Afrique — Résumé de la situation des droits humains

« Cette année pourrait être celle où la liberté d’expression et d’association sera respectée. […] Celle où les Éthiopiens ne seront plus incarcérés en raison de leurs convictions politiques. »
Le journaliste et ancien prisonnier d’opinion éthiopien Eskinder Nega, dans un discours sur la liberté de la presse prononcé en septembre 2011 à la veille du Nouvel An éthiopien. Eskinder Nega a été arrêté quelques jours plus tard et inculpé de trahison et d’infractions liées au terrorisme.

Les mouvements populaires qui ont déferlé en Afrique du Nord ont trouvé un écho chez les populations d’Afrique sub-saharienne, en particulier dans les pays dirigés par des gouvernements répressifs. Syndicalistes, étudiants et figures de l’opposition politique se sont mobilisés pour organiser des manifestations. Mus par leurs aspirations politiques, leur quête d’une plus grande liberté et un profond sentiment de frustration né d’une vie marquée par le dénuement, des hommes et des femmes sont descendus dans la rue pour dénoncer l’augmentation du coût de la vie et protester contre leur situation économique et sociale désespérée.
Beaucoup des facteurs sous-jacents qui ont conduit aux soulèvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient existent également dans d’autres régions d’Afrique. C’est notamment le cas des dirigeants autoritaires qui se maintiennent au pouvoir depuis plusieurs décennies en s’appuyant sur leurs services de sécurité pour réprimer la dissidence. En outre, la pauvreté et la corruption sont très répandues, les libertés les plus élémentaires font défaut et de vastes catégories de population sont souvent tenues à l’écart du reste de la société. En réprimant avec brutalité les manifestations de 2011, les responsables politiques de la région ont montré qu’ils n’ont pas su tirer les leçons de ce qui est arrivé à leurs homologues du nord.

Pauvreté

Au cours de la dernière décennie, les taux de pauvreté ont progressivement diminué en Afrique et des avancées ont été enregistrées dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement. Il n’en demeure pas moins que plusieurs millions de personnes vivent toujours dans la pauvreté, privées des services essentiels que sont une eau propre, des installations sanitaires, l’accès aux soins et l’éducation.
Du fait de la rapidité de l’urbanisation, de nombreux Africains n’ont pas de logement décent ; ils sont nombreux à vivre dans des bidonvilles, où les installations les plus élémentaires font défaut et où ils risquent à tout moment d’être expulsés de force par les autorités. Bien souvent, les personnes expulsées perdent leurs biens lorsque leurs habitations sont démolies. Beaucoup perdent également leurs moyens de subsistance, ce qui les entraîne encore davantage dans la spirale de la misère. Les expulsions forcées massives qui ont eu lieu dans au moins cinq zones d’implantation sauvage de Nairobi (Kenya) ont touché plusieurs milliers de personnes. Des centaines d’autres ont été chassées d’un campement du Territoire de la capitale fédérale, au Nigeria. À N’Djamena (Tchad) et dans différentes régions d’Angola, les expulsions forcées se sont poursuivies.
Le fort taux de chômage et le niveau élevé de pauvreté ont été en partie à l’origine de certaines violences, y compris lors de manifestations antigouvernementales. Les mesures de lutte contre la corruption ont été souvent réduites à néant parce qu’elles ne bénéficiaient d’aucun soutien politique. Au Nigeria, par exemple, le chef de l’État a limogé la présidente de la Commission des crimes économiques et financiers six mois avant la fin de son mandat, sans fournir la moindre explication.

