UKRAINE

Des cas de torture et d’autres mauvais traitements en prison et en garde à vue ont été signalés. Un certain nombre de prisonniers et de suspects de droit commun n’ont pas obtenu les soins médicaux que leur état de santé exigeait. Des défenseurs des droits humains ont été brutalisés et harcelés par des responsables de l’application des lois. Des réfugiés et des demandeurs d’asile ont été menacés de renvoi forcé et d’autres violations de leurs droits fondamentaux. La police s’est livrée à des discriminations à l’égard de minorités ethniques. Des manifestants non violents ont été interpellés et brutalisés.

Ukraine
CHEF DE L’ÉTAT : Viktor Iouchtchenko, remplacé par Viktor Ianoukovitch le 25 février
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ioulia Tymochenko, remplacée par Mykola Azarov le 11 mars
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 45,4 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 68,6 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 18 / 13 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 99,7 %

Torture et autres mauvais traitements

De nouveaux cas de torture et d’autres mauvais traitements en garde à vue ont été signalés cette année. Le service des droits humains du ministère de l’Intérieur, chargé de veiller aux conditions dans lesquelles s’effectuaient les gardes à vue, a été fermé au mois de mars. Il a été remplacé par une structure restreinte ne disposant pas de pouvoirs d’inspection.

Dans un arrêt en date du 1er juillet, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’un groupe de prisonniers du pénitencier de Zamkova, dans la région de Khmelnitski, avait été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements, à deux reprises, en 2001 et en 2002. Ces détenus avaient été frappés par les membres d’une unité spéciale d’intervention rapide chargée de réprimer les troubles dans les établissements pénitentiaires, qui participaient à des exercices d’entraînement dans la prison.

  • Le 1er juillet, des détenus du centre de détention provisoire n° 1 de Vinnitsa auraient eux aussi été maltraités par des hommes de cette unité spéciale d’intervention rapide, parce qu’ils avaient protesté contre d’autres mauvais traitements auxquels plusieurs prisonniers avaient été soumis la veille. Les proches de plusieurs détenus ont raconté ce qui s’était passé pendant ces deux jours. Un groupe de 15 prisonniers devait comparaître en justice le 30 juin. Des policiers qui les escortaient ont ordonné à l’un d’entre eux de se déshabiller. Comme celui-ci refusait de retirer son slip, il a été frappé, menotté et attaché à un mur. Plusieurs autres prisonniers ont également été frappés. Le lendemain, lorsque l’escorte de police s’est présentée au centre de détention pour accompagner de nouveau les détenus jusqu’au tribunal, ceux-ci ont refusé de quitter leurs cellules, en signe de protestation contre les violences de la veille. La direction de l’établissement a alors fait appel à l’unité d’intervention rapide, qui aurait roué de coups les intéressés.

Morts en détention

Le directeur adjoint du Département de l’exécution des peines a déclaré en janvier que les services de santé des prisons ne disposaient pas de moyens financiers suffisants. Or, les détenus n’étaient pas autorisés à sortir de prison pour se faire soigner à l’extérieur.

  • Tamaz Kardava est mort à l’hôpital le 7 avril, après s’être vu refuser les soins que son état exigeait. Ce Géorgien ayant fui le conflit en Abkhazie était déjà atteint d’une hépatite C lorsqu’il a été arrêté en Ukraine au mois d’août 2008. Il aurait été torturé au commissariat du quartier Chevtchenko, à Kiev, par des policiers qui cherchaient à lui faire « avouer » un vol avec effraction. Des examens médicaux ont confirmé qu’il avait été passé à tabac et violé à l’aide d’une matraque. Tamaz Kardava a été privé des soins médicaux spécialisés dont il avait besoin au cours des deux derniers mois de sa détention. Son état de santé s’était gravement détérioré. Le 30 mars, il a passé six heures allongé sur une civière posée à même le sol, dans la salle d’audience du tribunal de Chevtchenko (Kiev). Le juge a refusé d’accéder à la requête de son avocat, qui demandait que son client soit immédiatement hospitalisé.

Défenseurs des droits humains

Les activités des défenseurs des droits humains, individuels ou regroupés au sein d’ONG, ont été entravées, aussi bien par des actions en justice que par des attaques physiques. Au moins trois militants ont été pris pour cible en raison de leur action légitime en faveur des droits fondamentaux de la personne.

  • Andreï Fedossov, président d’Uzer, une association de défense des droits des personnes souffrant d’un handicap mental, a été agressé par des hommes non identifiés en mai, après avoir reçu des menaces par téléphone. La police a refusé d’enregistrer sa plainte et n’a rien fait pour l’aider. En juillet, il a été placé en garde à vue pendant une journée dans le cadre d’une enquête sur un crime qui aurait été commis 10 ans plus tôt, alors qu’il avait 15 ans. Le 20 septembre, les poursuites ont été abandonnées. Il a en effet été prouvé qu’Andreï Fedossov se trouvait dans un centre médical fermé pour mineurs au moment du crime et ne pouvait donc pas en être l’auteur.
  • Un tribunal de Vinnitsa a ordonné le 29 octobre que le syndicaliste Andreï Bondarenko soit soumis de force à un examen psychiatrique. Cette décision a été confirmée en appel le mois suivant. Andreï Bondarenko n’avait pourtant pas d’antécédents de troubles mentaux et avait déjà subi trois examens psychiatriques destinés à attester de sa santé mentale, le dernier en octobre. Le ministère public, qui avait demandé un nouvel examen, avait notamment fait valoir qu’Andreï Bondarenko avait une « conscience excessive de ses droits et des droits d’autrui et [une] propension incontrôlable à défendre ces droits de manière irréaliste ». Andreï Bondarenko s’était mobilisé en faveur des droits des travailleurs saisonniers des grandes usines sucrières de la région de Vinnitsa. Il a notamment dénoncé la corruption qui sévissait au plus haut niveau dans ce secteur.

