Afrique—Introduction

Soixante ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme

Depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en 1948, le continent a connu de profonds bouleversements. Le processus de décolonisation et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud (politique elle aussi mise en place en 1948) sont allés de pair avec le développement des institutions à l’échelle nationale et un respect accru de l’état de droit. De nombreux pays d’Afrique subsaharienne comptent désormais avec des sociétés civiles dynamiques et des médias indépendants et diversifiés. Malgré ces évolutions significatives, le respect des droits fondamentaux de la personne contenus dans la Déclaration demeure loin d’être une réalité pour tous les Africains.

Le système de défense des droits de la personne en Afrique s’est étoffé grâce à la mise en place au niveau régional d’institutions de protection des droits fondamentaux et à l’adoption de différents traités dans ce domaine. Pourtant, le respect des droits fondamentaux de la personne contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme demeure loin d’être une réalité pour tous les Africains

Un terme a été mis aux conflits armés qui sévissaient de longue date en Angola, dans le sud du Soudan, en Sierra Leone et au Libéria. Les répercussions en matière de droits humains se font toujours sentir cependant, aussi bien en termes de développement économique et social que sur le plan politique. Bien que de nombreux États soient désormais en voie de démocratisation, la lutte acharnée pour le pouvoir est demeurée un aspect important de la vie politique des pays africains, même lorsqu’ils n’étaient pas en proie à un conflit armé.
Les expériences passées témoignaient de la difficulté à trouver des solutions viables et durables aux conflits de la région, en dépit du rôle joué par l’Organisation de l’unité africaine, puis par l’Union africaine, dans la prévention et la résolution de ceux-ci. On ne pouvait que déplorer vivement l’absence de volonté politique de mettre un terme aux violations des droits humains, qui sont bien souvent à l’origine des tensions politiques et des dissensions. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ne s’est pas acquitté de la mission qui était la sienne de suivre la question des droits humains dans les conflits armés sur le continent.
Le système de défense des droits de la personne en Afrique s’est étoffé au fil des décennies grâce à la mise en place au niveau régional d’institutions de protection des droits fondamentaux et à l’adoption de différents traités dans ce domaine. Ainsi, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est-elle entrée en vigueur en 1986 et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine) a-t-elle célébré son vingtième anniversaire en 2007. Cependant, bien que les institutions africaines de défense des droits humains se soient développées de manière significative, notamment avec la création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, la Commission africaine était en permanence confrontée à des obstacles d’ordre financier ou politique. Faute d’un financement approprié de la part de l’Union, elle dépendait de soutiens extérieurs pour subvenir à une bonne partie de ses besoins en personnel. De nombreux États membres se sont par ailleurs révélés peu désireux d’accueillir ses conférences.
Au cours des dernières années, nombreux ont été les pays africains qui se sont montrés réticents à nouer un dialogue constructif avec les institutions internationales de défense des droits humains, notamment avec le Conseil des droits de l’homme mis en place récemment par les Nations unies.
Beaucoup ont calqué leur attitude sur celle d’une poignée de pays résolus à affaiblir l’action de ces institutions. Il existe toutefois des exceptions notables et certains États ont joué un rôle constructif, parfois même courageux, auprès des Nations unies en défendant les victimes de graves violations des droits humains.

À partir du mois de juillet, des centaines de familles du quartier d’Iraque, à Luanda (Angola), ont été expulsées de force lors d’opérations au cours desquelles leurs maisons ont été détruites par l’entreprise de bâtiment Jardim do Éden (« Jardin d’Éden »)… Ces opérations visaient à libérer des terrains pour construire un complexe de logements haut de gamme. Aucune solution de relogement ni indemnité n’a été fournie. En novembre, deux journalistes qui effectuaient un reportage sur le sujet, António Cascais, pigiste pour la radio allemande Deutsche Welle, et Alexandre Neto, de la radio angolaise Despertar, ont été agressés par des membres de la société de sécurité privée et détenus pendant plus de trios heures par la police militaire.