Répression politique

Galvanisés par les événements en Afrique du Nord, des manifestants antigouvernementaux sont descendus, à partir de la fin janvier, dans les rues de Khartoum et d’autres villes du Soudan. Ils ont subi les coups des forces de sécurité et de très nombreux militants et étudiants ont été arrêtés et détenus arbitrairement. Beaucoup auraient été torturés en détention. En Ouganda, des personnalités de l’opposition ont appelé la population à reproduire les mouvements de protestation égyptiens en descendant dans la rue, mais les rassemblements ont été marqués par des violences. En février, le gouvernement ougandais a interdit toute manifestation. La police et l’armée ont recouru à une force excessive contre les manifestants et le dirigeant de l’opposition Kizza Besigye a été harcelé et arrêté. Au Zimbabwe, une quarantaine de militants ont été arrêtés en février pour la seule raison qu’ils avaient discuté des événements d’Afrique du Nord. Six d’entre eux ont dans un premier temps été accusés de trahison. En avril, les autorités du Swaziland ont réprimé des manifestations similaires avec une force excessive.
Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles contre des manifestants antigouvernementaux en Angola, au Burkina Faso, en Guinée, au Liberia, au Malawi, en Mauritanie, au Nigeria, au Sénégal, en Sierra Leone et au Soudan du Sud, ce qui a fait de nombreuses victimes. Les autorités n’ouvraient en général pas d’enquête sur l’utilisation excessive de la force et personne n’a été amené à rendre des comptes sur les homicides.
Dans la plupart des pays d’Afrique, des défenseurs des droits humains, des journalistes et des opposants ont, cette année encore, été victimes d’arrestations et de placements en détention arbitraires ; certains ont été passés à tabac, menacés, intimidés ; certains ont été tués par des groupes armés ou par les forces de sécurité gouvernementales. Les enquêtes ouvertes au Burundi sur le meurtre, en 2009, du défenseur des droits humains Ernest Manirumva n’ont pas enregistré de véritables avancées. En République démocratique du Congo (RDC), cinq policiers ont été reconnus coupables, en juin, de l’assassinat en 2010 du militant des droits fondamentaux Floribert Chebeya. Mais aucune enquête n’avait été menée sur certaines personnes qui semblaient pourtant avoir eu un rôle dans ce meurtre.
Au Burundi, en Éthiopie, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, en Guinée équatoriale, au Liberia, à Madagascar, en Ouganda, en RDC, en Somalie et au Soudan, les autorités cherchaient à garder le contrôle des informations destinées au public. Elles ont imposé des restrictions sur la couverture de certains événements, fermé ou suspendu des stations de radio, bloqué des sites Internet spécifiques ou interdit la publication de journaux. Le Rwanda s’est engagé dans une série de réformes en vue d’accroître la liberté des médias, mais certains organes de presse fermés par les autorités en 2010 n’avaient toujours pas repris leurs activités. Deux journalistes ont par ailleurs été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.
Les assemblées nationales d’Afrique du Sud et d’Angola ont examiné des projets de loi susceptibles de restreindre fortement la liberté d’expression et l’accès à l’information. Un point positif est cependant à noter : au Nigeria, le président Goodluck Jonathan a enfin promulgué la Loi relative à la liberté de l’information.

