La situation des défenseurs des droits humains restait précaire, comme l’illustre le cas des Éthiopiens Daniel Bekele et Netsanet Demissie. Détenus depuis novembre 2005 et considérés par Amnesty International comme des prisonniers d’opinion, ces deux hommes n’ont été remis en liberté qu’en mars 2008. Les éléments positifs concernant la question de l’impunité en RDC ne sauraient faire oublier l’intensification de la violence dans plusieurs conflits armés. Des troubles ont éclaté à l’occasion de la tenue d’élections, également marquées par de graves violations des droits humains.
Les populations prises au piège des conflits
En Somalie, toutes les parties impliquées dans le conflit ont continué à commettre des atteintes aux droits humains et à perpétrer des violations du droit international humanitaire. Torture et autres mauvais traitements, viols, exécutions extrajudiciaires, détentions arbitraires et attaques contre les populations et les infrastructures civiles étaient toujours monnaie courante.
Le 14 mars, le secrétaire général de l’ONU a présenté son rapport au Conseil de sécurité et souligné la nécessité de plans de circonstance en prévision du déploiement éventuel d’une opération de maintien de la paix des Nations unies pour succéder à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). Le Conseil de sécurité de l’ONU a prorogé, le 29 avril, le mandat du groupe chargé d’enquêter sur les violations de l’embargo sur les armes.
Au Tchad, des groupes armés d’opposition ont lancé une offensive majeure sur N’Djamena le 1er février. Les violents combats se sont prolongés trois jours durant, faisant plusieurs centaines de victimes parmi les civils. Des milliers de personnes ont fui la capitale et se sont réfugiées au Cameroun. À la suite de cette attaque, des membres de partis politiques d’opposition, des journalistes et des défenseurs des droits humains ont été harcelés et persécutés par les autorités. Des exécutions extrajudiciaires, des expulsions forcées et des cas de violences sexuelles ont par ailleurs été signalés à N’Djamena.
Le conflit armé, émaillé de heurts intercommunautaires, s’est poursuivi dans l’est du Tchad, où quelque 9 000 Soudanais se sont par ailleurs réfugiés en février, fuyant les attaques menées par l’armée soudanaise contre leurs villages du Darfour.
La situation au Darfour reste très instable. À la suite de l’occupation du corridor nord du Darfour occidental par le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE), les forces armées soudanaises ont lancé, en février, une opération militaire dans cette région contre les villages de Sirba, Abu Suruj, Silia et Saraf Jidad. Plus de 115 personnes ont trouvé la mort et quelque 30 000 autres ont dû quitter leur foyer. Des affrontements entre l’armée gouvernementale et le MJE ont également eu lieu dans le Darfour septentrional, où l’on a aussi recensé deux attaques de milices janjawids contre des villages. Le 10 mai, les forces du MJE auraient lancé une offensive contre une base aérienne de l’armée située à proximité de Khartoum, et des opérations militaires se seraient déroulées à Omdurman (Grand Khartoum). Un grand nombre de personnes associées à l’opposition armée ont été arrêtées à la suite de cette attaque.
L’intervention de la Mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD) est restée limitée jusqu’à présent et n’a pas produit de changement notable. La Mission est confrontée à des problèmes de logistique et de pénurie de matériel militaire. Au 31 mars 2008, la MINUAD comprenait 9 213 militaires, dont 137 observateurs, et recevait le soutien de 129 volontaires des Nations unies.
Toujours au Soudan, la tension entre les différentes parties présentes à Abyei est récemment montée d’un cran avec l’arrivée sur place de l’administrateur du Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS), Edward Lino. Le parti du Congrès national a accusé le MPLS d’avoir violé l’accord nord-sud en procédant unilatéralement à la nomination d’un gouverneur. L’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et les forces armées soudanaises se sont depuis mutuellement accusées de procéder au renforcement de leurs troupes.