Regard sur 2007
Cette année encore, les droits de nombreux Africains ont été bafoués. Les droits économiques et sociaux n’avaient aucune réalité concrète pour des millions de personnes. Les conflits armés internes qui continuaient de ravager plusieurs États se sont accompagnés de violations patentes des droits humains, notamment d’homicides illégaux et d’actes de torture (y compris de viols). Dans certains pays, nulle forme de dissidence n’était tolérée. Dans de nombreux autres, la liberté d’expression était restreinte et les défenseurs des droits fondamentaux étaient en butte à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement. Les femmes étaient victimes de discrimination généralisée et d’atteintes systématiques à leurs droits fondamentaux. Sur l’ensemble du continent, les auteurs d’atteintes aux droits de la personne humaine jouissaient de l’impunité.

Droits économiques, sociaux et culturels
Malgré l’augmentation de la croissance économique dans de nombreux pays au cours des dernières années, des millions d’Africains n’avaient toujours pas accès aux éléments indispensables à une vie dans la dignité : logement décent, éducation et soins médicaux. L’instabilité politique, les conflits armés, la corruption, le sous-développement et l’insuffisance des investissements dans les services sociaux de base étaient autant de facteurs qui empêchaient de donner une réalité concrète aux droits économiques, sociaux et culturels des hommes, des femmes et des enfants d’Afrique.
L’Afrique australe affichait toujours les taux de contamination au VIH/sida les plus élevés au monde. En Afrique du Sud, la pauvreté constituait un obstacle à l’accès aux soins et aux traitements pour les personnes défavorisées vivant en milieu rural, en particulier pour les femmes. Le droit à la santé de celles-ci était hypothéqué par l’impossibilité physique de se rapprocher des services de soins, par le coût des transports, la pénurie de personnel médical, l’insuffisance des prises alimentaires journalières et les inégalités liées au genre.
Dans un certain nombre de pays, des familles ont été expulsées de force de leur domicile afin de laisser place à des projets d’aménagement ou d’urbanisation. Bien souvent, les gouvernements ne prévoyaient ni indemnisation ni solution de relogement, privant des centaines de milliers d’Africains du droit à un abri et à un logement décent.

L’Union africaine a autorisé le déploiement d’une force de maintien de la paix en Somalie, sans toutefois lui confi er explicitement le mandat de protéger les civils


Conflits armés

Caractérisés par des violations flagrantes des droits humains – exécutions illégales, violences sexuelles et enrôlement de mineurs comme soldats, notamment – les conflits armés chroniques qui rongeaient certains pays avaient des conséquences désastreuses pour les populations civiles. Les déplacements forcés et les morts dues aux maladies et aux famines provoquées par les conflits se sont poursuivis dans des proportions massives.
Les conflits en Somalie et dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) se sont intensifiés au cours de l’année. En janvier, l’Union africaine a autorisé le déploiement d’une force de maintien de la paix en Somalie, l’AMISOM, sans toutefois lui confier explicitement le mandat de protéger les civils. Moins d’un cinquième des 8 000 soldats initialement prévus avaient été déployés à la fin de l’année.
Le Darfour (au Soudan), l’est du Tchad et le nord de la République centrafricaine demeuraient en proie aux affrontements et à une insécurité généralisée. Au Darfour, les groupes armés en présence se sont divisés et ont proliféré, faisant encore reculer la perspective d’une solution politique. En juillet, le Conseil de sécurité des Nations unies a autorisé le déploiement dans cette région du Soudan d’une force hybride composée de 26 000 soldats de la paix de l’Union africaine et des Nations unies. Ce processus a cependant été retardé à la suite d’obstacles dressés par le Soudan et du fait que les États membres des Nations unies n’avaient pas fourni le matériel militaire nécessaire à la mise en place effective de la force. En septembre, le Conseil de sécurité a autorisé l’organisation d’une opération multidisciplinaire au Tchad et en République centrafricaine, ainsi que la présence d’une force militaire européenne. Ces forces n’avaient toutefois pas encore été déployées à la fin de l’année.
Dans le nord du Niger, des affrontements ont éclaté entre les forces gouvernementales et un groupe d’opposition armé touareg. Ces heurts ont été émaillés de violations des droits humains.
Des progrès ont été faits en vue de la résolution de certains conflits : un accord de paix a été signé en mars en Côte d’Ivoire, et les négociations se sont poursuivies afin de mettre un terme au conflit qui secouait le nord de l’Ouganda.
La prolifération des armes légères demeurait un problème majeur. Dans de nombreux cas, les embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité des Nations unies étaient violés ou ne faisaient pas l’objet d’une surveillance suffisante.

