Contexte
Le PPC détenait plus de 98 p. cent des sièges de chefs de commune à l’issue des élections municipales du mois d’avril. Lors du scrutin, qui s’est, pour l’essentiel, déroulé dans le calme, la formation au pouvoir a remporté plus de 70 p. cent de la totalité des sièges en lice, tandis que la principale force d’opposition, le Parti de Sam Rainsy, s’en adjugeait 23,4 p. cent. Affaibli par une scission interne et par la condamnation à dix-huit mois d’emprisonnement pour « abus de confiance » de son ancien dirigeant, aujourd’hui en exil, le prince Norodom Ranariddh, le Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif (FUNCINPEC), allié du PPC au sein de la coalition gouvernementale, s’est effondré, avec seulement 2,4 p. cent des sièges.
Système judiciaire
Le Conseil suprême de la magistrature a adopté le 5 février le Code d’éthique à l’intention des juges. Un nouveau Code de procédure pénale a été promulgué en août, un mois environ après l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile. Toutefois, ni la loi de lutte contre la corruption, considérée comme une priorité par la communauté des donateurs internationaux, ni le nouveau Code pénal n’avaient été adoptés à la fin de l’année.
La présidente de la Cour d’appel a été démise de ses fonctions, une enquête du ministère de l’Intérieur ayant établi qu’elle avait accepté une somme équivalant à un peu plus de 20 000 euros en échange de la libération de deux hommes condamnés pour des faits de trafic. Elle a été remplacée par You Bunleng, l’un des juges d’instruction des CETC. Le représentant spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge et le rapporteur spécial chargé de la question de l’indépendance des juges et des avocats ont tous deux dénoncé la manière dont cette nomination avait été faite, estimant qu’elle était contraire à la Constitution.
Le système judiciaire restait défavorable aux pauvres et aux personnes marginalisées. Des cas d’atteinte au principe de la présomption d’innocence, de corruption et de non-respect grave de la loi ainsi que des signes témoignant d’un manque d’indépendance sont apparus lors de procès. Les travaux de suivi menés par le Centre pour le développement social dans les tribunaux ont montré que les « aveux » sous la contrainte (coups, menaces, etc.) étaient toujours aussi fréquents.
?Reconnus coupables, en 2004, du meurtre du dirigeant syndicaliste Chea Vichea, à l’issue d’un procès contraire à toutes les normes d’équité, Born Samnang et Sok Sam Oeun ont vu leur condamnation à vingt ans d’emprisonnement confirmée en avril, alors même que le procureur demandait l’ouverture d’une nouvelle enquête sur cette affaire.
Les CETC ont commencé à travailler en juin 2007. Leurs règles de fonctionnement internes avaient enfin été adoptées, mettant ainsi fin au désaccord qui opposait les juges cambodgiens et étrangers et permettant la mise en route des procédures d’instruction et des procès. Cinq suspects étaient à la disposition des CETC à la fin de l’année, dont l’ancien chef de l’État, Khieu Samphan, et Nuon Chea, également appelé « frère numéro deux ». Ces cinq personnes étaient toutes inculpées de crimes contre l’humanité, et trois d’entre elles en outre de crimes de guerre. Une première audience s’est tenue en novembre devant la chambre préliminaire. Les procès devraient débuter en 2008.
Homicides
Hy Vuthy, secrétaire du Syndicat libre des travailleurs dans l’usine où il était employé, a été tué par balle le 24 février. Il s’agissait du troisième responsable de cette organisation tué depuis 2004.
Expulsions
Pendant l’année 2007, des milliers de personnes ont été expulsées de chez elles dans le cadre de projets immobiliers ou de spoliations et ont perdu leurs terres, leurs maisons et leurs moyens de subsistance. Les pouvoirs publics n’ont pas respecté dans ces affaires les obligations qui étaient les leurs, au regard de la législation internationale, de garantir le droit de chacun à un logement décent et d’empêcher que des personnes ne soient expulsées.
On estimait à environ 150 000 le nombre de Cambodgiens menacés d’expulsion. Parmi eux figuraient plus de 20 000 personnes habitant les rives du lac Boeung Kak, à Phnom Penh. Les habitants des bords de ce lac ont en effet été informés en février que les terres qu’ils occupaient avaient été louées à un promoteur par la municipalité, avec un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans, sans que les personnes concernées aient été consultées au préalable.
Les habitants de plusieurs quartiers de la capitale ont été expulsés et réinstallés sur des sites dépourvus des infrastructures les plus élémentaires, notamment sans eau, sans électricité et sans assainissement. Pour nombre de ces personnes, le déplacement vers ces nouveaux lieux d’habitation, éloignés de leur ancien lieu de résidence et de la ville, s’est traduit par la perte de leurs moyens de subsistance.
