MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL

Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants. Cette année encore, des détracteurs de la monarchie et des institutions étatiques, ainsi que des Sahraouis partisans de l’autodétermination du Sahara occidental, ont été poursuivis et emprisonnés. De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus ont été signalés. Plusieurs prisonniers d’opinion et un homme victime de détention arbitraire ont recouvré la liberté à la faveur d’une grâce royale, mais les charges retenues contre plusieurs militants sahraouis n’ont pas été abandonnées. Aucune exécution n’a eu lieu.

ROYAUME DU MAROC
Chef de l’État : Mohammed VI
Chef du gouvernement : Abbas El Fassi, remplacé par Abdelilah Benkirane le 29 novembre
Peine de mort : abolie en pratique
Population : 32,3 millions
Espérance de vie : 72,2 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 37,5 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 56,1 %

Contexte

Des milliers de personnes ont manifesté le 20 février à Rabat et à Casablanca, entre autres villes, pour demander des réformes. Ces manifestations, autorisées, ont été généralement pacifiques. Les protestataires, qui n’ont pas tardé à créer le Mouvement du 20 février, réclamaient notamment plus de démocratie, une nouvelle Constitution, l’élimination de la corruption, une amélioration de la situation économique et un renforcement des services de santé. Alors que les manifestations se poursuivaient, un nouveau Conseil national des droits de l’homme a été créé, le 3 mars, en remplacement du Conseil consultatif des droits de l’homme. Le roi a annoncé, le 9 mars, le lancement d’une réforme constitutionnelle. À l’issue d’un processus boycotté par les chefs des protestataires, une nouvelle Constitution a été approuvée par un référendum national le 1er juillet. Les pouvoirs du roi de désigner les hauts fonctionnaires et de dissoudre le Parlement ont été transférés au Premier ministre. Le souverain restait toutefois commandant en chef des forces armées, continuait de présider le Conseil des ministres et demeurait la plus haute autorité religieuse. La nouvelle Constitution garantit également la liberté d’expression et l’égalité entre les hommes et les femmes ; en outre, elle érige en infraction pénale la torture, la détention arbitraire et la disparition forcée. Le Parti de la justice et du développement (PJD), islamiste, a remporté les élections législatives du 25 novembre et un nouveau gouvernement présidé par Abdelilah Benkirane est entré en fonction le 29 novembre.
Le Maroc a levé en avril ses réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui concernaient la nationalité des enfants et la discrimination en matière de mariage. Le pays a également annoncé son intention de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et le Protocole facultatif à la Convention sur les femmes [ONU].
Les négociations sur le statut du Sahara occidental entre le Maroc, qui a annexé ce territoire en 1975, et le Front Polisario étaient toujours dans l’impasse. Le Front Polisario continuait de réclamer la mise en place d’un État indépendant. Le Conseil de sécurité des Nations unies a renouvelé le 27 avril le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), qui ne prévoyait aucun mécanisme de surveillance de la situation des droits humains.

Répression de la dissidence

Bien que les manifestations en faveur des réformes aient été largement pacifiques, les forces de sécurité seraient dans bien des cas intervenues brutalement contre les rassemblements ; une personne au moins est morte et beaucoup d’autres ont été blessées lors de ces interventions, qui ont donné lieu à des centaines d’interpellations. Si la plupart des manifestants ont été relâchés, certains ont été jugés et condamnés à des peines d’emprisonnement. Les forces de sécurité auraient harcelé des proches de membres du Mouvement du 20 février et elles auraient convoqué aux fins d’interrogatoire de très nombreux militants qui appelaient au boycottage des élections législatives.
*Le 15 mai, des rassemblements et manifestations organisés par le Mouvement du 20 février à Rabat, Fès, Tanger et Témara ont été dispersés à coups de matraque par les forces de sécurité, qui ont également frappé les manifestants à coups de pied et de poing.
*Le 29 mai, une manifestation organisée à Safi par le Mouvement du 20 février a été violemment dispersée par les forces de sécurité. Un manifestant, Kamel Ammari, est mort quelques jours plus tard des suites de ses blessures.
*Le 20 novembre, des membres des forces de sécurité ont pris d’assaut les bureaux de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Bou-Arafa ; ils auraient battu plusieurs membres du personnel ainsi que des jeunes qui se préparaient à rejoindre une manifestation.

Liberté d’expression

Des journalistes, entre autres, risquaient toujours d’être poursuivis et emprisonnés pour avoir critiqué publiquement les autorités ou des institutions ou pour avoir commenté des sujets considérés comme politiquement sensibles.
*Le 2 mars, le roi a accordé son pardon à Kaddour Terhzaz, un militaire de haut rang à la retraite qui était emprisonné pour avoir menacé « la sécurité extérieure » du Maroc. Cet homme avait envoyé une lettre au roi dans laquelle il réclamait l’amélioration de la situation des anciens pilotes de l’armée de l’air.
*Le 14 avril, le roi a gracié Chekib El Khiari, journaliste et défenseur des droits humains, qui purgeait une peine de trois ans d’emprisonnement prononcée à son encontre en 2009 parce qu’il avait dénoncé la corruption.
*Le rédacteur en chef du quotidien El Massa, Rachid Nini, a été condamné le 9 juin à un an d’emprisonnement pour diffusion de fausses nouvelles et atteinte à la sécurité nationale. Il avait été arrêté le 28 avril à la suite de la publication d’articles qui critiquaient les pratiques des services de sécurité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Sa condamnation a été confirmée en appel en octobre.
*Zakaria Moumni, un boxeur condamné pour escroquerie à l’issue d’un procès inéquitable, a été rejugé en décembre et de nouveau déclaré coupable. Il s’est vu infliger une peine de 20 mois d’emprisonnement. Cet homme avait été arrêté en septembre 2010 après avoir critiqué des associations sportives marocaines et tenté à plusieurs reprises de rencontrer le roi. Sa première condamnation reposait sur des « aveux » qui lui auraient été extorqués sous la torture.
*Le chanteur de rap Mouad Belrhouate a été arrêté le 9 septembre, selon toute apparence parce que certaines de ses chansons étaient considérées comme insultantes envers la monarchie. Il était toujours en détention à la fin de l’année, son procès ayant été ajourné à plusieurs reprises.