Pour certaines affaires, les mécanismes internationaux de justice ont contribué à faire en sorte que les auteurs de crimes au regard du droit international aient à répondre de leurs actes

Impunité
Les policiers et les autres responsables de l’application des lois n’avaient que rarement à rendre compte des graves atteintes aux droits humains – arrestations et détentions arbitraires, mauvais traitements et actes de torture, entre autres – dont ils avaient pu se rendre responsables. L’impunité était la règle dans de nombreux pays, notamment en Angola, au Burundi, en Érythrée, en Guinée équatoriale, au Mozambique et au Zimbabwe. Les forces de l’ordre ont fréquemment fait un usage excessif de la force au Bénin, en Guinée, au Kenya, en Mauritanie, au Nigéria, au Soudan et au Zimbabwe, entre autres. Rares étaient les enquêtes ouvertes sur ces épisodes, même lorsque des personnes trouvaient la mort.
Un dispositif d’amnistie était à l’étude au Burundi et une loi en la matière a été adoptée en Côte d’Ivoire pour les crimes commis lors des conflits armés qui ont divisé chacun des deux pays. Leurs dirigeants respectifs ont toutefois affirmé que les responsables de crimes au regard du droit international ne pourraient bénéficier d’une amnistie. Ni le Burundi ni la Côte d’Ivoire n’ont cependant cherché à enquêter sur les auteurs des graves violations des droits humains perpétrées lors des hostilités ou à traduire ces individus en justice. Au Libéria, les travaux de la Commission vérité et réconciliation s’enlisaient.
Pour certaines affaires, les mécanismes internationaux de justice ont contribué à faire en sorte que les auteurs de crimes au regard du droit international aient à répondre de leurs actes.
En avril, la Cour pénale internationale (CPI) a décerné des mandats d’arrêt à l’encontre de deux hommes impliqués dans le conflit du Darfour : Ali Kushayb, chef des milices janjawids, et Ahmad Muhammad Harun, ministre soudanais des Affaires humanitaires. Tous deux étaient accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le gouvernement soudanais a néanmoins refusé de livrer les accusés à la CPI.
En mai, le procureur de la CPI a annoncé l’ouverture d’une enquête en République centrafricaine. Dans le cadre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui auraient été commis en 2003 dans le district de l’Ituri, en RDC, la CPI a décerné en juillet un mandat d’arrêt à l’encontre de Germain Katanga, qui a par la suite été livré par les autorités du pays. Les responsables de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) mis en accusation par la CPI dans le cadre du conflit en Ouganda, parmi lesquels figurait Joseph Kony, étaient, eux, toujours en fuite.
Les procès se poursuivaient devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda. L’instance avait entamé sa stratégie d’achèvement en proposant de transférer certaines affaires sous la compétence de juridictions nationales, dont celles du Rwanda.
En juillet, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a reconnu trois membres du Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC) coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Deux membres des Forces de défense civile (CDF) ont également été déclarés coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le procès de Charles Taylor, ancien président du Libéria, a été ajourné et devait s’ouvrir en 2008.
L’affaire concernant Hissène Habré piétinait. En 2006, l’Union africaine avait formulé une requête afin que l’ancien chef de l’État tchadien soit jugé au Sénégal au titre de la compétence universelle pour les crimes commis au regard du droit international.

Le 20 septembre, un caporal des Forces de défense populaire de l’Ouganda (UPDF), Geoffrey Apamuko, a été condamné à mort par pendaison pour homicide volontaire. En Ouganda, les tribunaux militaires ont continué d’infliger des sentences capitales et d’ordonner des exécutions de soldats des UPDF. Le nombre exact de soldats exécutés en application du Code de justice militaire demeurait toutefois incertain.

