CAMEROUN

République du Cameroun

Chef de l’État : Paul Biya Chef du gouvernement : Philémon Yang

La liberté d’association et de réunion restait soumise à des restrictions. Les défenseurs des droits humains faisaient souvent l’objet de manœuvres d’intimidation et de harcèlement de la part d’agents des forces de sécurité gouvernementales. Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTI) étaient toujours en butte à la discrimination, à des manœuvres d’intimidation, au harcèlement et à d’autres formes d’agression. Le groupe armé islamiste nigérian Boko Haram a intensifié ses attaques dans le nord-est du Cameroun ; il a notamment commis des homicides, incendié des villages et réalisé des prises d’otages. Des personnes soupçonnées d’appartenir à Boko Haram auraient été arrêtées arbitrairement, placées en détention ou exécutées de manière extrajudiciaire par des membres des forces de sécurité. Des centaines de milliers de réfugiés venus du Nigeria et de la République centrafricaine vivaient dans des camps surpeuplés, où les conditions étaient très difficiles.

CONTEXTE

Des signes d’instabilité étaient perceptibles à travers le pays du fait de tensions politiques internes et de l’évolution de la situation extérieure, notamment les attaques transfrontières lancées par Boko Haram et les violences dans la République centrafricaine voisine. Les forces de sécurité, y compris la Brigade d’intervention rapide (BIR), se sont rendues coupables de violations des droits humains, dont des homicides, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des détentions illégales. La plupart de ces violations ont été commises dans le contexte de la lutte contre Boko Haram.

EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES

Plusieurs personnes soupçonnées d’être liées à Boko Haram auraient été tuées par les forces de sécurité, notamment par des agents de la BIR, dans le nord du Cameroun. Le 1er juin, Nzouane Clair René, un infirmier, a été abattu près de la ville de Mora après avoir été arrêté par les forces de sécurité.
Le même jour, Ousmane Djibrine et Gréma Abakar, des négociants se rendant au marché du village de Zigagué, auraient été tués par des membres de la BIR dans le village de Dabanga. Le 15 juin, Malloum Abba a été tué par des membres de la BIR dans le village de Tolkomari. Le 20 juin, Oumaté Kola aurait été retrouvé mort dans la forêt de Mozogo ; arrêté par des membres de la BIR quelques jours plus tôt, il aurait été tué par balle. Le même jour Boukar Madjo a été abattu, par des membres de la BIR semble-t-il, dans la ville de Nguetchewé.

DISPARITIONS FORCÉES

Plusieurs cas de disparition forcée ont été signalés, en particulier dans l’extrême nord du pays, où les forces de sécurité combattaient Boko Haram. La plupart de ces disparitions seraient imputables à la BIR.
Le 2 juin, Abakar Kamsouloum aurait été arrêté par les forces de sécurité à son domicile de Kousseri et transféré dans un camp militaire. À la fin de l’année, sa famille et les organisations locales de la société civile ignoraient toujours tout sur ce qu’il était advenu de lui, et ce malgré les nombreuses demandes d’informations adressées aux autorités locales.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS

Boko Haram s’est rendu coupable d’atteintes aux droits humains, en particulier dans le nord-est du pays. Ce groupe a incendié des habitations et tué plusieurs personnes lors de raids dans des villages, souvent menés à des fins punitives en cas de coopération, réelle ou supposée, avec les forces de sécurité camerounaises.
Ses combattants ont enlevé plusieurs personnes au Cameroun pendant l’année. Certaines ont été relâchées, souvent contre le paiement d’une rançon par le gouvernement, semble-t-il. Les autorités continuaient toutefois de nier cette allégation. Le 27 juillet, des membres de Boko Haram ont attaqué la résidence du vice-Premier ministre camerounais, Amadou Ali, dans le village de Kolofata, près de la frontière nigériane. Dix- sept personnes ont été enlevées, y compris l’épouse du vice-Premier ministre. Plusieurs autres, dont des policiers, ont été tuées lors de l’attaque. Toutes les personnes enlevées ont été relâchées en octobre, de même que 10 travailleurs chinois enlevés en mai.

