974 sur les pouvoirs spéciaux. Certains de ces détenus ont été inculpés d’infractions à motivation politique.
Des personnes détenues en vertu de l’état d’urgence ont été accusées d’« extorsion », entre autres activités délictueuses. Parmi elles figuraient plus de 160 personnalités politiques appartenant aux principaux partis, ainsi que des hommes et femmes d’affaires aisés. Des prisonniers détenus sans jugement aux termes des dispositions de l’état d’urgence ou de la Loi sur les pouvoirs spéciaux auraient été torturés ou maltraités.
 ?Shahidul Islam, défenseur des droits humains, a été accusé de meurtre en février sur la base des « aveux » d’un autre détenu dénommé Badrul. Cette accusation a empêché la remise en liberté de Shahidul Islam, dont l’ordonnance de mise en détention aux termes de la Loi sur les pouvoirs spéciaux expirait en février. Badrul est revenu sur ses déclarations devant le tribunal, en affirmant que les policiers l’avaient contraint à mettre en cause Shahidul Islam, mais les poursuites engagées contre ce dernier n’ont toutefois pas été abandonnées. Shahidul Islam, qui aurait été torturé en détention, a été libéré sous caution à la fin du mois d’août.
 ?À la suite d’affrontements qui ont éclaté en août à Dacca et à Rajshahi entre les forces de sécurité et des étudiants qui réclamaient la levée de l’état d’urgence, 10 enseignants des universités de ces deux villes ont été arrêtés. Amnesty International les considérait comme des prisonniers d’opinion. Plusieurs dizaines d’étudiants accusés d’avoir participé aux affrontements ont également été interpellés. Les six enseignants de l’université de Rajshahi ont recouvré la liberté en décembre, mais les quatre enseignants de l’université de Dacca étaient toujours détenus à la fin de l’année.

Liberté d’expression
Les restrictions de grande ampleur pesant sur les médias n’étaient pas strictement appliquées, mais leur maintien renforçait l’autocensure pratiquée par les journalistes et les rédacteurs en chef. Des journalistes ont été menacés d’arrestation s’ils critiquaient l’armée ou les services de renseignement.
 ?À la suite de menaces émanant de groupes islamistes, Arifur Rahman a été arrêté le 17 septembre au sujet d’un de ses dessins, qui utilisait le nom du prophète Mahomet. Inculpé d’« offense aux sentiments religieux », cet homme était considéré comme un prisonnier d’opinion. Il a fait l’objet, aux termes de la Loi sur les pouvoirs spéciaux, d’une ordonnance de mise en détention pour une durée de trente jours, qui a été prolongée de trois mois.

Défenseurs des droits humains
Comme les années précédentes, des défenseurs des droits humains ont été victimes de détentions arbitraires et torturés. Des avocats auraient été menacés d’être arrêtés pour corruption si jamais ils envisageaient d’intervenir dans certaines affaires très médiatisées.
 ?Tasneem Khalil, un journaliste qui travaillait pour le quotidien Daily Star et pour CNN, ainsi que pour Human Rights Watch, a été arrêté le 11 mai. Il aurait été torturé pour avait fourni des informations sur des violations des droits humains, et Amnesty International le considérait comme un prisonnier d’opinion.
 ?Jahangir Alam Akash, journaliste et responsable local de deux organisations de défense des droits humains, a été arrêté le 24 octobre par des agents du RAB à Rajshahi, dans l’ouest du pays. L’organisation le considérait comme un prisonnier d’opinion. Il aurait reçu des décharges électriques, ainsi que des coups de bâton sur la plante des pieds et on l’aurait également suspendu au plafond, les mains attachées. Lorsqu’il a été transféré à l’hôpital de la prison de Rajshahi, il présentait des lésions multiples. L’arrestation de Jahangir Alam Akash a eu lieu à la suite d’un reportage télévisé, diffusé en mai, concernant un homme non armé sur lequel des agents du RAB avaient tiré. Inculpé d’« extorsion », une accusation généralement perçue comme fausse et répondant à des motifs politiques, il a été détenu pendant plus d’un mois avant d’être libéré sous caution.

Système judiciaire
Le gouvernement a pris des mesures pour mettre en œuvre la décision rendue en 1999 par la Cour suprême, qui prévoyait la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, et la modification en conséquence des lois concernées. Le nouveau système est entré en vigueur le 1er novembre. Il semblait toutefois que les magistrats administratifs pourraient conserver certains pouvoirs judiciaires.

Atteintes aux droits humains commises dans le passé
Les demandes se sont multipliées au cours de l’année en faveur de l’ouverture d’enquêtes sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les autres violations graves du droit international humanitaire et relatif aux droits humains commis en 1971. Toutefois, cette année encore, le gouvernement n’a pris aucune initiative pour mettre en œuvre la Loi de 1973 relative aux crimes internationaux (tribunaux). Par ailleurs, aucune commission officielle n’a été désignée pour dresser un bilan global des événements de 1971, déterminer les responsabilités et émettre des recommandations en vue d’accorder réparation aux victimes.

Violences contre les femmes
Comme les années précédentes, des actes de violence contre les femmes ont été signalés, notamment des coups, des agressions à l’acide et des assassinats liés à la dot.
 ?Dans le district de Kushtia, pour le seul mois de juin, les registres de la police et des hôpitaux indiqueraient qu’au moins 19 femmes se sont suicidées, et que 65 autres ont tenté de le faire en raison de violences exercées par leur mari ou d’autres
membres de leur famille.

Peine de mort
Au moins 90 hommes et trois femmes ont été condamnés à mort et six hommes au moins ont été exécutés.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Dacca, à Jessore et à Khulna en mars pour étudier les conséquences de l’état d’urgence sur la situation des droits humains.


Autres documents d’Amnesty International

  • Bangladesh : Death in custody and reports of torture (ASA 13/005/2007).
  • Bangladesh. Amnesty International demande la tenue d’une enquête exhaustive et sans restriction sur les violations commises par les forces de sécurité (ASA 13/011/2007).
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