Peine de mort
L’année 2007 a été marquée par un certain nombre de mesures encourageantes concernant l’évolution de la peine de mort, ce qui venait confirmer le fait que les États africains étaient de plus en plus nombreux à devenir abolitionnistes de droit ou de fait. Si la sentence capitale demeurait en vigueur dans plusieurs pays, les exécutions n’ont pas été nombreuses.
Le Rwanda a aboli la peine de mort en juillet. Le Gabon a annoncé en septembre son intention de faire de même – si le Parlement se prononçait en ce sens. En octobre, le Mali a soumis au Parlement un projet de loi relatif à l’abolition de la sentence capitale. Dans plusieurs pays, les condamnations à mort ont été commuées en peines de réclusion à perpétuité, notamment au Congo, au Ghana et en Zambie.
En décembre, l’Assemblée générale des Nations unies a voté une résolution appelant à un moratoire sur l’application de la peine de mort : 17 États africains se sont prononcés en faveur du moratoire et 20 se sont abstenus.
Des exécutions ont cependant eu lieu en Éthiopie, en Guinée équatoriale, en Somalie et au Soudan. En Ouganda, des tribunaux militaires ont ordonné l’exécution de soldats. Les informations recueillies par Amnesty International en 2007 ont révélé qu’au moins sept exécutions avaient eu lieu au cours de l’année précédente au Nigéria, alors que des représentants du gouvernement avaient officiellement déclaré qu’aucune peine capitale n’avait été appliquée dans le pays ces dernières années.

Une jeune fille de quatorze ans qui vivait dans le camp pour personnes déplacées d’Aradip, dans la région du Dar Sila (Tchad), a été capturée et violée par plusieurs hommes armés après avoir quitté le camp tôt le matin pour aller chercher du bois, le 30 avril.

Violences contre les femmes et les jeunes filles
Même si certains pays ont renforcé leur arsenal juridique dans ce domaine, peu de choses ont été dans l’ensemble entreprises pour lutter contres les violences à l’égard des femmes. Le Ghana et la Sierra Leone ont adopté des lois sur la violence domestique. En Sierra Leone, cependant, un projet de loi relatif aux droits de l’enfant n’a été approuvé qu’après suppression des dispositions érigeant en infraction pénale les mutilations génitales féminines.
Au Kenya, qui a adopté en 2006 la Loi relative aux infractions à caractère sexuel, au Libéria, qui s’est lui aussi doté en 2006 d’une nouvelle loi sur le viol, et en Afrique du Sud, où la Loi sur les infractions à caractère sexuel et aspects connexes portant modification du Code pénal a été promulguée en décembre, des femmes et des jeunes filles ont été victimes de violences généralisées, y compris de viols. Au Nigéria, un projet de loi visant à incorporer dans le droit nigérian la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes [ONU] n’a pas été adopté par le Parlement fédéral, alors que le pays avait ratifié la Convention depuis vingt-deux ans. De plus, un projet de loi relatif à la violence domestique a été rejeté au niveau fédéral, bien que différents États, dont celui de Lagos, aient adopté des dispositions similaires.
Les violences sexuelles demeuraient très répandues lors des conflits, entraînant des conséquences à vie pour les femmes et les jeunes filles qui en étaient victimes. Un grand nombre d’entre elles ne bénéficiaient pas de soins médicaux et psychologiques adaptés et n’avaient pas accès à la justice. Les auteurs de violences contre les femmes, y compris de viol, jouissaient presque toujours de l’impunité. De nombreux éléments attestaient le fait que les femmes et les jeunes filles qui avaient subi des violences sexuelles durant les conflits armés et au lendemain de ceux-ci au Burundi, en Côte d’Ivoire, en Ouganda et en Sierra Leone n’avaient pas obtenu réparation. Bien souvent, ces victimes subissaient l’opprobre, se voyant encore davantage mises à l’écart.
En juillet, les soldats chargés du maintien de la paix dans le cadre de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) ont été accusés d’agressions sexuelles généralisées à l’encontre de femmes et de jeunes filles.
Ces allégations ont fait l’objet d’une enquête des Nations unies et du Maroc – des soldats marocains étaient visés par les accusations. Les résultats des investigations n’avaient pas été rendus publics à la fin de l’année.
Dans l’est du Tchad, les femmes et les jeunes filles déplacées en raison du conflit risquaient d’être victimes de viol ou d’autres formes de violence sexuelle lorsqu’elles sortaient des camps de personnes déplacées. Il en allait de même au Darfour, où les femmes et les jeunes filles étaient susceptibles de subir des violences sexuelles lorsqu’elles quittaient les camps pour aller chercher du bois et de l’eau ou pour se rendre au marché. Par crainte de représailles, les femmes s’abstenaient bien souvent de signaler aux autorités les violences sexuelles dont elles avaient été victimes.
Cette année encore, de nombreux viols et d’autres formes de violence sexuelle ont été signalés en RDC, en particulier dans l’est du pays. Parmi les auteurs présumés figuraient des soldats et des policiers, ainsi que des membres de différents groupes armés. Certains de ces groupes ont enlevé des femmes et des jeunes filles et les ont réduites en esclavage sexuel. De nombreuses informations ont fait état de viols commis dans le cadre du conflit en Somalie par des soldats éthiopiens, des membres des forces du gouvernement fédéral de transition et des hommes armés.
Au Malawi, des fillettes et des jeunes garçons, âgés parfois d’à peine dix ans, travaillaient dans des exploitations agricoles. En Mauritanie, vingt-six années après son abolition officielle, l’esclavage a été érigé en infraction pénale car certains éléments laissaient penser que les pratiques esclavagistes n’avaient pas disparu.

