ANGOLA

République d’Angola

Chef de l’État et du gouvernement : José Eduardo dos Santos

La liberté d’association et de réunion continuait d’être réprimée. Plusieurs milliers de familles ont été victimes d’expulsions forcées. Un jeune jugé pour diffamation envers la personne du président a été acquitté, et le procès d’un autre homme inculpé de la même infraction pénale envers l’autorité publique s’est ouvert. Le procès d’agents de l’État soupçonnés d’être impliqués dans la disparition de deux hommes en 2012 s’est ouvert, puis a été suspendu, avant de reprendre.

CONTEXTE

En janvier, le président José Eduardo dos Santos a pris la présidence de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.
Des informations ont fait état de violences politiques sporadiques opposant des membres du parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), à des membres de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA).
L’Angola a accueilli, du 28 avril au 12 mai, la 55e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans sa capitale, Luanda.
Entre le 16 et le 31 mai, le pays a organisé un recensement général de la population et des logements. Le précédent remontait à 1970, avant l’indépendance du pays. D’après les résultats préliminaires, rendus publics en octobre, le pays comptait plus de 24,3 millions d’habitants, dont 52 % de femmes.
Au mois d’octobre, la situation en matière de droits humains en Angola a été examinée dans le cadre de l’Examen périodique universel de l’ONU1. Le pays a accepté 192 recommandations sur les 226 qui avaient été formulées. Il a pris en considération les 34 recommandations restantes, concernant en particulier la liberté d’expression, d’association et de réunion, pour réponse ultérieure.

DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT – EXPULSIONS FORCÉES

En 2014, les autorités ont mené des expulsions forcées sur une plus grande échelle que les deux années précédentes. Au moins 4 000 familles de la province de Luanda ont été expulsées de force et leurs habitations démolies. Elles étaient 700, peut- être davantage, à se retrouver sans logement décent. Des expulsions ont également été signalées dans d’autres provinces, dont celle de Cabinda.

À partir du 20 janvier, 2 000 familles auraient été expulsées de leur logement dans le quartier de Chicala, à Luanda. Leurs habitations devaient être démolies depuis deux ans. Certaines des personnes expulsées ont été relogées dans un autre quartier de la capitale, Zango, tandis que d’autres se sont vu proposer des tentes sur un terrain non bâti de la municipalité de Kissama, à une centaine de kilomètres de Luanda. Ce n’est qu’en septembre qu’on leur a donné des terres et des tôles pour construire des habitations.
Entre le 28 mai et le 6 juin, 600 familles d’Areia Branca, un quartier de Luanda, auraient été expulsées de force et leurs habitations démolies. Un hôtel devait, semble-t-il, être construit sur le terrain qu’elles occupaient. Des policiers armés, dont des membres de la police antiémeutes et d’une brigade canine, auraient frappé les habitants expulsés. La plupart vivaient dans le quartier depuis six à 10 ans, et certains ont indiqué qu’ils possédaient des titres de propriété sur les terrains occupés. Les familles ont été déplacées dans le district de Samba (Luanda) où, d’après les informations reçues, elles se trouvaient encore à la fin de l’année, vivant dans des cahutes en carton.

LIBERTÉ DE RÉUNION

La police et les forces de sécurité ont recouru à la force ou ont menacé d’y avoir recours, et ont procédé à des arrestations arbitraires pour réprimer des manifestations pacifiques2.
À plusieurs reprises, la police a interpellé des manifestants et les a passés à tabac avant de les abandonner à des centaines de kilomètres du lieu de leur arrestation. En juillet, des jeunes des quartiers informels ont commencé à se mobiliser dans le cadre d’un projet qu’ils ont appelé Mouvement en faveur des manifestations dans les musseques. En Angola, « musseque » est un mot familier qui signifie bidonville. D’après ses organisateurs, l’objectif du mouvement était de manifester pacifiquement pour obtenir de meilleures conditions de vie dans les quartiers informels.
La police aurait arrêté et frappé des jeunes qui manifestaient sans violence pour marquer l’anniversaire des massacres du 27 mai 1977. Selon certaines sources, une centaine de personnes s’étaient rassemblées sur la place de l’Indépendance, à Luanda, pour manifester et demander la création de commissions d’enquête sur les massacres de 1977, ainsi que sur les homicides de trois militants en 2012 et 2013. La police a détenu 20 jeunes pendant plusieurs heures et les a, semble-t-il, roués de coups avant de les abandonner à Catete, une ville située à 60 kilomètres de Luanda.
Le 21 juin, la police antiémeutes a utilisé des gaz lacrymogènes et a violemment dispersé une manifestation pacifique organisée à Lubango par le syndicat enseignant SINPROF, qui réclamait le versement des traitements impayés. Vingt enseignants ont été arrêtés. Acquittés à l’issue d’un procès sommaire, ils ont été remis en liberté le 23 juin.

