ARABIE SAOUDITE

Plus de 100 personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité ont été arrêtées au cours de l’année. Le statut au regard de la loi et les conditions de détention des milliers de personnes arrêtées les années précédentes pour des motifs de sécurité étaient toujours entourés du secret ; certains de ces détenus étaient des prisonniers d’opinion. Deux personnes au moins sont mortes en détention, peut-être des suites de torture, et de nouvelles informations sont parvenues à propos des méthodes de maltraitance et de torture utilisées sur les personnes détenues pour des motifs de sécurité. Des châtiments cruels, inhumains et dégradants, en particulier la flagellation, continuaient d’être prononcés et appliqués. Les femmes et les filles étaient toujours victimes de discrimination et de violences ; certains cas ont été largement commentés par les médias. Des chrétiens et des musulmans ont été arrêtés pour avoir pratiqué leur foi. Les forces armées saoudiennes impliquées dans un conflit dans le nord du Yémen ont mené des attaques, apparemment de manière aveugle ou disproportionnée, qui auraient tué et blessé des civils en violation du droit international humanitaire. Les travailleurs immigrés étaient exploités et maltraités par leurs employeurs. Les autorités violaient les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. Vingt-sept prisonniers ont été exécutés, peut-être davantage ; ce chiffre était nettement inférieur à celui des deux années précédentes.

ROYAUME D’ARABIE SAOUDITE
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Abdallah bin Abdul Aziz al Saoud
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 26,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 73,3 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 26 / 17 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 85,5 %

Contexte

En février, le ministre de la Justice a déclaré que l’Arabie saoudite avait l’intention de mettre en place un système de justice intégrant le meilleur des systèmes judiciaires d’autres pays – avec notamment un cadre juridique efficace pour lutter contre le terrorisme – et de permettre à des avocates de représenter des personnes devant les tribunaux chargés des affaires familiales. Toutefois, la justice restait largement entourée du secret à la fin de l’année. Une fatwa (avis religieux) – n° 239 du 12 avril 2010 – qui érigeait en infraction pénale le « financement du terrorisme » a été promulguée par le Conseil des grands oulémas (docteurs de la foi). Elle accordait aux juges le pouvoir discrétionnaire de prononcer n’importe quelle peine, y compris la peine de mort.
En mai, le roi a ordonné la formation d’un comité chargé de rationaliser les procédures basées sur la charia (droit musulman) et de limiter les châtiments corporels. Cette initiative devait limiter le nombre de coups de fouet à 100 et mettre fin au pouvoir discrétionnaire des juges qui, dans certains cas, avaient prononcé des peines de flagellation de plusieurs dizaines de milliers de coups de fouet. La réforme n’avait pas été mise en place à la fin de l’année.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Plus de 100 personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité ont été arrêtées. Le statut au regard de la loi de milliers d’autres, emprisonnées les années précédentes, restait vague et entouré du secret.

  • En mars, les autorités ont annoncé avoir arrêté au cours des mois précédents 113 personnes pour ce motif : 58 Saoudiens, 52 Yéménites, un Somalien, un Bangladais et un Érythréen. Haylah al Qassir, une femme qui figurait parmi les 58 ressortissants saoudiens, aurait été arrêtée en février à Buraydah. Les autorités ont affirmé que ces 113 personnes avaient constitué trois cellules armées pour préparer des actes de violence ; ce réseau aurait été mis au jour après la mort de deux membres présumés d’Al Qaïda, tués par les forces de sécurité en octobre 2009 dans la province de Jizan. Aucune autre information n’a été fournie.
  • Ahmad Abbas Ahmad Muhammad, un médecin égyptien, était maintenu en détention dans la prison d’Al Hair, à Riyadh. On ignorait son statut au regard de la loi. Il avait été arrêté peu après un attentat-suicide qui avait fait 35 morts à Riyadh, en mai 2003. D’après les informations disponibles, il s’était rendu en Arabie saoudite pour travailler dans un centre de santé.
    Au moins 12 suspects arrêtés les années précédentes ont été remis en liberté en juillet, apparemment parce que les autorités ont estimé qu’ayant suivi un « programme de rééducation », ils ne représentaient plus une menace. Dix autres, qui seraient tous d’anciens prisonniers de Guantánamo renvoyés en Arabie saoudite par les États-Unis, ont été condamnés en mars à des peines comprises entre trois et 13 ans d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction de se rendre à l’étranger. Aucun détail n’a été fourni sur le déroulement de leur procès ni sur les chefs d’accusation. Une quinzaine d’autres Saoudiens étaient toujours détenus par les États-Unis à Guantánamo Bay à la fin de l’année.
    En juin, sans fournir de détails, le vice-ministre de l’Intérieur a déclaré au quotidien Okaz qu’un grand nombre de détenus étaient en instance de jugement et que chacun d’entre eux « aurait ce qu’il méritait ». En septembre, des informations parues dans la presse ont donné à penser que des tribunaux composés de trois juges étaient mis en place pour juger les accusés passibles de la peine capitale tandis que des tribunaux à juge unique seraient chargés de juger les autres accusés. Ces juridictions étaient semble-t-il sur le point d’entrer en fonction à Djedda et elles devaient ensuite se déplacer à Riyadh. Le premier procès s’est ouvert en octobre dans une prison de Djedda. Il concernait 16 accusés, dont sept hommes qui militaient en faveur d’une réforme politique pacifique et qui étaient détenus depuis février 2007. Le procès s’est déroulé à huis clos et les autorités n’ont pas révélé les chefs d’accusation ; les accusés n’ont pas été autorisés à consulter un avocat.
  • Sulaiman al Rashudi, un ancien juge septuagénaire qui avait été arrêté le 2 février 2007 à Djedda avec d’autres militants en faveur de la réforme, figurait au nombre des 16 personnes dont le procès a débuté en octobre. En août 2009, des défenseurs des droits humains avaient demandé au Tribunal des plaintes, une juridiction administrative, d’ordonner au ministère de l’Intérieur de le remettre en liberté. Le ministère avait répondu que le tribunal administratif n’était pas compétent dans cette affaire car Sulaiman al Rashudi avait été mis en accusation et son cas renvoyé devant le Tribunal pénal spécial.