Réfugiés, demandeurs d’asile et migrants
Souvent au péril de leur vie, des centaines de milliers d’Africains ont franchi les frontières de leur pays en quête de protection ou d’un niveau de vie suffisant.
Des milliers de personnes ont tenté de fuir le conflit armé en Somalie et de gagner le Kenya. En janvier, les autorités de ce pays ont cependant fermé leur frontière avec la Somalie, en violation du droit international relatif aux réfugiés. Le Kenya a de plus renvoyé de force en Somalie des centaines de demandeurs d’asile. Des dizaines de milliers de personnes ont fui le conflit armé et les violences secouant le Darfour et la République centrafricaine et se sont réfugiées dans les pays voisins, en particulier au Tchad. Un grand nombre d’entre elles n’ont pas bénéficié d’une aide humanitaire adaptée.
Au cours de l’année, la Tanzanie a procédé à de nouvelles expulsions de personnes originaires du Rwanda, du Burundi et de la RDC qu’elles accusaient d’être des immigrés clandestins, alors même que beaucoup d’entre elles avaient sollicité – et pour certaines obtenu – le statut de réfugié. Les autorités ougandaises ont présenté comme volontaire le retour au Rwanda de 3 000 réfugiés et demandeurs d’asile originaires de ce pays. Ceux-ci étaient toutefois nombreux à affirmer qu’ils avaient fait l’objet d’un renvoi forcé. Des demandeurs d’asile et des réfugiés ont été expulsés en Érythrée par le Soudan et le Royaume-Uni, en violation des principes directeurs émis par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Des milliers de Congolais présents dans le nord de l’Angola ont été violemment expulsés vers la RDC. Un grand nombre de femmes auraient été violées par des soldats angolais au cours de l’opération.

Les répercussions de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis se sont fait de plus en plus sentir dans la Corne de l’Afrique et dans d’autres régions du continent

« Guerre contre le terrorisme »
Les répercussions de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis se sont fait de plus en plus sentir dans la Corne de l’Afrique et dans d’autres régions du continent. En janvier, les autorités kenyanes ont arrêté au moins 140 personnes qui tentaient de pénétrer dans le pays depuis la Somalie. Plus de 80 d’entre elles, détenues au secret sans inculpation ni jugement en raison de leurs liens présumés avec le Conseil des Tribunaux islamiques somaliens (COSIC) ou, pour certaines, avec Al Qaïda, ont été transférées de manière illégale vers la Somalie, puis vers l’Éthiopie. À la fin de l’année, plus de 40 se trouvaient toujours au secret dans des lieux de détention clandestins en Éthiopie.
En Mauritanie, un certain nombre de personnes, dont plusieurs n’étaient pas de nationalité mauritanienne, ont été arrêtées car elles étaient soupçonnées d’appartenance à une cellule liée à Al Qaïda. En juin et en juillet, 14 hommes accusés d’appartenir au Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, groupe armé actif en Algérie) ont été jugées en Mauritanie.
À la suite de sa visite en Afrique du Sud, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste s’est déclaré préoccupé par le fait que des migrants pouvaient être maintenus en détention durant une période de trente jours ou davantage, sans examen judiciaire obligatoire. Il déplorait également le fait que les autorités ne respectaient pas le principe de non-refoulement, dans les affaires de terrorisme présumé, mais pas uniquement.

