ANGOLA

Plusieurs personnes ont été arrêtées et accusées de crimes contre l’État, dont certaines sont restées en détention sans avoir été jugées. Deux prisonniers d’opinion et plusieurs autres détenus susceptibles d’être considérés comme tels ont été reconnus coupables d’atteintes à la sûreté de l’État. Les évictions forcées se sont poursuivies. Plusieurs manifestations planifiées ont été interdites de manière arbitraire. Des policiers ont été traduits en justice dans au moins une affaire d’exécution extrajudiciaire mais, cette année encore, la police s’est rendue coupable de violations des droits humains. Malgré un accord conclu entre l’Angola et la République démocratique du Congo (RDC) pour mettre fin aux expulsions réciproques massives menées par les deux pays, l’Angola a continué d’expulser des ressortissants congolais. Ces opérations ont été marquées par des atteintes aux droits fondamentaux.

RÉPUBLIQUE D’ANGOLA
CHEF DE L’ÉTAT : José Eduardo dos Santos
CHEF DU GOUVERNEMENT : António Paulo Kassoma
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 19 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 48,1 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 220 / 189 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 69,6 %

Contexte

Le 8 janvier, l’équipe de football du Togo a été attaquée dans la province de Cabinda alors qu’elle se rendait à la Coupe d’Afrique des nations, compétition organisée en Angola. L’attaque a fait deux morts et plusieurs blessés. Le Front de libération de l’État de Cabinda / Position militaire (FLEC/PM), une faction du FLEC, a revendiqué l’attentat en précisant qu’il ne visait pas les joueurs de la sélection togolaise mais uniquement les Forces armées angolaises (FAA) qui les escortaient. Quelques jours plus tard, une autre faction du FLEC, les Forces armées de Cabinda (FLEC-FAC), en aurait aussi revendiqué la responsabilité. Deux hommes soupçonnés d’avoir mené cette attaque, João António Puati and Daniel Simbai, ont été arrêtés. João António Puati a été déclaré coupable et condamné à 24 années d’emprisonnement, tandis que Daniel Simbai a été acquitté. Au moins 14 autres personnes ont été interpellées à la suite de cet épisode, sans toutefois être directement accusées d’y avoir participé. La province de Cabinda a été le théâtre d’autres attaques perpétrées par le FLEC en 2010.
Le Parlement a adopté en janvier une nouvelle Constitution prévoyant l’élection du président par l’Assemblée nationale. Le texte était par ailleurs rédigé de manière à permettre au président José Eduardo dos Santos, au pouvoir depuis plus de 30 ans, d’effectuer deux mandats supplémentaires de cinq ans. Le poste de Premier ministre était remplacé par celui de vice-président, choisi par le chef de l’État.
En septembre, l’ordre des avocats angolais a demandé à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la légalité de l’article 26 de la Loi relative aux atteintes à la sûreté de l’État, qui disposait que tout acte non prévu par ladite loi, qui menaçait ou risquait de menacer la sûreté de l’État, était passible de sanctions. En décembre, la Cour a jugé qu’elle n’était pas tenue de statuer sur cette question, le Parlement ayant adopté en novembre une nouvelle Loi relative aux atteintes à la sûreté de l’État. Ce nouveau texte abrogeait l’article 26 de l’ancienne loi mais érigeait en infraction pénale le fait d’insulter la République, le président ou tout organe de l’État exerçant un pouvoir.
La situation des droits humains dans le pays a été évaluée en février dans le cadre de l’examen périodique universel des Nations unies. En septembre, l’Angola a remis son rapport au Comité des droits de l’enfant [ONU].

Droit à un logement convenable – expulsions forcées

En octobre, le président dos Santos a réaffirmé la volonté du gouvernement de donner aux familles an¬golaises la possibilité d’acquérir leur propre logement. En novembre, il a lancé un projet de réhabilitation des bidonvilles. Malgré ces initiatives, les expulsions forcées se sont poursuivies dans la capitale, Luanda. Des opérations de grande ampleur ont eu lieu dans la province de Huíla et la menace d’expulsion planait également sur les habitants d’autres régions.

