Macédoine

Les crimes de guerre perpétrés en 2001, ainsi qu’un certain nombre d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, restaient impunis. La réforme de la police et du système judiciaire n’avait guère avancé. Les minorités, en particulier les Roms, étaient toujours victimes de discriminations.

Contexte
Les dissensions entre le chef de l’État et le Premier ministre, entre le gouvernement et les partis politiques représentant la communauté albanaise, ainsi qu’entre ces partis, ont empêché les réformes législatives de progresser. Un certain nombre de responsables politiques albanais ont accusé le gouvernement de ne pas respecter l’Accord d’Ohrid, qui avait mis un terme au conflit interne et avait pour objectif de garantir les droits de la communauté albanaise.
Aucune date n’a été arrêtée pour le début des négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne (UE), car la Macédoine progressait très lentement sur la voie des réformes prévues par l’accord de stabilisation et d’association conclu avec celle-ci. Le Conseil de l’Europe a instamment prié les autorités d’accélérer les réformes en matière de décentralisation, de police, d’indépendance du pouvoir judiciaire et de lutte contre la criminalité organisée et la corruption.

Crimes de guerre et impunité
Le procès de l’ancien ministre de l’Intérieur, Ljube Boškovski, s’est ouvert au mois d’avril devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal). Il a été accusé en 2005 d’atteintes aux lois et coutumes de la guerre, notamment pour ne pas avoir engagé d’enquête sur les agissements de son coaccusé, Johan Tar ?ulovski, « inspecteur d’escorte » au sein du service de sécurité du président de la République, ne pas avoir cherché à s’opposer à ses agissements et ne pas l’avoir sanctionné. Il était reproché à Johan Tar ?ulovski d’être responsable de la mort de sept membres de la communauté albanaise et de l’arrestation et du traitement cruel de plus d’une centaine d’autres, à Ljuboten, en août 2001.
L’adoption du projet de loi sur la coopération avec le Tribunal a pris du retard. Des désaccords ont surgi entre le ministère de la Justice et le procureur général de Macédoine quant à l’autorité compétente pour juger quatre affaires que le Tribunal devait transmettre à la justice macédonienne avant la fin de l’année. Les partis politiques représentant la communauté albanaise s’opposaient pour leur part sur l’application de la loi adoptée en mars 2002, qui accordait une amnistie à toutes les personnes ayant participé au conflit de 2001, à l’exception des individus accusés de crimes de guerre relevant de la compétence du Tribunal.
L’enquête sur la disparition forcée, lors du conflit de 2001, de trois Albanais de Macédoine (Sultan Memeti, Hajredin Halimi et Ruzdi Veliu) n’avait toujours pas avancé.

Torture, autres mauvais traitements et probable exécution extrajudiciaire
Le Comité Helsinki de Macédoine, une ONG de défense des droits humains, a, cette année encore, dénoncé des actes de torture et d’autres mauvais traitements, infligés dans certains cas à des personnes au moment de leur arrestation ou pendant leur détention, et pour lesquels le ministère de l’Intérieur n’avait pas procédé à une enquête conforme aux règles de sa propre procédure interne, au droit national et aux normes internationales. Le projet de loi sur les poursuites intentées par le parquet ne prévoyait pas de délais particuliers limitant la durée des enquêtes et des instructions.
 ?Le 15 février, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les autorités avaient manqué aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme en n’enquêtant pas sur les informations selon lesquelles Pejrushan Jashar, un Rom vivant à Shtip, avait été roué de coups par la police lors de sa garde à vue, en 1998. La Cour a ordonné à la Macédoine de verser 3 000 euros au plaignant, à titre de dommages et intérêts.
L’audition des témoins se poursuivait dans le cadre de l’information judiciaire ouverte en 2005 sur la mort en détention de Sabri Asani, un homme appartenant à la communauté albanaise, qui avait été arrêté en 2000 pour le rôle qu’il aurait joué dans le meurtre de trois policiers.