Répression de la dissidence – militants sahraouis

Les autorités continuaient de restreindre l’exercice de la liberté d’expression, d’association et de réunion des Sahraouis partisans de l’autodétermination du Sahara occidental. Cette année encore, des militants de premier plan ont fait l’objet de poursuites.
*Les militants sahraouis Ahmed Alnasiri, Brahim Dahane et Ali Salem Tamek ont été libérés sous caution le 14 avril. Incarcérés depuis le 8 octobre 2009, ils étaient toujours inculpés, ainsi que quatre autres militants sahraouis, de menace à la « sécurité intérieure » du Maroc en raison de leurs activités pacifiques en faveur de l’autodétermination du Sahara occidental.
*Vingt-trois Sahraouis étaient maintenus en détention dans la prison de Salé, dans l’attente d’un procès inéquitable devant un tribunal militaire pour leur participation présumée à des violences à la fin de 2010, dans le campement de protestation de Gdim Izik, non loin de Laayoune. Les prisonniers ont entamé une grève de la faim à la fin du mois d’octobre pour protester contre leurs conditions de vie et leur maintien en détention sans jugement. Ils n’avaient toujours pas comparu à la fin de l’année.
Aucune enquête indépendante et impartiale n’a été effectuée sur les événements qui se sont déroulés à Gdim Izik et à Laayoune en novembre 2010, lorsque les forces de sécurité marocaines ont démoli le campement de protestation sahraoui. Treize personnes, dont 11 membres des forces de sécurité, avaient trouvé la mort dans les violences consécutives.

Torture et autres mauvais traitements

De nouvelles informations ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus, par des agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST) notamment. Les militants islamistes présumés et les membres du Mouvement du 20 février étaient tout particulièrement pris pour cible. Des détenus étaient toujours maintenus au secret, dans certains cas au-delà de la durée maximale de 12 jours de garde à vue autorisée par la loi.
*Les 16 et 17 mai, des détenus de la prison de Salé condamnés pour des infractions liées au terrorisme se sont mutinés pour dénoncer l’iniquité de leurs procès et le recours à la torture dans le centre de détention non reconnu de Témara. Des affrontements ont opposé les détenus et les gardiens, dont plusieurs ont été retenus en otages pendant une courte période ; les membres de l’administration pénitentiaire ont ensuite tiré à balles réelles pour réprimer la mutinerie. Plusieurs prisonniers ont été blessés.
À la fin du mois de mai, Mohamed Hajib, un ressortissant germano-marocain qui purgeait une peine de 10 ans d’emprisonnement, a dû recevoir des soins à l’hôpital après avoir été roué de coups et menacé de viol par des gardiens de la prison de Toulal, à Meknès, où il avait été transféré après avoir participé à la mutinerie de la prison de Salé.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Le 28 avril, 17 personnes – des touristes étrangers pour la plupart – ont été tuées et plusieurs autres blessées dans un attentat à l’explosif perpétré dans un café de Marrakech et qui n’a pas été revendiqué. Les autorités l’ont attribué à Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), qui a nié toute responsabilité.
*Adil Othmani, déclaré coupable de participation à l’attentat à l’explosif contre le café de Marrakech, a été condamné à mort en octobre.
Cinq hommes déclarés coupables en juillet 2009 d’infractions liées au terrorisme dans l’affaire de la « cellule Belliraj » ont été remis en liberté à la faveur de la grâce accordée par le roi le 14 avril. Leur procès avait été entaché d’irrégularités et leurs allégations de torture n’avaient pas fait l’objet d’une enquête.

Justice de transition

Les autorités n’ont pas mis en œuvre les recommandations importantes émises par l’Instance équité et réconciliation dans son rapport de novembre 2005. Les victimes d’atteintes graves aux droits humains commises entre l’indépendance du Maroc, en 1956, et la mort du roi Hassan II, en 1999, étaient toujours privées d’accès effectif à la justice.

Peine de mort

Les tribunaux marocains prononçaient toujours la peine capitale. La dernière exécution a eu lieu en 1993. À la faveur d’une amnistie prononcée par le roi en avril, cinq condamnés à mort ont vu leur sentence commuée en peine d’emprisonnement

Camps du Front Polisario

Le Front Polisario n’a pris aucune mesure pour mettre fin à l’impunité dont bénéficiaient ceux qui étaient accusés d’avoir commis des atteintes aux droits humains durant les années 1970 et 1980 dans les camps de Tindouf (région de Mhiriz, en Algérie), qu’il contrôle.
En octobre, trois employés d’organisations humanitaires – un homme, de nationalité espagnole, et deux femmes, une Italienne et une Espagnole – ont été enlevés par un groupe armé dans un camp de réfugiés géré par le Front Polisario. Ils n’avaient pas été libérés à la fin de l’année.

Visites et documents d’Amnesty International

 Maroc et Sahara occidental. Les autorités marocaines critiquées pour leur répression des manifestations à Témara (MDE 29/004/2011).
 Maroc. Il faut enquêter sur les allégations de torture (MDE 29/008/2011).

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