  • En mars, plus de 3 000 logements situés le long d’une voie ferrée à Lubango, dans la province de Huíla, ont été démolis pour permettre la réalisation de travaux de rénovation de la ligne ferroviaire. Au moins deux enfants sont morts pendant les expulsions, l’un sous la chute de débris et l’autre du fait apparemment de la médiocrité de ses conditions de vie après les démolitions. Les personnes expulsées ont été déplacées à Tchavola, quartier situé en périphérie de Lubango, où elles se sont retrouvées sans accès à de l’eau propre ou à des services de base et exposées à des conditions météorologiques extrêmes. Seules 600 tentes ont été distribuées pour l’ensemble des familles. En avril, les autorités de la province de Huíla ont présenté des excuses pour les démolitions. Toutefois, des informations ont fait état de nouvelles expulsions forcées à Lubango en août et en septembre.

Homicides illégaux

En mars, sept policiers ont été reconnus coupables d’avoir tué huit jeunes gens en juillet 2008 dans le secteur de Largo da Frescura, à Luanda, et condamnés à 24 ans d’emprisonnement par le tribunal provincial de Luanda. Cependant, de nombreux fonctionnaires de police continuaient de violer les droits humains en toute impunité.

  • En mai, les corps de William Marques Luís (dit « Líro Boy ») et de Hamilton Pedro Luís (dit « Kadú ») ont été retrouvés à la morgue centrale de Luanda par leur famille. Les deux hommes avaient été arrêtés à leur domicile dans le quartier de Benfica, à Luanda, par plusieurs policiers non munis d’un mandat, puis exécutés de manière extrajudiciaire. Les agents auraient frappé « Kadú » devant chez lui avant de l’emmener avec « Líro Boy ». « Kadú » avait reçu une balle dans la tête et une autre à l’abdomen ; son corps présentait aussi des marques de coups. « Líro Boy » avait reçu plusieurs balles dans la tête et son corps portait des traces de torture ; il avait notamment des membres brisés. En novembre, les autorités policières ont annoncé sans autre précision que les responsables de la mort de ces deux hommes avaient été arrêtés.
  • Valentino Abel, un jeune homme de 19 ans, a été tué en juillet lorsqu’un policier a ouvert le feu dans le secteur de Belo Horizonte, à Kunhinga (province de Huambo). Il semble que le fonctionnaire était intervenu pour mettre fin à une altercation et avait été giflé. Furieux, il aurait alors commencé à tirer à l’aveuglette, touchant mortellement à trois reprises Valentino Abel au thorax. Le chef de la police municipale a affirmé que l’agent était soûl et avait pris la fuite après les faits, mais avait été rattrapé deux jours plus tard. Toutefois, Amnesty International n’avait connaissance d’aucune procédure engagée contre lui.

Liberté de réunion

Le droit de manifester pacifiquement sans qu’une autorisation soit nécessaire a été bafoué à plusieurs reprises malgré les dispositions de la nouvelle Constitution le garantissant.

  • Le 1er avril, OMUNGA, une ONG basée dans la province de Benguela, a informé les autorités locales de son intention d’organiser le 10 avril une marche pacifique en signe de protestation contre les expulsions forcées qui avaient eu lieu dans la province de Huíla, et par solidarité avec les victimes. Une marche semblable prévue en mars n’avait pas été autorisée, apparemment parce que toutes les obligations légales n’avaient pas été respectées. Bien que les organisateurs se soient conformés au droit national, le gouvernement de la province de Benguela a de nouveau refusé d’autoriser celle d’avril au motif qu’il n’y avait pas eu d’expulsions forcées dans la province. La manifestation s’est toutefois déroulée pacifiquement le jour prévu.
  • En mai, le gouvernement de la province de Cabinda n’a pas autorisé une marche prévue pour protester contre les arrestations et détentions arbitraires qui avaient fait suite à l’attaque contre l’équipe de football togolaise, bien que les organisateurs de cette manifestation aient rempli toutes les obligations prévues par la loi.
    En juin, le président de la Cour constitutionnelle a déclaré que le droit angolais n’exigeait pas l’obtention préalable d’une autorisation de la part des autorités administratives pour qu’une manifestation puisse avoir lieu.
    Toutefois, les autorités ont continué d’empêcher la tenue de manifestations pacifiques.

Prisonniers d’opinion et prisonniers d’opinion présumés

Entre janvier et avril, dans la province de Cabinda, au moins 14 personnes ont été arrêtées pour des infractions liées à l’attaque dont l’équipe de football du Togo avait été victime en janvier. Deux d’entre elles étaient des prisonniers d’opinion et plusieurs autres pourraient être considérées comme tels. Sept détenus ont été relâchés sans inculpation tandis que les autres ont été inculpés d’atteintes à la sûreté de l’État. L’un de ceux-ci a vu les poursuites engagées contre lui abandonnées après sept mois d’incarcération et un autre a été acquitté. Les cinq derniers ont été déclarés coupables, puis remis en liberté à la suite de l’abrogation de l’article 26 de la Loi relative aux atteintes à la sécurité de l’État, aux termes duquel leur culpabilité avait été prononcée. Plusieurs autres personnes arrêtées dans d’autres provinces du pays pourraient également être des prisonniers d’opinion.