Réfugiés, demandeurs d’asile et migrants

Les demandeurs d’asile en Ukraine restaient exposés à des risques de détention arbitraire, ainsi qu’au comportement raciste de la police et à des tentatives d’extorsion de sa part. Ils risquaient également d’être renvoyés de force dans des pays où ils étaient susceptibles d’être victimes de graves violations de leurs droits fondamentaux. Le dispositif d’asile n’était pas satisfaisant et ne leur apportait pas la protection qu’ils étaient en droit d’attendre.

L’Accord entre la Communauté européenne et l’Ukraine sur la réadmission des personnes, concernant les ressortissants de pays tiers, est entré en vigueur en janvier. Aux termes de cet accord, les États membres de l’Union européenne (UE) peuvent désormais renvoyer en Ukraine des immigrés en situation irrégulière, lorsqu’ils sont entrés dans l’UE en passant par ce pays. D’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 590 personnes ont été renvoyées en Ukraine en application de ces dispositions entre janvier et juillet 2010. Selon certaines informations, des immigrés auraient été battus ou, plus généralement, maltraités alors qu’ils se trouvaient en détention. En outre, alors que l’accord de réadmission est censé ne s’appliquer qu’aux « personnes en séjour irrégulier », des demandeurs d’asile figuraient apparemment parmi les étrangers renvoyés.

  • Oumid Khamroïev, Kossim Dadakhanov, Outkir Akramov et Zikrillo Kholikov, quatre demandeurs d’asile originaires d’Ouzbékistan, étaient en détention à la fin de l’année dans l’attente de leur extradition vers leur pays. Ils étaient tous les quatre recherchés en Ouzbékistan pour, entre autres, appartenance à une organisation religieuse ou extrémiste illégale, diffusion de documents renfermant une menace pour la sécurité ou l’ordre public, et tentative de renversement de l’ordre constitutionnel. Ils risquaient, s’ils étaient renvoyés chez eux, d’être torturés et soumis à d’autres mauvais traitements. En juillet, la Cour européenne des droits de l’homme a officiellement demandé au gouvernement ukrainien de ne pas renvoyer ces quatre demandeurs d’asile en Ouzbékistan, tant que leur cas n’aurait pas été examiné. Elle a ensuite annulé cette requête, après avoir reçu l’assurance qu’ils ne seraient pas renvoyés avant d’avoir épuisé tous les recours prévus dans le cadre de la procédure d’asile.

Racisme

La police continuait d’arrêter et de placer des gens en détention en raison de la couleur de leur peau.

  • Le 29 janvier, trois policiers en civil ont abordé deux Somaliens, Ismail Abdi Ahmed et Ibrahim Muhammad Abdi, devant l’immeuble où ils habitaient, et leur ont demandé de présenter leurs papiers d’identité. Selon les informations recueillies, les policiers se sont ensuite introduits de force dans l’appartement des deux hommes, l’ont perquisitionné sans mandat et ont donné un coup de poing à l’un des occupants. Ils ont pris 250 dollars des États-Unis qui se trouvaient dans la poche d’un jean appartenant à Ibrahim Muhammad Abdi. Tout au long de cette perquisition, les policiers ont traité les Somaliens de « pirates ». Le 13 février, deux des trois fonctionnaires sont revenus sur les lieux. Ils ont dit aux ressortissants somaliens qui habitaient l’appartement qu’ils voulaient les filmer en train de rétracter les déclarations publiques qu’ils avaient faites concernant la perquisition. Les occupants de l’appartement ont refusé de leur ouvrir et les deux hommes sont finalement repartis, au bout de quelques heures.
    Liberté de réunion
  • En mai et juin, des manifestants qui protestaient sans violence contre l’abattage illégal d’arbres dans la commune de Kharkov ont été frappés par des membres de la « Garde municipale » – des employés d’une société privée de sécurité sous contrat avec la ville. Plusieurs personnes se sont ensuite vu refuser tous soins médicaux. C’est notamment le cas de Lioubov Melnik, qui avait dans un premier temps été hospitalisée après avoir été battue par des membres de la « Garde municipale ». Des personnes appartenant à cet organisme lui auraient demandé de dire qu’elle s’était blessée toute seule, en tombant. Comme elle s’y refusait, l’hôpital l’aurait informée qu’il n’y avait plus de lit disponible et lui aurait demandé de partir. Trois autres hôpitaux de Kharkov ont ensuite refusé de la prendre en charge. Le 2 juin, des manifestants perchés dans les arbres ont été blessés, les bûcherons ayant malgré tout commencé l’abattage.

Plusieurs manifestants ont expliqué que la police avait regardé sans rien faire les vigiles frapper les manifestants et les journalistes présents. Le 28 mai, 10 à 12 personnes ont passé environ huit heures en garde à vue avant d’être traduites devant un juge. Andreï Evarnitski et Denis Tchernega ont été condamnés le 9 juin à 15 jours de détention pour « refus délibéré d’obéir à un responsable de l’application des lois », alors que des images vidéo prises lors des événements montrent bien que les manifestants ont suivi les policiers sans résistance.

Visites d’Amnesty International

Des déléguées d’Amnesty International se sont rendues en Ukraine en janvier, avril et novembre.

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