En République démocratique du Congo (RDC), la situation restait extrêmement tendue au Nord-Kivu, malgré la tenue d’une conférence de paix et la signature, le 23 janvier, par les groupes armés congolais opérant dans la région, d’un « acte d’engagement ». Conclu sous les auspices de la communauté internationale (États-Unis, Union européenne et Union africaine), cet accord prévoyait l’arrêt immédiat des actions armées ainsi que des violences contre les civils et du recrutement d’enfants soldats. La mission d’Amnesty International qui s’est rendue dans le Nord-Kivu en février a toutefois recueilli des éléments indiquant que les groupes armés continuaient à recruter et à utiliser massivement des mineurs, d’une part, et que les forces gouvernementales, d’autre part, maintenaient toujours illégalement en détention des enfants soldats capturés, contre lesquels elles se livraient à des actes de torture. Les délégués ont également constaté que toutes les forces armées présentes dans la province continuaient à commettre des violations graves des droits humains, notamment des violences sexuelles, des homicides de civils, des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
Un grand nombre de personnes ont été tuées en février et en mars lors d’opérations des forces de sécurité destinées à rétablir l’ordre public au Bas-Congo. Les troubles persistants dans cette province apparaissent comme la conséquence directe de l’inaction des autorités, qui n’ont pas ouvert d’enquête sur des cas de recours excessif à la force et d’exécution extrajudiciaire commis par les forces de sécurité en janvier 2007, ni poursuivi en justice les auteurs présumés de ces actes.
Violences électorales
Au Kenya, plus d’un millier de personnes auraient trouvé la mort lors des violences politico-ethniques et de l’intervention policière qui ont suivi l’annonce des résultats – contestés – des élections générales du 27 décembre 2007. Selon les estimations de l’ONU, plus de 500 000 personnes ont dû quitter leur foyer en raison de ces troubles. Des milliers sont toujours déplacées et quelque 12 000 se seraient réfugiées en Ouganda. La situation s’est apaisée après la médiation politique parrainée par l’Union africaine et menée par l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Un gouvernement d’union nationale a été nommé.
Un mois après les élections générales au Zimbabwe, la commission électorale n’avait toujours pas rendu publics les résultats du scrutin. La période post-électorale a été marquée par la montée des violences, dirigées notamment contre des sympathisants du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition). Les représailles ont été déclenchées en particulier dans les zones rurales et les banlieues défavorisées, où le MDC aurait remporté plus de voix que l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF, au pouvoir). À la fin avril, on dénombrait plus de 500 personnes qui avaient dû recevoir des soins pour des blessures consécutives à des actes de torture ou des passages à tabac, ou subies lors de l’incendie de leur maison.
Le 25 avril, la police a effectué une descente dans les locaux du MDC à Harare et arrêté plus de 300 personnes, parmi lesquelles un certain nombre s’étaient réfugiées là pour échapper aux violences perpétrées par les sympathisants de la ZANU-PF et les soldats. Trente-cinq enfants figuraient au nombre des quelque 215 personnes conduites au commissariat central d’Harare. Le plus âgé d’entre eux avait onze ans. Environ 180 d’entre elles auraient été remises en liberté après que le MDC eut obtenu, le 28 avril, une décision de la Haute Cour ordonnant leur libération. D’après la police, certaines des personnes arrêtées avaient commis des actes de violence dans des zones rurales et s’étaient réfugiées à Harare.
Accusés d’avoir commis des violences, environ 25 autres sympathisants du MDC ont été interpellés après l’appel à la grève générale lancé par le mouvement pour le 15 avril, en signe de protestation contre le retard apporté à la publication des résultats des élections.
Défenseurs des droits humains
Les violences au Zimbabwe ont renforcé la peur de l’arrestation dans laquelle vivent constamment les défenseurs des droits humains de ce pays. Plusieurs journalistes ont été interpellés après les élections et détenus durant quelques jours. Le 25 avril, des membres de la police judiciaire du Zimbabwe ont effectué une descente dans les locaux du Réseau de soutien aux élections du Zimbabwe (ZESN). Ils étaient munis d’un mandat de perquisition les autorisant à saisir du « matériel subversif susceptible de provoquer le renversement d’un gouvernement élu conformément à la Constitution ». Pour le ZESN, il s’agit là d’une tentative visant à mettre l’organisation hors d’état d’agir, afin qu’elle ne puisse observer un éventuel second tour de l’élection présidentielle.
Justice internationale – impunité
Recherché pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en 2002 et 2003 dans le district de l’Ituri, en République démocratique du Congo, Mathieu Ngudjolo a été remis à la Cour pénale internationale (CPI) en février. Trois Congolais – des commandants de groupes armés de l’Ituri – mis en cause par la CPI sont désormais détenus à La Haye. En avril, la CPI a rendu public un mandat d’arrêt contre un quatrième homme, Bosco Ntaganda, recherché pour avoir enrôlé des enfants soldats et les avoir fait participer à des hostilités en Ituri entre juillet 2002 et décembre 2003. Cet homme est toujours en liberté. Il figure parmi les hauts responsables du Congrès national pour la défense du peuple, le groupe armé de Laurent NKunda opérant dans le Nord-Kivu, qui est également accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.