Conflits

Les violences politiques qui avaient éclaté en Côte d’Ivoire en novembre 2010, à la suite de l’élection présidentielle, ont dégénéré en conflit armé durant la première moitié de l’année 2011. Les forces alliées à Alassane Ouattara ont reçu le soutien d’une force française et de la mission de maintien de la paix des Nations unies. Elles ont pris le contrôle du pays à la fin du mois d’avril et ont arrêté l’ancien président Laurent Gbagbo, ainsi qu’un grand nombre de ses sympathisants. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été déplacées par le conflit ; beaucoup se sont réfugiées dans des pays voisins, en particulier au Liberia. Des milliers de civils ont été tués ou blessés dans la capitale économique, Abidjan, et dans l’ouest du pays. En mars et en avril, les deux parties au conflit ont tué en toute illégalité plusieurs centaines de civils à Duékoué (ouest du pays) et dans des villages alentour où les gens étaient pris pour cible en raison de leur origine ethnique ou de leur affiliation politique supposée. La mission de maintien de la paix de l’ONU n’a pas protégé efficacement la population civile à Duékoué. Les forces des deux camps en présence se sont également rendues coupables de violences sexuelles, y compris de viols, et en octobre la Cour pénale internationale (CPI) a autorisé l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par les deux parties au conflit. Sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par la CPI, Laurent Gbagbo a été transféré aux Pays-Bas et remis à la Cour en novembre. Pour préserver sa crédibilité, la CPI doit veiller à ce que les crimes commis par les forces fidèles au président Ouattara fassent eux aussi l’objet d’une enquête et que les responsables présumés soient poursuivis. La CPI doit aussi enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés avant l’élection présidentielle de novembre 2010, dans la mesure où, à ce jour, l’appareil judiciaire ivoirien n’a pas eu la capacité ou la volonté de le faire.
Les Sud-Soudanais se sont prononcés, de façon écrasante, en faveur de l’indépendance du Soudan du Sud lors du référendum de janvier sur l’autodétermination. Une fois la date de l’indépendance fixée (au 9 juillet), les tensions se sont accrues dans les « zones de transition » que sont la région d’Abyei et les États du Kordofan méridional et du Nil bleu. Un autre référendum prévu en janvier, concernant Abyei, n’a finalement pas eu lieu. Un conflit a éclaté en mai dans la région : soutenues par des milices, les Forces armées soudanaises ont pris le contrôle d’Abyei, obligeant plusieurs dizaines de milliers de membres du groupe des Dinkas Ngoks à se réfugier au Soudan du Sud. Dans la ville d’Abyei, des habitations ont été pillées et détruites. Là encore, la mission de maintien de la paix de l’ONU, déployée à Abyei, n’a pas pris de mesures significatives pour empêcher les attaques et protéger la population civile. À la fin de l’année, aucune solution n’avait été trouvée concernant le statut d’Abyei.
En raison de dissensions sur des questions de sécurité et sur l’issue des élections au Kordofan méridional, la situation dans cet État a dégénéré en conflit armé entre le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (MPLS-Nord) et les Forces armées soudanaises. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées par le conflit et par le climat général d’insécurité. Les troupes gouvernementales ont procédé à des bombardements aériens aveugles qui ont fait de nombreuses victimes civiles. Les Nations unies et diverses autres organisations, dont Amnesty International, ont recueilli des informations sur ces attaques menées sans discrimination et ces homicides illégaux. Angelo al Sir, un agriculteur, a ainsi décrit la mort de son épouse, qui était enceinte, de deux de leurs enfants et de deux autres parents, tués le 19 juin lors du bombardement d’Um Sirdeeba, un village à l’est de Kadugli.
En septembre, le conflit au Kordofan méridional s’était étendu à l’État du Nil bleu, contraignant plusieurs dizaines de milliers de personnes à se réfugier au Soudan du Sud et en Éthiopie. En refusant l’accès aux organisations humanitaires indépendantes et aux observateurs, des droits humains entre autres, le gouvernement soudanais a de fait fermé les États du Kordofan méridional et du Nil bleu au monde extérieur. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations unies n’ont pris aucune mesure concrète face à cette situation. Ils se sont notamment abstenus de condamner les obstacles opposés aux organisations humanitaires et la poursuite des atteintes aux droits humains.
Le conflit au Darfour (Soudan) s’est poursuivi sans relâche et le nombre d’habitants contraints de quitter leur foyer a encore augmenté. Les autorités soudanaises s’en sont prises aux personnes qui vivaient déjà dans des camps de déplacés car elles les considéraient comme soutenant les groupes d’opposition armés. De nouveaux cas de viol et d’autres formes de violences sexuelles ont été signalés. Le Soudan refusait toujours de coopérer avec la CPI. Le procureur de la CPI a requis la délivrance d’un mandat d’arrêt contre le ministre de la Défense, Abdelrahim Mohamed Hussein, pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis au Darfour.
En Somalie, les combats qui se poursuivaient contre le groupe armé islamiste Al Shabab ont pris une dimension régionale lorsque des soldats kenyans et éthiopiens sont intervenus directement dans les combats. Plusieurs milliers de civils ont été blessés ou tués au cours d’attaques menées sans discernement par différentes parties en présence, essentiellement à Mogadiscio. Des centaines de milliers de personnes ne pouvaient toujours pas rentrer chez elles en raison du conflit et de l’insécurité. La sécheresse qui sévissait dans la sous-région a aggravé une situation humanitaire déjà catastrophique et l’état de famine a été déclaré dans certaines parties de la Somalie. Les organisations humanitaires avaient d’immenses difficultés à accéder aux populations pour leur apporter une aide d’urgence.
Le conflit qui déchirait l’est de la RDC semblait lui aussi sans issue. Les violences sexuelles, dont le viol, constituaient une pratique généralisée tant des forces de sécurité gouvernementales que des groupes d’opposition armés. D’autres atteintes aux droits humains – homicides illégaux, pillages, enlèvements – se poursuivaient également, essentiellement imputables aux groupes armés. L’appareil judiciaire de la RDC n’était pas en mesure de traiter les nombreuses affaires de violations des droits fondamentaux commises au cours du conflit. Cette année encore, des enfants ont été recrutés et utilisés comme soldats, notamment en République centrafricaine, en RDC et en Somalie.
Certains gouvernements africains étaient toujours peu disposés à faire en sorte que les responsables de crimes de droit international rendent compte de leurs actes. Ainsi, le Sénégal refusait toujours de poursuivre ou d’extrader Hissène Habré, l’ancien président du Tchad. Le gouvernement burundais, quant à lui, a examiné en fin d’année une proposition de révision de la loi visant à mettre en place une commission de vérité et de réconciliation, mais manquait manifestement de la volonté politique nécessaire pour créer un tribunal spécial, ainsi que les Nations unies l’avaient recommandé en 2005.

