Jordanie

Les forces de sécurité ont utilisé une force excessive et arrêté plusieurs centaines de manifestants, y compris des manifestants pacifiques, qui réclamaient des réformes. Les autorités limitaient toujours sévèrement la liberté d’expression, d’association et de réunion ; elles ont imposé de nouvelles restrictions aux médias électroniques. Des informations ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers. Les procès devant la Cour de sûreté de l’État ne respectaient toujours pas les normes d’équité. Des centaines, et peut-être des milliers, de personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes étaient maintenues en détention sans inculpation ni jugement et pour une durée indéterminée. Les femmes subissaient des discriminations et des violences ; 10 au moins auraient été victimes de crimes « d’honneur ». Des employés de maison étrangers ont été exploités et maltraités. Selon certaines informations, des réfugiés ont été renvoyés de force en Syrie. Seize personnes au moins ont été condamnées à mort. Aucune exécution n’a eu lieu.

ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE
Chef de l’État : Abdallah II
Chef du gouvernement : Awn al Khasawneh, remplacé par Fayez Tarawneh le 2 mai, remplacé à son tour par Abdullah Ensour le 11 octobre

Contexte

Les mouvements de protestation contre la lenteur des réformes politiques et la situation économique, notamment la réduction des subventions sur le carburant, se sont poursuivis tout au long de l’année. Le mouvement a dégénéré en violences en novembre ; un homme a été tué à Irbid dans des circonstances controversées et deux policiers sont morts des suites de blessures par balle reçues lors de troubles à Karak et à Amman. Le roi a tenté de calmer la dissidence en nommant un nouveau Premier ministre en mai ; en octobre, il a dissous le Parlement et changé de nouveau le Premier ministre. Des élections étaient programmées pour janvier 2013, aux termes d’une loi électorale approuvée en juillet par un décret royal. Des membres de l’opposition ont affirmé que les candidats partisans du gouvernement conservaient un avantage injuste.
Des milliers de personnes fuyant le conflit en Syrie se sont réfugiées en Jordanie, ce qui a aggravé la pression sur les ressources.
En novembre, un tribunal britannique a empêché le gouvernement du Royaume-Uni d’extrader Abou Qatada vers la Jordanie, en faisant valoir que cet homme risquait de ne pas bénéficier d’un procès équitable dans son pays (Voir Royaume-Uni).

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Les forces de sécurité ont arrêté des centaines de manifestants, y compris des manifestants pacifiques, qui réclamaient des réformes politiques, entre autres ; beaucoup ont été battus au moment de leur interpellation ou en détention. En septembre, le gouvernement a modifié la Loi relative à la presse et aux publications, introduisant des restrictions supplémentaires sur les médias électroniques : les autorités avaient désormais le pouvoir de fermer ou de bloquer des sites Internet.
 Six membres du Free Tafileh Movement, une organisation qui milite en faveur de réformes, ont été arrêtés en mars et sont restés détenus pendant plus d’un mois pour avoir « insulté le roi », entre autres infractions liées à une manifestation violente qui s’était déroulée à Tafila et à laquelle ils n’avaient semble-t-il pas participé. Majdi Qableen, l’un des hommes interpellés, a été interrogé par des membres du Département des renseignements généraux (DRG), qui l’auraient battu après lui avoir bandé les yeux et attaché les pieds. Au moins deux autres membres du Free Tafileh Movement ont été frappés en détention. Ils ont été remis en liberté en avril sans avoir été inculpés.
 Ola Saif a été arrêtée en novembre à Amman au cours d’une manifestation pacifique contre la politique économique. Cette femme affirme avoir été frappée dans les locaux de la Direction centrale de la sécurité publique (DSP), à Amman, et privée de tout contact avec ses proches ou avec un avocat. Inculpée de tentative de renversement du système politique, elle a été remise en liberté le 5 décembre.

Torture et autres mauvais traitements

Des informations ont fait état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des individus soupçonnés de représenter une menace pour la sécurité ainsi qu’à des personnes arrêtées à la suite de manifestations en faveur de réformes et qui, dans certains cas, étaient maintenues en détention prolongée au secret.
 Onze hommes arrêtés le 21 octobre car on les soupçonnait de préparer des attaques violentes à Amman ont été maintenus au secret de manière quasi continue pendant plus de deux mois dans les locaux du DRG dans la capitale, sans être autorisés à rencontrer leur famille ni un avocat. La plupart d’entre eux ont affirmé qu’ils avaient été contraints de passer des « aveux » sous la torture.
 Rami al Sehwal aurait été déshabillé, ligoté et battu pendant plus de deux jours par des policiers et des agents du DRG qui entendaient lui donner, ainsi qu’à 12 autres hommes interpellés lors d’une manifestation pacifique à Amman le 30 mars, « une leçon ». Ces 13 hommes ont été remis en liberté sans inculpation.