En février, en Guinée, les gardes présidentiels ont arrêté deux personnes travaillant pour la radio FM Liberté, dont ils ont saccagé les studios. Les soldats ont accusé la station d’avoir diffusé des interviews critiques à l’égard du président Lansana Conté. L’un des employés, David Camara, a été interpellé par des membres des forces de sécurité, qui l’ont menacé de mort et ont écrasé une cigarette allumée sur son cou. Il a été libéré sans condition deux jours plus tard.

Défenseurs des droits humains et répression de la dissidence
Dans de nombreux pays d’Afrique, exprimer un point de vue indépendant ou critique s’avérait toujours dangereux. Les groupes d’opposition politique, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants et la société civile dans son ensemble étaient exposés à la répression des autorités.
Le champ d’action des défenseurs des droits humains demeurait restreint dans de nombreux pays, notamment en Angola, en Érythrée, en Gambie et au Rwanda. Dans certains pays, les défenseurs eux-mêmes étaient en danger, et en bien des endroits, ils étaient victimes de manœuvres d’intimidation et de harcèlement, notamment par le biais de placement sous surveillance ou d’arrestations.
Au Zimbabwe, de nombreuses défenseures des droits humains ont été arrêtées lors de manifestations pacifiques et beaucoup ont été brutalisées par des policiers au cours de leur détention. En RDC, une défenseure des droits humains a été violée par un agent des services de sécurité alors qu’elle visitait un centre de détention. Les filles d’une autre militante ont été agressées chez elles par des soldats qui leur ont fait subir des violences sexuelles.
Des défenseurs des droits humains ont été arrêtés au Soudan ; certains auraient été torturés par le Service de la sécurité nationale et du renseignement. En Éthiopie, deux éminents défenseurs des droits humains ont été condamnés, en décembre, à l’issue d’un procès inique, à une peine de deux années et huit mois d’emprisonnement. Un militant de premier plan a été assassiné en Somalie. En RDC, les défenseurs des droits humains demeuraient en butte à des agressions et à des menaces de mort, qui étaient essentiellement le fait d’agents de l’État.
La marge de manœuvre des militants des droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres était particulièrement limitée. En Afrique du Sud, au Cameroun, au Nigéria et en Ouganda, ils étaient la cible d’attaques lancées par différents groupes de la société à la suite de leurs actions de défense et de promotion de leurs droits fondamentaux.
Des individus considérés comme des prisonniers politiques ou des prisonniers d’opinion étaient détenus au Congo, en Érythrée, en Éthiopie, en Guinée équatoriale, au Niger et dans la République autoproclamée du Somaliland (Somalie).
Dans un grand nombre de pays, la presse indépendante ne pouvait travailler sans entraves et le droit à la liberté d’expression était bafoué, notamment par des lois visant à restreindre les activités des médias et par le recours aux arrestations arbitraires de journalistes. En Somalie et en RDC, des journalistes ont été victimes d’assassinat parce qu’ils avaient simplement exercé leur métier.
Des centaines de personnes ont été tuées ou blessées au début de l’année en Guinée lors de la répression violente par les forces de sécurité des manifestations organisées par les syndicats. Le gouvernement a décrété l’état de siège et transféré aux militaires des pouvoirs normalement exercés par les autorités civiles. Au Zimbabwe, des centaines de défenseurs des droits humains et de membres de l’opposition ont été la cible d’une répression violente alors qu’ils exerçaient leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.
Au Nigéria, les élections d’avril ont été entachées de graves irrégularités et émaillées de violences. Des électeurs, ainsi que des candidats et leurs sympathisants, ont été menacés et agressés par leurs opposants et par des groupes armés à la solde de responsables politiques. Au Kenya, des policiers ont abattu des dizaines de personnes qui participaient aux manifestations organisées au lendemain des élections générales de décembre.

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