Justice et impunité

Nombre d’affaires de violations commises par les forces de sécurité ou les forces de l’ordre n’étaient pas traitées. Les autorités n’ouvraient presque jamais d’enquête indépendante et impartiale sur les arrestations et les détentions arbitraires, les actes de torture et les autres mauvais traitements, les homicides illégaux (y compris les exécutions extrajudiciaires) ou les disparitions forcées qui leur étaient signalés. Rares sont les personnes qui ont été amenées à rendre des comptes pour des atteintes aux droits fondamentaux. C’est pourquoi dans beaucoup de pays de la région, la population n’a plus confiance dans les organes chargés de faire appliquer la loi ni dans l’appareil judiciaire. Ceux qui tentent de saisir la justice officielle, notamment les victimes d’atteintes aux droits humains, se voient par ailleurs confrontés à un autre obstacle, celui du coût.
L’impunité pour les violations des droits humains perpétrées par des agents de la force publique était généralisée au Burundi, au Cameroun, au Congo, en Érythrée, en Éthiopie, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Kenya, à Madagascar, au Malawi, au Mozambique, au Nigeria, en RDC, au Sénégal, au Soudan, au Swaziland, en Tanzanie et au Zimbabwe. La commission d’enquête sur les exécutions extrajudiciaires mise en place par le gouvernement burundais n’a pas publié ses conclusions. Les autorités burundaises n’ont pas non plus ouvert d’enquête sur les informations selon lesquelles des membres du Service national de renseignement (SNR) se seraient rendus coupables de torture en 2010. Autre exemple flagrant du caractère institutionnalisé de l’impunité : au cours de l’Examen périodique universel du Soudan par le Conseil des droits de l’homme [ONU], en septembre, ce pays a rejeté les recommandations qui lui étaient faites de réexaminer sa Loi de 2010 relative à la sécurité nationale et de réformer le Service national de la sûreté et du renseignement (NISS). De ce fait, les agents du NISS demeurent à l’abri de toute poursuite et de toute sanction disciplinaire pour les violations des droits humains qu’ils ont commises.
Le nombre de personnes en détention provisoire demeurait très élevé car, dans la plupart des pays, l’appareil judiciaire n’était pas en mesure de garantir un procès équitable dans un délai raisonnable. Beaucoup de personnes ne pouvaient pas bénéficier des services d’un avocat après leur arrestation. Dans de nombreux pays, les conditions de détention étaient épouvantables : la surpopulation et la pénurie de personnel pénitentiaire semblaient être la règle, tout comme le manque de soins, d’eau, de nourriture et d’équipements sanitaires de base pour les détenus. Bien souvent, elles ne répondaient pas aux critères minimaux fixés par les normes internationales et s’apparentaient à une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Dans une affaire particulièrement horrible intervenue en septembre, neuf hommes sont morts asphyxiés dans les locaux de la gendarmerie nationale de Léré (Tchad) où ils étaient entassés.
La tendance vers l’abolition de la peine de mort s’est poursuivie.
L’Assemblée nationale du Bénin a voté en faveur de la ratification du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, confirmant ainsi son intention d’abolir la sentence capitale. Au Ghana, l’abolition de cette peine a été recommandée par la Commission de révision de la Constitution. En octobre, le procureur général fédéral et ministre de la Justice du Nigeria a informé une délégation d’Amnesty International que le gouvernement avait instauré un moratoire officiel sur les exécutions. Le gouvernement de Sierra Leone avait fait une déclaration similaire en septembre. À l’opposé de ces évolutions encourageantes, la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud figuraient parmi les derniers pays d’Afrique sub-saharienne à procéder encore à des exécutions, souvent à l’issue de procès contraires aux règles d’équité les plus élémentaires.