Procès inéquitables

Cette année encore, des civils accusés d’infractions liées à la sécurité ont comparu devant la Cour de sûreté de l’État dans le cadre de procès qui n’étaient pas conformes aux normes d’équité internationalement reconnues. Inculpées aux termes d’articles du Code pénal érigeant la dissidence pacifique en infraction, plusieurs centaines de personnes, dont neuf enfants, ont été déférées devant cette juridiction.
 Uday Abu Isa a été condamné en janvier à deux ans d’emprisonnement par la Cour de sûreté de l’État pour avoir brûlé un portrait du roi au cours d’une manifestation. Ce prisonnier d’opinion a été détenu pendant sept semaines avant d’être élargi à la faveur d’une grâce accordée par le roi. Il s’est plaint d’avoir été battu par des policiers après son interpellation.

Détention sans procès

Cette année encore, plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, de personnes ont été maintenues en détention prolongée sans inculpation ni jugement en vertu de la Loi de 1954 relative à la prévention de la criminalité. Ce texte autorise les gouverneurs de province à ordonner le maintien en détention, sans inculpation et pour une durée indéterminée, de quiconque est soupçonné d’avoir commis un crime ou est considéré comme représentant un « danger pour la société ».

Violences et discrimination à l’égard des femmes

Les femmes étaient victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique ; elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences liées au genre. Dix femmes au moins auraient été tuées par des parents proches de sexe masculin au nom de l’« honneur » de leur famille.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et la rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes [ONU] ont recommandé au gouvernement de réviser la Loi relative à la citoyenneté et à la nationalité afin que les Jordaniennes puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint, comme les Jordaniens peuvent le faire. Ils l’ont également appelé à lever les réserves formulées aux articles 9 et 16 de la Convention sur les femmes [ONU] relatifs à la nationalité et à la discrimination dans le cadre des relations familiales. Le Premier ministre a déclaré, en novembre, que le gouvernement allait prendre en compte la question des réserves.

Droits des migrants – les employés de maison

Selon certaines sources, des employés de maison, essentiellement des femmes, étaient enfermés au domicile de leur employeur, privés de leur salaire et dépouillés de leur passeport. Certains subissaient des mauvais traitements psychologiques ou physiques, y compris des violences sexuelles, de la part de leur employeur.
En mars, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a exhorté le gouvernement à faire en sorte que toutes les personnes employées en Jordanie, y compris les domestiques migrants, exercent leurs droits liés au travail, quelle que soit leur origine nationale ou ethnique.

Réfugiés et demandeurs d’asile

Des milliers de personnes qui fuyaient le conflit en Syrie se sont réfugiées en Jordanie. En décembre, le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré que 163 088 Syriens étaient enregistrés ou en cours d’enregistrement auprès de ses services ; le nombre total de réfugiés présents sur le territoire était probablement plus élevé. Selon certaines informations, des réfugiés palestiniens et syriens ont été renvoyés en Syrie contre leur gré. Le 31 août, le ministre jordanien des Affaires étrangères a annoncé que 200 Syriens environ avaient été expulsés du camp de réfugiés de Zaatari et ramenés à la frontière syrienne pour participation à une « émeute » et incitation à la violence.

Peine de mort

Seize personnes au moins ont été condamnées à mort ; au moins cinq peines capitales ont été commuées. Aucune exécution n’a eu lieu. La Jordanie n’avait procédé à aucune exécution depuis 2006.

Visites et documents d’Amnesty International

 Amnesty International s’est rendue en Jordanie en février et en juillet pour effectuer des recherches sur la situation des droits humains en Syrie.
 Jordanie. La décision de libérer deux détracteurs du gouvernement est considérée comme un premier pas positif (MDE 16/001/2012).
 Jordanie. Il faut libérer les six militants réformistes qui font l’objet d’une enquête pour avoir « insulté » le roi (MDE 16/002/2012).
 Jordan : Arbitrary arrests, torture and other ill-treatment and lack of adequate medical care of detained protestors (MDE 16/003/2012).
 Jordanie : l’arrestation de 20 militants favorables aux réformes annonce un tour de vis contre la liberté d’expression (PRE01/489/2012).

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit