COREE DU NORD

Kim Jong-un a succédé à son père à la tête du pays le 17 décembre, assumant un pouvoir absolu. Rien n’indiquait cependant une quelconque amélioration dans le domaine des droits humains, où le bilan de la Corée du Nord était catastrophique. Les Nord-Coréens continuaient d’être victimes de violations de la quasi-totalité de leurs droits fondamentaux. Six millions de personnes avaient un urgent besoin d’aide alimentaire. Selon un rapport de l’ONU, le pays n’était pas en mesure, à court terme, de nourrir sa population. Des informations ont fait état de l’existence de nombreux camps pénitentiaires, où la détention arbitraire, le travail forcé et les mauvais traitements, y compris la torture, étaient monnaie courante. Cette année encore, la Corée du Nord a exécuté des condamnés à mort, y compris en public. Les châtiments collectifs étaient courants. Les violations des libertés d’expression et de réunion étaient généralisées.

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE
Chef de l’État : Kim Jong-il, décédé le 17 décembre, remplacé par Kim Jong-un
Chef du gouvernement : Choe Yong-rim
Peine de mort : maintenue
Population : 24,5 millions
Espérance de vie : 68,8 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 33,3 ‰

Contexte

Kim Jong-il est mort en décembre, apparemment d’une crise cardiaque. Il avait exercé pendant 17 ans les fonctions de chef de l’État, auxquelles il avait accédé à la mort de son père, Kim Il-sung. Son fils, Kim Jong-un, a été désigné pour prendre sa succession.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a prorogé en juin, pour la deuxième fois, le mandat du Groupe d’experts chargé des sanctions imposées par l’ONU à la Corée du Nord en réponse aux essais nucléaires effectués par le pays.
Les inondations dues aux fortes pluies qui se sont abattues sur le pays à partir de juin, puis le cyclone qui l’a frappé en août, ont entraîné de très importants dégâts, en particulier dans les provinces du Hwanghae du Nord et du Sud. Ces catastrophes naturelles auraient fait 68 morts ou disparus et plus de 25 000 sans-abri.

Crise alimentaire

En janvier, des personnes seraient mortes de faim dans la province du Pyongan du Sud. Des cas avaient été signalés dès avril 2010 dans les provinces du Hamkyung du Nord et du Sud. Le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’UNICEF ont lancé en avril une opération d’urgence pour venir en aide à 3,5 millions de personnes parmi les plus vulnérables (enfants, femmes et personnes âgées).
Selon un rapport de la FAO et du PAM, une grande partie de la population a souffert d’une longue période de pénurie alimentaire, entre mai et septembre, alors que la ration de céréales distribuée par les pouvoirs publics était réduite à 200 grammes au maximum par jour et par personne. Une telle ration ne permettait de satisfaire que le tiers des besoins énergétiques journaliers minimaux d’un individu. Selon ce même rapport, une femme sur quatre âgée de 15 à 49 ans souffrait de malnutrition et un peu plus du tiers des jeunes enfants présentaient un retard de croissance, tandis que près de 20 % d’entre eux étaient en insuffisance pondérale. Les admissions d’enfants dénutris dans les services pédiatriques des hôpitaux auraient en outre augmenté de 50 à 100 % par rapport à l’année précédente.
Or, malgré cette crise, l’acheminement de l’aide alimentaire internationale demeurait tributaire de considérations géopolitiques. Selon certaines informations parvenues en février, le gouvernement nord-coréen a demandé à ses ambassades de solliciter une assistance alimentaire auprès de plusieurs pays étrangers. La Commission européenne, après une visite d’évaluation sur place, a décidé en juin d’apporter une aide alimentaire d’urgence à hauteur de 10 millions d’euros. Les États-Unis n’ont pas souhaité envoyer une telle aide à la Corée du Nord, dans la mesure où ils craignaient de ne pas pouvoir en contrôler la distribution.

Arrestations et détentions arbitraires

Selon des informations non confirmées, l’Agence pour la sécurité nationale, préparant de toute évidence la succession à la tête de du pays, aurait arrêté en janvier plus de 200 représentants de l’État. Il était à craindre que certains d’entre eux n’aient été exécutés. D’autres auraient été envoyés dans des camps pour prisonniers politiques. De sources crédibles, on estimait à près de 200 000 le nombre de personnes détenues dans des conditions épouvantables dans six gigantesques camps de prisonniers politiques, dont celui, tristement célèbre, de Yodok. Des milliers de personnes étaient en outre incarcérées dans au moins 180 autres centres de détention. La plupart y avaient été envoyées sans avoir été jugées ou bien à l’issue de procès d’une iniquité flagrante, sur la base d’« aveux » obtenus sous la contrainte.

Torture et autres mauvais traitements

Dans les camps, hommes, femmes et enfants étaient torturés et autrement maltraités. Ils étaient notamment contraints de travailler dans des conditions dangereuses. Astreints à des travaux forcés dangereux, mal nourris, passés à tabac, privés de soins médicaux et soumis à des conditions de vie insalubres, des détenus tombaient malades. Beaucoup mouraient en détention ou peu après leur libération. Le gouvernement continuait de nier l’existence de camps pour prisonniers politiques.

Peine de mort

Des informations qui n’ont pu être confirmées ont fait état, en juillet, de l’exécution par les autorités de 30 représentants de l’État qui avaient participé aux pourparlers entre les deux Corées ou supervisé le dialogue bilatéral. Ces personnes auraient été soit fusillées, soit tuées dans des simulacres d’accidents de la route. Le 10 mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a adressé au gouvernement une communication concernant 37 exécutions pour « crimes financiers » qui auraient eu lieu entre 2007 et 2010.

Liberté d’expression

Le gouvernement a autorisé en juin l’agence de presse Associated Press à ouvrir un bureau à Pyongyang. L’agence Reuters a annoncé qu’elle avait obtenu l’autorisation d’installer une antenne satellite dans la capitale nord-coréenne. Il n’existait cependant aucun média local indépendant. Il n’y avait pas non plus en Corée du Nord d’opposition politique indépendante connue, ni de société civile indépendante. Toute critique du gouvernement et de ses dirigeants était totalement interdite et passible d’arrestation et d’internement dans un camp de détention. Seules quelques personnes triées sur le volet avaient accès à Internet, essentiellement via un réseau intranet étroitement surveillé. Les pouvoirs publics faisaient la chasse aux utilisateurs de téléphones portables chinois et les liaisons téléphoniques ont été interrompues à Sinuiju, ville frontalière située en face de la ville chinoise de Dandong.

Droit de circuler librement

Les Nord-Coréens étaient soumis à des restrictions draconiennes de leur droit de circuler librement, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Des milliers fuyaient vers la Chine en quête de nourriture et de travail. Nombre d’entre eux étaient renvoyés de force dans leur pays par les autorités chinoises. À leur retour, ils étaient systématiquement soumis à des violences et placés en détention. Les sanctions étaient plus sévères pour ceux qui étaient soupçonnés d’avoir été en contact avec des ONG sud-coréennes ou d’avoir voulu passer en Corée du Sud. Un certain nombre d’informations reçues en juillet portaient à croire que les autorités nord-coréennes avaient décidé de lancer une campagne de répression contre les personnes qui partaient à l’étranger sans autorisation. Selon des informations parvenues en octobre mais qui n’ont pu être confirmées, l’Agence pour la sécurité nationale aurait ainsi arrêté en septembre au moins 20 Nord-Coréens à Shenyang, en Chine. Ces personnes auraient été reconduites de force en Corée du Nord et placées en détention dans des locaux de l’Agence pour la sécurité nationale situés dans la province du Hamkyung du Nord.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Plus de 23 500 Nord-Coréens ont obtenu la nationalité sud-coréenne. Plusieurs centaines d’autres se trouvaient au Japon. Selon des chiffres publiés en 2011 par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 917 demandeurs d’asile nord-coréens se trouvaient en 2010 dans une « situation analogue à celle de réfugié » dans un certain nombre de pays, dont l’Allemagne, l’Australie, les États-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
*En mars, 27 Nord-Coréens ont été remis à la Marine nationale de leur pays. Ils faisaient partie d’un groupe de 31 personnes (20 femmes et 11 hommes) se trouvant à bord d’un bateau de pêche qui, pris dans le brouillard, avait dérivé en février dans les eaux sud-coréennes. Quatre membres du groupe ont demandé à rester en Corée du Sud, qui leur a accordé la nationalité.
*En juin, neuf ressortissants nord-coréens sont arrivés en bateau en Corée du Sud. La Corée du Nord aurait alors décidé de limiter l’accès de ses citoyens aux régions frontalières et d’interdire la navigation des petites embarcations le long de la côte occidentale.
*Neuf Nord-Coréens, dont trois enfants, ont été retrouvés en septembre, à bord d’un petit bateau de pêche en bois, au large des côtes de la préfecture japonaise d’Ishikawa. Ils ont dans un premier temps été placés en détention à Nagasaki, avant d’être autorisés à se rendre en Corée du Sud.

Surveillance internationale

Le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée n’a pas été autorisé à se rendre sur place. En septembre, 40 ONG, dont Amnesty International, ont créé une coalition internationale à Tokyo pour demander la mise en place d’une commission d’enquête sur les crimes contre l’humanité commis par le gouvernement nord-coréen. En mai, Robert King, envoyé spécial des États-Unis pour les droits humains et les questions humanitaires en Corée du Nord, a effectué une visite sans précédent dans le pays, à la tête d’une délégation chargée d’évaluer la gravité de la crise alimentaire. Il est reparti accompagné du missionnaire américano-coréen Jun Eddie Yong-su, qui avait été maintenu pendant six mois en détention pour « activité religieuse inappropriée ou illégale ».

Visites et documents d’Amnesty International

 North Korea : Political prison camps (ASA 24/001/2011).

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