DROITS DES RÉFUGIÉS ET DES MIGRANTS

Des milliers de réfugiés qui avaient fui les violences en République centrafricaine et au Nigeria subissaient des conditions de vie pénibles dans des camps surpeuplés, situés en zone frontalière. À la fin de l’année, le Cameroun comptait environ 40 000 réfugiés du Nigeria et 238 517 de la République centrafricaine. Parmi ces derniers, au moins 130 000 étaient entrés au Cameroun à la suite des violences qui avaient éclaté en décembre 2013 dans leur pays entre les anti-balaka et la Séléka, deux groupes armés. Dans les camps, les conditions étaient difficiles et des attaques perpétrées par des groupes armés non identifiés ont été signalées. Ces attaques ont conduit le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à transférer des personnes vers des endroits plus sûrs du pays.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES

La discrimination, les manœuvres d’intimidation, le harcèlement et les violences visant des LGBTI demeuraient un sujet de préoccupation grave. Des LGBTI, principalement des hommes mais aussi des femmes, ont été arrêtés parce qu’ils étaient accusés d’avoir eu des relations sexuelles avec des personnes du même sexe. Plusieurs d’entre eux ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans.
D’autres ont été détenus arbitrairement et remis en liberté par la suite.
Le 1er octobre, cinq personnes, dont une personne transgenre, ont été arrêtées à l’issue d’une descente de police dans une habitation de Yaoundé, la capitale. Elles ont ensuite été placées en détention dans un poste de police voisin et une sixième personne a connu le même sort lorsqu’elle leur a rendu visite.
Deux ont été relâchées le jour même. Les quatre autres ont été inculpées de prostitution et de « trouble de jouissance ». Elles ont été maintenues en détention jusqu’au 7 octobre, date à laquelle elles ont été libérées dans l’attente des résultats d’une enquête.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

Des individus et des groupes défendant les droits humains ont été fréquemment la cible de manœuvres d’intimidation, de harcèlement et de menaces. Les locaux de certaines organisations de défense des droits humains ont été placés sous surveillance. Ils ont parfois été attaqués, apparemment par des agents des forces de sécurité.
Dans la nuit du 12 juin, les bureaux du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) ont été cambriolés par huit hommes armés, qui n’ont pas été identifiés. Ces derniers ont menacé de tuer le gardien avant de s’introduire de force dans les locaux ; ils ont fouillé parmi les documents et auraient emporté deux postes de télévision, trois ordinateurs portables, un iPad et de l’argent. C’était la quatrième fois que les locaux du REDHAC étaient attaqués. Bien que l’organisation ait déposé des plaintes auprès de la police, les autorités n’ont pris aucune mesure concrète pour mener une enquête approfondie et véritable sur ces faits.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Des personnes étaient encore arrêtées et détenues sans inculpation par les forces de sécurité, notamment par des agents de la Brigade d’intervention rapide dans le cadre de l’opération qu’elle menait contre Boko Haram dans les régions septentrionales. On a relevé plusieurs cas de détention au secret.
La plupart des détenus n’étaient pas autorisés à recevoir la visite de leurs proches ni à consulter un médecin ou un avocat. D’autres personnes ont été arrêtées arbitrairement et détenues par la police ou la gendarmerie dans le cadre d’affaires civiles, en violation de certaines dispositions de la Constitution et du droit camerounais.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Des opposants au régime, réels ou supposés, continuaient d’être privés du droit d’organiser des activités et des manifestations pacifiques.
Le 3 octobre, le chanteur de reggae Joe de Vinci Kameni, surnommé Joe la Conscience, a été arrêté par la police devant le consulat de France à Douala, alors qu’il s’apprêtait à manifester pacifiquement. Un journaliste local a été arrêté en même temps que lui, puis remis en liberté. Joe de Vinci Kameni a été remis en liberté sans inculpation le 9 octobre.

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