Marginalisation

Dans de nombreux pays, réfugiés et migrants étaient plus que d’autres victimes d’atteintes aux droits fondamentaux. Des Congolais ont, cette année encore, été en butte à des violences sexuelles au moment où ils étaient expulsés d’Angola. En Mauritanie, les autorités ont arrêté arbitrairement plusieurs milliers de migrants avant de les renvoyer vers des pays voisins. Au Mozambique aussi, des réfugiés et des migrants ont été victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Des homicides illégaux commis par des agents de la force publique ont notamment été signalés. Les réfugiés et des migrants en Afrique du Sud continuaient d’être la cible de violences et de destructions de biens. En décembre, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a recommandé que les pays d’accueil prennent des mesures pour mettre un terme au statut de réfugié accordé jusque-là à la plupart des Rwandais présents sur leur territoire. Les réfugiés et les organisations de défense des droits humains se sont émus du fait que le HCR n’avait pas véritablement exposé le fondement de cette recommandation, ainsi que du fait que sa mise en œuvre par les États risquait d’exposer au risque de renvoi forcé vers le Rwanda un grand nombre de personnes ayant toujours besoin d’une protection.
Plusieurs dizaines de milliers de Sud-Soudanais ont décidé de quitter le Soudan pour le Soudan du Sud, car ils risquaient de perdre leurs droits à la nationalité soudanaise après la déclaration d’indépendance de la partie méridionale du pays. En butte à de nombreuses difficultés, ils ont notamment été harcelés avant et pendant leur périple ; une fois arrivés au Soudan du Sud, ils ont été confrontés à une situation humanitaire dramatique.
Les violences et les discriminations à l’égard des femmes demeuraient très répandues dans de nombreux pays, notamment en raison de certaines traditions et normes culturelles. Dans certains États, la législation en vigueur institutionnalisait la discrimination envers les femmes. Celle-ci pesait également sur l’accès des femmes aux services de santé.
Des femmes et des filles ont, cette année encore, été victimes de viol ou d’autres sévices sexuels dans plusieurs pays en conflit ou dans des régions comptant un nombre élevé de réfugiés ou de personnes déplacées, notamment l’est du Tchad, la Côte d’Ivoire, l’est de la RDC, la République centrafricaine et le Soudan (en particulier le Darfour). Ces violences étaient souvent le fait de membres des forces de sécurité gouvernementales ; dans la plupart des cas, aucune enquête n’était ouverte.

Discrimination

La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre, réelle ou supposée, s’est aggravée. Non seulement les responsables politiques ne protégeaient pas le droit à ne pas subir de discrimination, mais souvent ils se servaient de déclarations et de mesures pour inciter à la discrimination et aux persécutions fondées sur une orientation sexuelle supposée.

La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre, réelle ou supposée, s’est aggravée. Les responsables politiques se servaient de déclarations et de mesures pour inciter à la discrimination et aux persécutions fondées sur une orientation sexuelle supposée.