Groupes d’opposition armés
L’insécurité s’est accentuée dans le pays. Les zones frontalières avec le Kosovo étaient de fait contrôlées par des groupes armés. Le chef d’un poste de police local, Fatmir Halili, Albanais de Macédoine, a été tué et deux autres policiers ont été blessés, le 10 septembre, lors d’une tentative d’arrestation, le long de la frontière avec le Kosovo. Deux membres de la communauté albanaise, Skender Halili et Xheladin Hiseni, ont été tués.
Amnesty International s’est inquiétée en novembre des moyens peut-être excessifs employés par les autorités macédoniennes lors de l’opération Tempête en montagne, dont l’objectif était de capturer des membres de groupes d’opposition armés, et notamment plusieurs hommes qui avaient réussi à s’évader au mois d’août de la prison de Dubrava, au Kosovo, et s’étaient réfugiés dans la zone frontalière. L’un des évadés, Xhavit Morina, qui avait exercé un commandement dans le groupe armé d’opposition appelé Armée nationale albanaise (AKSh), avait été tué peu auparavant, le 1er novembre, près de Tetovo, par des inconnus.
Six personnes ont été tuées et 13 autres arrêtées au cours de l’opération, lors de l’intervention dans le village de Brodec. Selon des témoins cités par le Comité Helsinki de Macédoine, les personnes interpellées auraient été frappées alors qu’elles étaient allongées sur le sol, menottes aux poings. Cinq d’entre elles ont été hospitalisées pendant plusieurs jours. Selon les autorités, elles se seraient rebellées. Une enquête interne menée par le ministère de l’Intérieur a conclu que « les policiers avaient fait un usage approprié, adapté, justifié et nécessaire de leurs armes à feu » et que les personnes arrêtées avaient été blessées parce qu’elles avaient résisté aux forces de sécurité venues les arrêter.


« Guerre contre le terrorisme »

 ?Une commission parlementaire a examiné, le 18 mai, lors d’une séance à huis clos, les déclarations écrites soumises d’une part par le ministère des Affaires intérieures, d’autre part au nom de Khaled el Masri, ressortissant allemand d’origine libanaise. Elle a conclu que les services de sécurité n’avaient pas outrepassé leurs droits, en 2003, en plaçant en détention Khaled el Masri pendant vingt-trois jours dans un hôtel de Skopje, avant de le remettre à des représentants du gouvernement américain à l’aéroport de cette même ville. Le détenu avait ensuite été conduit en Afghanistan, où il avait été torturé. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a estimé en juin que la version des autorités était totalement inacceptable.

Discrimination à l’égard des minorités
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a estimé en mai que la Macédoine n’avait pas respecté ses obligations envers la communauté rom, notamment en matière de citoyenneté, de langue et d’accès aux documents administratifs requis pour bénéficier de certains droits fondamentaux. Le Comité s’est par ailleurs inquiété des problèmes que rencontraient dans le domaine de l’enseignement les enfants des communautés albanaise, turque et rom.
Les autorités macédoniennes étaient en outre peu soucieuses des droits des femmes roms, qui étaient confrontées à une double discrimination, en tant que Roms et en tant que femmes. Du fait de la discrimination pratiquée en matière d’éducation, rares étaient les filles qui parvenaient à terminer leurs études primaires et à accéder à l’enseignement secondaire. Sous-qualifiées, en butte aux comportements discriminatoires des employeurs, elles étaient dans l’impossibilité de trouver du travail dans le secteur formel de l’économie.
De nombreuses femmes d’origine rom ne remplissaient pas les critères ou ne disposaient pas des documents nécessaires pour bénéficier de l’assurance maladie. D’autres n’avaient pas les moyens d’acheter les médicaments les plus essentiels. Les femmes et les jeunes filles roms étaient également confrontées à la discrimination lorsqu’elles tentaient de signaler aux autorités des cas de violences domestiques. Il n’existait en Macédoine aucune loi sanctionnant la discrimination sous toutes ses formes. Les pouvoirs publics auraient commencé en décembre à débattre de l’éventuelle adoption d’un texte de ce type, mais ils ont refusé d’examiner les propositions faites en ce sens par des ONG.

Réfugiés du Kosovo
Il restait environ 1 860 réfugiés en Macédoine. La majorité d’entre eux étaient des Roms et des Ashkalis originaires du Kosovo, qui avaient obtenu l’asile à titre provisoire, pour raisons humanitaires, ou dont les demandes d’asile avaient été rejetées. L’État ne garantissait pas aux réfugiés la jouissance de leurs droits sociaux et économiques. Nombre de ces personnes craignaient d’être expulsées. Les autorités ont toutefois accepté en juin de suspendre toutes les expulsions, en attendant que la question du statut du Kosovo soit résolue.
Violences contre les femmes et les jeunes filles, traite des mineurs
La Macédoine n’avait toujours pas ratifié la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains [Conseil de l’Europe]. Un accord mettant en place des protocoles de protection des mineurs victimes de la traite a été signé en février entre le ministère de l’Intérieur et le ministère du Travail et de la Politique sociale. Ce dernier a en outre signé un accord avec une ONG qui propose un hébergement aux victimes de plus en plus nombreuses du trafic d’êtres humains à l’intérieur même de la Macédoine.


Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Macédoine en décembre.


Autres documents d’Amnesty International

  • Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, July-December 2006 (EUR 01/001/2007).
  • Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s Concerns in the Region, January – June 2007 (EUR 01/010/2007).
  • “Little by little we women have learned our rights” : the Macedonian government’s failure to uphold the rights of Romani women and girls (EUR 65/004/2007).
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