?Le village de Chong Chruoy, situé à la périphérie de Phnom Penh, a été entièrement rasé par les forces de sécurité lors d’une opération menée le 2 novembre avant l’aube. Les 132 familles qui l’occupaient, et qui vivaient essentiellement de la pêche, ont été réinstallées de force à quelque vingt-cinq kilomètres à l’intérieur des terres.
Défenseurs des droits humains
Des centaines de personnes ont manifesté pour tenter de conserver leurs terres et leurs maisons. Plusieurs rassemblements non violents ont été dispersés par des agents de la force publique, notamment à Phnom Penh, Koh Kong, Ratanakiri et Banteay Meanchey.
Un certain nombre de militants en lutte pour la reconnaissance des droits à la terre ont été emprisonnés en raison de leurs activités, souvent pour avoir, selon les autorités, détruit des biens privés installés sur des terrains contestés dont ils estimaient être les propriétaires légitimes. D’autres personnes, notamment des avocats qui leur apportaient un soutien juridique, ont été inculpées d’incitation à commettre des délits en raison de leur action en faveur des droits humains.
?Le 20 avril, les forces de sécurité ont expulsé plus d’une centaine de familles de Mittapheap 4, un village qui fait partie de Sihanoukville. Elles ont incendié 80 maisons et en ont détruit 20 autres. Treize hommes ont été arrêtés et jugés en juillet pour le rôle qu’ils auraient joué dans ces violences.
Neuf d’entre eux ont été reconnus coupables et condamnés à des peines d’emprisonnement légères, bien que l’accusation n’ait produit aucun élément susceptible d’établir un lien entre eux et les faits dont ils étaient accusés. Dans l’attente du jugement en appel, demandé par l’accusation, ces personnes n’ont pas été remises en liberté même après avoir purgé la peine à laquelle elles avaient été condamnées en première instance. Elles se trouvaient de fait en détention arbitraire à la fin de l’année.
?Le 21 juin, une plainte a été déposée au pénal contre 10 avocats défenseurs des droits humains, collaborateurs de deux ONG de premier plan, qui apportaient une aide juridique à un groupe de personnes de l’ethnie indigène jaraï, dans le but de les aider à conserver la propriété collective de leurs terres. Le plaignant aurait acquis 450 hectares de terres jaraï, en contravention avec la Loi de 2001 sur la propriété foncière et contre la volonté de la communauté locale. À la fin de l’année, l’information ouverte contre ces 10 avocats était en cours et le conflit concernant ces terres n’était pas réglé.
L’ONG internationale Global Witness a publié en juin un rapport selon lequel de hauts responsables gouvernementaux et militaires seraient impliqués dans des activités illégales graves liées à des opérations illicites d’exploitation forestière. Ce rapport a été censuré par les autorités et la presse dans son ensemble aurait été fermement invitée à ne pas reprendre les informations qu’il contenait. Des membres de Global Witness ont fait l’objet de menaces et deux journalistes qui avaient enquêté sur cette affaire ont dû fuir à l’étranger.
Réfugiés et demandeurs d’asile
Le moine bouddhiste Tim Sakhorn a disparu en juin, après avoir été relevé de sa charge par le patriarche suprême des bouddhistes pour avoir, selon ce dernier, porté atteinte aux relations entre le Cambodge et le Viêt-Nam.
Responsable d’un monastère de la province de Takeo et membre de la minorité khmère krom qui vit dans le sud du Viêt-Nam, Tim Sakhorn résidait au Cambodge depuis 1979 et détenait la double nationalité. Il avait accueilli et nourri des moines bouddhistes khmers kroms qui avaient fui le Viêt-Nam. Il aurait été enlevé et expulsé par les autorités cambodgiennes, qui auraient agi en violation des obligations qui sont les leurs aux termes du droit international (voir Viêt-Nam).
D’autres personnes de nationalité vietnamienne ont été renvoyées du Cambodge. C’est notamment le cas de Le Tri Tue, un militant favorable à l’instauration de la démocratie qui demandait l’asile. Il a disparu au mois de mai. On a appris quatre mois plus tard qu’il se trouvait en détention au Viêt-Nam, où il était sous le coup d’une inculpation.
Plus de 200 ressortissants vietnamiens appartenant aux minorités collectivement désignées sous le nom de Montagnards ont franchi la frontière, depuis les hauts plateaux du centre du Viêt-Nam, pour chercher refuge dans le nord-est du Cambodge. Craignant d’être arrêtés et renvoyés de force chez eux, où ils risquaient d’être persécutés, certains d’entre eux se sont cachés dans la forêt, avant de solliciter l’asile dans le cadre de la procédure prévue par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Autres documents d’Amnesty International
- Extraordinary Chambers in the Courts of Cambodia : Recommendations to address victims and witnesses issues in the Internal Rules effectively (ASA 23/001/2007).
- Cambodge. Il est temps de rétablir la justice dans l’affaire Chea Vichea (ASA 23/004/2007).
- Cambodge. Il faut mettre un terme aux expulsions forcées (ASA 23/008/2007).