Au Cameroun, des personnes soupçonnées d’entretenir une relation homosexuelle ont été persécutées. Un grand nombre ont été arrêtées et certaines, dont Jean-Claude Roger Mbede, condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement. Le gouvernement camerounais a également proposé de modifier le Code pénal en vue d’alourdir les peines d’emprisonnement et les amendes pour les personnes reconnues coupables de relations homosexuelles. Au Malawi, en Mauritanie et au Zimbabwe également, des hommes ont été arrêtés et poursuivis en raison de leur orientation sexuelle supposée. Au Malawi, le gouvernement a adopté une loi érigeant en infraction les relations sexuelles entre femmes et, lors d’un rassemblement politique, le président Bingu wa Mutharika a déclaré que les gays étaient « pires que des chiens ». Au Nigeria, le Sénat a adopté un projet de loi érigeant en infraction les relations entre personnes du même sexe. Au Ghana, le ministre chargé de la Région occidentale a ordonné aux forces de sécurité d’arrêter tous les gays et toutes les lesbiennes vivant dans l’ouest du pays.
En Ouganda, la proposition de loi relative à la lutte contre l’homosexualité n’a pas été examinée par le Parlement, mais n’a pas non plus été retirée. David Kato, éminent défenseur des droits humains en général et des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transgenres en particulier, a été assassiné à son domicile en janvier. Un homme a été arrêté et condamné, en novembre, à 30 ans de réclusion pour ce meurtre. En Afrique du Sud, la société civile a fait pression auprès des autorités pour qu’elles s’attaquent au problème des violences contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transgenres – en particulier contre les lesbiennes. À la suite de ces actions, les pouvoirs publics ont mis en place un groupe de travail chargé de la prévention des violences fondées sur l’orientation sexuelle supposée.
En Érythrée, les persécutions fondées sur des motifs religieux se sont poursuivies. Un très grand nombre de personnes ont été arrêtées arbitrairement et auraient été maltraitées en détention.

Sécurité et droits humains

L’Afrique est, de plus en plus, exposée à des actes de terrorisme commis par divers groupes armés islamistes, dont Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), actif dans plusieurs pays du Sahel ; le groupe religieux Boko Haram, qui a multiplié les attentats à l’explosif au Nigeria tout au long de l’année ; et le groupe armé Al Shabab, qui opère au Kenya et en Somalie. Ces formations ont commis de nombreuses atteintes aux droits humains, dont des attaques aveugles, des homicides illégaux, des enlèvements et des actes de torture.
En réaction à ces violences, certains gouvernements ont accru leur coopération militaire, notamment au Sahel, et des pays voisins sont intervenus militairement. Le Nigeria a mis en place une Force d’intervention conjointe (JTF) pour lutter contre Boko Haram dans certains États. Lorsque les forces de sécurité gouvernementales tentaient de contrer les groupes armés, elles commettaient souvent elles-mêmes des violations des droits humains. En Mauritanie, 14 détenus condamnés pour des infractions liées au terrorisme ont été victimes de disparition forcée au cours d’un transfert. Au Nigeria, les forces de sécurité ont répondu à l’escalade des violences dans certains États en procédant à des centaines d’arrestations et de détentions arbitraires, à des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires.

L’heure du changement

Sans doute l’Afrique sub-saharienne ne connaîtra-t-elle pas une amélioration du respect et de la protection des droits fondamentaux aussi rapide et spectaculaire que l’Afrique du Nord. Par endroits, il se pourrait même que la situation empire. Cependant, certains facteurs – une croissance économique durable, les pressions en faveur d’une meilleure gouvernance, l’émergence d’une classe moyenne, une société civile plus puissante, un meilleur accès aux technologies de l’information et de la communication – vont peu à peu contribuer à améliorer la situation des droits humains. Toute la question est de savoir si les dirigeants d’Afrique adhéreront à ces changements, ou s’ils les considéreront comme une menace à leur maintien au pouvoir. À voir la façon dont ils ont réagi aux manifestations et à la dissidence, on peut dire que la plupart des responsables politiques faisaient partie en 2011 non pas de la solution, mais bien du problème.

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