JAMAÏQUE

Plusieurs centaines d’habitants de quartiers urbains défavorisés ont été tués par des bandes criminelles ou des policiers. Personne n’a été amené à rendre des comptes pour les violations des droits humains qui auraient été perpétrées durant l’état d’urgence instauré en 2010. Des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres ont été victimes d’agressions et de harcèlement. Aucune condamnation à mort n’a été prononcée et la Jamaïque n’a procédé à aucune exécution.

JAMAÏQUE
Chef de l’État : Elizabeth II, représentée par Patrick Linton Allen
Chef du gouvernement : Bruce Golding, remplacé par Andrew Holness le 23 octobre
Peine de mort : maintenue
Population : 2,8 millions
Espérance de vie : 73,1 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 30,9 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 86,4 %

Contexte

La violence des bandes armées, essentiellement dans les quartiers pauvres des villes, demeurait un motif de préoccupation. Le nombre d’homicides enregistrés a toutefois diminué de 15 % par rapport à l’année 2010.
Une commission d’enquête indépendante nommée pour enquêter sur le traitement de la demande d’extradition vers les États-Unis de Christopher Coke, narcotrafiquant présumé, a présenté son rapport en juin. D’après ce document, le rôle joué par le Premier ministre Bruce Golding dans la décision d’extradition a été « inapproprié ». En septembre, Bruce Golding a annoncé qu’il démissionnait de ses fonctions de Premier ministre et de dirigeant du Parti travailliste jamaïcain.
Adoptée en avril, la Charte des libertés et des droits fondamentaux a remplacé le Chapitre III de la Constitution. En juillet, la Cour suprême a jugé inconstitutionnelle la Loi de 2010 sur la mise en liberté sous caution (dispositions provisoires s’appliquant à des infractions spécifiques). Au cours du même mois, une autre loi provisoire, accordant des pouvoirs supplémentaires à la police en matière de détention et d’arrestation, a été prorogée pour une année supplémentaire.
En novembre, le Comité des droits de l’homme [ONU] a examiné le troisième rapport périodique de la Jamaïque et émis plusieurs recommandations sur un certain nombre de questions, notamment sur les enquêtes concernant les allégations d’exécutions extrajudiciaires, la protection des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres et la lutte contre les violences liées au genre.
Le Parti national populaire (PNP), dirigé par l’ancienne Première ministre Portia Simpson Miller, est sorti vainqueur des élections générales du 29 décembre.

Police et forces de sécurité

Le nombre de personnes tuées par la police entre les mois de janvier et de juin a diminué de 32 % par rapport à la même période en 2010. Plusieurs personnes sont toutefois mortes dans des circonstances portant à croire qu’il pouvait s’agir d’exécutions extrajudiciaires.
Personne n’a été amené à rendre des comptes pour les homicides illégaux et les disparitions forcées qui auraient eu lieu durant l’état d’urgence de 2010. Le Bureau du médiateur, qui a mené une enquête indépendante sur les violations des droits humains qui auraient été commises pendant l’état d’urgence, n’avait toujours pas présenté son rapport au Parlement à la fin de l’année. Malgré les demandes en ce sens du Bureau du médiateur et de diverses organisations jamaïcaines de défense des droits humains, le gouvernement n’a pas concrétisé son engagement de nommer une commission d’enquête indépendante visant à établir la vérité sur ces faits.
La Commission d’enquête indépendante, mise en place en août 2010 pour enquêter sur les violences perpétrées par les forces de sécurité, a bénéficié de moyens devant lui permettre de recruter et de former des enquêteurs supplémentaires. Les débats se poursuivaient toutefois sur la question de savoir si la Commission était autorisée à inculper les agents de police, ce qui mettait en lumière la nécessité de préciser et de renforcer ses pouvoirs au plan légal.
La réforme de la police s’est poursuivie. En avril, la police a indiqué que sur les 124 recommandations relatives à la réforme proposées en juin 2008 par un groupe d’experts indépendants, 53 avaient été mises en œuvre et 65 se trouvaient en phase avancée de réalisation.

Justice

En octobre, le ministre de la Justice a fait valoir qu’un nombre non négligeable de recommandations en matière de réforme de la justice avaient été appliquées. Il a cependant reconnu que la justice souffrait encore d’importants retards.
Un coroner spécial chargé d’examiner des cas de tirs mortels imputables à des policiers a été désigné en février. En raison de la faiblesse des moyens attribués à ses services, le coroner n’était pas en mesure de traiter efficacement les affaires en instance ni les nombreuses affaires nouvelles.

Droits des enfants

À la suite des critiques sur le fait que des mineurs se trouvaient enfermés avec des adultes dans des postes de police, le gouvernement a ouvert, en juillet, le Centre d’éducation surveillée de Metcalfe Street pour jeunes garçons et y a ordonné le transfert de tous les garçons en détention. D’après les organisations locales de défense des droits humains, à la date du 3 septembre, 28 mineurs étaient cependant toujours enfermés dans des cellules de postes de police. Des filles mineures partageaient encore leurs cellules avec des adultes.

Violences faites aux femmes et aux filles

Selon les statistiques de la police, le nombre de plaintes pour crimes sexuels à l’encontre de femmes et de filles a diminué. En mai, la police a néanmoins indiqué que les agressions sexuelles sur mineures âgées de 11 à 15 ans avaient augmenté par rapport à la même période de 2010.
Une politique nationale en faveur de l’égalité entre les sexes a été adoptée en mars.

Droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres

Les organisations de défense des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres ont fait état de très nombreux cas d’agression, de harcèlement et de menaces à l’encontre de ces personnes.
Un grand nombre de ces affaires n’ont pas donné lieu à une enquête exhaustive réalisée dans les meilleurs délais.
La Charte des libertés et des droits fondamentaux ne mentionnait pas le droit de ne pas subir de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Une requête a été déposée auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme au nom de deux hommes gays, afin de contester certains articles de la Loi relative aux crimes et aux délits contre les personnes (communément appelée « loi sur la sodomie »). Dans l’une de ses recommandations, le Comité des droits de l’homme [ONU] exhortait les autorités jamaïcaines à modifier ce texte et à assurer la protection des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres et de ceux qui défendent leurs droits.

Peine de mort

Aucune condamnation à mort n’a été prononcée. À la fin de l’année, sept personnes étaient sous le coup d’une sentence capitale.
La Charte des libertés et des droits fondamentaux comportait une disposition visant à annuler les conséquences d’une décision historique rendue en 1993 par le Comité judiciaire du Conseil privé, la plus haute juridiction d’appel de la Jamaïque, qui siège au Royaume-Uni. Le Comité judiciaire avait considéré qu’une exécution perpétrée après cinq années passées dans l’antichambre de la mort s’apparenterait à un châtiment inhumain et dégradant.

Visites et documents d’Amnesty International

  • Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à la Jamaïque en mars.
  • Jamaica : A long road to justice ? – Human rights violations under the state of emergency” (AMR 38/002/2011).
  • Jamaica : Submission to the UN Human Rights Committee for the 103rd Session of the Human Rights Committee (AMR 38/004/2011).
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