Liberté de religion

De très nombreux musulmans et chrétiens ont été arrêtés du fait de leurs croyances ou pour avoir pratiqué leur foi. Des chiites ont été pris pour cibles pour avoir organisé des réunions de prière collective ou célébré des fêtes chiites, ou parce qu’on les soupçonnait d’avoir enfreint les restrictions pesant sur la construction de mosquées chiites et d’écoles religieuses.

  • Turki Haydar Muhammad al Ali et cinq autres personnes, des étudiants pour la plupart, ont été arrêtés en janvier après que des affiches d’une hussainiya (centre religieux chiite) eurent été apposées à l’occasion de la fête de l’achoura, en décembre 2009. Incarcérés sans inculpation ni jugement dans la prison d’Al Ihsa, ils étaient apparemment tous maintenus en détention à la fin de l’année.
  • Makhlaf Daham al Shammari, un musulman sunnite militant des droits humains, a été arrêté le 15 juin après avoir publié un article dans lequel il critiquait les préjugés des dignitaires religieux sunnites envers les membres de la communauté chiite et leurs croyances. À la fin de l’année, il était maintenu en détention dans la prison centrale de Dammam et l’appel interjeté devant le Tribunal des plaintes contre sa détention arbitraire n’avait pas été examiné.
  • En octobre, 12 Philippins et un prêtre catholique ont été arrêtés à Riyadh par la police religieuse lors d’un raid contre une cérémonie religieuse qui se déroulait en secret ; ils étaient apparemment accusés de prosélytisme. Ils ont tous été libérés sous caution le lendemain de leur arrestation.

Torture et autres mauvais traitements

Les autorités observaient le plus grand secret sur les prisonniers, leurs conditions de détention et leur traitement mais des informations ont fait état d’au moins deux cas de mort en détention, peut-être occasionnées par la torture ou d’autres mauvais traitements.

  • Muhammad Amin al Namrat, ressortissant jordanien, est mort en janvier dans la prison des Renseignements généraux de la région de l’Asir. Ce professeur d’arabe avait semble-t-il été condamné en 2007 à deux ans d’emprisonnement pour avoir incité ses étudiants à prendre les armes contre les forces américaines déployées en Irak. Il aurait été maintenu en détention après l’expiration de sa peine. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête officielle n’a été menée sur les circonstances de sa mort.
  • Mohammed Farhan est mort en septembre alors qu’il était détenu dans un poste de police de Jubail. Un certificat médical aurait fait état de traces de strangulation sur son cou. Aucune enquête n’avait semble-t-il été effectuée à la fin de l’année.
    Un homme qui avait été détenu pour des motifs de sécurité en 2007 et en 2008 dans la prison d’Ulaysha, à Riyadh, a déclaré à Amnesty International qu’il avait été menotté et enchaîné durant 27 jours après son arrestation ; ce n’est qu’après cette période qu’on lui a ôté ses menottes et qu’il a pu prendre une douche pour la première fois. Il a ajouté qu’on l’avait interrogé la nuit pendant plus d’un mois et que ce traitement était celui régulièrement infligé aux personnes détenues pour des motifs de sécurité.

Châtiments cruels, inhumains et dégradants

Des châtiments corporels, en particulier la flagellation, étaient régulièrement infligés par les tribunaux et appliqués à titre de peine principale ou complémentaire.

  • En janvier, un tribunal de Jubail a déclaré une écolière de 13 ans coupable d’avoir agressé une enseignante et l’a condamnée à 90 coups de fouet, qui devaient lui être administrés en présence de ses camarades de classe. Elle a également été condamnée à deux mois d’emprisonnement. On ne disposait d’aucun autre détail sur cette affaire et on ignorait si les coups de fouet
  • En novembre, un homme aurait été condamné à 500 coups de fouet et cinq ans d’emprisonnement par un tribunal de Djedda pour homosexualité, entre autres chefs d’accusation.