  • En août, deux prisonniers d’opinion, Francisco Luemba, avocat, et Raul Tati, prêtre catholique, ont été déclarés être les « auteurs moraux » du crime d’« autres atteintes à la sûreté de l’État » et condamnés à cinq ans d’emprisonnement par le tribunal provincial de Cabinda. Ils ont été jugés aux côtés de deux autres prévenus, José Benjamin Fuca et Belchior Lanso Tati, qui auraient eux aussi pu être considérés comme des prisonniers d’opinion et qui ont été condamnés respectivement à trois et six ans d’incarcération. Les quatre hommes, arrêtés par la police peu après l’attaque de janvier, se trouvaient en possession de documents sur Cabinda et avaient peu de temps auparavant assisté à une conférence visant à trouver une issue pacifique à la situation. José Benjamin Fuca et Belchior Lanso Tati auraient également avoué être membres du FLEC. Ils ont fait appel de leur condamnation auprès de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle. Le 22 décembre, les quatre hommes ont été libérés sans condition par le tribunal provincial de Cabinda, à la suite de l’abrogation du texte de loi en vertu duquel ils avaient été déclarés coupables.
  • La police a de nouveau procédé à l’arrestation de membres de la Commission sur le manifeste juridique et sociologique du protectorat des Lundas-Tchokwés. Entre janvier et octobre, au moins 24 membres auraient été appréhendés dans les provinces de Luanda et de Lunda-Nord. D’après les informations reçues, 13 d’entre eux ont été remis en liberté sans jugement à l’issue de périodes de détention de différentes durées. Trois autres, Sebastião Lumani, José Muteba et José António da Silva Malembela, ont été déclarés coupables d’atteintes à la sûreté de l’État par le tribunal provincial de Lunda-Nord et condamnés à des peines d’emprisonnement de six, cinq et quatre ans respectivement. À la fin de l’année, ils étaient toujours détenus malgré l’abrogation de la loi qui avait motivé leur condamnation. Domingos Manuel Muatoyo et Alberto Cabaza, arrêtés à Luanda en juillet et accusés d’avoir manifesté contre le gouvernement, étaient maintenus en détention provisoire à la fin de l’année. Six autres personnes étaient toujours détenues sans inculpation. D’autres membres de la Commission arrêtés en 2009 connaissaient le même sort à la fin de l’année, malgré l’abrogation de la loi en vertu de laquelle ils avaient été inculpés.

Droits des migrants

Malgré un accord conclu en 2009 entre l’Angola et la RDC pour mettre fin aux renvois, les autorités angolaises ont continué d’expulser du pays des ressortissants congolais. Les opérations ont été marquées par des violations des droits humains, y compris des violences sexuelles. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies, plus de 12 000 migrants ont été expulsés vers les provinces congolaises du Bandundu, du Bas-Congo, du Kasaï-Oriental du Kasaï-Occidental entre septembre et la fin de l’année. L’OCHA a indiqué que 99 femmes et 15 hommes avaient été violés pendant les opérations. Une femme serait décédée à l’hôpital après avoir été violée. Des actes de torture et d’autres mauvais traitements figuraient parmi les atteintes aux droits fondamentaux observées et, à leur arrivée, de nombreux migrants étaient nus et dépouillés de leurs effets personnels. D’autres renvois ont eu lieu au cours de l’année.
Il semblerait que personne n’ait été amené à rendre compte des violations des droits humains commises lors de ces opérations ou d’opérations semblables exécutées les années précédentes.

Visites d’Amnesty International

  • Depuis plus de deux ans, les délégués d’Amnesty International ne sont pas autorisés à se rendre en Angola. Les visas sollicités en octobre 2008 et en octobre 2009 n’avaient toujours pas été délivrés à la fin de l’année. Amnesty International a présenté en novembre de nouvelles demandes de visas pour pouvoir participer à une conférence organisée à la fin du mois par le Conseil des églises chrétiennes d’Angola, mais n’avait toujours pas obtenu de réponse positive à la fin de l’année.
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