HOMICIDES ILLÉGAUX

La police et les forces de sécurité continuaient de jouir de l’impunité dans des affaires d’homicides illégaux commis dans plusieurs provinces, dont celles de Luanda, de Malanje, de Lunda-Sud et de Lunda-Nord.
En mai, des policiers en civil appartenant au poste n° 32 du district de Kilamba Kiaxi (Luanda) auraient abattu Manuel Samuel Tiago, Damião Zua Neto « Dani » et Gosmo Pascoal Muhongo Quicassa « Smith ».
Des témoins ont raconté que les jeunes se trouvaient à bord d’un véhicule stationné devant un snack-bar, dans le quartier du 28 de Agosto (district de Kilamba Kiaxi).
Les policiers se sont arrêtés à côté de leur véhicule et auraient tiré des coups de feu sur celui-ci. Le frère de Manuel Samuel Tiago, qui a assisté à la scène, a indiqué que son frère était sorti du véhicule et avait supplié les policiers de cesser de tirer, mais que l’un d’entre eux l’avait abattu. Une enquête a été ouverte mais à la fin de 2014 aucune nouvelle information n’avait filtré à ce sujet. En juillet, un agent de sécurité privé a abattu Lucas Tiago à Cuango (province de Lunda-Nord). Selon les informations reçues, des policiers et des agents de sécurité privés menaient une opération dans la région contre l’extraction illégale de diamants lorsque Lucas Tiago a reçu une balle dans le dos.
Cet épisode a entraîné des affrontements entre les autres mineurs et les agents de sécurité et les policiers, qui auraient arrêté 22 d’entre eux. Une enquête a été ouverte sur les circonstances de la mort de Lucas Tiago, mais à la fin de 2014 aucune nouvelle information n’avait filtré à ce sujet.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Les autorités ont cette année encore engagé des poursuites pénales pour diffamation.
Les appels interjetés par deux journalistes, Armando Chicoca et William Tonet, déclarés coupables de diffamation en 2011, n’avaient toujours pas été examinés.
Le 14 août, Manuel Nito Alves a été jugé pour diffamation envers la personne du président angolais et acquitté, faute de preuve. Ce chef d’inculpation avait été prononcé après qu’il eut commandé des tee-shirts où étaient imprimés des mots considérés comme offensants à l’égard du président. Il avait été arrêté par des policiers et des agents des services de sécurité de l’État le 12 septembre 2013, alors qu’il venait chercher les tee-shirts dans la boutique qui s’était occupée de l’impression. Il avait alors 17 ans.
Le 19 août, Rafael Marques de Morais, journaliste et militant des droits humains, s’est vu signifier son inculpation pour diffamation par le tribunal provincial de Luanda, à la suite de plaintes portées à son encontre par le directeur du service de renseignement de la présidence, six autres généraux et la compagnie minière Sociedade Mineira do Cuango (SMC). Cette inculpation faisait suite à la publication au Portugal d’un ouvrage intitulé Diamantes de Sangue : Tortura e Corrupção em Angola (Diamants de sang : torture et corruption en Angola), où il accusait le directeur du service de renseignement et les six généraux de s’être livrés à des violations des droits humains dans les mines de diamants des provinces de Lunda-Nord et de Lunda-Sud. Les parties civiles réclameraient des dommages-intérêts s’élevant à 1,2 million de dollars des États- Unis ; Rafael Marques de Morais encourait par ailleurs une peine d’emprisonnement.
Aucune date de procès n’avait été fixée à la fin de l’année.
La police a frappé et interpellé des journalistes qui publiaient des informations sur des atteintes aux droits fondamentaux. Au moins deux journalistes qui avaient évoqué des actes commis par des policiers ont été placés en détention.
Le 2 février, la police a arrêté Queirós Anastácio Chiluvia, journaliste travaillant pour Rádio Despertar (la radio de l’UNITA), alors qu’il tentait de parler des appels à l’aide lancés par des personnes détenues en faveur d’un de leurs codétenus au poste de police central de la municipalité de Cacuaco. Queirós Anastácio Chiluvia aurait été maintenu cinq jours en détention, sans inculpation, avant d’être jugé et déclaré coupable le 7 février d’outrage à agent de la force publique, de diffamation et d’exercice illégal de la profession de journaliste. Il a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

DISPARITIONS FORCÉES

On ignorait toujours ce qu’il était advenu du journaliste Milocas Pereira (disparu en 2012), ainsi que de Cláudio António « Ndela » et Adilson Panela Gregório « Belucho » (tous deux disparus en 2013). Un procès sur la disparition de deux hommes s’est ouvert devant le tribunal provincial de Luanda.
Le 18 novembre, le procès de huit représentants de l’État accusés d’avoir enlevé Silva Alves Kamulingue et Isaías Sebastião Cassule en mai 2012, puis de les avoir tués, a repris devant le tribunal provincial de Luanda. Il s’était ouvert le 1er septembre, mais avait été suspendu le 4 septembre car l’un des accusés, le directeur du service du renseignement et de la sûreté de l’État au moment des faits, avait été promu au grade de général, semble-t-il par le président dos Santos. Or, le tribunal provincial de Luanda n’était pas compétent pour juger un général d’armée. Le 22 septembre, le président a annulé cette promotion et ordonné une enquête sur la procédure qui avait conduit à celle-ci. À la fin de l’année, aucune nouvelle information n’avait été communiquée sur ce procès.

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