Droits des femmes

Les femmes continuaient de subir des discriminations, dans la législation et dans la pratique, et d’être victimes de violences domestiques et autres. La loi n’accorde pas aux femmes un statut égal à celui des hommes et les règles de la tutelle masculine sur les femmes les placent dans une position subordonnée dans le domaine du mariage, du divorce, de la garde des enfants et de la liberté de mouvement. De ce fait, les femmes sont vulnérables aux violences au sein de la famille, qui peuvent être infligées par des hommes en toute impunité.

  • Le cas d’une fillette de 12 ans que son père avait mariée de force à un homme de 80 ans en échange d’une somme d’argent a fait l’objet d’une large couverture en Arabie saoudite et à l’étranger. Une action en justice intentée par des défenseurs locaux des droits humains a attiré l’attention sur l’affaire et la fillette a obtenu le divorce en février.
  • Le Conseil judiciaire suprême a annulé, en février, la décision rendue en 2006 par une juridiction inférieure et qui ordonnait à Fatima al Azzaz et Mansur al Taimani, un couple marié, de divorcer contre leur gré. Le procès avait été engagé par le frère de Fatima al Azzaz au motif que le mari de celle-ci appartenait à une tribu de statut inférieur à la sienne et que la règle de parité de statut, qui prévoit que les époux doivent être d’un statut social équivalent pour que leur mariage soit valable, n’avait pas été respectée.
    En novembre, l’Arabie saoudite a été élue au conseil d’un nouvel organe des Nations unies chargé de la promotion des droits des femmes.

Droits des migrants

Le système du garant, qui régit l’emploi des étrangers, continuait d’exposer ces derniers à l’exploitation et aux mauvais traitements de la part de leurs employeurs, tant dans le secteur public que privé. Il ne leur laissait pratiquement aucune possibilité d’obtenir réparation. Parmi les mauvais traitements les plus répandus figuraient les horaires excessifs de travail, le non-paiement des salaires, le refus d’autoriser le travailleur à rentrer dans son pays à la fin de son contrat et les violences, en particulier envers les employées de maison.

  • Yahya Mokhtar, un médecin soudanais bloqué avec sa famille depuis 2008 parce que son ancien employeur refusait de l’autoriser à quitter l’Arabie saoudite, a pu rentrer dans son pays en mai.
  • LP Ariyawathie, une employée de maison sri- lankaise, avait 24 clous et une aiguille enfoncés dans les mains, les jambes et le front à son retour au Sri Lanka en août. Elle a affirmé que son employeur lui avait infligé ces blessures après qu’elle se fut plainte d’une surcharge de travail. On ignorait si les autorités saoudiennes avaient ouvert une enquête sur cette affaire.
  • Sumiati Binti Salan Mustapa, une employée de maison indonésienne, a été hospitalisée à Médine à la suite d’informations selon lesquelles ses employeurs lui avaient lacéré le visage à coups de ciseaux, l’avaient brûlée avec un fer à repasser et l’avaient battue. Le corps mutilé de Kikim Komalasari, une autre employée de maison indonésienne, a été retrouvé dans une benne de la ville d’Abha. Les autorités saoudiennes et indonésiennes avaient semble-t-il ouvert des enquêtes sur ces cas.

Raids aériens et homicides de civils dans le nord du Yémen

En novembre 2009, les forces armées saoudiennes sont intervenues dans le conflit entre les troupes gouvernementales yéménites et les rebelles huthis dans la région de Saada, au Yémen (voir Yémen). Les forces saoudiennes ont affronté des Huthis armés et ont bombardé des villes et des villages de la région de Saada. Certaines attaques semblaient être menées de manière aveugle ou disproportionnée et auraient fait des morts et des blessés dans la population civile, en violation du droit international humanitaire. Les affrontements ont cessé lors de la conclusion, en février, d’un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement yéménite et les rebelles huthis.

Réfugiés et demandeurs d’asile

En juin et en juillet, les autorités ont renvoyé de force dans leur pays quelque 2 000 Somaliens, des femmes pour la plupart, malgré la persistance du conflit armé et en dépit des appels du HCR.

  • Vingt-huit Érythréens étaient toujours retenus dans un camp non loin de la ville de Jizan, où ils se trouvaient apparemment depuis 2005.

Peine de mort

Le nombre d’exécutions signalées a diminué pour la deuxième année consécutive. Au moins 27 prisonniers ont été exécutés, soit un chiffre bien inférieur au 69 exécutions recensées en 2009 et aux 102 signalées en 2008. Six étrangers figuraient au nombre des suppliciés.
Au moins 140 prisonniers étaient sous le coup d’une sentence capitale ; certains avaient été condamnés pour des infractions n’impliquant aucune violence, comme l’apostasie et la sorcellerie.

  • Ali Hussain Sibat, un Libanais, et Abdul Hamid bin Hussain bin Moustafa al Fakki, un Soudanais, déclarés coupables de « sorcellerie » dans le cadre de procès distincts, étaient condamnés à mort. Jugés en secret et privés d’assistance juridique, ils n’ont pas bénéficié d’un procès équitable.
    En décembre, l’Arabie saoudite a été l’un des quelques pays qui ont voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire mondial sur les exécutions.
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